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    Pierre Manent, Œuvre

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Pierre Manent, Œuvre  Empty Pierre Manent, Œuvre

    Message par Johnathan R. Razorback Ven 26 Déc - 23:59

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    https://books.google.fr/books?id=vOk9DwAAQBAJ&printsec=frontcover&dq=pierre+manent&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwj23N2W6bnaAhVLsBQKHRSCBY8Q6AEIYDAI#v=onepage&q=pierre%20manent&f=false

    https://books.google.fr/books?id=RxTO2TtzhgwC&printsec=frontcover&dq=pierre+manent&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwj23N2W6bnaAhVLsBQKHRSCBY8Q6AEIKDAA#v=onepage&q=pierre%20manent&f=false

    https://books.google.fr/books?id=oQ9oADdA0W0C&printsec=frontcover&dq=pierre+manent&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiKgb6p6bnaAhUKORQKHZEdC-M4ChDoAQhSMAc#v=onepage&q=pierre%20manent&f=false

    https://books.google.fr/books?id=RraTbBJ0m_YC&printsec=frontcover&dq=pierre+manent&hl=fr&sa=X&ei=G_adVN3cA8ey7QbF5YHgDg&ved=0CDAQ6AEwAA#v=onepage&q=pierre%20manent&f=false

    https://books.google.fr/books?id=3zW0QLHiYlgC&printsec=frontcover&dq=pierre+manent&hl=fr&sa=X&ei=G_adVN3cA8ey7QbF5YHgDg&ved=0CFgQ6AEwBg#v=onepage&q=pierre%20manent&f=false

    "Grandes lignes ou moments décisifs de l'histoire du libéralisme." (p.7)

    "[Je] ne commenterai pour ainsi dire aucun texte qui n'ait sa place d'honneur dans toute histoire des idées." (p.11)

    "Le développement politique de l'Europe n'est compréhensible que comme l'histoire des réponses aux problèmes posés par l'Église -association humaine d'un genre tout à fait nouveau-, chaque réponse institutionnelle posant à son tour des problèmes inédits et appelant l'invention de réponses nouvelles. La clef du développement européen, c'est ce qu'en termes savants on appelle le problème théologico-politique.
    L'Église a posé aux peuples européens deux problèmes, l'un conjoncturel, l'autre structurel. Le problème conjoncturel est bien connu: dans la désagrégation générale consécutive aux invasions barbares, l'Église a dû prendre en charge des fonctions sociales et politiques que les autorités civiles, absentes ou impuissantes, ne remplissaient pas. Ainsi se constitua un amalgame "contre nature" des fonctions civiles ou profanes et des fonctions spécifiquement religieuses. Le problème structurel est bien connu aussi, mais il importe de le formuler exactement.
    La définition que l'Église donne d'elle-même inclut une "contradiction". D'une part, le bien qu'elle apporte -le salut- n'est pas de ce monde. "Ce monde" en tant que tel, le monde de "César" ne l'intéresse pas. D'autre part, elle est chargée par Dieu même et par son Fils de conduire les hommes au salut dont elle est, par la grâce de Dieu, l'unique véhicule. Dès lors elle a un "droit de regard" ou plutôt un "devoir de regard" sur tout ce qui pourrait mettre en péril ce salut. Or, toutes les actions humaines étant confrontées à l'alternative du bien et du mal -à l'exception des actions dites "indifférentes", dont du reste la définition sera l'enjeu d'un très important débat théologique et politique, en particulier à l'époque de la Réforme, -l'Église a un "devoir de regard" sur, tendanciellement, toutes les actions humaines. Et parmi les actions humaines, les plus importantes, les plus lourdes de conséquences sont celles accomplies par les gouvernants. L'Église doit donc, en vertu de sa raison d'être, veiller avec la plus active attention à ce que les gouvernants n'ordonnent pas aux gouvernés de commettre des actions qui mettent en péril leur salut, et même, à ce qu'ils ne leur laissent pas la "liberté" de les commettre. Ainsi l'Église a-t-elle été conduite -logiquement et non pas conjoncturellement- à revendiquer le pouvoir suprême, la
    plenitudo potestatis. La définition de cette potestas peut varier considérablement, selon en particulier qu'elle est conçue comme directa ou indirecta, mais l'impact politique de sa revendication reste pour l'essentiel le même. Cette revendication prit toute son ampleur au moment de la réforme grégorienne à la fin du XIe siècle. A cette époque, c'est l'ecclesia christiana qui est considérée comme la seule vraie respublica.
    On peut résumer ainsi la "contradiction" singulière incluse dans la doctrine de l'Église catholique: simultanément elle laisse les hommes libres de s'organiser au temporel comme ils l'entendent, et elle tend à leur imposer une "théocratie". Elle leur apporte à la fois une contrainte religieuse d'une ampleur inédite, et une libération ou une émancipation de la vie profane non moins inédite -à la différence du judaïsme et de l'Islam, elle n'apporte pas une loi censée régir positivement toutes les actions des hommes dans la cité." (p.21)

