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    Jean-Louis Brunaux, Nos ancêtres les Gaulois

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Date d'inscription : 12/08/2013
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    Jean-Louis Brunaux, Nos ancêtres les Gaulois Empty Jean-Louis Brunaux, Nos ancêtres les Gaulois

    Message par Johnathan R. Razorback Jeu 14 Fév - 9:45

    "Les Gaulois seraient nos ancêtres. La Gaule de Vercingétorix préfigurait la nation française. Mais les guerriers gaulois, bien que terribles combattants, auraient été trop querelleurs pour affronter unis l'invincible conquérante que fut Rome. D'ailleurs, la civilisation gauloise était trop en retard sur celle des conquérants pour résister. La Gaule était couverte de forêts et ses habitants vivaient dans de simples huttes. Même leur religion était l'héritière des plus lointains temps préhistoriques, leurs druides pratiquant encore les sacrifices humains.
    Voici, en quelques clichés, le bagage commun qu'à peu près chacun de nous possède sur le sujet.
    " (p.10)

    "Les historiens depuis près d'un siècle ont [...] déserté le terrain de la Gaule." (p.11)

    "Portée sur les fonts baptismaux en 1828 par Amédée, le frère du grand Augustin Thierry injustement demeuré dans son ombre, qui écrivit la première Histoire des Gaulois, elle n'a guère prospéré que pendant un siècle, jusqu'au dernier tome de l'Histoire de la Gaule de Camille Jullian en 1926. [...] Contrairement à ce que beaucoup croient, les historiens français n'ont pas toujours eu d'affection particulière pour ce lointain passé national. Ce n'est que tardivement (depuis le milieu du XIXe siècle) qu'ils se sont intéressés à la Gaule -et les Français avec eux-, et avec trop peu de conviction et de méthode pour que le sujet reste une étape obligée dans l'apprentissage des enfants. Ainsi la civilisation gauloise a-t-elle depuis quelques années disparu des manuels scolaires, tant à l'école primaire que dans l'enseignement secondaire." (p.11)

    "En évacuant du champ historique officiel les cinq siècles du second âge du fer -nom scientifique donné à la période gauloise-, l'institution scolaire laisse entendre tacitement que la civilisation occidentale est presque entièrement l'héritière de la Grèce et de Rome, sources de la culture. [...]
    Or sur le sol où nous vivons, l'histoire sous ses aspects sociaux, politiques, événementiels ne prend corps qu'avec la période gauloise, au VIe siècle avant notre ère précisément, quand des Grecs fuyant leur ville de Phocée viennent s'installer sur un lieu qui deviendra Marseille et découvrent dans leur réalité physique de nouvelles races d'hommes qu'ils ne connaissaient que par la légende
    ." (p.13)

    "Lorsque Nicolas Fréret exposa officiellement en 1714 devant Louis XIV la théorie selon laquelle les Francs étaient un peuple germanique qui s'était installé de force en Gaule en soumettant un peuple indigène, gaulois donc, d'où dérivait l'immense majorité du peuple français, une certaine émotion fut perceptible. Celle du roi se traduisit par l'ordre d'embastiller quelques mois l'iconoclaste. S'ensuivit une période confuse au cours de laquelle la noblesse française revendiqua pour elle seule l'ascendance franque qui justifiait sa position et ses droits, tandis que l'origine gauloise était reconnue à ce qui allait devenir le tiers état. Et ce n'est qu'avec la Révolution française qu'on osa résolument se réclamer d'une ascendance gauloise, en invitant les nobles, qui justifiaient leurs privilèges par leurs racines franques, à retourner "dans leurs forêts de Franconie". Cependant, même cette libération d'une pesante histoire officielle ne déclencha pas immédiatement un intérêt manifeste pour la Gaule préromaine. Il fallut attendre encore une trentaine d'années avant qu'Amédée Thierry ne publie son ouvrage majeur et ce n'est que dans la seconde moitié du XIXe siècle que les politiques s'emparèrent de cette origine gauloise qui devenait tout à coup providentielle: elle distinguait, au plus profond, les Français, fils des Gaulois, des Allemands, fils des Germains." (p.14-15)

