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    Christophe Guilluy, Fractures françaises + La France périphérique. Comment on a sacrifié les classes populaires + Le crépuscule de la France d'en haut

    Johnathan R. Razorback
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    Guilluy - Christophe Guilluy, Fractures françaises + La France périphérique. Comment on a sacrifié les classes populaires + Le crépuscule de la France d'en haut Empty Christophe Guilluy, Fractures françaises + La France périphérique. Comment on a sacrifié les classes populaires + Le crépuscule de la France d'en haut

    Message par Johnathan R. Razorback Dim 29 Oct - 16:37

    http://www.fondation-res-publica.org/Les-nouvelles-fractures-sociales-et-territoriales_a270.html

    "Les banlieues sont-elles ces territoires où les gens seraient « assignés à résidence » ou « relégués » ? Il y aurait beaucoup à dire sur l’emploi de ces expressions empruntées à l’univers quasi-concentrationnaire pour décrire une réalité urbaine. L’analyse sérieuse de la réalité du pays montre qu’en réalité la question du chômage, de la précarité, du chômage des jeunes diplômés n’est pas spécifique aux banlieues. La pauvreté non plus. On rappellera utilement que 80% des ménages pauvres urbains ne vivent pas dans les quartiers sensibles."

    "De la même manière comment décrire un univers où les habitants ne bougent pas alors même que, jusqu’à une période récente, les banlieues faisaient partie des territoires où le taux de mobilité était le plus élevé (61 % des habitants des ZUS en 1999 ne vivaient pas dans ces quartiers en 1990).
    De la même, si le taux de chômage évolue peu d’un recensement à l’autre, il faut rappeler que ce ne sont pas les mêmes chômeurs qui sont recensés à chaque date.
    La réalité des banlieues est celle de la mobilité, des gens entrent, d’autres sortent. Ceux qui arrivent sont évidemment plus pauvres car arrivant souvent de pays du Sud, ceux qui partent, souvent des jeunes diplômés, le sont moins. Ces dynamiques positives sont le plus souvent occultées, comme s’il fallait absolument maintenir un discours misérabiliste sur ces territoires pour, là encore enfermer la question sociale dans une thématique sociétale, ici la question des discriminations des nouveaux exclus.
    Cette lecture d’une société divisée entre ces quartiers sensibles et le reste des territoires ne tient pas et ne permet pas de distinguer la recomposition sociale de tous les territoires
    ."

    "La recomposition économique des grandes villes induit inévitablement une recomposition sociale. La métropolisation a, en effet, entraîné une spécialisation des activités et des emplois des grandes villes dans les secteurs les plus qualifiés, attirant les catégories les plus aisées, les catégories moyennes supérieures : c’est le phénomène de gentrification : l’appropriation par des catégories aisées ou moyennes de l’ensemble des quartiers populaires des villes. Le modèle urbain d’aujourd’hui n’est plus celui du XIXe siècle, le modèle intégrateur de la révolution industrielle. La ville attirait alors les catégories populaires parce qu’elle en avait besoin. Aujourd’hui, dans le contexte de la mondialisation, la ville n’a plus besoin, pour créer ses richesses, des catégories populaires."

    "Les médias ont construit un autre mythe : celui du cadre qui s’installe à la campagne avec son ordinateur. Ce phénomène existe mais le fond n’est pas là. On comprend d’ailleurs la logique médiatique qui véhicule cette image très rassurante. En réalité, le cadre reste en ville et achète une résidence secondaire.
    Je lie, dans ce que j’appelle la France périphérique, la France périurbaine et la France rurale car il y a une vraie unicité sociale et culturelle de ces espaces périurbains et ruraux où arrivent des catégories populaires, majoritairement des ouvriers et des employés. Aujourd’hui l’habitat type de l’ouvrier est la maison individuelle. Le logement collectif ouvrier appartient au passé. Il faudrait d’ailleurs réfléchir sur le lien entre le basculement de la classe ouvrière du logement collectif vers le pavillonnaire, sa disparition du discours de la gauche et sa disparition culturelle, comme si, en quittant les immeubles, l’ouvrier avait définitivement disparu du champ de vision des décideurs, notamment à gauche
    ."

    "La ville-centre, ne représente plus aujourd’hui que 25% de la population ; si on inclut les banlieues, on arrive à 30% ou 35%. La France des villes denses (villes-centres + banlieues) est une France minoritaire et c’est là que la gauche est majoritaire. Inversement, la visibilité de cette France majoritaire est nulle pour la gauche. On vit encore sur une représentation du territoire selon laquelle le périurbain et le rural seraient marginaux. La réalité, c’est que ce sont aujourd’hui ces espaces qui pèsent démographiquement.
    Leur dynamique est d’ailleurs beaucoup plus forte que celle des pôles urbains. Les chiffres révèlent, dans les dix dernières années, une croissance du périurbain de 3,5% par an, contre 0,4% pour les pôles urbains. Des familles s’installent, la jeunesse est très présente. Le rural forcément vieillissant et les banlieues forcément jeunes font aussi partie des clichés. La réalité, c’est qu’on vieillit aussi en banlieue. C’est un scoop : les jeunes d’il y a vingt ans ont quarante ans aujourd’hui … mais on continue à parler des jeunes des banlieues ! D’ailleurs, les statistiques montrent que le stock de jeunes dans les ZUS baisse. Eux aussi vieillissent… On peut très légitimement imaginer, dans quelques années, un papy-boom des cités
    ."

    "La majorité des diplômés au chômage sont des jeunes des espaces ruraux et périurbains. Ce constat montre évidemment que c’est bien la question de l’ascension sociale des jeunes issus des milieux populaires qui est posée. Pas celle de tel ou tel quartier. Question sociale essentielle, que les élites préféreront dissimuler une nouvelle fois derrière la question des banlieues."