    "Pourquoi l'émancipation du monde profane par rapport à l'Église ne s'est-elle pas faite, ou plutôt continuée -car elle a bien commencé ainsi- sur les principes de l'antiquité classique redécouverts ? Pourquoi la "modernité" politique n'a-t-elle pas été seulement une Renaissance prolongée et amplifiée ? Pourquoi a-t-elle rompu avec Aristote et Cicéron, ses premiers alliés, aussi bien qu'avec l'Église ?
    Les principes de l'antiquité classique ne permettaient pas réellement de gagner l'indépendance du monde profane face à l'Église. Aristote interprète la vie humaine en termes de
    biens et de fins, de biens et de fins hiérarchisés. Son enseignement permettait donc à Dante ou à Marsile de décrire avec un grand raffinement la structure de la vie profane, d'en montrer la bonté et la dignité. Mais simultanément, présentant la vie humaine comme définie par une hiérarchie de biens ou de fins, cet enseignement était vulnérable, essentiellement vulnérable, à la revendication -on pourrait dire: à la surenchère- chrétienne: le bien qu'apporte l'Église est plus grand, la fin qu'elle montre est plus haute que tout bien ou toute fin simplement naturels. Dès lors, la philosophie d'Aristote peut servir aussi bien à formuler la prétention de l'Église à la souveraineté terrestre que la revendication du monde profane contre l'Église.
    Cela est si vrai que le plus grand "aristotélicien", après Aristote, fut un docteur et un saint de l'Église: saint Thomas d'Aquin
    ." (p.33-34)

    "Cette réponse ne pouvait satisfaire ceux qui voulaient définir d'une façon tranchée et incontestable l'indépendance du monde naturel ou profane. Aristote, qu'il fût interprété par Thomas, Dante ou Marsile, ne permettait pas de résoudre notre problème théologico-politique.
    Ce problème fut résolu, je ne sais pas s'il fut résolu, mais en tout cas il fut tranché, deux siècles plus tard, en Italie aussi, par Machiavel.
    " (p.35)

    "Je m'en tiendrai à la "surface" de son œuvre, parce que c'est par cette surface que Machiavel a agi sur l'esprit des hommes." (p.37)

    "J'ai déjà évoqué le point de vue d'Aristote. Pour lui, considérer la cité selon l'exacte perspective, c'est la considérer selon sa fin: la cité est le seul cadre dans lequel l'homme puisse accomplir sa nature d'animal rationnel, en pratiquant les vertus, inséparablement civiques et morales, qui lui permettent de manifester son excellence. Il sait bien que la vie politique a sa pathologie, ses révolutions, ses changement de régime souvent accompagnés de violence -il leur consacre le livre V de la Politique-, mais concentrer exclusivement le regard des hommes sur ces phénomènes, ce serait leur faire perdre de vue leur fin propre et celle de la cité.
    Machiavel au contraire nous persuade d'attacher notre attention exclusivement, ou presque exclusivement, sur ces phénomènes: il veut nous faire perdre notre "innocence", il veut nous faire perdre ce qu'après l'avoir lu, nous serons irrésistiblement tentés d'appeler, avec un agréable sentiment de supériorité, notre "ancienne innocence", notre "ancienne niaiserie". Machiavel est le premier des maîtres du soupçon.
    " (p.39)

