https://fr.book4you.org/book/3712811/b342ed?dsource=recommend
"Au cours des années soixante, en plus du dégoût croissant qu'inspiraient ceux qui utilisaient Marx pour justifier leurs goulags et leur nomenklatura, de nombreuses théories marxistes ou prétendues telles semblaient désormais dépassées. En ces années-là, le capitalisme ne se montrait pas du tout incapable de développer davantage ses forces productives, ni de distribuer plus équitablement que dans le passé ses résultats, démentant ainsi ceux qui attendaient une révolution venant d'ouvriers subissant une misère croissante. La critique sociale posa alors la question la plus globale, la plus simple et pourtant la moins souvent posée: quel usage fait-on de l'énorme accumulation de moyens dont la société dispose ? La vie effectivement vécue par l'individu est-elle devenue plus riche ? Évidemment non. Tandis que le pouvoir de la société dans son ensemble paraît infini, l'individu se trouvant dans l'impossibilité de gérer son propre univers.
Debord, contrairement à beaucoup d'autres, n'y voit pas un revers inévitable du progrès, ni un destin de l'homme moderne n'ayant d'autre remède qu'un improbable retour en arrière. Il y décèle une conséquence du fait que l'économie a soumis à ses propres lois la vie humaine. Aucun changement à l'intérieur de la sphère de l'économie ne sera suffisant tant que l'économie elle-même ne sera pas passée sous le contrôle conscient des individus." (p.19)
"Le concept de "société du spectacle" est souvent compris dans un rapport exclusif à la tyrannie de la télévision ou de moyens analogues. L'aspect mass-médiatique du spectacle est pourtant considéré par Debord comme le plus "restreint", "sa manifestation superficielle la plus écrasante"." (p.21)
" "La séparation est l'alpha et l'oméga du spectacle" (SdS thèse 60-61) et si les individus sont séparés les uns des autres, ils ne retrouvent leur unité que dans le spectacle, où "les images qui se sont détachées de chaque aspect de la vie fusionnent dans un cours commun" [...] Mais les individus ne s'y trouvent réunis qu'en tant que séparés [...] car le spectacle accapare à son profit toute la communication: celle-ci devient exclusivement unilatérale, le spectacle étant celui qui parle tandis que les "atomes sociaux" écoutent. Et son message est Un: l'incessante justification de la société existante, c'est-à-dire du spectacle lui-même et du mode de production dont il est issu. Pour ce faire, le spectacle n'a pas besoin d'arguments sophistiqués: il lui suffit d'être le seul à parler sans attendre la moindre réplique. Son condition préalable, et simultanément son principal produit, est donc la passivité de la contemplation. Seul l' "individu isolé" dans la "foule atomisée" [...] peut éprouver le besoin du spectacle, et ce dernier fera tout pour renforcer l'isolement de l'individu." (p.23)
"
(pp.23-24)
-Anselm Jappe, Guy Debord, Éditions Denoël, 2001 (1995 pour la première édition française, 1993 pour la première édition italienne), 266 pages.
https://fr.book4you.org/book/11448974/be670c
"Au cours des années soixante, en plus du dégoût croissant qu'inspiraient ceux qui utilisaient Marx pour justifier leurs goulags et leur nomenklatura, de nombreuses théories marxistes ou prétendues telles semblaient désormais dépassées. En ces années-là, le capitalisme ne se montrait pas du tout incapable de développer davantage ses forces productives, ni de distribuer plus équitablement que dans le passé ses résultats, démentant ainsi ceux qui attendaient une révolution venant d'ouvriers subissant une misère croissante. La critique sociale posa alors la question la plus globale, la plus simple et pourtant la moins souvent posée: quel usage fait-on de l'énorme accumulation de moyens dont la société dispose ? La vie effectivement vécue par l'individu est-elle devenue plus riche ? Évidemment non. Tandis que le pouvoir de la société dans son ensemble paraît infini, l'individu se trouvant dans l'impossibilité de gérer son propre univers.
Debord, contrairement à beaucoup d'autres, n'y voit pas un revers inévitable du progrès, ni un destin de l'homme moderne n'ayant d'autre remède qu'un improbable retour en arrière. Il y décèle une conséquence du fait que l'économie a soumis à ses propres lois la vie humaine. Aucun changement à l'intérieur de la sphère de l'économie ne sera suffisant tant que l'économie elle-même ne sera pas passée sous le contrôle conscient des individus." (p.19)
"Le concept de "société du spectacle" est souvent compris dans un rapport exclusif à la tyrannie de la télévision ou de moyens analogues. L'aspect mass-médiatique du spectacle est pourtant considéré par Debord comme le plus "restreint", "sa manifestation superficielle la plus écrasante"." (p.21)
" "La séparation est l'alpha et l'oméga du spectacle" (SdS thèse 60-61) et si les individus sont séparés les uns des autres, ils ne retrouvent leur unité que dans le spectacle, où "les images qui se sont détachées de chaque aspect de la vie fusionnent dans un cours commun" [...] Mais les individus ne s'y trouvent réunis qu'en tant que séparés [...] car le spectacle accapare à son profit toute la communication: celle-ci devient exclusivement unilatérale, le spectacle étant celui qui parle tandis que les "atomes sociaux" écoutent. Et son message est Un: l'incessante justification de la société existante, c'est-à-dire du spectacle lui-même et du mode de production dont il est issu. Pour ce faire, le spectacle n'a pas besoin d'arguments sophistiqués: il lui suffit d'être le seul à parler sans attendre la moindre réplique. Son condition préalable, et simultanément son principal produit, est donc la passivité de la contemplation. Seul l' "individu isolé" dans la "foule atomisée" [...] peut éprouver le besoin du spectacle, et ce dernier fera tout pour renforcer l'isolement de l'individu." (p.23)
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(pp.23-24)
-Anselm Jappe, Guy Debord, Éditions Denoël, 2001 (1995 pour la première édition française, 1993 pour la première édition italienne), 266 pages.
https://fr.book4you.org/book/11448974/be670c