    "Aujourd’hui, l’électorat de la gauche vit dans la grande ville. La gauche est donc soutenue par un électorat qui bénéficie fortement de la mondialisation. Les catégories populaires demandent protection depuis vingt ans contre les effets de la mondialisation, affectant l’emploi, les logiques économiques mais aussi contre les effets de l’immigration. La gauche est prise dans un nœud inextricable : son électorat veut la mondialisation tandis que l’électorat populaire, plutôt dans une logique de fermeture, souhaite, au contraire, la protection face à la mondialisation."
    -Christophe Guilluy, "Territoires et classes sociales en France dans la mondialisation", Intervention prononcée lors du colloque du 14 janvier 2008 de la Fondation Res Publica.

    http://www.fondation-res-publica.org/Nouvelle-geographie-sociale-et-cohesion-nationale_a460.html

    "Je rappelle que 85% des pauvres ne vivent pas dans la banlieue ; le pourcentage est à peu près identique pour les chômeurs de longue durée et pour les jeunes chômeurs. Je ne veux pas dire qu’il n’y ait pas de difficultés dans ces banlieues mais que la question spécifique des banlieues ne résume pas la question sociale. Or les discours politiques ont aujourd’hui tendance à résumer la question sociale à celle de ces quartiers. C’est une façon d’imposer à la France une géographie sociale à l’américaine : La France serait divisée entre les territoires de la classe moyenne et les ghettos ethnicisés. L’idée du ghetto noir américain s’est peu à peu imposée, y compris aux sociologues, par ailleurs souvent critiques à l’égard des États-Unis. Plus grave, si, à l’assimilation des banlieues aux ghettos noirs, on ajoute la mauvaise conscience coloniale, on caricature la question sociale. Quoi qu’on en dise, même si on nous fait croire que la politique de la ville n’est pas une politique de discrimination positive à caractère ethnique, il est facile de démontrer que l’ensemble de la géographie prioritaire en France a été dessinée sur des cartes qui prenaient en compte le critère « étrangers »."

    "La réalité de ces quartiers n’est pas celle-là. Les chômeurs d’aujourd’hui ne sont pas ceux d’hier et ne seront pas ceux de demain. La négation de cette mobilité amène à conclure à l’échec de la République. En revanche, si on analyse ces quartiers en termes de dynamique, on réalise que la République y est restée vaillante, non, certes, sans difficultés. Le nombre de jeunes diplômés a explosé dans ces quartiers et beaucoup d’entre eux partent. Évidemment, les nouveaux arrivants, qui viennent souvent des pays du Sud, sont plus pauvres et moins formés que ceux qui partent. Les maires des communes concernées – c’est le cas de Sarcelles - n’arrivent pas à retenir les habitants qui veulent partir.

    Ces quartiers doivent être pensés comme des espaces dynamiques en flux où des gens arrivent tandis que d’autres partent. Mais la République est là, les écoles sont présentes, des diplômés sortent de ces quartiers, certes trop peu, certes avec d’infinies difficultés, la délinquance. Il n’empêche que le bilan de la République est moins désastreux que ce qu’on imagine si on arrête un peu d’analyser à partir d’indicateurs sociaux en stock
    ."

    "On ne peut occulter le fait qu’aujourd’hui les milieux populaires vivent séparément en fonction de leur origine. C’est très nouveau. En tant que républicains, nous ne pensons pas en termes de communauté ni d’origine ethnique, pourtant nous sommes bien obligés de constater qu’aujourd’hui, l’ouvrier d’origine française ne vit plus avec l’ouvrier d’origine immigrée. Ce fait nouveau est lié au passage de l’immigration de travail à l’immigration familiale, à l’origine de la « crise des banlieues ». Les nouveaux-venus s’installent sur des territoires éloignés du marché du travail industriel des couches populaires, actuellement localisé en zone périurbaine et rurale. Hier localisée dans les quartiers ouvriers et populaires, l’immigration se concentre aujourd’hui dans des métropoles où ces milieux populaires ont disparu. (Contrairement à la situation qui a toujours prévalu, les immigrés arrivent dans des villes très inégalitaires, hier ils intégraient des quartiers ou communes beaucoup plus égalitaires). L’intensification des flux migratoires et l’embourgeoisement des grandes métropoles renforcent cette tendance en raréfiant toujours plus les contacts entre les milieux populaires selon leur origine.

    Bref, nous voyons se développer dans les milieux populaires une fracture immense qui constitue le plus grand danger pour la cohésion nationale. Quel discours tenir ?
    "
    -Christophe Guilluy, "Que sont devenues les couches populaires ?", Intervention au séminaire du 30 novembre 2009 de la Fondation Res Publica.

    https://fr.1lib.fr/book/4565689/c90dfa

    "Le choix d'analyser les nouvelles dynamiques sociales et territoriales à partir de la question des classes populaires peut être perçu comme "démagogique". Leur simple évocation paraît suspecte. De la même manière, la critique des élites et des classes dominantes et supérieures sera évidemment perçue comme "populiste". Nous assumons ce choix pour deux raisons. La première est que ces catégories, majoritaires, structurent encore la société. La seconde, plus fondamentale, est que l'évocation de leur réalité sociale et territoriale permet d'apprécier les effets concrets des choix économiques et sociétaux des classes dominantes. Dès lors, et s'il est entendu que le "peuple" n'a pas toujours raison face aux élites, l'évocation d'une France "vue d'en bas" permet au moins de rappeler son existence et de mieux comprendre la réalité sociale de l'Hexagone."

    "De l'exode rural consécutif à la révolution industrielle à l'exode urbain d'aujourd'hui, le statut spatial des couches populaires apparaît comme une métaphore géographique de la place qu'elles occupent désormais dans l'espace politique et culturel. "Centrale" hier, celle-ci est désormais "périphérique". Du cœur de la ville industrielle aux périphéries périurbaines et rurales des métropoles mondialisées, les couches populaires apparaissent comme les grandes perdantes de la lutte des places. La majorité des ouvriers, des employés ainsi que des ménages modestes vivent désormais sur des territoires périurbains, industriels et ruraux, à l'écart des lieux de pouvoirs économiques et culturels. C'est bien dans cette "France périphérique" qu'émerge la nouvelle sociologie de la France populaire, une sociologie qui se différencie de plus en plus de celle des grandes villes et qui trace de nouvelles lignes de fractures politiques.
    La nouvelle géographie sociale permet de distinguer une "France métropolitaine", qui concentre près de 40% de la population, et une "France périphérique" où se répartit près de 60% de la population.
    "

    "L'enjeu des prochaines décennies sera de maintenir une cohésion nationale entre des territoires qui tendent à se différencier de plus en plus culturellement ainsi qu'à accompagner une forte instabilité sociale, démographique et culturelle."

    "Comment se sentir impliqué par un débat politique essentiellement centré sur des représentations erronées de la société française ? La crise démocratique est d'abord celle d'une grille de lecture dépassée."

    "La surreprésentation depuis trente ans des banlieues difficiles non seulement dans les médias, mais aussi dans le monde de la recherche impose alors le ghetto comme le paysage emblématique de la crise de la société française. Le thématique banlieusarde est désormais omniprésente. Sur le sujet, la littérature, notamment sociologue, est profite. Il n'y a désormais plus un seul quartier sensible qui n'ait échappé à sa thèse, à sa recherche urbaine ; plus un seul îlot qui ne vive en permanence sous l’œil d'un observatoire local ou national. On connaît tout, absolument tout de ces territoires les plus étudiés de France ; de l'immeuble à l'îlot, rien n'échappe à l'analyse. Paradoxalement, cette attention extrême ne semble pas remettre en cause l'idée selon laquelle la banlieue resterait une "terra incognita" ; une idée très répandue qui permet au passage de faire perdurer la production de reportages sous prétexte d'investigations inédites ou de nouvelles recherches. Cette attention générale impose de fait les quartiers difficiles dans l'agenda des politiques. Pour l'année 2008, le journal Le Monde avait relevé que le seul département difficile de la Seine-Saint-Denis avait ainsi enregistré 174 déplacements ministériels."

