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    Farid Benhammou et la géographie du Loup

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Messages : 19506
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    Farid Benhammou et la géographie du Loup Empty Farid Benhammou et la géographie du Loup

    Message par Johnathan R. Razorback Dim 4 Oct - 10:45

    https://ruralites.labo.univ-poitiers.fr/membres/farid-benhammou/

    http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/breves/2006/popup/TheseBenham.pdf

    http://geoconfluences.ens-lyon.fr/a-propos/annuaire/benhammou-farid

    https://www.cairn.info/publications-de-Benhammou-Farid--34092.htm

    https://www.persee.fr/doc/rgpso_1276-4930_2003_num_16_1_2841

    "En plus de la crise de la filière ovine, ce sont les enjeux de l'aménagement des espaces marginaux de montagne qui sont révélés. Face aux réactions qu'a suscitée la présence du loup, comment les acteurs locaux ont-ils réagi ?"

    "Dans la zone de Nohèdes et ses environs se retrouvent des systèmes pastoraux qui rencontrent des difficultés structurelles. Comme dans plusieurs montagnes méditerranéennes, c'est l'élevage ovin viande qui domine, bien que depuis quelques décennies des troupeaux de bovin viande se développent. Depuis un siècle, la pression pastorale n'a cessé de diminuer au fur et à mesure que la montagne perdait de la population. Au début du XXe siècle, la taille moyenne des troupes d'ovins atteignait 40 à 50 bêtes par troupeau pour un un berger-moutonnier souvent itinérant [...] Cela n'empêchait pas d'avoir pour autant des concentrations de plusieurs centaines de têtes au moment de la période d'estive [période estivale où l'on mène les troupeaux sur les pacages d'altitude et nom de ces mêmes lieux]. Cela n'empêchait pas d'avoir pour autant des concentrations de plusieurs centaines de têtes au moment de la période d'estive. L'effectif total des ovins était bien supérieur à ce qu'il est actuellement dans les Pyrénées-Orientales puisqu'on l'estime à une centaine de milliers vers 1900 et près de 50 000 dans les années 1950. Ces évolutions ont été perceptibles à Nohèdes. Sur cette estive, nous avons assisté à une baisse des effectifs ovins, passés de 3000 en 1940 à 1100 en 1996 [...] Entre-temps, l'exode rural a vidé massivement la montagne et les cultures se sont concentrées dans les vallées, délaissant peu à peu les espaces montagnards aménagés regagnés par la forêt. Quelques éleveurs locaux, principalement des retraités, se sont maintenus et c'est notamment grâce à l'installation de néo-ruraux que l'élevage a pu survivre ou se redévelopper légèrement. Bien souvent, ces néo-ruraux se sont installés sur des territoires rudes à reprendre et à exploiter. Ce fut le cas pour l'éleveur de Nohèdes dont il va être question. A l'heure actuelle, son troupeau de 300 brebis environ est présent annuellement sur la commune avec le gardiennage n'étant pas toujours possible dans son système d'exploitation. La situation locale de l'éleveur de Nohèdes correspond à une situation plus générale de crise du pastoralisme [...] La filière ovine viande reste le parent pauvre de l'agriculture française, la situation financière et sociale des éleveurs n'ayant cessé de se dégrader depuis le milieu des années 1980."

    http://loup.org/spip/_Farid-Benhammou_.html

    http://loup.org/spip/IMG/pdf/Loup-Pyrenee.pdf

    http://www.loup.org/spip/Quand-on-parle-du-loup,412.html

    "L’homme est un loup pour l’homme », disait Plaute : la tradition nous l’indique, ce prédateur est un concept politique, explique Patrick Degeorges, doctorant en sociologie politique à Metz. Le loup représente toujours « l’autre » d’un ordre civilisé, qui fonde sa cohésion sur l’exclusion de l’indésirable. Intenses et durables, les conflits liés au loup en France ne s’expliquent pas par les seuls dommages qu’il occasionne. Le loup masque des revendications d’ordre stratégique, il est une « affaire d’État ».

    Avant le retour de l’animal, deux mondes aux visions de la nature antagonistes parvenaient à s’éviter, au prix d’une délimitation plus ou moins tacite de leurs territoires, note Isabelle Mauz, chercheuse au Cemagref de Grenoble (un centre de recherche dans les domaines des milieux montagnards sensibles) : d’un côté les naturalistes, les protecteurs de la nature et les jeunes gardes-moniteurs des parcs nationaux ; de l’autre, les éleveurs, les chasseurs et les gardes-moniteurs « première génération ». La volonté de protéger une population lupine viable et permanente a entraîné une remise en question de ces frontières anciennes, et déclenché une bataille où les camps, agrégeant des alliés (élus, syndicats, administrations, médias), forment des réseaux dont l’étendue dépasse celle des zones à loups. L’animal a mis les pattes dans le plat et ne laisse personne indifférent. Chacun, désormais « lycophile » ou « lycophobe », estime son sort lié à celui du loup, analyse Isabelle Mauz.

    Du côté des pro-loup [1], l’animal, porteur d’une charge symbolique forte, est devenu le principal emblème d’une nature sauvage retrouvée. Écologiquement, c’est une espèce dite « parapluie » : par sa prédation, elle exerce une régulation sur des populations de grands ongulés actuellement explosives (cerfs, chevreuils, chamois, etc.), et, en cascade, sur plusieurs autres espèces. Le loup étant un révélateur de la robustesse des écosystèmes, sa protection est un enjeu prioritaire pour le maintien de la biodiversité, expliquent ses défenseurs. Ils perçoivent souvent l’opposition des éleveurs comme corporatiste, contrecarrant la sauvegarde d’un patrimoine commun. À plus forte raison lorsque certains refusent d’adopter les mesures de prévention et de protection mises à leur disposition, « parce que cela reviendrait à entériner la légitimité de la présence du loup ».