    "Le plus simple n'est-il pas de revenir à l'appellation que les acteurs historiques eux-mêmes utilisaient pour désigner les hommes qu'ils avaient à décrire, à combattre, puis à administrer, autrement dit les "Gaulois", et de ne réserver la dénomination de "Celtes" qu'aux populations qui leur sont parentes et périphériques mais que l'histoire a laissées dans l'anonymat ? La plus ancienne mention qu'on possède du terme de Gaulois sous la forme Gallei paraît être une mention sur les actes triomphaux de Rome où elle est associée au triomphe de Camille, vainqueur des Gaulois en 385 avant J. C. Il ne fait guère de doute que c'est sous ce nom que les premiers migrants franchissant les Alpes à la fin du Ve siècle pour occuper les rives du Pô se sont fait connaître des populations italiques. Il s'agissait soit du nom de la confédération qu'ils avaient formée pour se déplacer et combattre à l'étranger, soit d'un nom de guerre. Le mot lui-même a pu ensuite servir d'appellation au coq, gallus en latin, de la même manière que les Grecs appelaient le volatile mèdos ou persikos, par une allusion moqueuse à leur ennemi héréditaire, les Perses ou Mèdes. Dès le IVe siècle, le terme de "Gaulois" désigne pour les Romains tous les peuples celtiques nouvellement installés entre les Alpes et les Marches. Ce pays, très vite, sera appelé Gallia, tandis que les mêmes Romains prendront conscience de l'existence d'autres Gaulois vivant au nord des Alpes et plus nombreux encore que ceux de la péninsule, des cousins, auxquels ces derniers font appel pour lutter contre Rome. Il y a dès lors pour eux deux Galliae, l'une dite "cisalpine" et l'autre "transalpine". Les historiens et géographes grecs ne tarderont pas à s'apercevoir que cette dernière n'est autre que la Keltiké, le territoire occupé par les indigènes que rencontrèrent les Phocéens qui fondèrent Marseille. Peu à peu, donc, entre la fin du VIIe et celle du Ve siècle, les Gaulois sont lentement mais sûrement sortis de l'anonymat de la préhistoire pour entrer dans la pleine lumière de l'histoire.
    Sur les populations celtiques extérieures à la Gaule au sens large -d'Ancône aux rives du Rhin-, il n'est pas possible de tenir un discours historique, car nous ne connaissons ni le nom de leurs principales entités ni celui qu'elles donnaient à leur territoire. Nous ne savons rien non plus des étapes de leur formation ethnique, encore moins de leur organisation politique. Mais il en va tout différemment des Gaulois qui ont commercé très tôt avec les Grecs, ont combattu précocement les Romains, ont établi des traités commerciaux et politiques avec les uns et les autres, au point d'entrer plusieurs siècles avant le début de notre ère dans les archives officielles de ces Etats.
    " (p.18-19)

    "Danton [...] allant au bout des idées de Sieyès, trouve dans l’œuvre que Jules César consacra à sa conquête de la Gaule des arguments de poids pour justifier les frontières qu'il veut donner à la nouvelle France, celle qui combat les vieilles royautés européennes. "Les limites de la France sont marquées par la nature. Nous les atteindrons dans leur quatre points: à l'Océan, au Rhin, aux Alpes et aux Pyrénées", écrit-il. Comme nous le verrons, ce sont exactement les "limites naturelles" que César, à la suite des géographes grecs, donne à la Gaule. Chargé d'une mission en Belgique, Danton plaidera pour l'annexion de celle-ci à la France, ce qui sera chose faite en 1794, après la bataille de Fleurus." (p.27)

