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    Edouard Berth, Les Méfaits des Intellectuels

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Edouard Berth, Les Méfaits des Intellectuels Empty Edouard Berth, Les Méfaits des Intellectuels

    Message par Johnathan R. Razorback Lun 22 Sep - 17:26

    https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89douard_Berth

    http://scans.library.utoronto.ca/pdf/1/32/lesmefaitsdesint00bertuoft/lesmefaitsdesint00bertuoft_bw.pdf

    « Il a fallu attendre la loi du 21 mars 1884, œuvre de Waldeck-Rousseau, pour que les syndicats professionnels, patronaux et ouvriers, soient autorisés à se constituer librement. Votée par une majoritée de gauche, cette loi reste néanmoins très restrictive. Elle refuse notamment la personnalité juridique aux syndicats (celle-ci ne sera légalisée qu’en 1919, par une majorité de droite) et interdit les syndicats de fonctionnaires. En autorisant les syndicats, le gouvernement de l’époque cherche surtout à se donner les moyens de mieux surveiller l’activité politique des travailleurs qui, se développant hors du cadre légal, pourrait devenir incontrôlable. C’est aussi l’époque où l’anarchisme s’affirme publiquement, soit sous des formes syndicales (dans les années 1880, un mouvement de type luddiste s’est développée dans le bassin du Creusot et la région de Lyon), soit sous des formes plus violentes (en 1894, l’anarchiste Augustin Vaillant fera exploser une bombe lors d’une séance du Palais-Bourbon). La classe ouvrière reste alors plus que jamais la classe « dangereuse ». C’est ce qui explique la relative lenteur du développement des syndicats : en 1890, on ne compte encore en France que 139000 syndiqués, dont la plupart s’appuient sur les anciennes traditions de métiers. » (p.9)
    « L’hégémonie du guesdisme n’est pas étrangère à la création en 1892, à Saint-Étienne, d’une Fédération des Bourses du Travail (FBT), concurrente de la Fédération nationale des syndicats, qui prit immédiatement une tournure anti-guesdiste, fortement teintée d’esprit libertaire. La première Bourse du Travail s’est ouverte à Paris en 1887, suivie par celles de Nîmes, Marseile, Saint-Étienne, etc. On en comptera une cinquantaine dix ans plus tard, et plus de quatre-vingt en 1901. » (p.10)
    « En septembre 1895, la Confédération générale du travail (CGT), née d’une scission survenue au sein de la FNS entre « syndicalistes politiques » guesdistes et « syndicalistes purs », est à son tour fondée à Limoges. Après avoir quelque peu souffert du dynamisme de la FBT, elle retrouve son souffle en 1901, avec l’arrivée à sa tête de deux syndicalistes révolutionnaires, Victor Griffuelhes et Émile Pouget. […] Grâce à eux, ainsi qu’à Paul Delesalle, élu secrétaire adjoint en 1897, le courant syndicaliste révolutionnaire va bientôt dominr la Confédération. » (p.11-12)
    « En 1902, un an après la mort de Fernand Pelloutier, la CGT, lors de son congrès de Montpellier, décide de fusionner avec la Fédération des Bourses du Travail, ce qui donne un élan immédiat au mouvement. Celui-ci, qui se dote alors de ses structures définitives, comptera 300 000 adhérents en 1906, membres de quelque 2500 syndicats regroupés dans une soixante de fédérations. (A cette date, toutefois, la CGT ne rassemblera qu’environ le tiers de la classe ouvrière françaie, un certain nombre de travailleurs préférant s’affilier aux syndicats catholiques, voire, depuis mars 1901, aux syndicats « Jaunes » de Paul Lanoir et de l’ex-guesdiste Pierre Biétry). Avec ce rapprochement, souligne Jacques Julliard, « les guesdistes avaient perdu leur hégémonie au sein du mouvement syndical français, et c’est sur fond de vive hostilité à ce courant, et même au socialisme politique en général, que l’unification syndicale fut réalisée ». D’ailleurs, ajoute-il, « le mot socialisme lui-même ne fait pas partie du vocabulaire de la CGT de l’époque. » (p.13)