    Il s’agit aussi de la réactivation de l’ancienne bataille pour une meilleure protection de la nature dans les parcs nationaux, observe Patrick Degeorges. Les écologistes craignent notamment les dérives potentielles d’une réforme de leur statut, prévue pour mai prochain, et qui vise à octroyer plus de « flexibilité » à leurs gestionnaires, afin notamment de mieux prendre en compte les particularités locales. Créés, pour le premier, en 1963 (parc de la Vanoise), les parcs nationaux étaient le fruit d’une volonté de l’État. Avec la préservation des espèces remarquables pour mission prioritaire, ils étaient censés disposer d’une « zone centrale » dépourvue d’activités humaines. Ce qui n’est le cas, en pratique, que dans le parc national des Écrins, du fait de l’inaccessibilité de ses hauteurs centrales. Dans le parc du Mercantour, qui accueille probablement plus de la moitié des loups de France, plusieurs milliers de moutons montent chaque année en estive, de juin à septembre.

    « Cependant, en brandissant très haut l’étendard de la protection du prédateur, les associations font peut-être un pari risqué pour la crédibilité de leur combat », avertit Patrick Degeorges. En effet, les meutes, à mesure qu’elles essaiment, « exportent » les mesures de protection dont elles bénéficient. « Par effet mécanique, on verra croître le budget des mesures de prévention, de protection et d’indemnisation que l’État accorde aux éleveurs sur chaque territoire que colonise l’animal... » Alors que l’opinion publique nationale est aujourd’hui globalement favorable au loup, ne risque-t-elle pas de se retourner ? « Indépendamment des effectifs et des dommages causés, son retour pourrait bientôt être qualifié "d’invasion biologique", péril que mesure en particulier son coût pour la société. »

    Bien que le loup soit protégé par la directive européenne « Habitats », l’État joue à fond de l’espace de dérogation qu’autorise le texte, sa responsabilité consistant à « assurer un état de conservation favorable aux populations des espèces ». C’est-à-dire : combien d’animaux, sur quels territoires ? Débat central, mais l’espèce, si elle reste en situation « fragile » en France, n’est pas en voie de disparition. Pour les écologistes, il convient de considérer, par précaution, la fourchette basse des estimations, à savoir 37 animaux. Dans le camp des éleveurs, on considère qu’il y aurait entre 80 et 120 loups : dans les alpages, le prédateur est sans conteste un intrus, nuisible et sanguinaire, provoquant des carnages dans les troupeaux.

    La profession du pastoralisme a vu débarquer l’animal dans un contexte de crise profonde. La goutte qui fait déborder le vase... Mais, estime Farid Benhammou, géographe de l’École nationale du génie rural des eaux et des forêts (Engref), qui étudie les conflits du loup depuis 1998, le loup agit surtout comme paravent des difficultés récurrentes de l’élevage de montagne : une activité très peu rentable, sous perfusion ­ en moyenne, 80 % du revenu brut des éleveurs provient des subventions ­, soumise à la pression des marchés et à l’incohérence de la Politique agricole commune (PAC). Les bas prix du mouton ­ notamment celui du concurrent néo-zélandais ­ ont poussé les éleveurs à une course en avant : les cheptels augmentent et sont de moins en moins gardés, pour réduire les frais, et restent jusqu’à dix mois en pâturage dans les Alpes du Sud. « Nous apportons au loup son garde-manger », dramatisent les éleveurs.

    S’ils occasionnent de réelles situations de détresse, les dégâts du prédateur ­ 2 800 moutons tués en 2002 ­ sont pourtant loin d’être une calamité majeure. Les maladies, les intempéries ­ qui peuvent provoquer des chutes d’ovins du haut des barres rocheuses ­, et les chiens divagants, aux attaques souvent passées sous silence, sont des dizaines de fois plus meurtriers que le loup. « L’animal, qui incarne le malaise en chair et en os ­ et en cadavres de brebis ­, est un formidable bouc émissaire, résume Farid Benhammou. Car on peut tuer le loup, mais pas la PAC, ni les orages, ni la brucellose. Pourtant, sa disparition ne résoudrait aucun des problèmes de l’agro-pastoralisme. »

    Instrumentalisé, le loup est présenté par la profession comme un facteur d’abandon des exploitations, et donc un péril pour l’un des enjeux officiellement affichés par la politique agricole : la lutte contre le déclin rural dans les zones périphériques et marginalisées. Il est devenu l’otage d’un « quitte ou double » mis en scène par des slogans radicaux : « Le loup ou l’homme », « Le prédateur est incompatible avec l’élevage », « Sans nous, la montagne devient un désert », etc. « L’animal serait une sorte d’arme "biologique" pour éradiquer définitivement le pastoralisme, résume Patrick Degeorges. Pour les éleveurs de montagne, qui n’ont pourtant jamais été aussi audibles depuis qu’il est de retour, le loup sert à défendre le primat de l’agriculture contre certains enjeux environnementaux. »

    Tels qu’ils sont portés par les écologistes, à tout le moins. Car, comme le fait remarquer Farid Benhammou, la profession agricole s’est appliquée à retourner contre ces derniers l’argument de la défense de la nature. En effet, avec l’évolution de la PAC, les subventions aux agriculteurs sont désormais conditionnées à l’accomplissement d’une mission environnementale : l’entretien des paysages et la protection de la biodiversité. Un contrat de service public, expliquent les éleveurs de montagne, qui réfutent dans la foulée la tare corporatiste de leur combat : le passage des troupeaux maintient les milieux ouverts, condition de la survie de végétaux de prairies rares et d’une petite faune, qui disparaissent dès que la broussaille et les arbres reconquièrent le terrain.

