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    Principes de philosophie esthétique

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Principes de philosophie esthétique Empty Principes de philosophie esthétique

    Message par Johnathan R. Razorback Sam 24 Nov - 15:24

    "Une étude du beau n'est féconde et même possible que dans une philosophie intégralement constituée."
    -Maurice De Wulf, L'histoire de l'esthétique et ses grandes orientations, Revue Philosophique de Louvain, Année 1909, 62, pp. 237-259, p.237.

    https://academienouvelle.forumactif.org/t2748-nicolas-boileau-lart-poetique#3503

    « Tout ce qui étonne l’âme, tout ce qui imprime un sentiment de terreur conduit au sublime. […] La clarté est bonne pour convaincre ; elle ne vaut rien pour émouvoir. La clarté, de quelque manière qu’on l’entende, nuit à l’enthousiasme. »
    -Denis Diderot, Le Salon de 1767 (IV, 633).

    « Enfant, l’art n’est point là : il consiste à créer. Quand tu dessines un de ces ornements qui serpentent le long des frises, te bornes-tu à copier les fleurs et les feuillages qui rampent sur le sol ? Non : tu inventes, tu laisses courir le stylet au caprice de l’imagination, entremêlant les fantaisies les plus bizarres. Eh bien, à côté de l’homme et des animaux existants, que ne cherches-tu de même des formes inconnues, des êtres innommés, des incarnations devant lesquelles l’homme a reculé, des accouplements terribles, des figures propres à répandre le respect, la gaieté, la stupeur ou l’effroi ! »
    -Gérard de Nerval, Voyage en Orient, 1851, t. 2.

    https://academienouvelle.forumactif.org/t4810-auguste-couder-considerations-sur-le-but-moral-des-beaux-arts

    https://academienouvelle.forumactif.org/t128-pierre-joseph-proudhon#334

    "Nous savons que l'émotion esthétique est désintéressée. Or, cela seul est l'objet d'un véritable désintéressement, qui n'a pas de réalité concrète. Ce qui existe réellement a toujours pour nous une certaine utilité, ne fut-ce que l'utilité de nous être agréable. Quand nous le voyons, immédiatement il se produit en nous une arrière-pensée intéressée; nous voulons garder pour nous cet objet. Or, le beau ne produit rien de pareil: c'est donc qu'il n'est pas réel. C'est un simple concept de l'esprit, un idéal qu'il se forme. [...]
    Le beau doit avoir quelque chose de la nature humaine. C'est ce que Saint-Marc-Gérardin fait très justement observer dans son cours de littérature dramatique. Ce que nous cherchons partout dans l'art, c'est nous-mêmes. Un paysage n'est pas beau par lui-même: ce qui fait sa beauté, ce qui le rend capable de devenir l'objet d'une émotion esthétique, ce sont les sentiments que ce paysage éveille en nous. Supprimez l'homme, vous supprimez le beau. [...] L'unité, c'est la concentration de tous les éléments vers un même but. Elle est parfaite, si aucun d'eux n'est distrait de la fin commune. Un tel système est caractérisé par sa force. - La multiplicité, d'autre part, c'est la richesse, la variété, la complexité. Le beau pourra dès lors être défini:
    un accord harmonieux de la force et de la richesse. - Mais cet accord ne peut être parfait: tantôt la richesse l'emporte au détriment de la force, tantôt la force au détriment de la richesse. Chacun alors, suivant les inclinations de son esprit, préférera l'une ou l'autre de ces deux combinaisons.

    Ainsi, Corneille a la force (comme d'ailleurs tout le dix-septième siècle et comme l'art grec que cette époque imitait); mais il y perd en richesse. Les personnages ont un, ou deux sentiments tout en énergie, mais sans variété. L'art romantique, au contraire préféré de nos jours, tire tout son mérite de sa diversité, de sa richesse. En revanche, l'unité est relâchée; il y a plus de variété, moins de force
    ."
    -Émile Durkheim, cours de 1884.

    "L'art doit avant tout embellir la vie, donc nous rendre nous-mêmes tolérables aux autres et agréables si possible: ayant cette tâche en vue, il modère et nous tient en bride, crée des formes dans les rapports, lie ceux dont l'éducation n'est pas faite à des lois de convenance, de propriété, de politesse, leur apprend à parler et à se taire au bon moment. De plus, l'art doit cacher et transformer tout ce qui est laid, les choses pénibles, épouvantables et dégoûtantes qui, malgré tous les efforts, à cause des origines de la nature humaine, viendront toujours immanquablement à la surface."
    -Friedrich Nietzsche, Opinions et sentences mêlées, in Humain, trop humain, trad. Angèle Kremer-Marietti, Librairie Générale Française, 1995 (1878 pour la première édition allemande), 768 pages, §174, pp.442-443.