    "Ce pays, comme on le verra plus loin avec l'examen du fonctionnement proprement politique, n'existait dans la pensée des habitants, et surtout dans celle de leur élite, qu'en des domaines précis: ceux de la guerre et du pouvoir exécutif, notamment, n'étaient pas concernés. Cette dissociation des différents rouages du pouvoir est pour nous difficile à comprendre. Elle était cependant courante dans le monde antique. César en livre un excellent exemple qui donne véritablement matière à méditer. Il s'agit du passage du livre VI de la Guerre des Gaules où l'activité des druides est décrite et où est signalée l'assemblée annuelle qu'ils tiennent dans le pays des Carnutes. Rappelons que César ne fait ici que résumer les écrits de Poseidonios d'Apamée, lequel a, selon toute probabilité, trouvé son information lors d'une conversation qu'il a eue avec un "intellectuel" gaulois, un druide probablement, ou un autre noble ayant reçu une éducation druidique. Les faits remontent donc au tout début du Ier siècle, voire à la fin du siècle précédent. "A une date fixe de l'année, ils siègent en un lieu consacré du pays des Carnutes considéré comme le centre de toute la Gaule. Là, de partout, tous ceux qui ont des différends se réunissent, obéissent à leurs décisions, à leurs jugements". L'information est brève mais néanmoins capitale. Elle signifie que les différents peuples-Etats de cette Gaule dont le lieu d'assemblée serait le centre y envoient un ou plusieurs représentants de leurs druides et qu'ils acceptent que les différends soient jugés par une sorte de tribunal international. De tels faits laissent supposer que les problèmes juridiques et sans doute aussi de nature religieuse -les druides présidaient à la religion et jouaient le rôle des théologiens- échappaient au contrôle des petits Etats et se trouvaient sous une juridiction commune, que l'on appelle nationale ou confédérale. Il y avait donc chez ces peuples la conscience très nette d'une communauté religieuse et juridique qui primait sur les individualités ethniques.
    Le même passage nous donne des indications extrêmement précises sur l'étendue géographique de cette communauté, cette Gaule dont il est question. Les Gaulois pensaient que le centre en était ce lieu d'assemblée en pays carnute. De toute évidence, cette conviction était avant tout celle des druides, savants, experts en mathématique et en géométrie et qui avaient pu bénéficier des travaux géographiques des Grecs. Les résultats des calculs qui leur avaient permis de découvrir le centre de cette aire ne doivent donc pas être sous-estimés: ils pâtissent probablement d'une marge d'erreur due aux méthodes de mesure des distances qui n'avaient évidemment pas la précision qu'on leur connaît aujourd'hui. Cependant, il est tout à fait raisonnable de penser que cette différence n'excédait pas deux à trois dizaines de kilomètres et que, par conséquent, la Gaule concernée par cette assemblée druidique avait bien son centre à l'intérieur du territoire des Carnutes. Sur une carte de la France d'aujourd'hui, ce dernier correspond aux départements d'Eure-et-Loir, du Loir-et-Cher, et à la partie occidentale du Loiret. A l'évidence, il ne s'agit là nullement du centre de l'actuelle France, pas plus du centre de la Gaule Celtique dont parle César, qui s'étend de la Garonne à la Seine et du Rhin inférieur à l'Océan. En revanche, si on accole la Gaule Belgique à cette Gaule Celtique et si l'on considère cette fois un territoire qui va de la Garonne jusqu'à l'embouchure du Rhin, le pays des Carnutes, et plus plus précisément la région de l'ancienne Cenabum (Orléans), répond tout à fait à la position centrale recherchée. Que les territoires méridionaux occupés par les Aquitains et par les peuples dits "celto-ligures" et "celtibères" qui ont été englobés dans la
    Provincia romaine, ne figurent pas à l'intérieur de cette aire géographique, cela ne doit pas étonner. Ils ne partageaient pas les mêmes institutions, les mêmes lois ni la même langue que leurs voisins du Nord. Et l'on n'est pas sûr qu'il y ait jamais eu des druides chez eux.
    Les Gaulois avaient donc, à un niveau juridique et théologique, la conception d'un espace qui leur était commun [...]
    La Gaule préfigurait-t-elle la France ? La réponse ne peut être que nuancée. Bien avant l'arrivée de César, la conscience de l'existence d'un pays dont nous traduisons le nom par "Gaule" se trouvait chez ses propres habitants mais aussi, d'un accord commun, chez ses voisins latins et grecs. Cependant, ce pays n'avait pas tout à fait les frontières qu'on lui connaît aujourd'hui et, surtout, la conception que s'en faisaient ses habitants n'était pas celle que nous lui reconnaissons. Il n'était ni le territoire d'une patrie dans son sens ethnique ni celui d'une nation qui l'aurait fait sien. Il était plutôt une terre de conquête que se seraient partagée plusieurs vagues d'immigrations celtes qui, au fil du temps, devenait un territoire commun, socle de nouvelles institutions, la justice, les confédérations guerrières et politiques. Plutôt que d'un pays qu'aurait rencontré César lors de sa conquête, il vaudrait mieux parler d'un "pays en devenir".
    " (p.44-45)