    « De 1870 à la veille de la Première Guerre mondiale, le nombre des grèves augmente de 1667% ! Dans les années 1890, on en recense deux à trois cents par an, le cap du millier étant franchi en 1904. […] La grève devient alors une stratégie d’action qu’il apparaît possible de généraliser. » (p.13)
    « En octobre 1890, à son congrès de Calais, le Parti ouvrier français (POF) déclare hautement que « la grève générale proprement dite, c’est-à-dire le refus concerté et simultané du travail par tous les travailleurs […] suppose et exige pour aboutir un état d’esprit socialiste et d’organisation ouvrière auquel n’est pas arrivé le prolétariat ». C’est qu’entre-temps, les guesdistes ont appris que Friedrich Engels, dans une lettre adressée le 10 mai 1890 à Laura Lafargue, a qualifié l’idée de grève générale de « rêverie » ! Dès lors, guesdistes et « grève-généralistes » ne vont plus cesser de s’affronter. » (p.16)
    « En 1894, la question de la grève générale domine tout le congrès des syndicats ouvriers et des Bourses du Travail organisé à Nantes, où guesdistes et « grève-généralistes » s’affrontent plus que jamais. […] Le plus ardent partisan de l’idée de grève générale n’est autre qu’Aristide Briand, qui en sera également l’un des rares défenseurs au sein du parti socialiste. » (p.17)
    « Les militants du Parti ouvrier socialiste révolutionnaire (POSR) de l’ancien communard et bagnard Jean Allemane, créé en 1890, participeront d’ailleurs, avec les proudhoniens, à la création du syndicalisme révolutionnaire. Mais la grève générale n’est pas seulement considérée comme synonyme de révolution sociale. Elle est aussi conçue comme une stratégie qui s’oppose, d’un côté à la stratégie insurrectionnelle et « barricadière » dont l’écrasement de la Commune a permis d’éprouver les limites, de l’autre (et sans doute surtout) à la stratégie parlementaire et légaliste prônée par les dirigeants des partis politiques socialistes, comme Jean Jaurès ou Étienne Buisson. » (p.18)
    « La notion de syndicalisme révolutionnaire commence à se répandre dans les milieux socialistes et ouvriers français dans le courant de l’été 1903. Ses principaux propagateurs et théoriciens sont alors Hubert Lagardelle, Émile Pouget, Victor Griffuelhes, Édouard Berth et Charles Guieyesse. La plupart d’entre eux s’expriment dans la revue Le Mouvement socialiste, fondée en janvier 1899 par Lagardelle. » (p.23)
    « Georges Sorel, qui entretient à cette époque une correspondance suivie avec Benedetto Croce, Vilfredo Pareto et Mario Missiroli, y adhère publiquement le 1er juillet 1905, dans un article du Mouvement socialiste. » (p.24)
    « Rallié au socialisme vers 1892, il a commencé par être un marxiste de parfaite obédience. En mars 1894, il écrit dans L’Ere nouvelle, la preière revue marxiste publiée en France : « Bien que cette opinion puisse paraître scandaleuse aux libraires (parce que Le Capital ne se vend pas), je tiens la théorie de Marx pour la plus grande innovation introduite dans la philosophie depuis plusieurs siècles ». Mais L’Ere nouvelle, qui a vu le jour l’année précédente, ne survivra pas au-delà de novembre 1894. Sorel collabore alors à une autre publication marxiste, Le Devenir social, dont il est d’ailleurs l’un des fondateurs, avec Paul Lafargue, Gabriel Deville et Alfred Bonnet, et dont le premier numéro sort en avril 1895.