    « Le fond du classicisme, c’est que, si les règles ne valent rien sans le génie, il y a cependant en elles plus de génie que dans le plus grand génie. »
    -Pierre Lasserre, « Nietzsche et l’Anarchisme (suite) », L’Action française (revue), 1ère année, n°11, 15 décembre 1899, pp.648-660, p.652.

    « Comprendre que le goût classique, où qu’il soit, exige une dose de froideur, de lucidité, de dureté: la logique avant tout, le goût de l’intellectualité, les « trois unités », la concentration, la haine du sentiment, de la bonhomie, du trait d’esprit ; la haine de ce qui est compliqué, incertain, flottant, mystérieux, ainsi que la haine de ce qui est bref, pointu, joli, affable. […] Pour être classique, il faut avoir tous les dons et tous les besoins forts et contradictoires en apparence, mais les plier tous sous un même joug ; il faut venir à temps pour porter à sa cime et à son comble un genre littéraire ou artistique ou politique ; il faut refléter au plus profond de son âme un état collectif, à une époque où cet état existe encore sans être défiguré par l’imitation de l’étranger. » -Friedrich Nietzsche, La Volonté de puissance, 2, Paris, Gallimard, 1968, p. 339-340.

    "Le premier devoir de l'artiste, quand il conçoit la première idée d'une œuvre, n'est-il pas d'éprouver longuement la solidité, le poids, la noblesse de sa conception, de la fortifier et de l'épurer, autant qu'il est en lui, de la rejeter, si décidément elle lui paraît inégale à la dignité de l'art. C'est son devoir primordial, parce que c'est aussi la condition primordiale et, pour ainsi dire, génératrice de la beauté. L'expression heureuse jaillit aisée et abondante d'un fond profondément élaboré, d'une pensée lentement gonflée de riche et exquise substance, comme le suc sort, sous la pression la plus légère, du raisin mûri. La divinisation du moi avait pour conséquence nécessaire de décharger l'art de ces préparations profondes, de ces lentes méditations, de ce choix sévère." -Pierre Lasserre, Le Romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et les idées au XIXème siècle, Thèse présentée à la Faculté des lettres de l'université de Paris, Paris, Société du Mercure de France, 1907, 547 pages, p.229.

    « Holà ! grands peintres excessifs, mes frères, holà, pinceaux sublimes et rénovateurs, brisons les ancestrales palettes et posons les grands principes de la peinture de demain. Sa formule est l'Excessivisme. L'excès en tout est un défaut, a dit un âne. Tout au contraire, nous proclamons que l'excès en tout est une force, la seule force... Ravageons les musées absurdes. Piétinons les routines infâmes. Vivent l'écarlate, la pourpre, les gemmes coruscantes, tous ces tons qui tourbillonnent et se superposent, reflet véritable du sublime prisme solaire : Vive l'Excès ! Tout notre sang à flots pour recolorer les aurores malades. Réchauffons l'art dans l'étreinte de nos bras fumants ! »
    -Joachim-Raphaël Boronali, Manifeste de l'excessivisme, vers 1910.

    « L'art meurt des masses et de l'utilitarisme. Il meurt parce que le sol dont il a besoin, son sol de naïveté et de folie, a été mal exploité. Lors des fêtes patriotiques, on cite côte à côte, à chaque toast, l'art et les sciences qui, pour les imbéciles, reviendraient pratiquement au même. Alors qu'ils sont des ennemis mortels, qui ne peuvent coexister en un même lieu. »
    -Victor Aubertin, Die Kunst stirbt (L'Art se meurt), Munich, 1911, cité d'après L'Almanach du Blaue Reiter, Klincksieck, 1981, présentation de Klaus Lankheit, p. 1.

    « Notre époque est celle des ingénieurs et des usiniers, mais non point celle des artistes. L’on recherche l’utilité dans la vie moderne : l’on s’efforce d’américaniser matériellement l’existence : la science invente tous les jours de nouveaux procédés pour alimenter, vêtir ou transporter les hommes : elle fabrique économiquement de mauvais produits pour donner au plus grand nombre des jouissances frelatées : il est vrai qu’elle apporte aussi des perfectionnements réels à la satisfaction de tous nos besoins. Mais l’esprit, mais la pensée, mais le rêve, il n’en est plus question. L’art est mort. » -Auguste Rodin, L’art. Entretiens réunis par Paul Gsell [1911], Gallimard, « Idées/arts », 1967, p. 6.