    "Le très sérieux historien grec Polybe avait [...] pu croire, certainement sur la foi des militaires romains, que les Gaulois de Cisalpine ne pratiquaient pas l'agriculture et ne possédaient que le produit de leur pillage et leurs troupeaux. Quand ces mêmes Romains découvrent qu'il existe, au-delà des Alpes, un pays typiquement gaulois, ils donnent à ce pays une image similaire à celle de celui des Gaulois d'Italie. Le pays ne peut être que barbare, il ne porte pas l'empreinte de la civilisation, il est resté à l'état de nature. Et les forêts en sont la meilleure preuve. Cicéron prétend encore en -51 que "les Gaulois trouvent honteux de se procurer du blé par leur travail. Aussi vont-ils, les armes à la main, couper la moisson sur le champ d'autrui". Quelques décennies plus tard, les mêmes propos seront tenus sur les Germains, cette fois par l'historien Tacite.
    Mais ce sont surtout César et Pline l'Ancien qui, involontairement, accréditent le mieux la conception d'une Gaule presque entièrement boisée.
    " (p.48)

    "Ce ne sont pas les Romains qui ont mis en culture le territoire de la Gaule jusqu'alors laissé en jachère, mais bien les Gaulois eux-mêmes. Les archéologues sont même en mesure de préciser la chronologie et les modalités de l'exploitation de ces terres. On sait en effet que la culture de céréales et de légumineuses était pratiquée depuis l'époque néolithique. Mais elle ne l'était qu'à une petite échelle et sur des terroirs bien spécifiques, tels que les terrasses alluviales des vallées. Plateaux et versants n'étaient pas cultivés. Cette situation perdure jusqu'au début du second âge du fer, au moment où les premiers peuples-Etats se mettent en place en Gaule. Le grand changement se produit aux environs du IIIe siècle et il est bien perceptible dans le Nord de la France. En un siècle, environ, le territoire se couvre de fermes gauloises qui, contrairement à celles qui les ont précédées, occupent désormais
    autant les plateaux que les versants ou des zones humides. Les agriculteurs occupent donc tous les terrains disponibles
    ." (p.53)

    "Les Gaulois excellaient dans les métiers du bois. Leurs constructions se composaient principalement de ce matériau, non seulement pour les supports verticaux (poteaux, pans de bois, colombage) et pour la charpente, mais aussi, parfois, pour leurs revêtement de planches et de bardeaux. Le bois était la matière noble de l'artisanat. Les Gaulois furent parmi les meilleurs charrons de l'Antiquité, ils transmirent aux Romains quelques-uns de leurs véhicules dont ces derniers conservèrent même les noms gaulois. Ils inventèrent, dit-on, le tonneau, ce qui n'a rien de surprenant car ils avaient aussi une grande réputation dans la construction des navires. L'assemblage de planches était encore utilisé dans le boisage des mines qui étaient nombreuses dans tout le Massif central et en Aquitaine. [...]
    Ainsi la forêt n'était-elle plus un espace naturel laissé à son propre développement, dernier vestige d'une nature pré-historique non maîtrisée, mais une véritable richesse soignée et régulée, au même titre que les champs et les pâturages. Elle faisait l'objet de droits de propriété, soit de l'Etat, soit de particuliers qui lui accordaient au moins la même valeur qu'aux autres couverts végétaux. D'autant plus qu'elle-même pouvait abriter deux autres types de richesse, les minerais dont regorgeait le sous-sol de quelques régions (fer, argent et or pour l'essentiel) et surtout les animaux sauvages qui, eux, se rencontraient partout. La chasse était en effet une activité prisée de la noblesse, surtout de ceux qui s'étaient destinés au métier de la guerre. Hors des campagnes militaires, elle était, comme les autres exercices physiques, quasi quotidienne. Il fallait donc gérer le gibier comme le milieu qui le protégeait, en favorisant sa multiplication et sa croissance, en ne procédant qu'à des prélèvements mesurés.
    La réalité est donc très éloignée de l'image d'Épinal. Les forêts gauloises étaient certainement beaucoup plus proches de belles forêts du XVIIIe siècle, conçues pour les chasses du Roi-Soleil et l'élevage d'arbres destinés à la construction de sa flotte que de cette sorte de forêt primitive, chère aux gravures du XIXe siècle, que ce soient celles des artistes romantiques ou celles des premiers manuels d'histoire
    ." (p.54-56)

