https://www.cairn.info/revue-romantisme-2006-2-page-49.htm
"George vient lui-même du symbolisme français."
"On commence précisément à parler de Neuromantik en 1897 dans les Preussiche Jahrbücher pour évoquer le « retour au romantisme » qui s’opère dans le cercle de Stefan George. On désigne par là un mélange de subjectivisme et d’esthétisme, de culte de la forme et de la vénération de modèles comme Novalis, Wagner, Nietzsche ou Baudelaire."
"Dans Neuromantik (1906), Ludwig Coellen livre son point de vue d’historien de l’art. Il se penche essentiellement sur les arts plastiques et définit Dehmel, Maeterlinck, les préraffaélites anglais et Hofmannsthal et George comme néo-romantiques."
"Helmut Prang souligne pour sa part le caractère superficiel et controversé de cette notion qui désigne à la fois un programme littéraire et une situation historique de réaction à l’esprit de l’époque précédente : l’essor du naturalisme, l’ère du positivisme et du capitalisme, de la démocratie et du socialisme. Elle détermine aussi une esthétique fondée sur la sensation et le culte du beau et sur le refus de l’engagement de l’artiste dans les affaires de la cité. Mais il n’existe ni manifeste, ni but commun affirmé qui permettrait de délimiter clairement le mouvement. Il n’est incarné que par quelques personnalités isolées comme le jeune Hesse, le jeune Rilke ou Hofmannsthal, unis par une commune fascination pour les formes et thèmes romantiques et par leur hostilité à la toute puissance de la technique et à l’esprit matérialiste qui accompagnent le développement de la culture bourgeoise.
Mais en quoi la Neuromantik se différencie-t-elle précisément des autres mouvements du Tournant du siècle (Jahrhundertwende) ?
Comme l’impressionnisme, le Jugendstil et la décadence, la Neuromantik relève du courant esthétique opposé au fondement majeur du naturalisme : le postulat selon lequel le réel serait entièrement connaissable et totalement reproductible. Or, pour les courants anti-naturalistes, l’art ne peut plus reproduire une réalité qui n’est plus saisissable que comme combinaison abstraite de signes de formes et de couleurs. Le langage lui-même ne tend plus à produire du sens ou à exprimer les sentiments de l’âme, mais des impressions passagères et fluctuantes. Dans son essai intitulé Le dépassement du naturalisme (1891), Hermann Bahr, éminent représentant du mouvement Jung Wien, dénonce ainsi la crise du naturalisme, qui se contente de livrer des états de faits en excluant tout état d’âme."
"La Neuromantik est également contemporaine du Jugendstil en Allemagne ou des Sécessions viennoise, munichoise et suisse. Mais tandis que ces mouvements visent à introduire la vie quotidienne dans l’art et à la styliser par le recours à l’ornement et à la forme courbe ou géométrique pour restaurer esthétiquement une unité organique du monde que l’on croyait perdue dans le monde industriel, la Neuromantik, loin de viser cette réconciliation de l’art et de la vie quotidienne, oppose un contre-univers au culte de la technique et de la matière. Si le monde du travail et de la technique est laid, le monde de l’art est beau et affirme son autonomie en cultivant la perfection formelle telle que la développent les jeunes George, Hofmannsthal ou Rilke, opposant à la pesanteur de la matière et aux laideurs du réel une langue épurée et des images stylisées."
"Le culte de la solitude et de la distance par rapport à la vie, comme chez Hofmannsthal et George, la fuite dans le royaume du rêve, la sensibilité exacerbée et la passivité érigée au rang de principe font de la Neuromantik un mouvement dangereux, immature et inapte selon Lublinski à produire une nouvelle culture."
"Le jeune Hofmannsthal qui, selon Ernst Alker, opère la fusion, caractéristique de la Vienne fin de siècle, du néo-romantisme et de la fascination pour la décadence et l’esthétisme aristocratique."
"Hesse reste toute sa vie un néo-romantique assumé."
-Florence Bancaud, « La Neuromantik : une notion problématique », Romantisme, 2006/2 (n° 132), p. 49-66. DOI : 10.3917/rom.132.0049. URL : https://www.cairn.info/revue-romantisme-2006-2-page-49.htm
"George vient lui-même du symbolisme français."