    "Tout artiste, à l'heure où il crée, se trouve momentanément libéré de l'égoïsme où il s'était d'abord nécessairement complu. Son âme, peuplée de merveilleux fantômes, les aime et, séduite par leur grâce, essaye de les réaliser en beauté pour les faire aimer de ses semblables. A la source de toute création d'art se retrouve donc ce double élément: amour de l'idéal et amour des hommes, qui se confond finalement en un seul désir: celui de communier dans le beau avec l'humanité. Et qu'on n'objecte point le cas de subtils artistes de décadence qui, pleins d'un orgueil candide, prétendent non seulement n'écrire point pour le profane, mais mettre volontiers leur gloire à en rester incompris. Leur rêve d'artiste n'en est pas moins le même ; leur but ni leurs prétentions ne diffèrent des autres: c'est toujours de faire part de leurs émotions intimes à leurs semblables."
    -Raphaël Cor, Essais sur la sensibilité contemporaine, Paris, Falque, 1912, p.56-57.

    « C’est un petit tableau presque carré, peint entièrement en rouge. [...] Pur rouge [d'Alexandre Rodtchenko, 1921] ne représente pas une étape qui pourrait être suivie d’autres nouvelles étapes, mais le dernier pas sur une longue route, le dernier mot après lequel la parole du peintre doit se taire, le "dernier tableau" créé par un peintre. »
    -Nikolaï Taraboukine, Le Dernier tableau.  Du chevalet à la machine. Pour une théorie de la peinture, édition Champ Libre, Paris, 1972 (écrit en 1923).

    "Si l’histoire de l’art du XXe siècle est bien la preuve de quelque chose, semble-t-il, alors elle est la preuve que le contenu en tant que sujet représenté est à concevoir comme secondaire par rapport à la constellation des matériaux de l’œuvre. On peut même envisager qu’il serait possible de se dispenser complètement du sujet portraituré, exception faite de ce sujet primitif qui concerne le médium et la disposition expressive de ses matériaux. Évidemment, dans le contexte d’un tel concept d’abstraction, le monochrome n’est plus la seule figure d’intérêt: Malevitch, le constructivisme russe, et même Kandinsky peuvent tous être cités comme des exemples préalables d’une extirpation du contenu thématique explicite. Et, en effet, Adorno approuve clairement la perte de contenu thématique ou, plutôt, l’accent désormais mis sur la constellation immanente du matériel artistique, du moins dans la mesure où le résultat de l’abstraction demeure expressif [...]
    Quant à Rodchenko, après l’exposition de ses monochromes, il a renoncé tout à fait à la peinture, convaincu que son potentiel avait été épuisé
    ."
    -Iain Macdonald, "L’art in extremis: le monochrome chez Theodor W. Adorno et Yves Klein", revue Philosophiques, Volume 33, Numéro 2, automne 2006, p. 455–471, cf: https://www.erudit.org/fr/revues/philoso/2006-v33-n2-philoso1428/013892ar/

    "Qu’est-ce que l’art ? C’est l’expression par des formes, des couleurs et des sons des sentiments humains. L’artiste est un homme doué de sensibilité et capable de traduire par la peinture, la sculpture, la musique, la poésie, les émotions qu’il éprouve devant la nature et les hommes. Les mobiles qui le poussent à créer sont le besoin de créer et le désir de communiquer ce qui étouffe son cœur."

    "Vivre est indispensable, il faut manger, boire, avoir chaud, mais si vivre n’était que cela la vie ne vaudrait pas la peine d’être vécue. L’homme a besoin d’amour et de beauté, il veut comprendre et va vers la science, il a besoin d’aimer et il va vers l’art."
    -H. Astié, "Du rôle de l’art dans la société", Plus Loin, n°11, 15 janvier 1926 (cf: http://www.la-presse-anarchiste.net/spip.php?article3835 ).

    « L’acte créateur et original est […] détrôné au profit d’une vaniteuse créativité qui confond le goût stérile pour ce qui choque avec l’audace de l’inédit. »
    -Julien Freund, La Décadence, 1984.