    Au-delà du débat sur l’avenir de l’agriculture de montagne ­ veut-on conserver aux espaces ruraux leur fonction économique et sociale actuelle, ou bien les transformer en espaces récréatifs ? ­, c’est aussi la priorité de l’État en matière de sauvegarde de la biodiversité qui est en question. La présence du loup est la conséquence d’un déclin agricole correspondant à l’appauvrissement de milieux ouverts, qui constituent la moitié des zones d’intérêt listées au titre de la directive « Habitats », et dont la richesse, notamment pour la flore, dépend du maintien du pâturage. Le dilemme ne se résoudra pas avec la délimitation d’aires d’exclusion du loup ­ le « zonage » : par sa mobilité et son naturel conquérant, l’espèce bouscule le principe d’une gestion de la biodiversité par « réserves naturelles », sauf à disposer, comme en Amérique du Nord par exemple, de très grands parcs. « Au bout du compte, voudra-t-on protéger des paysages ou des dynamiques naturelles ? », interroge Patrick Degeorges. Le piège du loup, grand perturbateur d’ordonnancements, se referme sur l’homme..."
    __________________

    "Le retour de l’ours et du loup est associé à une nature sauvage conquérante. Leur présence dépasse le cadre écologique et provoque des tensions politiques, socio-économiques et culturelles dans des territoires ruraux historiquement marginalisés par rapport à la capitale nationale, voire aux centres régionaux. La protection de ces espèces révèle aussi des changements de la société en faveur de l’environnement, mais également des résistances à sa prise en compte à toutes les échelles. Les conflits environnementaux, s’ils s’appuient toujours sur une base écologique, impliquent constamment des rivalités entre groupes au sujet du territoire et de l’environnement. Ils relèvent donc de la géopolitique."

    "Malgré des rumeurs de réintroduction, ces loups proviennent de la population italienne qui s’étend depuis sa protection en 1973. L’espèce avait disparu du territoire français depuis les années 1940-50. Le dynamisme de la colonisation est surprenant. Il concerne toutes les Alpes du Mercantour à la Maurienne et s’étend au Bugey dans l’Ain en 2003 (Figure 2). Sa présence est même attestée dans les Pyrénées-Orientales à la fin des années 1990 et officiellement reconnue en 2006 en Lozère (ONCFS, 2006). De nombreux facteurs socioterritoriaux et écologiques favorisent cette colonisation dans les zones de montagne françaises. Elles sont les plus touchées par une diminution de l’usage et de la modification du milieu par les activités humaines. Les plans de chasse et des programmes de réintroduction d’espèces gibiers ont contribué à la reconstitution des populations de proie nécessaires au loup (chamois, mouflons, cervidés). La présence de nombreuses aires protégées alpines accroît le degré de protection de l’espèce."

    "Dans les Alpes, des acteurs locaux, du tourisme notamment, soutiennent le retour du loup."

    "Pour plusieurs éleveurs des Pyrénées, les prédateurs sauvages ne sont que des moyens utilisés pour se débarrasser d’eux. Ainsi, les protecteurs de la nature sont-ils présentés comme des anti-humanistes puisqu’ils voudraient vider les campagnes et les remplacer par une nature sauvage. Les ours et les loups, symboles forts de nature à la charge culturelle importante (Bobbé, 2002 ; Carbone, 1991 ; Delort, 1993), incarnent pleinement cette conception. Inscrite dans cette représentation, les politiques environnementales paraissent donc suspectes.

    Par ailleurs, pour beaucoup d’opposants à l’ours et au loup, ils sont une fausse cause d’environnement. Les acteurs agricoles présentent le pastoralisme, c’est-à-dire l’élevage transhumant de montagne, comme une cause écologique supérieure. Celui-ci, par son action millénaire, contribuerait toujours à une riche biodiversité grâce à l’action des brebis qui maintiennent les paysages ouverts de montagne. Un cortège floristique et faunistique serait donc lié à cette activité humaine qui cantonne un ensauvagement jugé dangereux. Pour certains, ces animaux n’ont même plus rien de naturel. Cette idée accompagne les promoteurs de la thèse de la réintroduction du loup puisque, pour eux, des humains sont à l’origine de ce retour par des lâchers artificiels."

    "La montagne a connu la même évolution culturelle que le reste de la France urbaine et rurale. De la représentation de l’espace aux modes de vie, les populations dites rurales ont changé et se rapprochent des populations urbaines. Les activités principales concernent désormais davantage le tourisme et les services que l’agriculture au sens strict. Un brassage sociologique s’est produit inévitablement. Les modes de vie, les perceptions de la campagne et de la nature des Français, urbains et ruraux, se sont uniformisés (Mendras, 1995). Ces évolutions déplaisent cependant à certains groupes car elles se sont aussi accompagnées d’un changement de l’occupation de l’espace, la campagne étant devenue surtout un lieu de vie plus qu’un lieu de production. Les agriculteurs, minoritaires dans un monde où ils ont longtemps été majoritaires (Hervieu et Viard, 2001), vivent d’autant plus mal l’intrusion de ces animaux, qu’ils supportent déjà difficilement les aléas de la Politique agricole commune (PAC). Celle-ci, en favorisant les plus grandes exploitations agricoles, a rendu plus aiguë la détresse des éleveurs ovins. Profession paupérisée dans les Alpes et les Pyrénées, l’agriculture accumule les difficultés économiques, la concurrence étrangère et la surcharge de travail sur une seule personne.

    Ce malaise se manifeste aussi dans le refus d’être considéré comme des « jardiniers de la nature » puisque la société ne les considère plus comme des producteurs indispensables. Certes, les ours et les loups sont des boucs émissaires, mais la contrainte réelle qu’ils représentent révèle la crise / mutation économique et culturelle subie par ces territoires."