    Pourtant, à partir de la fin de 1897, il adopte une position critique envers certains points de la doctrine marxiste, qu’il avait au début considérée comme une véritable science. Hostile à l’idée de nécessité historique (le « fatalisme »), et donc à l’idéologie du progrès, il tend à récuser l’idée de Marx selon lquelle le capitalisme ne peut qu’engendrer sa propre négation, ce qui lui a parfois valu le reproche de n’avoir pas compris l’importance de la théorie marxienne de l’accumulation. On ne peut, selon lui, adopter une philosophie prédictive de l’histoire […] Mais il rejette aussi le déterminisme économique, alors associé à l’orthodoxie marxiste, et le scientisme, qu’il se garde de confondre avec la méthode scientifique. Son hostilité à l’idée de progrès […] s’inspire à la fois de Pascal et de Eduard von Hartmann. Sorel souligne fort justement que l’idéologie du progrès est dans son essence une « doctrine bourgeoise », ce qui explique qu’elle fut « reçue comme un dogme à l’époque où la bourgeoisie était la classe conquérante ». » (p.25-26)
    « Dans la querelle qui oppose Bernstein à Kautsky, il soutient le premier. Ce n’est pas qu’il approuve le « révisionnisme » réformiste de Bernstein, puisqu’il entend au contraire donner une nouvelle impulsion révolutionnaire au mouvement ouvrier. Mais il apprécie chez Bernstein le refus de la nécessité au mouvement ouvrier. Mais il apprécie chez Bernstein le refus de la nécessité historique –l’idée que « la révolution n’a pas le secret de l’avenir ». […] C’est dans le même esprit que Sorel se rallie aux critiques de Marx faites par Benedetto Croce. Fondamentalement, enfin, le socialisme est pour lui une « question morale » au sens où sa mise en œuvre implique ce que Nietzsche appelait une réévaluation de toutes les valeurs. Et la morale dont il réclame est celle, plutôt sévère, sinon austère, de Proudhon. » (p.27)
    « Sorel assure également, en 1908 [La décomposition du marxisme], que « le marxisme diffère notamment du blanquisme, en ce qu’il écarte la notion de parti, qui était capitale dans la conception des révolutionnaires classiques, pour revenir à la notion de classe […] Il ne s’agit plus de conduire le peuple, mais d’amener les producteurs à penser par eux-mêmes, sans le secours d’une tradition bourgeoise. » (p.28)
    « Le rejet de la démocratie par une large partie du mouvement ouvrier naissant se généralise dans les premiers années du XXe siècle, en réaction à la répression qui frappe les syndicats, répression orchestrée par la gauche républicaine, en l’occurrence par la coalition née de l’affaire Dreyfus. C’est à cause de la politique de Clemenceau que les travailleurs se mobilisent contre un système institutionnel où les partis socialistes sont devenus un des pilliers de l’Etat sans que pour autant le sort des travailleurs se soit amélioré, et que Gustave Hervé peut lancer : « Quand Marianne aura sa crise, nous serons là pour lui administrer l’extrême-onction. [La Guerre sociale, 8 juillet 1908] » (p.29).
    « L’apogée de la montée du syndicalisme révolutionnaire se situe en 1906, lors des manifestations pour la journée de travail de huit heures, dont Édouard Berth dira plus tard qu’elles inspirèrent une « terreur folle » à la bourgeoisie française. Mais c’est surtout le IXe congrès de la CGT, ouvert à Amiens le 8 octobre 1906 –et qui sera suivi, les 15 et 16 octobre, du congrès des Bourses du Travail-, qui va marquer de manière historique l’ascension du courant syndicaliste révolutionnaire. Congrès resté célèbre dans les annales du mouvement ouvrier, en raison de sa motion finale, votée à la quasi-unanimité des délégués ouvriers présents, et qui sera considérée, sous le nom de « charte d’Amiens », comme le véritable document fondateur du mouvement syndical français. » (p.36)