    "L'école historique dite "méthodique" [...] ne s'intéresse pas encore à la Gaule. La première édition de la célèbre Histoire de France de Lavisse ne lui consacre aucune place." (p.60)

    "Avec les dernières réformes des programmes d'histoire, dans les années 1980, la Gaule quitte définitivement les manuels scolaires." (p.63)

    "On estime généralement la population [de la Gaule] à une vingtaine de millions d'âmes." (p.67)

    "Peu de temps avant l'arrivée des Romains en Gaule, il s'agissait, chez la plupart des peuples, de démocraties représentatives, dans lesquelles les lois et la désignation d'un magistrat et d'un stratège étaient à la charge de deux assemblées, un sénat réservé à la noblesse et une assemblée civique, probablement héritière des assemblées de guerriers. Il existait cependant quelques royautés et des tyrannies exercées par des nobles descendants de familles royales qui tentaient de reprendre le pouvoir." (p.73)

    "Le fameux défenseur de Rome, Camille, qui critiquait tant les armes des Gaulois, sut adapter les armes de ses soldats [...] les Romains en vinrent à copier les Gaulois." (p.87)

    "La considération de César pour ses ennemis n'est pas sans conséquence. Il engage de plus en plus de Gaulois dans sa propre armée pour combattre les autres Gaulois. Et le mouvement s'accentuera encore au cours des guerres civiles: les Gaulois seront les meilleurs auxiliaires de l'armée romaine. [...]
    On oublie la discipline des troupes gauloises, leur connaissance parfaite de manœuvres difficiles, telles que le combat de cavalerie, la phalange, la tortue, et des tactiques audacieuses comme la sape et les mines lors des sièges.
    " (p.88)

    "Le guerrier recevait une part de butin, une quantité d'esclaves s'il y avait eu des prisonniers et une lot de terre dont il n'avait peut-être pas toujours la pleine propriété. L'Etat, bien souvent, disposait d'un ager publicus ("domaine public") qu'il affermait. Les nobles et les chefs d'armée conservaient probablement une sorte de suzeraineté sur les hommes auxquels ils confiaient leurs terres. Le système gardait donc encore une structure pyramidale, assez proche du féodalisme médiéval qui en est l'héritier lointain. Le terme de "vassalité" est d'ailleurs un emprunt au mot gaulois vassos ("serviteur", "soumis"). En Gaule, comme au cours du Moyen Age européen, on est avant tout l'homme de quelqu'un. Cependant, à la différence du féodalisme médiéval, les relations entre hommes étaient plus souples en Gaule, moins soumises à un droit nobiliaire. La position sociale et politique dépendait des capacités guerrières, de l'art de fédérer une clientèle autour de soi, de l'acquisition d'une richesse enfin permettant son entretien. Le guerrier pouvait donc disposer d'une certaine autonomie à la guerre. Son rôle politique jusqu'au IIe siècle fut prépondérant: il pouvait se faire élire à l'assemblée et obtenir des charges administratives." (p.93)

    "Après consultation des dieux, c'est-à-dire sur l'avis des druides censés être leur voix, le signal de la guerre était donné par un conseil guerrier dont César rapporte un exemple tenu chez les Trévires. Les guerriers convoqués devaient s'y rendre dans les plus bref délais, et le dernier arrivé était mis à mort dans d'horribles souffrances. A la fois punition capitale pour le guerrier le moins empressé, sacrifice humain, prémices de la nature offrande à plus large échelle de chair humaine, il ne fait guère de doute qu'il donnait le goût du sang à des guerriers qui, bientôt, ne connaîtraient plus de limites." (p.96)

