"A côté de ces ethnologues pris dans une double direction -une ethnologie philosophique et sociologique (dans la lignée de Durkheim, Mauss et Lévy-Bruhl) et une anthropologie naturaliste et physique enseignée depuis le XIXème siècle au Muséum d'histoire naturelle-, se développe également, dans un registre plus discret, une ethnologie qui cherche d'abord à valoriser l'observation du concret linguistique et technique, du matériel, de la technique, de leurs rapports avec le "social" et les "mentalités" des sociétés. [...]
Tout d'abord une concrétude dans le sens d'une matérialité, du phénomène technique comme caractéristique première et décisive de l'humanité et moteur de son histoire. Pour Leroi-Gourhan elle est première dans l'établissement des différences entre les groupes humains, par rapport à celles relevant de la race ou de l'esprit.
La charrue malaise, celle du Japon et celle du Tibet représentent trois formes voisines et certainement en rapport dans l'histoire ancienne des trois peuples: chacune pourtant, par le sol cultivé, les détails de son montage, par le mode d'attelage, le sens symbolique ou social qui y est attaché représente bien quelque chose d'unique, de catégoriquement individualisé. [Leroi-Gourhan, L'Homme et la matière, 1943]." (p.6)
-Nöel Barbe et Jean-François Bert Introduction in Nöel Barbe et Jean-François Bert (dir.), Penser le concret. André Leroi-Gourhan, André-Georges Haudricourt, Charles Parain, Paris, Creaphis éditions, 2011, 287 pages.