    « Les conditions exactes dans lesquelles fut élaboré le document ne sont pas connues avec certitude, mais il est à peu près sûr que sa rédaction fut le fait de Griffuelhes et de Pouget. Présentée en riposte à une autre résolution, soutenue par le chef de la faction guesdiste du Nod, la motion fut adoptée le 13 octobre (par 834 voix contre 8 et 1 abstention) après de vifs débats, qui virent les guesdistes quitter la salle sans participer au vote et les réformistes se rallier de manière inattendue à un texte dont ils n’approuvaient pourtant qu’une petite partie du contenu. » (p.37)
    « [La] formule de la « disparition du salariat et du patronat » ne sera officiellement abandonnée par la CGT qu’en 1978 !). » (p.38)
    « Huitième enfant d’une famille de quatre garçons et cinq filles, Camille Édouard Berth est né à Jeumont, sur la frontière belg, le 1er juillet 1875. Son père, Alphonse Berth, ardent républicain à la fin du Second Empire, maître des forges à Jeumont, était d’origine wallonne, tout comme était sa mère, née Stéphanie de Facqz […]
    Ses parents ayant très tôt disparu, c’est la sœur aînée, Marie, qui s’occupe de la fratrie. Pensionnaire au lycée de Douai, où les conditions de vie sont plutôt rudes (en hiver, on casse la glace dans les lavabos) et la discipline sévère, le jeune Camille –ce n’est que par la suite qu’il préfèrera utiliser son second prénom- s’imprègne de la culture classique qui est alors à la base de l’instruction publique. Un carnet de jeunesse où il a soigneusement recopié des textes en latin de Lucrèce et de Virgile, en grec de Sophocle et d’Anacréon, en allemand de Goethe, ainsi que des poèmes des Parnassiens (Leconte de Lisle, Sully Prudhomme, le premier Verlaine…), témoigne de ses connaissances et de ses goûts littéraires. Très apprécié de ses professeurs, il excelle en philosophie et décroche un 19 au baccalauréat. En 1893, il est à Paris et s’inscrit en hypokhâgne au lycée Lakanal, mais échoue en 1896 au concours d’entrée de la rue d’Ulm et se rabat sur une licence à la Sorbonne. C’est aussi le moment où il publie ses premiers articles dans les milieux socialistes et anarcho-syndicalistes, et fait la connaissance de Georges Sorel, sous l’influence de qui il abandonne la préparation de son agrégation pour se mettre, comme il le dira lui-même, au service exclusif du prolétariat. » (p.41-42)
    « En 1899, il épouse Jeanne Rency, âgée de seize ans […] En quête d’un emploi pour faire face aux besoins du ménage –sa femme lui donnera trois filles- il passe avec succès le concours d’entrée à l’Assistance publique. Jusqu’à sa retraite, à la fin des années 1930, il exercera la fonction d’économe ou d’administrateur dans divers établissements : l’hospice d’Ivry, puis en 1910 l’hôpital Beaujon, alors situé rue du Faubourg Saint-Honoré, la maison La Rochefoucauld, avenue d’Orléans, et enfin la Fondation Galignani, à Neuilly, qui accueille de vieux écrivains ou artistes en difficulté. Afin de pouvoir poursuivre son activité de publiciste et d’écrivain, il s’efforce de limiter ses tâches administratives et refusera toujours le moindre avancement. « Tu n’as pas besoin d’un second bifteck », a-t-il coutume de dire à sa femme. Pourtant, en 1909, son salaire mensuel n’était que de 150F.
    Berth était un homme de taille moyenne, toujours porteur d’un costume strict : personne, même parmi ses proches, ne l’a jamais vu porter une tenue décontractée (il ne montrait d’élégance que dans le choix de ses gilets !). Quand on l’invite à l’étranger, il a sentiment de représenter la France. Adorant la musique (sa femme a fait la « Schola cantorum » avec Vincent d’Indy, ses filles ont appris le piano, le violoncelle et le violon), c’était aussi un grand marcheur. Levé, hiver comme été, à quatre heures du matin tous les jours, il allait se promener dans Paris jusqu’à sept heures. Histoire de se mettre en train, disait-il, pour dépouiller son courrier et y répondre à son retour, avant de reprendre, à neuf heures, ses tâches administratives.