    "Machiavel n'efface pas la distinction entre le bien et le mal, il la préserve au contraire et il doit la préserver, s'il veut établir la proposition scandaleuse et capitale: le "bien" est fondé par le "mal".
    On saisit immédiatement les conséquences de ce point de vue sur la définition de la cité et de ses rapports avec la religion. La cité, désormais, est une île artificielle construire par des moyens violents. Elle n'est ouverte sur aucun au-delà d'elle-même ; elle n'est intelligible que par rapport à ce qui la cause. C'est dire qu'il devient malavisé et même absurde de vouloir "améliorer" ou "perfectionner" le "bien" de la cité grâce à un bien "supérieur" que la religion se chargerait d'apporter. Un tel apport ne ferait que dérégler le fonctionnement "naturel" de la cité. Un exemple le montrera. Le christianisme a produit un certain adoucissement des mœurs. La conséquence politique en est que, quand une cité est prise, on ne passe généralement plus les femmes et les enfants en esclavage. L'écervelé s'en réjouit, mais Machiavel lui montre dès lors l'identification du citoyen à sa cité, c'est-à-dire l'identification de son instinct de conservation à l'instinct de conservation de la cité est perdue: le ressort de la vie civique, de la morale civique même est fatalement détendu. Le bien public n'advient que sous le haut pouvoir de la violence et de la peur.
    Insister sur le conditionnement violent de la cité, ou montrer les maux politiques produits par l'intrusion du christianisme dans la vie civique, c'est dire la même chose: l'ordre politique est un cercle qui a en lui-même, ou plutôt en deçà de lui-même, son propre fondement. Affirmer la nécessité et la fécondité du mal, c'est affirmer l'autosuffisance de l'ordre terrestre, de l'ordre profane.
    " (p.40-41)

    "Dévalorisant radicalement les prétentions des grands à la "vertu", et faisant du peuple le support de la seule "honnêteté" que l'on puisse trouver dans la cité, Machiavel est le premier penseur démocratique.
    On saisit le lien entre l'insistance sur le mal dans la politique et l'affirmation de la bonté ou de l'honnêteté du peuple. Si l'action politique n'est pas ordonnée à un bien, ou, pour le dire en termes à la fois plus généraux et plus précis, si aucune action humaine n'a une fin intrinsèquement bonne, toute la bonté du monde se resserre dans la passivité innocente de ceux qui ordinairement n'agissent pas, en termes politiques: dans le peuple." (p.43)
    -Pierre Manent, "Machiavel et la fécondité du mal", in Histoire intellectuelle du libéralisme, Fayard/Pluriel, 2012 (1987 pour la première édition), 250 pages, pp.31-50.

    "Dans le langage moral et politique qu'élabore Hobbes, et qui est encore le nôtre aujourd'hui, le droit prend la place du bien. L'accent positif, l'intensité d'approbation morale que les Anciens, païens ou chrétiens, mettaient sur le bien, les modernes à la suite de Hobbes les mettent sur le droit, le droit de l'individu. C'est le langage et la "valeur" du libéralisme.
    Que signifie: transmettre son droit naturel illimité au souverain ? Cela signifie: reconnaître pour miennes toutes les actions, quelles qu'elles soient, accomplies par ce souverain. Je suis l'
    Auteur de tous les actes accomplis par mon souverain ; il est mon Représentant. Et l'unité du corps politique consiste en ceci: tous les membres du corps ont un même représentant, le souverain.
    Après les droits de l'individu, voici une autre catégorie fondatrice de la pensée libérale: la
    représentation." (p.63)

    "Si les hommes sont pour l'essentiel égaux, si leurs pouvoirs égaux se neutralisent, alors le pouvoir politique -celui qui donne consistance au corps politique- n'est pas naturel. Dire qu'il n'est pas naturel, c'est dire qu'il est artificiel: il faut le fabriquer. Mais l'artefact est tout entier fabriqué par l'artisan: dans le "produit fini", il n'y a -outre la matière brute, ici la nature humaine- que l'intention et la volonté de l'artisan, de l'artificer (par ce terme, qui signifie "artisan", Hobbes désigne l'homme dans sa capacité de créateur du corps politique)." (p.64)