    "Lors de la commission d’enquête sur les conditions du retour du loup en France (Estrosi et Spagnou, 2003), D. Spagnou est surpris et avoue avoir ignoré les « conditions incroyables » dans lesquelles vivent les bergers l’été. Il en est de même pour les instances agricoles, comme la Chambre d’agriculture des Alpes-Maritimes qui a totalement négligé le pastoralisme avant le retour du loup. Elle ne s’est associée à aucune initiative régionale d’encouragement de l’activité et n’a pas cherché à organiser, défendre la profession ou encore à améliorer les équipements pastoraux vétustes comme les cabanes."

    "Sur la biodiversité semblent faire partie des évidences rarement remises en question ou discutées (Benhammou, 2008). Pourtant, plusieurs éléments permettent de nuancer cette idée largement répandue au nom de laquelle la protection des grands prédateurs deviendrait illégitime. Premièrement, le pastoralisme ovin, tel qu’il est mené depuis quelques décennies, n’a pas forcément évolué vers une conduite écologiquement responsable en zone de montagne. La tendance dans les Alpes – et dans une moindre mesure dans les Pyrénées – a été de conduire l’élevage ovin (viande notamment) vers des pratiques de ranching : les troupeaux sont de plus en plus importants, ils exigent peu de main d’œuvre et produisent une faible valeur ajoutée. Or la conduite des gros troupeaux n’est pas aisée et les risques de surpâturage et de sous-pâturage sont élevés. Ces formes de pastoralisme n’empêchent pas la fermeture des paysages. Plusieurs botanistes et phytosociologues étudiant la montagne alpine depuis les années 1950, alertent la population au sujet des conséquences de l’évolution des pratiques d’élevage sur les pelouses subalpines et les alpages (Philippe, 2004a et 2004b ; Evin, 2004). Le botaniste Marc Philippe (2004a) synthétise ces transformations à travers trois explications :

    « Il s’agit d’abord de la modification des pratiques de la transhumance, laquelle a dû s’adapter à l’économie de marché et à la concurrence avec une forte augmentation des cheptels transhumants passant de troupeaux moyens de 500-800 têtes à 3 000, 4 000 parfois 5 000 têtes, et de l’arrivée en alpage de plus en plus précoce, à contre-saison, sur neige fondante, sur une poussée végétative à peine amorcée pour rentabiliser au maximum la location du camion transporteur ’qui coûte plus cher que l’alpage’. On constate aussi une méconnaissance totale du milieu par certains nouveaux bergers, d’ailleurs toujours en nombre insuffisant ; le phénomène s’est aggravé par l’adoption de plus en plus fréquente d’un parcours libre au sein de vastes espaces grillagés. »

    Le pastoralisme n’est donc pas forcément bon pour la biodiversité et l’entretien des paysages."

    "La tendance actuelle est à l’abandon du gardiennage et à l’accroissement de la taille moyenne des troupeaux. Mais cette recherche de rentabilité se fait dans le cadre de système de ranching aux traits parfois autant intensifs qu’extensifs. Hormis dans plusieurs secteurs alpins, les éleveurs ont été amenés à se détacher, ainsi que leur troupeau du territoire-terroir. Ce détachement prend la forme de l’absence prolongée de la présence humaine sur l’estive. Ensuite, les zones de montagne n’ont pas échappé à la « céréalisation » de l’élevage. Depuis les années 1990, les éleveurs ont été encouragés à intégrer davantage de céréales dans l’alimentation de leurs bêtes (Poux, 2004). Les céréales sont produites en plaine et proviennent d’autres régions voire d’autres pays. Ces aliments, souvent industriels, ont pour conséquence de détourner l’éleveur de l’exploitation optimale de l’espace du saltus, à savoir les parcours, prairies et estives. Faute de main d’œuvre, la culture locale de fourrage sur ces espaces recule. Au mieux, ils servent à « soulager » l’exploitation en y lâchant les brebis, sans surveillance serrée, au moment où elles ne sont pas productives soit parce qu’elles n’ont plus de lait, soit parce que l’engraissement des agneaux se passe en stabulation. Certes, dans quelques expériences alpines, l’exploitation alimentaire de l’alpage est recherchée, mais cette tendance est récente. Et quand le système productiviste mêlant ranching et hors-sol tend à se développer, alors la présence des prédateurs devient insupportable.

    Alors que les opposants aux grands prédateurs affirment souvent que la société veut une nature sans hommes en protégeant ces animaux, la solution la plus efficace est, au contraire, la présence humaine auprès du troupeau. Pour cette raison, des promoteurs de la fonction de berger, sans militer pour les prédateurs, y ont vu une occasion de relancer et de rénover les pratiques de gardiennage. Pour la majorité des exploitants éleveurs, le poste de gardiennage doit coûter le moins cher possible, voire disparaître. Le berger est un travailleur salarié qui subit fortement la logique de compression des coûts. Beaucoup d’entre eux, peu considérés par leurs employeurs, sont mal payés et travaillent dans des conditions techniques et sanitaires déplorables. Or, partout où les prédateurs sont réapparus, les pouvoirs publics ont financé des moyens humains. Les services de l’environnement, souvent mal vus par les acteurs agricoles, ont d’ailleurs accru les faibles budgets dans ce domaine. Pour les éleveurs n’ayant pas les moyens de financer un berger ou désireux de garder eux-mêmes leurs troupeaux, d’importants financements ont été dégagés (Encadré 1). Même s’il reste beaucoup à faire, les modèles de développement ayant tendance à faire disparaître les hommes des estives ont été en quelque sorte sanctionnés par le retour des prédateurs."

    "La médiance d’un territoire à prédateur lui confère des caractéristiques contraignantes pour certaines utilisations (élevage, chasse, foresterie) mais aussi des dimensions valorisantes pour d’autres (tourisme, prospection naturaliste, affectivité environnementale). Un territoire de prédateur n’est pas comme les autres."