    "L'association mentale "jeune de banlieues" est si forte qu'il convient de rappeler une vérité qui s'applique y compris sur ces territoires: on vieillit aussi en banlieue ! Les jeunes d'aujourd'hui ne sont pas ceux d'hier et ne seront pas ceux de demain. Rappeler cette évidence n'est pas inutile à un moment où le jeunisme est devenu une valeur dominante et que la fascination (entre attraction et répulsion) du monde médiatique et politique pour la "jeunesse des banlieues" semble truster toute réflexion sur les autres tranches d'âge.
    Le vieillissement dans le parc social est pourtant devenu un sujet de préoccupation pour l'ensemble des bailleurs sociaux. Le "papy-boom" des banlieues est en marche et le nombre de retraités pauvres, déjà en augmentation, risque de progresser très rapidement dans les prochaines années
    ."

    "La grille de lecture de la réalité banlieusarde est fondamentalement anglo-saxonne et américaine. Le modèle du ghetto américain a été d'autant plus rapidement adopté qu'il permet d'évoquer la crise des sociétés urbaines et multiculturelles. On peut s'étonner de la rapidité avec laquelle l'intelligentsia française, pourtant critique à l'égard du modèle anglo-saxon, a adopté une telle grille de lecture pour décrire une réalité sociale. S'il existe une Amérique racialiste qui rejette la communauté noire, la France serait émerger une "société d'apartheid" affirme la bien-pensance. Ce discours apparaît comme une critique à peine voilée du modèle républicain et égalitaire que nous connaissons.
    L'idée de la ghettoïsation "à l'américaine" suggère en effet que l'Etat républicain a déserté ces territoires. Stigmatisées, reléguées, les banlieues seraient ainsi sous-équipées et l'Etat y serait moins présent qu'ailleurs. Cette affirmation ne correspond pas à la réalité. Si la permanence des difficultés sociales révèle une forme d'impuissance des pouvoirs publics, elle ne signifie pas pour autant que l'Etat s'est désengagé. D'ailleurs, ces territoires bénéficient le plus souvent d'une densité d'équipements publics supérieure à celle des territoires périurbains et ruraux. C'est dans cette optique que le sociologue Dominique Lorrain a réalisé une étude comparative sur les investissements publics entre le quartier des Hautes-Noues à Villiers-sur-Marne et un quartier de la périphérie de Verdun. Dans les deux cas, les populations concernées sont modestes et/ou précaires et les taux de chômage sont élevés. La cité des Hautes-Noues est classée "sensible", tandis que le quartier de la périphérie de Verdun n'a jamais fait parler de lui. Première surprise, le revenu moyen par habitant du quartier sensible de Villiers-Sur-Marne est de 20% supérieure à celui de Verdun. L'auteur précise par ailleurs que les équipements culturels, les services publics et les facilités de transports sont moins fournis à Verdun: il faut compter trois heures pour rejoindre la métropole nancéenne contre vingt minutes pour rallier Paris depuis le quartier des Hautes-Noues
    ."
    -Christophe Guilluy, Fractures françaises, Flammarion, champ.essais, 2013 (2010 pour la première édition), 186 pages.

    https://books.google.fr/books?id=KSepCwAAQBAJ&printsec=frontcover&dq=fractures+fran%C3%A7aises&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwj_4PekoZbXAhUG1BoKHYEOCWwQ6AEIOTAD#v=onepage&q=fractures%20fran%C3%A7aises&f=false

    "La part des cadres supérieurs dans la population active a doublé entre 1982 et 2010, passant de 7.6 à 15.8% et celle des anciens cadres moyens, les "professions intermédiaires", a augmenté de 19 à 23%."

    "Vitrines de la mondialisation heureuse, [les métropoles] illustrent à merveille la société ouverte, déterritorialisée, où la mobilité des hommes et des marchandises est source de création d'emplois, de richesses et de progrès social. Ces territoires produisent désormais l'essentiel des richesses françaises en générant près des deux tiers du PIB national. Le modèle "libéral-mondialisé" y est à son apogée. On y retrouve les secteurs économiques les plus actifs et les populations les plus compatibles avec les exigences d'un modèle déterritorialisé et... inégalitaire. En effet, le marché de l'emploi ne s'adresse plus à tout le monde, mais surtout aux plus qualifiés, et aux peu ou pas qualifiés. Exit la classe moyenne ! Vive l'inégalité, de revenus, de statuts..."

    "La posture républicaine ne doit en effet pas tromper, la réalité est que nos classes dirigeantes sont pour l'essentiel acquises au modèle multiculturel et mondialisé."

    "Une carte n'est jamais une construction objective, il s'agit toujours d'un point de vue."

    "La véritable fracture n'oppose pas les urbains aux ruraux mais les territoires les plus dynamiques à la France des fragilités sociales."

    "Dans cette définition, l'espace métropolitain comprend de l'ordre de 2650 communes, soit 10% des communes françaises mais qui concentrent près de 40% de l'ensemble de la population. La "France périphérique" comprend près de 34 000 communes (90%) et regroupe 61% de la population."

    "Liste des indicateurs utilisés pour le calcul de l'indice de fragilité.

    7 indicateurs "en stock"
    Ouvriers / population active (moyenne: 23.6%) [...]
    Employés et ouvriers / population active (moyenne: 52.9%) [...]
    Temps partiel (moyenne: 17%) [...]
    Emploi précaire (moyenne: 11%) [...]
    Chômeurs (moyenne: 12%) [...]
    Propriétaires occupants précaires (1er quartile des PO < 15 639 euros) [...]
    Revenus (inf à 18 749 euros) [...]

    1 indicateur en "dynamique"
    Évolution de la part des ouvriers-employés entre 1999 et 2010
    ."

    "Aujourd'hui l'île-de-France est la première région universitaire du monde. La métropole parisienne contribue à 30% du total de la production française alors qu'elle ne représente que 18% de la population totale. L'économiste Laurent Davezies précise que si la région participe à 30% du PIB, elle n'en capte que 20% des revenus."

    "4 régions contenant les principales agglomérations fournissent 52.6% de la valeur ajoutée française (île-de-France: 30.35% ; Rhônes-Alpes: 9.87% ; PACA: 7.17% ; Nord-PdC: 5.19%). Si l'on ajoute les autres métropoles (Toulouse, Nantes, Bordeaux, Rennes, Montpellier, Aix-Marseille) on obtient plus de 80% de la production nationale."