    "Si la société civile est ce qui importe, ce qui est naturel, si l'Etat n'est que son instrument, pourquoi est-il détaché d'elle de façon si tranchée, pourquoi ne se le réapproprierait-elle pas, pourquoi ne mettrait-elle pas fin à cette "aliénation" ? Inversement, si le corps politique n'existe comme tel que par le Représentant, alors celui-ci est plus que simple représentant, c'est lui qui donne existence et constance à la société civile, c'est lui la source de l'existence sociale. La distinction entre la société civile et l'Etat, et leur jonction par l'idée de représentation enclenchent une oscillation naturelle entre deux extrêmes: le "dépérissement" de l'Etat et son absorption par la société civile d'une part, l'absorption de la société civile par l'Etat de l'autre. C'est une distinction qui appelle en quelque sorte sa négation, négation qui peut se faire au profit de l'un ou l'autre des deux termes." (p.65)

    "Si les hommes sont égaux, comme il le sont évidemment dans l'état de nature puisque le plus faible y peut toujours tuer le plus fort, il n'y a pas de raison que l'un plutôt que l'autre commande ou obéisse. Si l'obéissance ne peut être fondée sur la nature, et si par ailleurs elle est nécessaire à la paix civile, elle ne peut avoir avoir sa source que dans la convention. Elle ne peut être légitime que fondée sur le consentement de celui qui obéit. Plus généralement, toute obligation a nécessairement sa source dans un acte de celui qui est soumis à l'obligation. De sorte que si dans l'état de nature, chacun fait ce qu'il veut, c'est-à-dire qu'il juge nécessaire à sa conservation, dans l'état civil il fait aussi ce qu'il veut en obéissant au souverain, puisqu'il a consenti par principe à ce que le souverain lui ordonnera, puisqu'il est l'Auteur des actions de son Représentant." (p.66)

    "La démocratie, directe ou représentative, suppose que l'action du corps politique a sa source, son ressort dans la volonté de chacun, ou dans une volonté qui représente la volonté de chacun, lui est en quelque façon identique. Hobbes "identifie" avec force "chacun" et le souverain, mais exclut de cette identification ou de cette identité la volonté: ce qui est voulu par "chacun", c'est l'existence de la souveraineté absolue, ou plus précisément, c'est la paix dont la souveraineté absolue est l'instrument nécessaire ; quant aux volontés du souverain, elles lui sont propres. En d'autres termes, Hobbes prépare décisivement l'idée démocratique, mais reste non moins décisivement en deçà." (p.67)

    "Rousseau est celui qui a le mieux compris Hobbes et qui l'a le plus profondément critiqué. Il a très bien compris que si l'on part, sérieusement, de l'individu, il est suprêmement difficile, à vrai dire impossible d'éviter l'absolutisme. Mais comme il voulait éviter l'absolutisme, tout en partant lui aussi de l'individu, il a dû s'engager dans une réinterprétation complète non seulement de la légitimité politique mais encore de la nature humaine." (p.69)

    "Rousseau est conduit à inventer une nouvelle définition de l'homme et de sa raison: l'homme est l'être qui est capable d'obéir à une loi qu'il s'est à lui-même imposée, et la raison est en son fond autonomie ou législation de soi par soi. On est conduit à dire, employant les termes de Hobbes, qu'avec Rousseau l'homme devient "auteur" et "artificer" ou "maker" de sa propre humanité, et non plus seulement du corps politique." (p.70)

    "Le cas du pouvoir absolu hobbien est tout différent. Ce n'est plus un être tout-puissant qui donne l'existence, et le sens de son existence au pouvoir absolu qui le représente, ce sont au contraire des êtres impuissants qui le créent pour remédier précisément à leur faiblesse. Le pouvoir absolu n'est plus "représentant" de Dieu, mais "représentant" des hommes ; sa "transcendance" n'a plus origine dans la force de Dieu mais dans la faiblesse de l'homme." (p.72-73)