    "Les réactions suscitées par ces animaux permettent de révéler une stratégie d’évitement de problèmes cruciaux de ces territoires et une réaction anti-environnementale. En effet, les acteurs géopolitiques que sont les élus semblent parfois découvrir « leur » monde agricole. Il est assez surprenant de voir l’énergie que peuvent déployer certains élus ou militants agricoles face aux prédateurs alors que le problème de la viabilité des activités agricoles à long terme, du tissu économique équilibré et de la survie des services publics de ces territoires ruraux marginaux n’est pas clairement posé dans le débat de société.

    La résistance contre la prise en compte de l’environnement devient alors le symbole simplifié de mutations sociales non désirées. Il est aisé de faire passer la conservation de la nature pour une idéologie qui en fait plus pour les petites bêtes et les petits oiseaux que pour les hommes. Pourtant, la défense des « hommes » en bloc contre la nature et ses protecteurs s’assimile souvent à la défense des intérêts de certains hommes. La protection de l’environnement telle qu’elle est conçue actuellement n’est pas une nature sous cloche. Elle se concilie de fait avec des usages sociaux, mais pas n’importe lesquels. Certes, la protection des prédateurs fait peser une contrainte sur l’élevage de montagne. Elle doit être évaluée à l’aune des autres difficultés existantes pour cette activité. Tout comme les politiques de protection de la nature, la prise en compte de ces activités fait partie de choix de société qui, au lieu de s’opposer, ont tout intérêt à s’unir."
    -Farid Benhammou, « Protéger l’ours et le loup en France », Géographie et cultures [En ligne], 69 | 2009, mis en ligne le 03 décembre 2015, consulté le 04 octobre 2020. URL : http://journals.openedition.org/gc/3544; DOI: https://doi.org/10.4000/gc.3544

    https://blogs.mediapart.fr/farid-benhammou/blog/270820/loup-et-ours-en-france-detresse-ou-decredibilisation-des-eleveurs

    "Le premier concerne Alban Dusserre-Bresson, présenté comme le dernier berger de Prapic se disant « cerné » par 6 meutes de loups alors qu’une seule est attestée par le suivi scientifique, ce qui est déjà une forte contrainte. Le journaliste ne discute pas le fait qu’il n’est pas berger (gardien salarié) mais éleveur (propriétaire des bêtes) et que la présence de 6 meutes autour de son estive est impossible car il n’y aurait tout simplement pas assez de ressources pour nourrir autant de loups. Il y a en revanche 9 meutes répertoriées sur les 1800 km² du Parc national des Ecrins, soit 200 km² par meute, ce qui correspond à la moyenne européenne. L’article de Ouest-France parle de « carnage », d’ « hécatombe », l’éleveur sous-entendant avoir perdu plusieurs centaines de brebis. Pourtant, quand on regarde les chiffres de la Direction départementale des territoires des Hautes-Alpes, on constate que cet éleveur a perdu 2 brebis en 2020 (une attaque), 4 en 2019 (deux attaques), 0 en 2018 et 2017."

    "Ces derniers temps, les solutions simplistes et violentes (tirer sur l’animal) promues par les représentants des éleveurs et des chasseurs sont davantage reprises par les pouvoirs publics et les préfet.es alors que l’on ne s’attaque pas aux racines des difficultés. Les préfet ·es font de plus en plus preuve d’un suivisme sans recul des groupes de pression agro-cynégétiques et d’élus locaux, d’une part en raison de la faiblesse de leur formation en lien avec l’environnement et d’autre part en raison de rapports de force qui ne reflètent pas les volontés citoyennes. Les hauts-fonctionnaires sont aussi fidèles à ce que le politologue Pierre Grémion appelait le « pouvoir périphérique », à savoir que les préfets cherchent à s’accommoder avec la réglementation nationale pour l’adapter aux exigences de ces mêmes groupes et élus locaux. Ils ne peuvent cela qu’avec la bénédiction du pouvoir politique au plus haut niveau."

    "Le cinéaste Jean-Michel Bertrand, réalisateur de films sur sa quête personnelle pour comprendre le monde des loups7, en a fait les frais. Alors que ses projections donnent lieu à des débats argumentés, pluralistes et de bonnes tenues, partout en France, y compris en zone à loup, le 2 août 2020 à Tende dans le Mercantour, un groupe d’éleveurs et chasseurs chauffés à blanc dont certains visiblement alcoolisés, sont venus perturber, insulter les agents du Parc national du Mercantour organisateurs d’une projection-débat, les spectateurs partagés entre habitants de la vallée curieux et touristes, entraînant l’interruption de la séance. Les nombreuses familles avec enfants présentes dans la salle et la majorité du public en sont ressorties traumatisées (lire le témoignage d’une habitante de la vallée de la Roya). Le loup peut représenter, surtout quand il vient d’arriver, un vrai choc de culture et de pratique pour les éleveurs et bergers. Il n’est pas certains que les agitateurs aient fait progresser la compréhension des difficultés des éleveurs confrontés au canidé par ce comportement. Mais pire, c’est un cas de censure avéré et les gendarmes arrivés après coup ont laissé faire. Le maire de la commune, pourtant officier de police judiciaire, a même pris la parole pour dire son soutien à ces perturbateurs de l’ordre public. Où sont les commentaires des autorités de la culture, de l’environnement ou du maintien de l’ordre sur ce qui peut représenter un grave précédent ? On les attend toujours."
    ________

    "Alors que le gouvernement ne cesse d’augmenter les quotas [5] d’élimination de loups – il vient de les doubler en passant à 100 individus à abattre en 2019 sur les 530 spécimens estimés – les dégâts sur les troupeaux ne cessent d’augmenter. [...]
    la plus grosse perte récente, 98 brebis tombées dans un ravin, résultait d’une totale absence de gardiennage."