    "Plusieurs milliers d'ossements découverts sur le champ de bataille de Ribemont-sur-Ancre (Somme) indiquent que leur stature moyenne est équivalente à celle des hommes français d'aujourd'hui. Des individus atteignaient même 1.90m, ce qui, dans l'Antiquité, était exceptionnel, surtout en comparaison des populations méditerranéennes. Mais le plus étonnant est la force physique et musculaire dont les os témoignent. Celle-ci suppose une sélection des individus les aptes physiquement et un entraînement constant à longueur d'année, en temps de guerre comme en temps de paix. Une alimentation riche, essentiellement carnée, était aussi indispensable." (p.97)

    "Leur dépouille [aux guerriers] reçoit une sépulture étrange: on la laisse sur terre, de façon que les charognards, et notamment les oiseaux, viennent la dévorer." (p.99)

    "Dès le début du IIe siècle, cette puissance guerrière déclina, en premier lieu à cause de la pacification du monde méditerranéen par Rome. Tous les conflits engendrés par les royautés hellénistiques s'éteignent, et même la Cisalpine gauloise est soumise. Le mercenariat qui avait enrichi la Gaule pendant trois siècles ne trouve donc plus de débouchés. Dans le même temps, les peuples du Sud de la Gaule trouvent d'autres sources d'enrichissement grâce au commerce avec Rome. Dans ces cités, les guerriers ne tiennent plus le haut du pavé. Leur influence dans le jeu politique s'estompe, les commerçants et les financiers prennent progressivement leur place. Les vertus viriles et le code de l'honneur sont concurrencés par le goût de l'argent et du luxe. Dans le système relationnel des peuples gaulois, les nouvelles façons de vivre, de s'enrichir, de faire de la politique, même de se représenter le monde, rencontrent des échos lointains et finissent par influencer durablement une grande partie des populations. Seuls les peuples belges, arrivés plus tard en Gaule et possédant encore des traditions archaïques, tentent de s'opposer à ce mouvement. Mais ce sont les peuples riverains de l'Océan, peut-être parce qu'ils sont en étroite relation avec leurs congénères de l'île de Bretagne, qui résistent les derniers jusqu'à l'arrivée de César. Les Rèmes et les Trévires, en revanche, paraissent déjà acquis aux valeurs de la civilisation latine. C'est pourquoi César ne rencontre qu'une faible résistance en Celtique et plus particulièrement dans sa partie orientale. Les armées peu motivées y ont été en partie décimées par les précédentes incursions germaines. Certains corps de troupe sont privatisés, comme la cavalerie que Dumnorix entretenait à ses frais. Il est probable aussi que quelques Etats, les Éduens par exemple, faisaient appel à des mercenaires du Nord de la Gaule. En revanche, en Belgique règne un autre état d'esprit: les armées y sont plus aguerries si bien que César peine à en venir à bout. Il ne peut le faire qu'avec l'aide de troupes qu'il recrute en Gaule à titre d'auxiliaires. Et c'est justement chez les Belges qu'il enrôlera par la suite, lors des guerres civiles, ses meilleures troupes. On sait qu'il constitua avec celle-ci une légion tout entière, la cinquième, dite Alauda ("alouette" en gaulois), qui jouit d'une grande réputation." (p.100-101)

    "Nulle part on ne trouve d'authentiques villes avant la conquête, si par ce terme on entend un habitat communautaire avec un plan réfléchi et des infrastructures à usage collectif." (p.106)

    "Rien ne ressemblait, de près ou de loin, à la ville de Rome, mais [César] retrouvait des paysages, des demeures rurales, des villages, des ports dont il avait vu les exactes répliques dans le Nord de l'Italie. C'est pourquoi il ne lui paraissait pas nécessaire de décrire dans le détail cette vie quotidienne. En raison de cette proximité entre les deux pays, il estima que la conquête de la Gaule se ferait sans grande difficulté." (p.112)
    -Jean-Louis Brunaux, Nos ancêtres les Gaulois, Paris, Éditions du Seuil, coll. Points, 2008, 331 pages.



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