    On ignore les circonstances exactes dans lesquelles Édouard Berth fit la connaissance de Georges Sorel. Peut-être l’a-t-il découvert en lisant « L’ancienne et la nouvelle métaphysique », série d’articles publiés dans L’Ere nouvelle entre mars et juin 1894. Ce qui est certain, c’est qu’il en devint très vite non seulement le disciple, mais l’ami. » (p.42-43)
    « Gagné très tôt à l’idée du socialisme marxiste, Berth a d’abord collaboré au Mouvement socialiste, dès l’année de sa création –son premier article, intitulé « Le socialisme de M. Faguet », y paraît le 1er avril 1899-, et plus occasionnellement aux Cahiers de la Quinzaine de Charles Péguy. Outre la revue de Lagardelle, où il publiera jusqu’en 1970 plus de cinquante notes ou articles, il va aussi écrire dans L’Avant-garde, Pages libres, Études socialistes, la Revue socialiste, etc. Comme il est germanophone, il fait également des traductions. […] [Sorel, nommé administrateur de l’École des hautes études sociales de 1890 à 1906, l’invite d’ailleurs à y faire des conférences. » (p.45-46)
    « Comme Sorel, Berth célèbre les vertus du mythe à grands renforts de citations de Nietzsche, qui stigmatisait déjà « l’homme abstrait, privé de la culture du mythe ». Comme beaucoup d’intellectuels de sa génération, il a subi l’influence de l’auteur de Zarathoustra (mais aussi celle de Proudhon, de Bergson et de Flaubert), dont il ne se défera jamais. Lui aussi fait remonter à Socrate la critique rationaliste du mythe qui s’est épanouie à partir du XVIIIe siècle. Dans Les méfaits des intellectuels, il fait crédit à la classe ouvrière d’avoir « concentré toute sa vie spirituelle et morale, non, précisément, dans une théorie, dans une doctrine, mais dans un mythe, un mythe grandiose et sublime, le mythe de la grève générale ». « Grandiose » et « sublime », on le verra, sont parmi les mots qu’il affectionne. » (p.47)
    « Ce que refuse Berth, c’est précisément l’idée que les conflits puissent être réglés par l’arbitrage ou la discussion. » (p.52)
    « Alors que les syndicalistes révolutionnaires condamnent la démocratie parce qu’elle prétend associer tous les citoyens par-delà leurs intérêts de classe divergents, parce qu’elle se propose de gommer et d’apaiser les antagonismes sociaux, de laisser croire à ses conciliations possibles là où il doit y avoir au contraire affrontement, et donc d'empêcher chez les travailleurs la formation d’une conscience de classe, les royalistes ne voient au contraire dans la démocratie qu’un régime qui favorise la division et porte atteinte à l’unité nationale.
    Proudhon avait lui aussi attaqué la démocratie, sous l’angle qui lui était propre, allant jusqu’à affirmer que « le moyen le plus sûr de faire mentir le Peuple, c’est d’établir le suffrage universel ». » (p.52-53)
    « Enfin, par opposition à la droite traditionaliste pour laquelle le régime démocratique est un système qui ne peut affaiblir l’autorité de l’Etat, Berth assure au contraire qu’un tel régime ne peut qu’affaiblir l’autorité de l’Etat, Bertha assure au contraire qu’un tel régime favorise l’interventionnisme étatique, avec ses conséquences les plus néfastes pour la vie sociale […] La démocratie se définit alors comme « l’Etat étendu à tout, l’Etat envahissant tout et devenant le succédané moderne de l’antique Providence », critique qui pourrait aussi bien se réclamer de Nietzsche que de Marx. » (p.53)
    « Individualiste, l’anarchisme est hostile à toute autorité, à toute hiérarchie, à toute discipline, et par suite, selon Berth, à toute civilisation. » (p.60)
    « De même qu’il se réclame de Marx contre les guesdistes […] il se réclame donc de Proudhon contre l’individualisme libertaire de Stirner. » (p.61)
    « Le point de vue de Berth se rapproche en revanche de celui du jeune Georges Valois qui, soulignant à quel point travailler n’est pas conforme au penchant naturel de l’homme, en tire aussitôt argument, non pas contre le travail, mais en faveur de l’autorité qui oblige à ce travail. Cependant, chez Berth, le travail n’est jamais vu comme aliénant. Pour autant qu’il échappe à l’emprise du profit capitaliste, il est intrinsèquement libérateur. Berth ne partage donc nullement l’idée qu’il faut accélérer la tendance séculaire à la diminution du temps de travail. S’appuyant sur Proudhon, qui voyait dans la loi de l’ « aggravation » du travail une « garantie pour la civilisation » -idée que soutient également Valois-, il dira au contraire, en 1922, que nous sommes condamnés à « travailler sans cesse davantage ». Le machinisme n’est pas non plus mis en question : le thème de l’aliénation de l’homme par la machine (ou la technique) est lui aussi étranger à Édouard Berth. » (p.69)