    "Hobbes fait naître l'ordre politique de l'impuissance humaine ; Aristote le faisait naître des capacités ou des puissances humaines. Ce que fait le corps politique hobbien, ce n'est pas, comme la cité d'Aristote, de composer et d'ajuster des forces (vertu, richesse, liberté) mais de soulager des faiblesses. Léviathan guérit, au moins pour partie, les maux de la natural condition of mankind. Sous la main de Léviathan, le sujet se trouve comme le fidèle sous celle de l'Église dont la grâce guérit les maux de sa nature pécheresse." (p.74)

    "La règle d'or est celle-ci: que chacun considère comme le meilleur régime celui sous lequel il vit ; ou mieux, qu'il ne se pose même pas cette question oiseuse, et qu'il obéisse en toute candeur de conscience à tout ce que lui ordonne le souverain." (p.75)

    "Hobbes peut être dit le fondateur du libéralisme parce qu'il a élaboré l'interprétation libérale de la loi: pur artifice humain, rigoureusement extérieure à chacun, elle ne transforme pas, n'informe pas les atomes individuels dont elle se borne à garantir la coexistence pacifique.
    La pensée de Hobbes est ainsi la matrice commune de la démocratie moderne et du libéralisme. Elle fonde l'idée démocratique parce qu'elle élabore la notion de la souveraineté établie sur le consentement de chacun ; elle fonde l'idée libérale parce qu'elle élabore la notion de la loi comme artifice extérieur aux individus
    ." (p.77)

    "Si l'on veut abolir l'absolutisme tout en maintenant l'interprétation libérale de la loi, il faut renoncer à l'idée même de souveraineté illimitée. C'est ce que fera Montesquieu." (p.77)

    "L'idée démocratique de la souveraineté et l'idée libérale de la loi sont contradictoires dans ce qu'elles ont chacune de positif mais parfaitement compatibles dans ce qu'elles ont de négatif. Elle ont une "matrice négative" commune: l'homme n'a pas de fin, ou de fins inscrites dans sa nature, l'élément de l'action humaine n'est pas le bien ou les biens. Les deux définitions, démocratiques et libérales, vont prendre tour à tour l'avantage, accentuant tantôt la souveraineté de la volonté collective, tantôt la liberté légale des individus. Cette "compatibilité contradictoire" des deux définitions contribue à expliquer que nos régimes démocratiques et libéraux soient à la fois remarquablement stables et sujets d'un changement social perpétuel et rapide." (p.78)

    "[Hobbes] va réinterpréter le sens de la Révélation chrétienne de sorte que l'obéissance à Dieu tendra de toute façon à se confondre avec l'obéissance au souverain." (p.79)

    "[Hobbes] devait montrer que l'Écriture elle-même, exactement interprétée, enseigne la doctrine de Hobbes: le souverain civil est absolu aussi en matière religieuse." (p.81)

    "Pour Locke et Rousseau, l'ennemi principal, celui contre lequel d'abord ils construisent leur doctrine politique, n'est plus le pouvoir politique de la religion, mais un phénomène qui semble strictement politique, à savoir l'absolutisme, et même, dans le cas de Rousseau, outre l'absolutisme, une réalité à la fois sociale, politique et morale: l'inégalité. Locke et Rousseau paraissent bien se tourner contre Hobbes. Il faut bien comprendre le sens de leur opposition.
    Qu'ils critiquent Hobbes pour avoir donné des arguments à l'absolutisme ne signifie pas qu'ils ne partagent pas l'intention qui a conduit Hobbes à construire son Léviathan. Simplement ils constatent que l'absolutisme réel, effectif, au lieu d'accomplir l'intention de Hobbes, l'entrave décisivement, puisque c'est par l'absolutisme, par son influence sur l'absolutisme et par la protection que ce dernier lui accorde, que la religion conserve ce qu'elle conserve de pouvoir politique. Ils critiquent donc la doctrine de Hobbes pour mieux accomplir son intention.
    " (p.87)
    -Pierre Manent, Histoire intellectuelle du libéralisme, Fayard/Pluriel, 2012 (1987 pour la première édition), 250 pages.

    presque parler d'une réflexion sur la logique philosophique qui préside à la succession de différents systèmes de pensées.



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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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