    "L'ensemble des dynamiques sociodémographiques à l’œuvre sur les territoires s'est réalisé à "catégories populaires constantes". Ainsi, quand la part des employés et des ouvriers diminue dans les grandes métropoles, cela n'est pas la conséquence de leur disparition sociologique mais le fruit d'un processus d'éviction des espaces métropolitains."

    "Avec 27.9% de cadres parmi ses actifs en 2011, l'aire parisienne enregistre la plus importante concentration de cadres et de professions intellectuelles supérieures. [...] Dans la métropole toulousaine, la part des cadres atteint 24.5% de la population active"

    "La spécificité du modèle métropolitain est de générer sa propre sociologie. Une sociologie très inégalitaire avec d'un côté une surreprésentation des catégories supérieures, de la bourgeoisie traditionnelle aux bobos, et de l'autre des populaires essentiellement issues de l'immigration récente et souvent précaire."
    -Christophe Guilluy, La France périphérique. Comment on a sacrifié les classes populaires, Paris, Flammarion, coll. Champ.actuel, 2015 (2014 pour la 1ère édition), 185 pages.

    http://www.constructif.fr/bibliotheque/2011-6/geographie-sociale-prendre-conscience-des-fractures-francaises.html?item_id=3099

    http://www.constructif.fr/bibliotheque/2012-11/l-impact-de-la-recomposition-sociale.html?item_id=3286



    Dernière édition par Johnathan R. Razorback le Dim 21 Mar - 13:52, édité 2 fois


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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".

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    Message par Johnathan R. Razorback Ven 17 Nov - 21:26

    "La France est devenue une société "américaine" comme les autres, inégalitaires et multiculturelle. En quelque décennies, l'ordre mondialisé de la loi du marché s'est imposé." (p.9)

    "Comment une classe dominante, par définition minuscule, a-t-elle imposer un modèle que personne, et surtout pas les classes populaires, n'avait choisi ? Comment, alors que la critique du "système" (des banques, de l'oligarchie, des riches) est omniprésente dans le débat intellectuel et politique, ce modèle a-t-il pu s'établir aussi facilement ?
    En réalité, s'il y est parvenu, c'est d'abord parce qu'il est cautionné par une fraction importante de la société, constituée des gagnants de la mondialisation et de ceux qui en sont protégés. Ce sont ces catégories, qui, sans être "riches" ni détenir le "capital", forment la "France d'en haut". Sans elles, rien ne serait possible. Elles sont coresponsables des choix économiques et sociétaux qui plongent la majorité des classes populaires dans une nouvelle précarité. Elles valident une organisation territoriale, la métropolisation, qui participe à la relégation des plus modestes.
    La mondialisation a en effet généré l'existence de nouvelles citadelles, les métropoles, où se concentre une nouvelle bourgeoisie qui capte l'essentiel des bienfaits du modèle mondialisé. Au nom de la société ouverte, elle accompagne et soutient ainsi les choix économiques et sociétaux de la classe dominante, dont la conséquence est de rejeter inéluctablement ceux dont le système économique n'a plus besoin dans les périphéries territoriales et culturelles.
    Exclues du modèle mondialisé qui repose sur une division internationale du travail dans laquelle les classes populaires des pays développés (trop payées, trop protégées) n'ont plus leur place, les classes populaires se concentrent dans la "France périphérique", celle des petites villes, des villes moyennes et des territoires ruraux. De la France périphérique (celle du non à Maastricht et au référendum de 2005) à l' "Angleterre périphérique" (celle du Brexit) en passant par l' "Amérique périphérique" (celle de Trump) ou à la "Suède périphérique", le modèle économique mondialisé produit partout la même contestation populaire.
    " (p.10-11)

    "Contrairement à la bourgeoisie d'hier, les nouvelles classes dominantes et supérieures ont compris que la domination économique et culturelle serait d'autant plus efficace qu'elle s'exercerait au nom du bien et de l'ouverture. De Bordeaux à Paris en passant par Lyon, elle vote à gauche ou à droite pour des candidats du modèle mondialisé et vit majoritairement dans l'une des quinze premières métropoles de France." (p.14)

    "Modèle économique et territorial d'une rare violence, un modèle anglo-saxon, celui de la mondialisation." (p.14)

    "Hier, la bourgeoisie, c'était le grégarisme social, l'entre-soi, le rejet de l'Autre, le refus du progrès. C'était hier. Aujourd'hui, les classes supérieures ne s'enferment plus dans le "ghetto", elles sont "ouvertes", elles considèrent que la mixité sociale, culturelle, est une nécessité. Mieux, elles font aujourd'hui la promotion du "vivre-ensemble". [...]
    Dans la réalité, l'entre-soi et le réseautage n'ont jamais été aussi pratiqués. Cette aimable bourgeoisie participe ainsi directement ou indirectement au plus important processus de relégation sociale et culturelle des classes populaires, en excluant par ses choix économiques et sociaux les catégories modestes des territoires qui comptent, ceux qui créent l'emploi et les richesses. La prédation qu'elles opèrent sur l'ensemble du parc de logements privés des grandes métropoles, hier destiné aux classes populaires, n'a pas d'équivalent dans l'histoire. Mieux, il se réalise à bas bruit, sans qu'à aucun moment l'emprise de dépossession ne soit questionnée, encore moins remise en question. Il faut dire que la concentration des catégories supérieures sur les territoires qui créent l'essentiel des richesses et de l'emploi s'accompagne aussi d'une emprise de ces catégories sur le débat public et son expression.
    " (p.18)

    "Le clivage société ouverte/société fermée place de fait supériorité morale: toute critique du système économique et des choix sociétaux s'apparente alors à la posture négative du repli, elle-même annonciatrice du retour des années 1930. A ce petit jeu, les classes populaires sont forcément perdantes socialement, culturellement politiquement. L'échec politique des contempteurs du modèle économique, de Chevènement à l'extrême droite en passant par l'extrême gauche, illustre l'efficacité de cette stratégie." (p.21)

    "Cette société ouverte, mixte, égalitaire, portée dans les discours ne correspond en rien à la réalité, et encore moins à celle que revendiquent ces catégories supérieures. Dans les faits, la société mondialisée est une société fermée où le grégarisme social, le séparatisme, l'évitement et la captation des richesses et des biens n'ont jamais été si puissants." (p.22)

    "Le maintien dans les quartiers de logements sociaux de ces villes de catégories populaires immigrées et précaires permet d'offrir une main-d’œuvre bon marché à l'économie métropolitaine et contribue à l'image factice de "ville ouverte". Aujourd'hui, 60% des immigrés vivent dans les quinze premières métropoles." (p.24)