    « Édouard Berth publie dans la Revue critique des idées et des livres, entre le 15 juillet 1907 et le 15 mars 1908 –outre de nombreuses notes de lecture sur les revues socialistes allemandes-, une importance série d’articles intitulées « Marchands, intellectuels et politiciens ». » (p.75)
    « La décadence, c’est aussi la montée de l’intellectualisme, le triomphe du rationalisme, la mort du mythe. » (p.77)
    « Berth admire le « grand » XVIIe siècle, celui de Pascal, qui oppose systématiquement à Descartes. » (p.78)
    « Il ne fait pas de doute que l’anti-intellectualisme est l’un des facteurs qui a rapproché Berth, d’abord de Georges Valois, puis de l’Action française. « Au Cercle Proudhon, dira-t-il dans Les méfaits des intellectueks, c’est-à-dire au confluent de ces deux mouvemeents nationalistes et syndicalistes, on a toute raison de s’attaquer à cette espèce de caste, les intellectuels qui, en possession de l’Etat, essaient d’imposer à la cité moderne cet idéal nauséabond, négation des antiques valeurs héroïques, religieuses, guerrières et nationales comme des modernes valeurs ouvrières, et qui s’intitule idéal humanitaire, pacifiste et rationaliste. » (p.81)
    « La critique du milieu urbain, comme le lieu où triomphent l’intelligence abstraite, les valeurs bourgeoises, la valeur d’échange, etc., est une critique elle aussi assez classique. » (p.84)
    « Berth perçoit également très bien le lien qui existe entre le parlementarisme libéral et l’économie de marché : concurrence des partis, concurrence des agents économiques. » (p.84)
    « [Berth] se veut professeur d’énergie et dénonciateur des « épuisés ». Il aime l’héroïsme, le grandiose, le sublime, la frugalité, l’effort, la discipline. » (p.87)
    « Berth convie sans cesse la classe ouvrière à s’inspirer de l’exemple de l’Antiquité, démarche qui n’est pas sans évoquer l’inspiration « romaine » de la Révolution française ou certaines pages de Rousseau. » (p.88)
    « La guerre, précisément, Édouard Berth en a fréquemment fait l’éloge. » (p.92)
    « Nietzsche disait qu’ « on ne ramène pas les Grecs ». Berth écrit, lui aussi : « On nous a proposé plusieurs fois, à nous modernes, de nous refaire Grecs ; mais ces projets puérils n’ont jamais excité qu’un sourire de complaisance très éphémère ». De même, s’il définit l’Ancien Régime comme « une société encore noble, où l’argent et les jouissances matérielles ne donnent pas uniquement le ton », il considère en même temps que cette époque est définitivement achevée, car « on ne ressucite pas les morts ». Il n’y a donc pas chez lui la moindre tendance au restaurationnisme. Ce qu’il pense, en revanche, c’est qu’il est possible de trouver dans la modernité des moyens de recourir aux valeurs prémodernes. La modernité, plus précisément, peut sous certaines conditions restituer ce qu’il y a eu de meilleur dans les sociétés prémodernes.
    Jugeant que la modernité est un phénomène irréversible, Berth abandonne toute perspective restaurationniste pour rechercher, à l’intérieur du monde moderne, quel est le groupe humain le plus susceptible de reprendre à son compte cet héritage tout en lui donnant des formes nouvelles. Sa réponse est évidemment : la classe ouvrière. » (p.98)
    « Georges Valois, de son vrai nom Alfred-Georges Gressent, est né le 7 octobre 1878 à Paris, dans une famille ouvrière et paysanne. Son père, un Normand venu s’installer comme boucher à Montrouge, meurt accidentellement trois ans plus tard. Sa mère, petite couturière d’origine bourguignonne, le fait élever par sa grand-mère et son second mari, Frédéric Eugène Marteau, un libre-penseur et farouche partisan de la République. Élevé à la dure, le jeune garçon ressent bientôt l’envie de voir du pays. A l’âge de dix-sept ans, après avoir exercé divers petits métiers, il s’embarque pour Singapour. Il restera dix-huit mois en Asie, où il apprend le malais et se lance dans le commerce. C’est dans une librairie de Saïgon qu’il découvre un petit livre publié en 1872 par Jean Richepin, Les réfractaires, qui annonce la mort de la bourgeoisie et le triomphe du prolétariat. Cette lecture le fascine. Sous son influence, il devient anarchiste.