    "Dans l’œuvre comme dans la vie, la forme apparaît comme la décision, comme l'acte qui subordonne le divers à l'unité, la multiplicité éparse à une légalité qui lui assigne sa fin." (p.25)
    -Martin Rueff, "Laocoon monolithe", préface à Cesare Pavese, Œuvres, Gallimard, coll. Quarto, 2008, 1837 pages, pp.17-57.

    "[10 juillet 1942]: La fantaisie est l'intelligence appliquée à établir des rapports d'analogie, d'implication significative, de symbolisme. Je disais qu'elle seule construit, parce qu'elle seule échappe à la tyrannie du réel-tranche de vie, de l'événement naturaliste, et substitue à la loi du réel (qui est absence de construction, tant il est vrai qu'il n'a ni fin ni commencement) la fable, le récit, le mythe, construction de l'intelligence." (p.1613)
    -Cesare Pavese, Le métier de vivre, in Œuvres, Gallimard, coll. Quarto, 2008, 1837 pages, pp.1361-1809.

    "L'œuvre d'art naît du renoncement de l'intelligence à ordonner le concret." -Albert Camus, Le Mythe de Sisyphe. Essai sur l'absurde, 1942. Repris dans Albert Camus, Œuvre, Gallimard, Coll. Quarto, 2013, 1526 pages.

    https://academienouvelle.forumactif.org/t603-xix-deux-esthetiques-revolutionnaires

    "Les productions culturelles font partie de la sphère symbolique, de ces structures avec lesquelles les hommes ont toujours tenté de se représenter et de s’expliquer à eux-mêmes la vie et la société, et parfois aussi de les critiquer. [...]
    L’art, s’il ne veut pas participer à la marche de ce monde, doit s’abstenir de venir à la rencontre des « gens », faciliter leur vie, rendre la société plus sympathique, être utile, plaire ; il reste plus fidèle à sa vocation lorsqu’il s’oppose à la communication facile et s’efforce de confronter son public avec quelque chose de plus « grand » que lui. [...]
    Mais y a-t-il a des œuvres qui rendront compte, dans cent ans, de ce que nous sommes en train de vivre aujourd’hui ? Et y a-t-il a des gens qui en ressentent la nécessité ?
    "
    -Anselm Jappe, "Est-ce qu'il y a un art après la fin de l'art ?", 11 Mai 2009: http://www.palim-psao.fr/article-31273685.html

    "On sait bien qu’il n’y a pas de progrès en art."
    -Marc Jimenez, « La fin de la fin de l'art », Le Philosophoire, 2011/2 (n° 36), p. 93-99.

    "Il n’y a pas d’art véritable s’il n’y a pas une authentique création d’une part et si l’œuvre en question ne délivre pas un message sur la condition humaine."

    "Certaines écoles d’art, inspirées pour partie par Kant font de la beauté de la forme la finalité de la création artistique, le message étant par lui-même étranger à l’art pur. Car la création de la beauté de la forme serait une spécificité de l’art alors que la diffusion de messages relève de nombre d’activités culturelles, que ce soit la religion, la politique, la publicité  et bien entendu l’art s’il le souhaite.

    Mais la beauté de la forme est-elle vraiment la spécificité de l’art ? Car l’objet de décoration, la parure, ont également le souci de la forme de l’œuvre. Or, si nous ne faisons plus du message la caractéristique qui distingue l’œuvre d’art de l’œuvre décorative, qu’est-ce qui les distingue alors ? La première différence réside dans le fait que l’objet décoratif n’est pas unique mais relève d’une production artisanale voire industrielle. Néanmoins, cela n’est pas une nécessité et il est parfaitement envisageable d’imaginer une œuvre décorative unique en son genre.

    En revanche, l’œuvre décorative présente une utilité sociale, celle précisément visant à décorer, à mettre en valeur un lieu ou une personne dans le cas de la parure. Ce n’est pas le cas de l’œuvre d’art  qui est entièrement gratuite, c’est-à-dire sans aucune utilité d’ordre pratique ou vital. Certes si l’on en a les moyens financiers, il est toujours possible d’accrocher au mur de son salon une toile de Van Gogh ou de Manet mais l’effet produit sur les visiteurs ne sera pas le même. Les objets décoratifs sont beaucoup plus accessibles quant à leur fonction et leur qualité que des toiles de maîtres dont l’accès suppose une certaine familiarisation avec cet art afin de susciter chez le contemplateur l’émotion esthétique requise. De plus, ces toiles n’ont pas pour objet de décorer, d’embellir un lieu mais de transmettre un message, une interprétation de la condition humaine, de créer une émotion esthétique où le plaisir des sens est étroitement associé au contenu spirituel de l’œuvre. L’objet décoratif est essentiellement matière même si cette matière revêt un aspect esthétique alors que l’œuvre d’art est essentiellement esprit, même si cet esprit s’exprime par le filtre d’une réalisation sensible.