    "Débarrassée du conflit de classes, la nouvelle bourgeoisie a compris qu'il fallait offrir au peuple le visage de l'ouverture. Le vote des métropoles pour des candidats de la droite ou de la gauche libérale vient compléter efficacement le tableau d'une bourgeoisie "cool" qui a donné naissance à la ville alternative et à un mode de vie écolo et bio particulièrement agréable. D'ailleurs, Paris, la ville de tous les pouvoirs économiques et culturels, celle où le patrimoine immobilier est le plus valorisé, est aujourd'hui un bastion de la "gauche". La ville la plus riche de France, celle qui concentre le plus de cadres (43% de la population active), est aussi celle qui accueille la plus grosse fédération du PS, devant celle du Nord.
    Paris, stade suprême du nouveau capitalisme.
    " (p.27)

    "Pendant que le chômage et la précarité frappent une majorité des classes populaires, les cadres supérieurs s’enrichissent. Depuis 2008, les employés et les ouvriers ont connu une forte baisse de leur niveau de vie, respectivement moins 504 et moins 471 euros. Dans le même temps, les cadres ont gagné 292 euros de plus en dépit de la mauvaise situation économique. Le chômage et la précarisation de l'emploi qui touchent prioritairement les classes populaires et se renforcent au rythme de la métropolisation, c'est-à-dire au rythme de la concentration des emplois qualifiés et bien rémunérés." (p.31)

    "La disparition du parc privé social de fait et le renchérissement du prix du foncier rendent désormais impossible l'entrée dans ces villes d'une majorité de Français. Les classes populaires, pourtant majoritaires en France, sont devenues minoritaires dans l'ensemble des grandes métropoles." (p.35)

    "En considérant qu'un ouvrier économise 100 euros par mois, il lui faudrait un siècle pour acquérir 10 mètres carrés dans les anciens quartiers de la commune de Paris. Si les prix moyens sont inférieurs à Lyon, Toulouse ou Rennes, la progression est telle qu'elle interdit aux classes populaires de ces régions un accès à la ville.
    La carte de France des prix au mètre carré [...] est une représentation qu'on utilise peu, et pour cause, elle fait apparaître les métropoles pour ce qu'elles sont: de nouvelles citadelles désormais inaccessibles à la majorité des Français. En économisant 100 euros par mois (ce qui est beaucoup pour un salarié moyen), un travailleur français pourrait par exemple s'offrir un mètre carré de logement parisien (10 000 euros en moyenne) en dix ans ! Et la marge de progression est encore forte, puisqu'à Londres, le mètre carré peut atteindre 80 000 euros. Ces prix signifient qu'on ne parle pas ici de ville ouverte, mais de ville fermée, définitivement bouclée
    ." (p.38-39)

    "Jusqu'à la Coupe du monde de 1998, le foot était plutôt vu comme le sport des beaufs, des prolos alcoolisés. Depuis, les stades des métropoles (en France et en Europe) sont devenus des salons de thé, les tribunes se sont gentrifiées, les prix des billets se sont envolés. Le 6 février 2016, des milliers de supporteurs de Liverpool quittaient les tribunes d'Anfield pour s'insurger contre le prix des places, qui atteignent désormais 100 euros. [...] Comme dans les anciens quartiers populaires des grandes villes, nous assistons en réalité à une substitution de population. Dans les villes mondialisées, le football est devenu le spectacle de la bourgeoisie. [...] A Paris, à Lyon ou à Lille, la bourgeoisie urbaine peut désormais hurler le cri de guerres traditionnel des supporters: "On est chez nous". [...] Les Anglais, qui ont inventé le football, ont été les premiers à subir ce basculement. Les classes populaires ont disparu des gradins des grands clubs britanniques." (p.41)

    "L'hyperconcentration des catégories supérieures provoque une cohabitation de fait entre catégories supérieures de droite et de gauche. Si elles se distinguent notamment sur les questions sociétales, elles sont en accord sur l'essentiel: le modèle économique mondialisé. Reflet d'un unique, les métropoles annoncent la politique unique, en attendant le parti unique." (p.42)

    "C'est en effet à partir des métropoles que l'idéologie libérale-libertaire s'est épanouie. La sainte alliance de l'individualisme et de la loi du marché a ouvert la voie au modèle inégalitaire. Jean-Pierre Chevènement l'avait annoncé, il ne resterait rien de la droite et de la gauche si l'une abandonnait la nation et l'autre le social." (p.43)

    ""Libéral-libertaire" est une expression de Michel Clouscard. Dans Néo-fascisme et idéologie du désir (Denoël, 1973), le philosophe démontre comment le gauchisme de 1968 a facilité et accéléré l'avènement du capitalisme libéral et du "tout-marché"." (note 1 p.43)

    "Acquise à la loi du marché, aux normes libérales, à la nécessité de réduire la redistribution, la nouvelle bourgeoisie métropolitaine ne dédaigne pourtant pas la manne publique et les politiques sociales quand elles servent ses intérêts. Le géographe Gérard-François Dumont a ainsi montré à quel point les métropoles coûtent cher à la collectivité: dotation de l'Etat, équipements publics, surreprésentation des fonctionnaires territoriaux, mais aussi rénovation urbaine quasi permanente dans les banlieues des grandes villes." (p.45-46)

    "L'intérêt pour le logement social des métropoles ne relève pas non plus de l'altruisme. Si la part du logement social à Paris est passée de 13.4% en 2001 à 17.6% en 2012, ce n'est pas pour créer les conditions d'un retour des classes populaires à Paris, mais pour y maintenir les "key-workers". Ces "travailleurs clés" pour la ville que sont les personnels de santé, instituteurs, policiers, professions intermédiaires, n'ont plus accès au parc de logements privés et doivent souvent s'exiler. Si la disparition des classes populaires traditionnelles ne préoccupe pas les municipalités, en revanche la disparition de ces petites mains qui assurent la continuité des services publics commence à inquiéter. Les immigrés dans le parc très social de banlieues, les key-worker dans le parc social intermédiaires de la ville-centre: la bourgeoisie libérale des métropoles sait se faire étatiste quand ses intérêts sont en jeu." (p.47)

    "Au vu des chiffres d'entrée sur le territoire, Sarkozy aura été le président le plus "immigrationniste"." (p.59)

    "La corporation est majoritairement acquise aux idéaux de la gauche socialiste (au premier tour de l'élection présidentielle 39% des journalistes déclarent avoir voté pour François Hollande, 19% pour Jean-Luc Mélenchon et 18% pour Nicolas Sarkozy. Au second tour, 74% choisiront François Hollande. Seuls 3% des sondés disent avoir voté Marine Le Pen)." (p.60-61)

    "Les cadres supérieurs représentent 57% des personnes qui prennent la parole dans les programmes de la télévision française, contre 2% des ouvriers ! [...] Enfin, les retraités, 20% de la population, représentent 3% de ceux que l'on voit sur le petit écran." (p.64-65)