    Rentré en France en juillet 1897, le jeune Valois va donc d’abord fréquenter les milieux révolutionnaires, principalement anarchistes. Il s’intègre au groupe de L’Art social, qui s’est constitué autour du poète anarchiste Gabriel de La Salle, où il fait la connaissance de Fernand Pelloutier, secrétaire de la Fédération des Bourses du Travail, qui rédige alors sa revue intitulée L’Ouvrier des deux-mondes, de Paul Delesalle, qui vient d’être élu secrétaire adjoint de la Confédération générale du travail (CGT), de Jean Grave, directeur de l’hebdomadaire anarchiste Les Temps nouveaux, d’Augustin Hamon, qui anime L’Humanité nouvelle, du futur ministre Albert Mérin, de Léon Rémy, qui fut le traducteur de Marx, de Sébastien Faure, de Charles-Albert, etc. Valois publie son premier article dans Les Temps nouveaux. Il est alors remarqué par Augustin Hamon, qui décide de le prendre comme collaborateur. Pendant plus d’un an, Valois sera secrétaire de L’Humanité nouvelle, après quoi une brouille séparera les deux hommes.
    C’est à L’Humanité nouvelle, alors qu’il a tout juste vingt ans, que Valois fait la connaissance de Georges Sorel, venu apporter le manuscrit de son petit livre sur L’avenir socialiste des syndicats, qui paraîtra en mars-avril 1898. » (p.101-102)
    « Après sa première expérience journalistique, Valois, en 1900, est appelé sous les drapeaux. Il fait son service militaire au 46e régiment d’infanterie à Fontainebleau. L’anarchiste antimilitariste qu’il est encore va s’y découvrir enchanté par l’armée ! […]
    Fin 1901, il se voit offrir un préceptorat en Russie, dans la famille du gouverneur de la province de Kaunas, Emmanuel Alexandrovitch Vatatzi, dont il va s’occuper du fils cadet, Alexandre (lequel sera tué à la guerre, en 1916). C’est durant son séjour en Russie qu’il rencontre une Française d’origine helvéto-alsacienne, Marguerite Schouler, qu’il épouse sur place, là aussi, sans doute, qu’il est touché par l’antisémitisme. Revenu à Paris en août 1903, il entre comme secrétaire chez Armand Colin, alors dirigé par Max Leclerc, et découvre l’œuvre de Charles Péguy. En 1904, il adhère au premier syndicat des employés de l’édition, ce qui lui permet de faire la connaissance de Pierre Monatte, futur fondateur de La Vie ouvrière, puis de La Révolution prolétarienne. En 1907, il participera lui-même à la création d’un nouveau syndicat des employés de l’édition affilié à la CGT. C’est à cette époque qu’il adopte le pseudonme de Georges Valois, afin de ne pas risquer de perdre son emploi. » (p.103)
    « (C’est ici que l’influence de Nietzsche est sensible), [Sorel] fait entrer en scène l’ « homme au fouet » qui, en manifestant l’autorité nécessaire pour contraindre ses semblables à se mettre au travail, apparaît comme le créateur de la civilisation. » (p.105)
    « Seul parmi les personnes interrogées, le syndicaliste royaliste Michel Darguenat, rallié à l’Action française, consentit à exprimer dans sa réponse quelque sympathie pour la monarchie. La publication du livre, enfin, n’eut pratiquement pas d’écho. En tant que manœuvre visant à convaincre les dirigeants de la CGT des mérites de l’idée monarchique, l’enquête se solda donc par un échec. » (p.108)
    « Valois fait confiance à l’Etat, identifié à la monarchie, pour « contrôler », là où Sorel ne fait confiance qu’aux masses ouvrières. » (p.112)
    « Les origines « de gauche » de l’Action française ont été maintes fois étudiées, surtout par ceux qui ont cherché à faire contraster les orientations de cette « première Action française » avec celles, nettement plus catholiques et conservatrices, du mouvement monarchistes après la Première Guerre mondiale. » (p.114)
    « [Maurice Pujo] né en 1872, est au départ un homme de gauche, son premier livre, Le règne de la grâce, inspiré par l’œuvre du romantique allemand Novalis, a même été salué par Jean Jaurès dans un article de 1894. » (p.114)