    "Les premières causes de mortalité naturelle du cheptel en montagne sont les chutes de pierre, les intempéries, les maladies et les plaies infectées par… des asticots, causalités responsables de la mort annuelle de dizaines de milliers d’animaux domestiques en zone montagnarde, qui avec ou sans grands carnivores, reste un milieu rude."
    ( http://loup.org/spip/Loup-entre-mensonges-violences,1232.html )

    http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-thematiques/changement-global/savoir-faire/plan-loup

    "Le retour du loup sur le sol français date de 1992 « par une recolonisation progressive du territoire depuis la population italienne » (ONCFS, 2015). Le loup a été un animal commun en France pendant des siècles, en montagne comme en plaine, ce que des historiens ont bien documenté à l’instar de Jean-Marc Moriceau (2007). Ils ont montré combien les rapports entre humains et animaux étaient influencés par les représentations de ceux-là sur ceux-ci.
    [...]
    En 2016, l’estimation donne une fourchette de 214 à 370 individus. Le comptage national n’est pas complètement pertinent dans la mesure où une partie des meutes sont transfrontalières : les espaces considérés comme des marges ou des marches pour l’homme sont parfois au cœur des territoires animaux."

    "Le loup est une espèce protégée par la convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel en Europe de 1979, ratifiée par la France en 1989, ainsi que par la directive européenne « Habitats » et par la Convention de Washington (Cites). Il figure sur la liste des mammifères protégés sur l’ensemble du territoire national. À ces divers titres, le loup fait l’objet d’une interdiction totale de détention, capture, mise à mort intentionnelle et de perturbation intentionnelle (Dreal Rhône-Alpes, 2014)."

    "Son retour en France coïncide avec un contexte particulier : celui des graves difficultés auxquelles fait face le pastoralisme. Cette filière souffre d’un triple handicap : la crise de la filière agricole en France et de l’élevage en particulier ; les difficultés de l’agriculture de montagne en général et des montagnes sèches méditerranéennes en particulier ; et les problèmes spécifiques de la filière ovine peu rémunératrice au regard du travail qu’elle exige. Dans ce contexte, l’arrivée du loup, contemporaine de la signature des accords européens de Maastricht, si elle a été saluée par les défenseurs de la biodiversité, a été vécue par les éleveurs comme une remise en question de leur métier, voire de leur existence. Si le retour du loup a été très mal accepté par les éleveurs, ce n’est donc pas seulement à cause des dommages causés à leurs troupeaux, mais aussi parce qu’il a pu leur donner l’impression que la protection des espèces animales avait plus d’importance pour les pouvoirs publics que le maintien de l’activité agricole.

    Le propos n’est pas ici de revenir sur ce conflit qui a été déjà très largement étudié par les géographes, notamment depuis la thèse de Farid Benhammou (2008). Pour n’en retracer que les très grandes lignes, ce conflit oppose principalement deux groupes d’acteurs. Un groupe rassemble ceux qui estiment que le loup est une contrainte de plus, ou de trop, pour les éleveurs, défenseurs d’une ruralité de montagne en difficulté et accusant les pouvoirs publics de préférer une nature sauvage à une nature habitée. Un deuxième groupe rassemble les défenseurs du loup, estimant qu’il faisait partie des écosystèmes avant sa disparition, que son retour est une restauration de la biodiversité, et que les éleveurs des autres pays parviennent à cohabiter avec cette espèce qui est de toute façon protégée par le droit européen et international. Pour autant, le conflit n'est pas complètement binaire."

    "Comment faire cohabiter un pastoralisme fragilisé avec un prédateur protégé."

    "Le Plan national Loup est l’outil mis en place par l’État pour gérer la cohabitation entre les éleveurs et le loup, dans une optique de gestion concertée. Le plan de 2008-2012 prévoyait déjà un PPP, un Programme Prédateur-Proies en partenariat avec le Parc National du Mercantour, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et la Fédération départementale des chasseurs des Alpes-Maritimes (source : ONCFS, 2011).

    Il est copiloté par deux services de l’État déconcentrés en région Auvergne-Rhône-Alpes : la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) et la Direction régionale de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt (Draaf). Le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes est le coordinateur du plan au niveau national. Cela peut s’expliquer par la présence ancienne et nombreuse de l’espèce sur plusieurs départements de son territoire (Savoie, Haute-Savoie, Isère, Drôme, Ardèche…), même si le département le plus touché par les dommages aux troupeaux, les Alpes-Maritimes, se situe en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Le préfet de région s’appuie sur les services de ces deux directions régionales, Draaf et Dreal, pour soutenir le pastoralisme tout en maintenant la cohabitation avec l’espèce protégée qui est le loup. Ce copilotage assure donc la présence au sein du Plan Loup de deux ministères défendant chacun une vision : celle du soutien aux filières agricoles, incarnée par le ministère en charge de l’agriculture représenté par la Draaf, et celle de la protection de la biodiversité, mission relevant du ministère en charge du développement durable représenté par la Dreal."

    "En 2015, « 1089 constats ont donné lieu à indemnisation (sur 1250 constats établis) correspondant à 4045 victimes indemnisées (sur 4657 victimes constatées) » (Dreal, 2016). Le montant de l’indemnisation se situe autour de 140 € en moyenne mais avec de fortes variations selon l’animal tué."