    "Il faut dire que les bobos n'entendent pas jouer avec l'avenir de leurs enfants. Dans la vie réelle, la logorrhée multiculturaliste ne pèse pas grand-chose, ce sera donc l'École alsacienne, le bon collègue public ou, au "pire", l'inscription dans la privé. La mixité, le multiculturalisme réel, c'est pour les autres." (p.70)

    "Il n'y a pas d'alliance objective entre classes populaires et petite bourgeoisie, tout simplement parce que les intérêts de classe sont différents et que les pratiques culturelles divergent. La mise en avant d'un discours positif sur les bienfaits du multiculturalisme vise à faire croire à une hypothétique "alliance de classes". La réalité montre qu'au contraire la "cohabitation" repose sur des frontières invisibles, et quand la rencontre a lieu, elle repose sur des rapports classiques de domination sociale: la femme de ménage, la nounou, le plongeur du restaurant du coin, l'ouvrier qui rénove l'appartement. Le statut dans le logement, locataire dans le logement social pour les uns, propriétaire ou locataire dans le parc privé pour les autres, renforce cette distance sociale. L'illusion d'une alliance possible entre des catégories supérieures boboïsées et des classes populaires issues de l'immigration se brise sur la réalité de territoires mixtes mais séparés, marqués par des inégalités sociales et culturelles qui induisent mécaniquement des rapports de classe inégalitaires." (p.72-73)

    "Si la division internationale du travail permet de réduire les coûts salariaux en remplaçant l'ouvrier européen par l'ouvrier chinois ou indien, l'immigration permet d'exercer un dumping social efficace pour les industries et services qui ne sont pas délocalisables. Les besoins sont d'autant plus importants que les classes populaires traditionnelles ne vivent plus dans les grandes agglomérations. Le marché de l'emploi peu ou pas qualifié des grandes métropoles est ainsi très largement occupé par cette main-d’œuvre, notamment dans le BTP, la restauration ou les services. L'immigration permet de répondre aux besoins du marché de l'emploi peu ou pas qualifié des métropoles, mais aussi de contrôler la masse salariale d'une main-d’œuvre bon marché et peu syndiquée. Bref, un système d'exploitation "classique" de l'immigration qui repose sur la permanence des flux. D'ailleurs, si le Medef prône la poursuite d'une immigration élevée, c'est d'abord pour exercer une concurrence permanente, non pas entre "autochtone" et "immigré", mais entre immigrés, afin d'empêcher toute augmentation de la masse salariale.
    Cette politique patronale, particulièrement efficace dans les métropoles, sert aussi les intérêts de la nouvelle bourgeoisie urbaine. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si l'opinion selon laquelle "il n'y a pas trop d'étrangers en France" n'est majoritaire que chez les cadres (54%, contre 38% pour les professions intermédiaires, 27% chez les ouvriers et 23% chez les employés).
    Si les partisans de la société ouverte affichent avec constance une volonté d'accueil désintéressée, cette position morale n'est pas pour autant dénuée d'intérêt. L'immigration permet en effet à ces catégories qui ne sont pas "riches" de maintenir un mode de vie "bourgeois" au cœur des villes les plus onéreuses de France
    ." (p.74-75)

    "La gentrification des grandes métropoles a [...] détourné mécaniquement la fonction même de la manifestation. Les grands rassemblements, ceux dont parlent les médias, épousent logiquement les revendications des habitants des grandes villes. Ainsi, si la bourgeoisie traditionnelle des grandes métropoles, plutôt de droite, a fourni l'essentiel des troupes des grands rassemblements contre le "mariage pour tous", c'est la nouvelle bourgeoisie, plutôt de gauche, qui constituait l'essentiel des bataillons de la manifestation de soutien à Charlie Hebdo.
    Point commun, dans les deux cas: absence des classes populaires (des banlieues et de la France périphérique) et surreprésentation des bourgeoisies métropolitaines, blanches et éduquées. La sous-représentation des classes populaires dans les mouvements sociaux tient bien sûr au processus de désaffiliation politique de catégories qui ne se sentent plus représentées depuis très longtemps par le monde politique, syndical et médiatique, mais aussi à leur disparition au sein de toutes les grandes villes. Difficile, en effet, de participer à des manifestations de fait éloignées de la France populaire."(p.77-78)

    "La campagne sur le traité européen [de Maastricht] fit apparaître de nouveaux clivages à l'intérieur de la gauche et de la droite. La gauche favorable au traité était menée par François Mitterrand tandis que l'extrême gauche et le Parti communiste se prononçaient pour le non. A droite, les opposants étaient réunis autour de Séguin et Pasqua, le camp du oui se réunissant autour de Chirac et Balladur. Les résultats du vote révélèrent de nouvelles fractures sociale et territoriale, avec notamment une surreprésentation du non dans les milieux populaires." (p.85)

    "La crise sociale, culturelle et identitaire qui traverse l'ensemble des pays développés est celle de la "sortie de la classe moyenne" d'une majorité des classes salariées occidentales. Les modèles nationaux n'ont pas résisté au rouleau compresseur de la mondialisation, partout le modèle inégalitaire et multiculturel s'est imposé. La France, comme les autres pays développés, est devenue une société américaine comme les autres où la classe moyenne disparaît, où les inégalités sociales et territoriales s'accroissent, tandis qu'émerge une société multiculturelle sous tension.
    L'économie mondialisée, qui repose sur une division internationale du travail, mais aussi sur la mécanisation et la robotisation, n'a plus besoin des classes populaires occidentales (trop chères, trop protégées), mais d'ouvriers en Chine, en Inde ou en Afrique et de cadres (bien rémunérés) et d'immigrés (sous-payés) aux Etats-Unis et en Europe. L'adaptation des sociétés européennes et américaines aux normes de l'économie-monde passe donc par la mise en oeuvre du plus grand plan social de l'Histoire, celui des classes populaires. Cette procédure de licenciement massive n'a pas été annoncée, encore moins négociée, mais elle a bien été enclenchée au début des années 1970, période où les courbes du PIB et du chômage deviennent parallèles. Le modèle mondialisé démontre alors son efficacité économique et sa capacité à exclure les catégories modestes. Si les classes populaires n'ont pas officiellement reçu leur lettre de licenciement, elles ont été discrètement reléguées sur les territoires les moins connectés à l'économie-monde. Les logiques foncières, économiques, sociales, bref, la main invisible du marché, se sont chargées de la procédure de licenciement en reléguant en douceur la majorité des classes populaires occidentales dans les périphéries géographiques et culturelles de la mondialisation
    ." (p.86-87)