"On commence précisément à parler de Neuromantik en 1897 dans les Preussiche Jahrbücher pour évoquer le « retour au romantisme » qui s’opère dans le cercle de Stefan George. On désigne par là un mélange de subjectivisme et d’esthétisme, de culte de la forme et de la vénération de modèles comme Novalis, Wagner, Nietzsche ou Baudelaire."
"Dans Neuromantik (1906), Ludwig Coellen livre son point de vue d’historien de l’art. Il se penche essentiellement sur les arts plastiques et définit Dehmel, Maeterlinck, les préraffaélites anglais et Hofmannsthal et George comme néo-romantiques."
"Helmut Prang souligne pour sa part le caractère superficiel et controversé de cette notion qui désigne à la fois un programme littéraire et une situation historique de réaction à l’esprit de l’époque précédente : l’essor du naturalisme, l’ère du positivisme et du capitalisme, de la démocratie et du socialisme. Elle détermine aussi une esthétique fondée sur la sensation et le culte du beau et sur le refus de l’engagement de l’artiste dans les affaires de la cité. Mais il n’existe ni manifeste, ni but commun affirmé qui permettrait de délimiter clairement le mouvement. Il n’est incarné que par quelques personnalités isolées comme le jeune Hesse, le jeune Rilke ou Hofmannsthal, unis par une commune fascination pour les formes et thèmes romantiques et par leur hostilité à la toute puissance de la technique et à l’esprit matérialiste qui accompagnent le développement de la culture bourgeoise.
Mais en quoi la Neuromantik se différencie-t-elle précisément des autres mouvements du Tournant du siècle (Jahrhundertwende) ?
Comme l’impressionnisme, le Jugendstil et la décadence, la Neuromantik relève du courant esthétique opposé au fondement majeur du naturalisme : le postulat selon lequel le réel serait entièrement connaissable et totalement reproductible. Or, pour les courants anti-naturalistes, l’art ne peut plus reproduire une réalité qui n’est plus saisissable que comme combinaison abstraite de signes de formes et de couleurs. Le langage lui-même ne tend plus à produire du sens ou à exprimer les sentiments de l’âme, mais des impressions passagères et fluctuantes. Dans son essai intitulé Le dépassement du naturalisme (1891), Hermann Bahr, éminent représentant du mouvement Jung Wien, dénonce ainsi la crise du naturalisme, qui se contente de livrer des états de faits en excluant tout état d’âme."
"La Neuromantik est également contemporaine du Jugendstil en Allemagne ou des Sécessions viennoise, munichoise et suisse. Mais tandis que ces mouvements visent à introduire la vie quotidienne dans l’art et à la styliser par le recours à l’ornement et à la forme courbe ou géométrique pour restaurer esthétiquement une unité organique du monde que l’on croyait perdue dans le monde industriel, la Neuromantik, loin de viser cette réconciliation de l’art et de la vie quotidienne, oppose un contre-univers au culte de la technique et de la matière. Si le monde du travail et de la technique est laid, le monde de l’art est beau et affirme son autonomie en cultivant la perfection formelle telle que la développent les jeunes George, Hofmannsthal ou Rilke, opposant à la pesanteur de la matière et aux laideurs du réel une langue épurée et des images stylisées."
"Le culte de la solitude et de la distance par rapport à la vie, comme chez Hofmannsthal et George, la fuite dans le royaume du rêve, la sensibilité exacerbée et la passivité érigée au rang de principe font de la Neuromantik un mouvement dangereux, immature et inapte selon Lublinski à produire une nouvelle culture."
"Le jeune Hofmannsthal qui, selon Ernst Alker, opère la fusion, caractéristique de la Vienne fin de siècle, du néo-romantisme et de la fascination pour la décadence et l’esthétisme aristocratique."
"Hesse reste toute sa vie un néo-romantique assumé."
-Florence Bancaud, « La Neuromantik : une notion problématique », Romantisme, 2006/2 (n° 132), p. 49-66. DOI : 10.3917/rom.132.0049. URL : https://www.cairn.info/revue-romantisme-2006-2-page-49.htm