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    Laurent Chalard, Guilluy en politique

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Laurent - Laurent Chalard, Guilluy en politique Empty Laurent Chalard, Guilluy en politique

    Message par Johnathan R. Razorback Dim 30 Jan - 16:26

    "Christophe Guilluy souffre d’une absence de reconnaissance totale de la part de ses pairs. Cette situation peut s’expliquer par diverses raisons, mais la principale relève du fait qu’il ne soit pas issu du sérail."

    "Le parcours de géographe de Christophe Guilluy commence par un mémoire de maîtrise de géographie urbaine réalisé en 1986-1987 à l’Université Paris I, sous la direction de Jean-Philippe Damais, spécialiste du Havre, et de Michel Grosse, deux chercheurs proches du parti communiste, allant contre le déterminisme territorial de certains géographes essentialisant, selon eux, le territoire. Ils proposaient de partir des catégories de population (les catégories populaires) plutôt que d’espaces géographiques (la région Île-de-France). Cette approche du travail géographique va jouer un rôle extrêmement important dans la constitution de la réflexion scientifique du jeune Christophe Guilluy, qui s’est depuis toujours réclamé d’une géographie sociale."

    "Pour Christophe Guilluy les « bobos » sont avant tout des « bourgeois », mais ils constituent une nouvelle bourgeoisie qui vote à gauche, soit une grande nouveauté. Il a donc souhaité introduire dans le débat public le terme de « bobo ». Bien lui en a pris ! Le géographe est désormais lancé dans la presse de gauche, identifié comme faisant partie de la maison, Libération et L’Obs Paris lui ouvrant largement leurs portes sur les questions en lien avec le processus de gentrification, et Le Monde lui faisant l’honneur de plusieurs citations. Par contre, on constatera qu’à droite son discours reste alors totalement inaudible."

    "Est-ce « l’effet Finkielkraut » ou seulement le fait que Patrick Buisson, tout puissant conseiller du prince de l’époque, ait lu l’ouvrage, toujours est-il que fin 2010, fait exceptionnel pour un chercheur en sciences sociales non encarté et n’appartenant pas au sérail universitaire, Jean-Baptiste de Froment, conseiller du président de la République Nicolas Sarkozy appelle Christophe Guilluy pour lui signaler que le président voudrait le rencontrer à l’Elysée pour parler de son livre. La rencontre a lieu début 2011 et fuitera en mars de l’année suivante dans Le Figaro. Libération titrera à la fin de ce même mois sur « Le livre de gauche qui inspire la droite ». Cette médiatisation est intéressante car elle montre qu’à cette époque Christophe Guilluy reste largement perçu dans la presse de gauche comme un homme de gauche, d’où l’absence de critiques négatives dans ce camp à son encontre.

    Entre-temps le courant entre Nicolas Sarkozy et Christophe Guilluy est relativement bien passé, le président de la République appréciant ce chercheur moins guindé que les traditionnels universitaires auxquels il avait eu affaire jusque-là ; une deuxième rencontre entre eux aura lieu à l’occasion d’un déjeuner organisé pour la présentation du rapport du politologue Gilles Kepel sur les banlieues. Christophe Guilluy semblant voler la vedette à l’universitaire, ce dernier ajoute pour se venger une postface à son ouvrage Quatre- Vingt Treize à paraître, insistant sur la proximité entre le président de la République et le géographe et laissant penser, à tort, que ce dernier serait un « sarkozyste » dans une phase de pic de l’anti-sarkozysme, ce qui n’était pas vraiment un cadeau ! Puis, dans l’émission « Zemmour & Naulleau » le journaliste Eric Naulleau présente Christophe Guilluy comme « l’idole » du très droitier polémiste Eric Zemmour, ce qui vient enfoncer un clou sur l’hypothétique lien qu’entretiendrait le géographe avec une certaine droite.

    Cependant, Christophe Guilluy ne cède pas aux sirènes du pouvoir et des populistes de droite, continuant de se considérer comme un homme de gauche. Consécutivement à sa rencontre avec le politiste Laurent Bouvet, il s’engage avec plusieurs autres chercheurs proches du parti socialiste dans l’écriture d’un court ouvrage collectif : Plaidoyer pour une gauche populaire La gauche face à ses électeurs. Le but, outre d’exister au sein du parti socialiste, à un moment où la ligne Terra Nova qui prônait l’action en direction des minorités au détriment des classes populaires, a le vent en poupe, est d’expliquer pourquoi la gauche devait parler aux classes populaires si elle veut espérer revenir au pouvoir."

    "Chose de nouveau assez rare pour un géographe, Christophe Guilluy est invité à rencontrer, pendant les premières années du quinquennat de François Hollande, la quasi-totalité des ministres : de l’écologiste Cécile Duflot au très libéral Emmanuel Macron, en passant par Manuel Valls qui apprécie largement son travail, Maryse Lebranchu, Jean-Marie Le Guen, François Lamy ou encore les conseillers de Jean-Marc Ayrault. Il est même reçu par le locataire de l’Élysée le jeudi 10 octobre 2013 en compagnie d’autres chercheurs en sciences sociales spécialisés sur les territoires. Néanmoins, contrairement à ce qui avait été le cas avec Nicolas Sarkozy, le courant ne passe guère, le président semblant « absent »."

    "Certains détracteurs entretiennent une confusion volontaire entre « France périurbaine » et « France périphérique », alors que l’auteur précise clairement dans ses ouvrages que la seconde ne comprend qu’une partie de la première, « l’espace périurbain subi »."

    "Le crépuscule de la France d’en haut [...] Contrairement à ses ouvrages précédents, ce livre suit une démarche beaucoup plus sociologique que géographique, ce qui témoigne d’un élargissement de la réflexion de son auteur.
    Son travail commence à être mentionné par des chercheurs anglo-saxons ; il est cité et interviewé plusieurs fois dans les plus prestigieux titres de la presse anglo-saxonne de gauche comme The Guardian et le New York Times."
    -Laurent Chalard, « Guilluy en politique », Outre-Terre, 2017/2 (N° 51), p. 47-58. DOI : 10.3917/oute1.051.0047. URL : https://www.cairn.info/revue-outre-terre2-2017-2-page-47.htm




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