    "Jean-Pierre Chevènement a été l'un des premiers à comprendre l'impasse de la mondialisation. Il a très vite pointé les conséquences économiques et sociales que provoquerait la perte de souveraineté. La désindustrialisation massive et la précarisation des classes populaires lui ont donné raison. Mais, candidat à l'élection présidentielle de 2002, l'ancien ministre de l'Éducation nationale et de la Défense a perdu. Son score de 5.33% est sans appem: le "camp républicain", celui de l'égalité, de la laïcité, a perdu. Pis, il n'a pas capté un électorat populaire qu'il défendait sur le fond. Si le "Che" a fait l'erreur de ne pas évoquer la question des flux migratoires et de l'insécurité culturelle qu'ils génèrent en milieu populaire, il a d'abord perdu la bataille politique et médiatique. La campagne d'ostracisation et de fascination du camp souverainiste par la classe dominante a été d'une redoutable efficacité. Son "vieil ami" Bernard-Henri Lévy, l'auteur de L'Idéologie française, qui n'a cesse de rappeler que le "souverainisme est une saloperie", a gagné." (p.88-89)

    "Les catégories populaires cumulent toutes les difficultés: faiblesse des salaires, précarité de l'emploi, chômage, sous-emploi sont autant de signes des "fragilités sociales" qui touchent plus particulièrement ces catégories modestes. Ainsi, le taux de chômage des ouvriers non qualifiés est près de quatre fois supérieur à celui des cadres ; celui des ouvriers qualifiés et des employés est double. Le sous-emploi touche plus particulièrement les employés, notamment dans les secteurs de la grande distribution, où les temps partiels "contraints" sont courants. Par ailleurs, avec des salaires médians qui sont proches des niveaux du SMIC, ces catégories sont particulièrement sensibles aux évolutions de la conjoncture économique et le moindre accident de la vie (chômage, divorce, maladie) se traduit par une précarité financière accrue pouvant conduire à la pauvreté. Cette situation est vécue comme une insécurité permanente, sans que les "filets" sociaux du système redistributif soient jugés efficaces. Le niveau de l'épargne confirme cette sortie de la "classe moyenne" d'une part majoritaire des catégories modestes. Cette épargne n'est désormais accessible qu'à moins d'un Français sur deux. En 2015, 54% d'entre eux déclarent ne pas pouvoir épargner plus de 50 euros par mois, et pour un quart des Français, ce montant ne dépasse pas 10 euros. En clair, la population qui peut épargner est une minorité." (p.95-96)

    "La France des métropoles concentre l'essentiel de la création de richesse: entre 2000 et 2010, 75% de la croissance s'est réalisé dans les quinze premières aires urbaines [...] La France des métropoles représente désormais 55% de la masse salariale, 50% de l'activité économique, et le PIB y est 50% plus élevé que dans la France périphérique.
    Écartées du modèle économique mondialisé, les classes populaires sont exclues des territoires qui créent emplois et richesses.
    " (p.99-100)

    "Si la paupérisation des zones rurales est souvent évoquée, on insiste moins sur la fragilisation sociale des petites villes et des villes moyennes de la France périphérique. De nombreux centres-villes sont désormais "à vendre". Cette désertification touche les petites villes ou les villes moyennes de moins de 100 000 habitants comme Guéret, Tarbes, Agen, Villefranche-de-Rouergue, Moulins, Niort, Albi, Béziers, Vierzon ou Calais. A Nevers, on estime que près de 20% des locaux commerciaux sont vides. Les causes sont multiples, mais on peut en pointer deux essentielles: la dépopulation, et surtout la concurrence des zones commerciales. Les grandes métropoles ont aussi aspiré une partie des emplois administratifs et des activités commerciales. C'est le cas par exemple à Béziers, qui s'est vidée de ses fonctionnaires au profit de Montpellier. Difficile de se promener au centre des villes, petites ou moyennes, sans découvrir les vitrines vides et les commerces fermées. [...] La vacance commerciale, c'est-à-dire la proportion de magasins vides, progresse d'année en année depuis quinze ans. En 2014, le taux atteignait en moyenne 8.5% pour les 300 plus grandes villes de France." (p.107-108)

    "Le modèle mondialisé accouche d'une société banalement multiculturelle. Une société travaillée par ses tensions et ses paranoïas identitaires, ses logiques séparatistes, ses ségrégations spatiales, parfois ses émeutes ethniques, en quelque sorte une société "américaine" comme les autres. Mais pouvait-il en être autrement ?
    Le rouleau compresseur de la mondialisation, les abandons successifs de souveraineté et le choix de l'immigration par le grand patronat ont mis fin au modèle assimilationniste républicain. Si la loi de 1905, l'école obligatoire et gratuite et l'Etat-providence nous protègent encore d'une communautarisation à l'américaine, le morcellement de la société française est enclenché
    ." (p.117)

    "La référence aux origines, à la religion, à la culture, à la race s'est banalisée dans la jeunesse populaire, c'est vrai en banlieue parmi les "minorités" noires, musulmanes, juives, c'est de plus en plus vrai dans la jeunesse populaire d'origine française blanche qui fait désormais (effet miroir) de plus en plus référence à son identité culturelle, religieuse, régionale et ethnique. Qu'on le veuille ou non, nous en sommes là." (p.119-120)

    "On peut [...] douter de la sincérité d'une classe politique qui ne cesse d'affirmer son attachement au modèle républicain tout en promouvant un modèle mondialisée qui le condamne à l'avance." (p.122)

    "En affaiblissant le cadre républicain, le modèle mondialisé contribue en effet à l'émergence du communautarisme. Tous les groupes culturels ou religieux sont concernés. Mais aujourd'hui, compte tenu du poids croissant de la population musulmane (le nombre de musulmans est estimé par la démographe Michèle Tribalat à environ 5 millions), l'islamisation de certains territoires apparaît comme le processus le plus visible de l'émergence de la société multiculturelle. En France comme dans tous les pays européens, l'islamisme se love dans l'américanisation de la société française.
    Ce multiculturalisme "banal" aura pour conséquence, comme aux Etats-Unis, d'affaiblir à moyen terme l'Etat-providence en faisant basculer la solidarité nationale vers des solidarités communautaires au plus grand bénéfice d'une classe dominante qui cherche depuis des décennies le moyen de sortir d'un modèle redistributif jugé trop généreux.
    " (p.124-125)

    "A la mi-2008, on comptait 3 millions de chômeurs inscrits à Pôle Emploi (Catégories A, B et C). Ils étaient 5.3 millions début 2015, soit 70% d'augmentation. Parmi eux, seulement 8% de cadres pour 70% d'ouvriers et d'employés !
    Loin du mythe d'une classe moyenne majoritaire et intégrée, on observe un creusement des inégalités entre des catégories supérieures qui s'enrichissent et une France populaire qui s'effondre
    ." (p.140)