    "Compte tenu du coût total de l’indemnisation, et du fait qu’elle n’est de toute façon pas satisfaisante pour les éleveurs, l’accent est mis sur l’adaptation des pratiques pastorales.  Au fil des numéros d’Info Loup, la publication mensuelle du Plan Loup, des conseils sont prodigués aux éleveurs pour « faire obstacle au prédateur ». L’une des mesures consiste à généraliser les chiens de protection tels que les patous. Ces chiens bergers des Pyrénées, utilisés également dans d'autres massifs, grandissent au milieu du troupeau et développent des réflexes de protection des brebis. La Dreal reconnaît que ces évolutions génèrent des contraintes, demandent du temps aux éleveurs, et changent leurs habitudes de travail. Le rapport de 2017 (p. 22) fournit un complément d'information sur l'usage de ces chiens, et estime le nombre de chiens de protection introduits en France depuis 1992 à 1 600, et à 1 200 le nombre de chiens présents aujourd'hui dans les massifs alpins, soit une population supérieure à celle des loups."
    -Jean-Benoît Bouron,  « Le Plan Loup, une réponse de l’État à un conflit socio-environnemental », Géoconfluences, avril 2017. URL : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/eclairage/plan-loup/

    "Il est vrai qu’avec un budget de 26,3 millions d’euros et près de 11 800 animaux ayant fait l’objet d’une indemnisation en 2017, l’impact du canidé n’est pas anecdotique. [...]
    Avec la systématisation de l’élimination de 10 % des effectifs de loups estimés - avec 40 à 43 loups ces deux dernières années, c’est déjà plus -, une logique de quota et non de plafond semble validée pour plaire aux acteurs agro-cynégétiques."

    "En septembre 2015, des syndicalistes agricoles (FNSEA, Jeunes Agriculteurs) séquestrent le président, le directeur et un agent du Parc national de la Vanoise et exigent l’élimination de cinq loups en Savoie. Ils obtiennent, non pas cinq, mais six autorisations de tir du préfet, décision validée par Ségolène Royal, ministre de l’Ecologie de l’époque. Aucune poursuite n’est engagée pour séquestration d’agents de l’Etat. Parallèlement, des syndicalistes CGT avaient séquestré deux directeurs de l’usine Goodyear d’Amiens Nord à l’annonce de la fermeture du site en 2014. Après des condamnations à des peines de prisons fermes, les syndicalistes ouvriers sont condamnés à jusqu’à 12 mois de prison avec sursis. Le deux poids, deux mesures pose question quant à notre Etat de droit."
    -Farid Benhammou, géographe, chercheur associé au laboratoire ruralités de l’université de Poitiers — 28 juin 2018: https://www.liberation.fr/debats/2018/06/28/nouveau-plan-loup-deception-et-inefficacite_1662652

    "Pour l'heure, 530 loups ont été décomptés (bilan réalisé à la sortie de l’hiver 2018/2019) en France. L'animal est installé dans 97 zones, principalement, dans les Alpes, le Sud-Est et l’Est. Pourtant, l’OBF a bien confirmé, la présence d’au moins un loup en Normandie, à Mesnières-en-Bray, au sud-est de Dieppe. Une situation qui n’est pas arrivée depuis au moins un siècle." (22 juillet 2020: https://www.europe1.fr/insolite/presence-dun-loup-en-normandie-une-premiere-depuis-un-siecle-3982294 )




    Dernière édition par Johnathan R. Razorback le Dim 4 Oct - 14:43, édité 4 fois


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    Farid Benhammou et la géographie du Loup Empty Re: Farid Benhammou et la géographie du Loup

    Message par Johnathan R. Razorback Dim 4 Oct - 14:17

    https://www.iew-test.be/wp-content/uploads/2018/03/pastoralismeetbiodiv.pdf

    "En premier lieu, c’est au nom de la biodiversité que la protection du loup a été mise en avant par ses défenseurs. Cette présence est alors présentée comme révélatrice d’un écosystème riche tant en espèces animales que végétales à la tête duquel on retrouve le grand prédateur. Or, certains détracteurs de la conservation du loup vont également fabriquer un discours au centre duquel se retrouve la biodiversité. Le syllogisme est simple : le loup (ou l’ours) est responsable de la fin du pastoralisme, or le pastoralisme de montagne entretient la biodiversité en montagne, donc le loup est nuisible à la conservation de la biodiversité. Ce raisonnement est activement porté par certains représentants professionnels agricoles et élus, relayés par certains médias et chercheurs."

    "Un des remèdes à la prédation que sont les chiens de protection est également très critiqué pour son impact supposé sur la faune sauvage. La disparition programmée de l’élevage, dont le loup est jugée responsable, entraînerait la désertification humaine, la fragilisation des équilibres écologiques, l’embroussaillement des milieux, des feux de forêts l’été et des avalanches l’hiver. Le loup est en outre présenté comme un animal n’ayant pas besoin de milieu riche en biodiversité pour vivre et la protection de cette unique espèce est mise en balance contre des dizaines d’autres qui sont menacées. Canis lupus est alors jugé responsable d’effets nuisibles pour la nature et par conséquent les écologistes pro-loup se tromperaient de combat."

    "Il est pertinent de s’interroger sur les effets de la présence d’un grand prédateur lorsque la conduite du troupeau entraîne une érosion des parcours et une concentration des déjections."
    -Farid Benhammou,

    "On appelle surpâturage le fait de mettre plus de bêtes sur un pâturage que le territoire ne peut en supporter sans dommages. Le phénomène est complexe. Le surpâturage intègre
    le nombre de bêtes inalpées mais aussi les dates et les modes d’estive. Il affecte tout à la fois la biodiversité du pâturage, la nature et la qualité du couvert végétal, le sol qui le porte, le terrain sur lequel il repose. S’il y a surpâturage, les pâturages sont dégradés, les animaux en pâtissent, l’alpage plus encore. Mais ce n’est pas tout. Le surpâturage affecte aussi les versants dans leur ensemble, perturbant les sources et accentuant les ravinements.

