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    Patrick Wotling, Le Vocabulaire de Nietzsche

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    vocabulaire - Patrick Wotling, Le Vocabulaire de Nietzsche Empty Patrick Wotling, Le Vocabulaire de Nietzsche

    Message par Johnathan R. Razorback Dim 13 Nov - 15:22

    "Originalité du lexique nietzschéen. Ses éléments constitutifs ne sont pas seulement des mots - parmi lesquels de nombreux néologismes -, mais aussi, en abondance, des formules et des périphrases (volonté de puissance, moralité des mœurs, sens historique, pathos de la distance, ... ), créations originales également pour la plupart d'entre elles.

    Source de difficultés de lecture plus accusées encore, le second procédé qui caractérise ce lexique tient à la reprise de termes philosophiques anciens, vidés de leur signification classique et réinvestis d'un sens nouveau (volonté par exemple, ou encore vérité).

    Enfin, on ne saurait négliger l'usage surabondant de signes nuançant constamment l'usage des termes guillemets, italiques, mais aussi recours à des mots étrangers, notamment français (ressentiment, décadence), etc. Ces procédés ne relèvent en rien de l'ornementation ou de la préciosité et font sens philosophiquement on prêtera ainsi attention au fait qu'un même mot, selon qu'il est utilisé avec ou sans guillemets, peut désigner alternativement deux situations parfaitement opposées. Le cas le plus fréquent dans le corpus nietzschéen est celui du jeu sur les termes Cultur et de « Cultur »." (p.4)

    "C'est un des traits caractéristiques de la réflexion de Nietzsche que la critique du primat de la raison et la reconnaissance du privilège de la sensibilité. Mais Nietzsche ne se contente pas d'inverser la hiérarchisation traditionnelle de ce couple simultanément, il radicalise le statut de la sensibilité pour constituer une théorie de l'affectivité entièrement renouvelée. C'est ce mouvement qu'exprime la notion d'affect, plus profonde que la simple passion, et caractérisée, à un premier niveau, par son degré de vivacité les affects sont « les plus violentes puissances naturelles» selon la définition qu'en donne un texte posthume (FP xm, 10 [203]).

    Le terme d'affect est à rapprocher de ceux d'instinct et de pulsion, dont il ne se distingue en fait que pour souligner la dimension intrinsèquement passionnelle de ces processus infra-conscients - on pourrait dire aussi bien qu'il insiste sur la dimension inconsciente de l'affectivité. Il traduit donc des modes d'attirance ou de répulsion qui règlent les préférences fondamentales propres aux conditions de vie d'un type de système pulsionnel particulier. En dernière analyse, les affects sont autant d'expressions particulières de la volonté de puissance et de son travail de mise en forme interprétative, comme l'indique notamment ce posthume de 1888 « Que la volonté de puissance est la forme primitive de l'affect, que tous les affects n'en sont que des développements » (FP XIV, 14 [121]). C'est ce lien entre la volonté de puissance et les affects qui explique l'attention extrême que leur prête Nietzsche dans son analyse du nihilisme la puissance persistante de certains d'entre eux est en effet le signe indiquant que jusque dans la négation de la vie, c'est bien encore la volonté de puissance qui s'exprime et trouve les moyens, détournés, de sa propre intensification.

    L'affect est pensé par Nietzsche dans le cadre de la théorie de la valeur, comme traduction de l'activité interprétative articulée à des évaluations fondamentales qui règlent l'activité d'un type déterminé de vivant. Les textes les plus approfondis de Nietzsche caractérisent ainsi l'affect à partir de la mémoire, c'est-à-dire du processus de sélection et de rétention propre à une forme de vie spécifique « Les affects sont des symptômes de la formation du matériel de la mémoire - une vie qui se poursuit là sans interruption et une coordination dans son action» (FP X, 25 [514]). Par voie de conséquence, toutes les interprétations, quelle qu'en soit la nature, construites par les vivants peuvent se définir comme langage figuré (Zeichensprache) des affects. C'est un point que Nietzsche souligne tout particulièrement dans le cas de la morale «Les morales comme langage figuré des affects mais les affects eux-mêmes, un langage figuré des jonctions de tout ce qui est organique» (FP IX, 7 [60]).

    Particulièrement important pour la réflexion nietzschéenne est l'affect du commandement, c'est-à-dire le type d'affectivité caractéristique de l'émission d'un ordre cet affect peut être défini comme la perception des rapports de puissance caractéristiques d'une structure pulsionnelle donnée [...] Le point capital à cet égard est sans doute que la notion d'affect permet pour Nietzsche de résoudre le problème de la communication pulsionnelle et de montrer que les volontés de puissance se perçoivent et s'évaluent mutuellement." (pp.7-Cool
    -Patrick Wotling, Le Vocabulaire de Nietzsche, Ellipses, 2001, 63 pages.




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