    "En 2012, seulement 20% des ménages disposaient d'un niveau de vie supérieur à 2177 euros mensuels pour un célibataire, 4280 euros pour un couple sans enfant et 5567 euros pour un couple avec deux enfants. Pour les classes populaires, les montants sont de 1183 euros, 2251 et 3122 euros.
    Des chiffres qui permettent de classer une part importante de la population des métropoles non dans la "moyenne", mais dans les classes supérieures. Dénonçant les riches, essentialisant les pauvres des "quartiers populaires", la nouvelle bourgeoisie urbaine brouille la représentation sociale en se présentant comme "classe moyenne".
    " (p.140-141)

    "L'essentialisation et la manipulation de la question de la pauvreté, comme la focalisation sur les pauvres de la banlieue, ne relèvent pas d'une bienveillance particulière. Elles visent à circonscrire la question sociale aux seules banlieues. Cette représentation univoque et exclusive de la pauvreté permet aussi d'orienter les politiques publiques sur des populations et territoires cibles et, in fine, d'entamer le lent démantèlement de l'Etat-providence. Évidemment, cette stratégie de classes provoque le ressentiment des populations non ciblées ou s'estimant oubliées par rapport aux "banlieues" (lire: aux "immigrés"), ce qui permettra aux prescripteurs d'opinion de valider la représentation de la France périphérique, et singulièrement du monde rural, comme "repliée", "aigrie", "pétainiste" ou "raciste"." (p.158)

    "L'insécurité sociale et culturelle dans laquelle ont été plongées les classes populaires, leur relégation spatiale, débouchent sur une crise politique majeure. L'émergence d'une "France périphérique", la montée des radicalités politiques et sociales sont autant de signes d'une remise en cause du modèle économique et sociétal dominant. Face à ces contestations, la classe dominante n'a plus d'autre choix que de dégainer sa dernière arme, celle de l'antifascisme. Contrairement à l'antifascisme du siècle dernier, il ne s'agit pas de combattre un régime autoritaire ou un parti unique. Comme l'annonçait déjà Pier Paolo Pasolini en 1974, analysant la nouvelle stratégie d'une gauche qui abandonnait la question sociale, il s'agit de mettre en scène "un antifascisme facile qui a pour objet un fascisme archaïque qui n'existe plus et n'existera plus jamais". C'est d'ailleurs en 1983, au moment où la gauche française initie son virage libéral, abandonne les classes populaires et la question sociale, qu'elle lance son grand mouvement de résistance au fascisme qui vient. Lionel Jospin reconnaîtra plus tard que cette "lutte antifasciste en France n'a été que du théâtre" et même que "le Front national n'a jamais été un parti fasciste". Ce n'est pas un hasard si les instigateurs et financeurs de l'antiracisme et de l'antifascisme sont aussi des représentants du modèle mondialisé. De Bernard-Henri Lévy à Pierre Bergé, des médias (contrôlés par des multinationales), du Medef aux entreprises du CAC 40, de Hollywood à Canal Plus, l'ensemble de la classe dominante se lance dans la résistance de salon. "No Pasaran" devient le cri de ralliement des classes dominantes, économiques ou intellectuelles, de gauche comme de droite. Il n'est d'ailleurs pas inintéressant de constater, comme le chercheur Jacques Leclerq, que les groupes "antifa" (qui s'étaient notamment fait remarquer pendant les manifestations contre la Loi travail par des violences contre les policiers), recrutent essentiellement des jeunes diplômés de la bourgeoisie.
    Véritable arme de classe, l'antifascisme présente en effet un intérêt majeur. Il confère une supériorité morale à des élites délégitimées en réduisant toute critique des effets de la mondialisation à une dérive fasciste ou raciste. Mais, pour être durable, cette stratégie nécessite la promotion de l' "ennemi fasciste" et donc la surmédiatisation du Front national... Aujourd'hui, on lutte donc contre le fascisme en faisant sa promotion. Un "combat à mort" où on ne cherche pas à détruire l'adversaire, mais à assurer sa longévité
    ." (p.171-173)

    "Illustration parfaite du "fascisme de l'antifascisme", l'argument selon lequel il ne faudrait pas dire certaines vérités, car cela "ferait le jeu de", est régulièrement utilisé." (p.175)

    "Réunie sous la barrière de l'antifascisme, partageant une représentation unique (de la société et des territoires), les bourgeoisies de gauche et de droite sont tentées par le parti unique." (p.178)

    "Face à cette situation de blocage, les classes populaires ont entamé un long processus de désaffiliation politique et culturelle. Ce grand marronnage les conduit à s'affranchir peu à peu de leurs appartenances politiques et culturelles traditionnelles au rythme de leur sortie de la classe moyenne. Elles n'attendent plus l'homme ou le parti providentiels. Elles n'attendent pas non plus un "grand soir" venu d'une hypothétique alliance de classes entre une petite bourgeoisie progressiste et le 'peuple"." (p.182)

    "Aux élections régionales de 2015, 63% des employés, 51% des ouvriers, 67% des chômeurs (majoritairement issus de ces catégories) se sont abstenus et ceux qui ont voté se sont portés très majoritairement sur la listes du Front national: 55% pour les ouvriers, 37% pour les employés, 33% pour les chômeurs. Une infime minorité des inscrits issus de milieux populaires s'est donc reportée sur les partis traditionnels. Réunis, LR (et ses alliés), le PS (et ses alliés), le Front de Gauche et EELV n'ont attiré que 18% des ouvriers." (p.186)

    "72% des Français pensent que les hommes et les femmes politiques sont "corrompus", 89% considérant qu'ils ne se préoccupent que de leurs intérêts personnels." (p.188)

    "Près de 40% des jeunes, des ouvriers et des employés considèrent que "d'autres systèmes politiques peuvent être aussi bons que la démocratie"." (p.200)

    "A l'exception des métropoles où la mobilité résidentielle est portée par les couches supérieures et les immigrés, la majorité de la population vit dans le département où elle née. En 2012, près de 53% des Français vivent dans le département où ils sont nés. Un pourcentage qui atteint près de 60% dans l'ensemble de la France périphérique, et qui est en général inférieur à 40% dans la France métropolitaine. L'augmentation du nombre de propriétaires, mais aussi et surtout les logiques économiques et foncières, favorisent le phénomène." (p.232)

    "Le crépuscule du monde d'en haut a démarré, il s'inscrit dans cette nouvelle lutte des classes entre une nouvelle bourgeoisie et un nouveau prolétariat qui n'a pas encore conscience de représenter une classe sociale potentiellement majoritaire." (p.250)
    -Christophe Guilluy, Le crépuscule de la France d'en haut, Flammarion, coll. Champs.actuel, 2017 (2014 pour la première édition), 250 pages.



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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".

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    Message par Johnathan R. Razorback Lun 23 Nov - 22:23



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