    Avec l’augmentation de la torrentialité, de nouvelles menaces pèsent sur les routes et les habitations, ce qui a un coût pour la collectivité. On parle beaucoup, depuis la Conférence de Rio, de développement durable. Le pastoralisme, tel que pratiqué de nos jours, et plus particulièrement la transhumance ovine ne s’inscrivent aucunement dans un plan de gestion responsable de la montagne et vont à l’encontre de la préservation des espèces végétales et des milieux naturels dont nous sommes redevables… aux générations futures."
    -Michèle Evin,

    "Jean-Pierre Choisy nous fera découvrir l’impact du pastoralisme sur les vautours. Mais quel rapport avec le loup ? De la même façon que les scientifiques ont démontré tous les bienfaits de sa présence pour la chaîne alimentaire du Yellowstone, son retour dans le Mercantour, où il exploite d’importantes populations d’ongulés sauvages dans des habitats en très grande partie ouverts (donc avec des carcasses accessibles aux vautours), pourrait permettre une installation de ces grands rapaces allant bien au-delà de la seule présence des troupeaux transhumants. Si tel était le cas, le Parc national du Mercantour serait le lieu d’une très remarquable reconstitution de la communauté de grands vertébrés avec herbivores, prédateurs et charognards."
    _____________________
    https://www.cairn.info/revue-terrains-et-travaux-2012-1-page-15.htm

    "D’un problème exclusivement pastoral, le loup s’est peu à peu lesté d’enjeux plus généraux, regardant non plus la seule population agricole mais la société dans son ensemble."

    "Alors que certaines régions sont d’ores et déjà colonisées, d’autres se préparent à l’arrivée du prédateur, à l’instar des Cévennes où prédomine l’élevage ovin. À l’inverse des autres conflits déclenchés par le retour de grands prédateurs (comme l’ours dans les Pyrénées ou le loup dans les Alpes), la mobilisation générée en Cévennes prend forme avant même l’arrivée de l’animal. Même si quelques spécimens erratiques ont été signalés par des gardes de l’ONCFS (Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage) et des chasseurs, aucun dégât sur le cheptel domestique n’est à ce jour signalé et la région n’est déclarée ni en Zone de Présence Permanente ni même en Zone de Présence Temporaire. Pourtant, le loup est à l’origine de nombreuses mobilisations du monde pastoral, désireux de faire entendre son rejet de l’animal, comme en témoignent des manifestations publiques ou bien encore des événements de braconnage."

    "Les entretiens réalisés auprès des pastoraux indiquent que le caractère inacceptable de la situation repose sur le fait qu’il leur est interdit de prendre les armes pour défendre leur troupeau contre le loup ; et ce en raison de son statut d’animal protégé."

    "Bien que des spécimens lupins aient été observés dans l’enceinte du Parc National du Mercantour en 1992, le Ministère de l’Environnement ainsi que la direction du Parc ont décidé de ne pas officialiser cette nouvelle. Et c’est la revue écologiste Terre Sauvage qui, en mai 1993, annonce publiquement le retour de l’espèce lupine sur le territoire français. Le fait que le retour de l’animal ait été annoncé par une revue et non par l’administration et que cette dernière ait caché la réapparition du prédateur a attisé l’exaspération des acteurs du pastoralisme et a donné naissance à la rumeur selon laquelle la réapparition du loup n’est pas naturelle mais qu’elle a fait l’objet d’une réintroduction cachée."

    "L’obstination des pastoraux à exiger la lumière sur l’origine de la présence de l’espèce lupine s’explique par le fait que le statut d’animal protégé ne pourrait s’appliquer au loup dans le cas où il aurait été introduit, permettant ainsi son élimination."

    "Le problème Loup est ainsi vécu par les acteurs du pastoralisme comme leur étant imposé par l’État qui protège l’animal au détriment des hommes. Si les différents travaux ministériels engagés entre 1996 et 2003 sur la question lupine soulignent les difficultés qu’engendre la réapparition de l’animal pour l’activité pastorale, force est de constater que les objectifs restent inchangés en ce sens que les propositions formulées à l’issue des rapports visent l’acceptation du loup pour que « l’État puisse tenir ses engagements nationaux et internationaux » de protection de l’espèce."

    "Le groupe LYCA, également appelé « frères des loups », revendique un attentat commis [en 1993] dans la vallée de Vésubie, menaçant de représailles toute personne s’attaquant à leurs « frères ». Bien que spectaculaire et confiné au seul département des Alpes-de-Haute-Provence, cet événement a permis de donner une certaine visibilité aux défenseurs du loup."

    "En 1996, FNE engage sa première bataille juridique à l’encontre de dix communes alpines souhaitant procéder à des battues aux loups. Et, en 2005, l’ASPAS obtient gain de cause après avoir saisi le Conseil d’État contre l’arrêté interministériel autorisant l’abattage de loups.

    "Devenues acteur à part entière de l’affaire Loup, les associations nationales de défense de la nature et, plus généralement, les sympathisants des loups font valoir dans les arènes de l’action publique une définition du problème Loup qui s’oppose à celle formulée par les acteurs du pastoralisme."

    Présenté comme un « bien commun » ou un « bien public » par le monde non-agricole, le loup ne peut faire l’objet d’une définition exclusivement agricole mais doit nécessairement être envisagé dans sa dimension patrimoniale. L’argumentation des non-agricoles selon laquelle le devenir du loup ne peut être décidé que par le monde agricole concourt au processus de patrimonialisation de l’animal. En effet, le loup devient un élément du patrimoine naturel, ou du « patrimoine biologique » national tel que le formule P. Bracque dans son rapport de mission interministérielle, qu’il s’agit de défendre d’autant plus qu’il bénéficie d’une reconnaissance institutionnelle forte."
    -Martin Maïa, « Entre affection et aversion, le retour du loup en Cévennes comme problème public », Terrains & travaux, 2012/1 (n° 20), p. 15-33. DOI : 10.3917/tt.020.0015. URL : https://www.cairn-int.info/revue-terrains-et-travaux-2012-1-page-15.htm



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