    La gratuité ou l’absence d’intérêt pratique serait donc une dimension indispensable pour qu’il y ait œuvre d’art. Qu’en est-il de la présence d’un message et du souci de la beauté de la forme ? Commençons par examiner la présence d’un message. Nous avons déjà dit que certains philosophes de l’art, comme Kant, considérait que le message était certes difficilement éliminable mais que la spécificité de l’art résidait d’abord dans la production d’une belle forme. Cela va à l’encontre des conceptions de l’art contemporain d’avant-garde qui considèrent au contraire que l’œuvre d’art vise à amener le contemplateur à jeter un regard neuf sur des réalités habituelles et qui ne suscitent plus de questions et non à produire de la beauté. Il ne faut pas confondre l’art et les beaux-arts.

    Ces deux conceptions sont-elles inconciliables ? L’art contemporain d’avant-garde est à certains égards un art philosophique, qui vise à susciter l’étonnement, à s’interroger, à briser le carcan étouffant des habitudes dans la perception et la conception que nous avons du monde. L’art idéal tel que le conçoit Kant est un art où la qualité de la  forme prend le dessus, étouffe, fait oublier le contenu si tant est que celui-ci soit présent. Il s’agit dit Kant de « beautés libres », c’est-à-dire sans lien avec un contenu et non de « beautés adhérentes » c’est-à-dire étroitement associées avec le sens véhiculé. A certains égards, cet art idéal est un art purement d’apparences et non un art conceptuel, un art qui utiliserait la beauté de la forme non comme une fin en soi mais comme un moyen pour mieux transmettre un message.

    Pour notre part, il nous paraît difficile ou artificiel d’opposer ces deux conceptions de l’art  et voici pourquoi. Une forme qui ne contiendrait aucune idée, même la plus ténue nous semble être une impossibilité. Il n’y a pas de matière sans forme ou de forme sans matière dirait à juste titre Aristote. Matière et forme ne sont que des abstractions, c’est-à-dire des dimensions du réel séparées par l’esprit mais indissociables en réalité.

    En second lieu, transmettre un message suppose un effort de création, un certain talent, une mise en forme susceptible d’attirer l’attention du contemplateur. Les œuvres contemporaines d’avant-garde seront jugées à l’aune de la qualité et de l’originalité de la mise en forme de l’idée qu’elles veulent transmettre. Après tout, ce qu’on désigne comme l’art mettant en lumière la laideur physique ou morale, bref l’esthétique de la laideur (par exemple Guernica de Picasso ou les « Fleurs du mal » de Baudelaire ne  font pas autre chose). N’oublions pas que selon la formule célèbre et pertinente de Kant l’art « n’est pas la reproduction de choses belles mais la belle production de choses quelconques ». Exclure le souci de la forme de l’activité artistique nous apparaît totalement artificiel.

    A contrario, exclure le souci du message, du sens pour se consacrer uniquement à la qualité de la forme de l’œuvre nous apparaît tout autant insoutenable. Car la beauté, sa présence, sa possibilité ontologique soulèvent des problèmes métaphysiques fondamentaux. Quelles que soient les conclusions auxquelles nous aboutissions, la beauté nous oblige à nous interroger sur son origine, son sens, sa nécessité. Cela peut conduire  à l’accueillir comme le signe du « Logos » ou du sens, comme la manifestation sensible de la transcendance comme le soutenait Platon. Bref la  présence empirique de la beauté   enferme des interrogations métaphysiques qui renvoient à des conceptions du monde par excellence. La beauté, par elle-même engendre des idées.

    Si nous prenons en compte de telles analyses, force est de constater qu’une œuvre d’art ne peut se passer ni d’un message ni du souci de la mise en forme de qualité de ce message
    ."
    -Albert Mendiri, "Les finalités de l'art", 11/09/2015: http://cafenetphilosophie.centerblog.net/1550-1428-les-finalites-de-art

    "Le but d'une oeuvre d'art n'est pas qu'elle soit joli mais qu'elle soit portueuse d'un sens." -Duane Hanson.



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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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