    « Plus encore qu’ils ne s’intéressent à l’action proprement politique, ses partisans [à l’AF] en tiennent pour un travail pédagogique. » (p.115)
    « En 1907, Jean Rivain publie dans L’Action française une série d’aricles remarqués dans lesquels il tente d’esquisser des convergences entre le mouvement royalistes et la CGT, alors dominée par le courant syndicaliste révolutionnaire. L’hostilité à la démocratie lui paraît déjà être le dénominateur commun qui justifie le plus ce rapprochement. Le même Jean Rivain, l’année suivante, publiera dans la Revue critique des idées et des livres l’enquête sur la monarchie et la classe ouvrière de Georges Valois. » (p.119)
    « L’année 1908 est une année-clef. Ce n’est pas en effet seulement celle qui voit la création de L’Action française quotidienne, des Camelots du Roi et de la Revue critique des idées et des livres, celle où Valois publie La révolution sociale ou le roi et lance son enquête sur la classe ouvrière, celle aussi où Georges Sorel publie trois de ses principaux livres, c’est aussi celle où une grave crise soulève la Confédération générale du travail (CGT) après les événements tragiques survenus à Draveil et Villeneuve-Saint-Georges, crise qui aboutira au remplacement à la tête du mouvement des syndicalistes révolutionnaires Victor Griffuelhes et Émile Pouget par Louis Niel, puis par Léon Jouhaux.
    Les événements en question trouvent leur origine dans une grève déclenchée par les travailleurs des sablières de deux communes ouvrières de Seine-et-Oise, Draveil et Vigneux, au début du mois de juin 1908, après qu’une première bagarre avec la gendarmerie eut éclaté le 2 juin, faisant un mort chez les grévistes et plusieurs blessés de part et d’autre. Les meneurs ayant été arrêtés, la Fédération du bâtiment décida d’une journée de grève générale le 30 juillet. Le gouvernement Clemenceau fit aussitôt envoyer la troupe à Draveil, où elle fut accueillie à coups de pierre.Elle répondit par des coups de feu, faisant au moins trois morts et plusieurs dizaines de blessés chez les manifestants. Une nouvelle grève générale de 24 heures fut alors décrétée. Le 1er août, huit des principaux responsables de la CGT, considérés comme instigateurs des troubles, furent arrêtés. Ils ne seront relâchés que le 31 octobre, sans qu’aucune charge précise ait pu être retenue contre eux.
    Or, Maurras fut pratiquement le seul journaliste de droite à flétrir la répression de Draveil, dans une série de quatre articles sur « La question ouvrière », publiés dans L’Action française entre le 30 juillet et le 11 août 1908. Qualifiant de « viellard sanglant » le général Virvaire, qui fit tirer sur les ouvriers révoltés, il y accuse Clemenceau d’avoir volontairement voulu faire couler le sang pour justifier l’arrestation des principaux dirigeants syndicalistes. Son premier article s’ouvre sur ces mots : « Qu’il fasse beau, qu’il fasse laid, en temps de calme ou les jours de crise, la bourgeoisie ne comprend pas la question ouvrière, et cela, faute de la voir ». […] Le 4 août, ayant appris que la veille, à la Bourse du Travail, la République a été pendue en effigie par les travailleurs, il ne dissimule pas sa satisfaction : « La pendaison de Marianne devant la Bourse du Travail est l’acte le plus significatif de notre histoire depuis le 14 juillet 1789. Bourgeois conservateurs, le comprendez-vous ? » […]
    Ces audaces expliquent que les milieux royalistes traditionnels aient assisté sans enthousiasme au développement de l’Action française. » (p.120-121)
    « Le 14 avril 1910, L’Action française quotidienne publie un article sur Le mystère de la charité de Jeanne d’Arc de Péguy (« L’éveil du cœur français »), que Sorel a refusé de faire paraître dans Le Gaulois, dirigé par Arthur Meyer, au motif que ce journa a publié, sous la signature de Goerges de Maizières, une déclaration du duc d’Orléans désavouant catégoriquement l’Action française ! » (p.127)
    « Agé de soixante-trois ans en 1910, déçu par l’évolution des syndicats, se sentant de plus en plus isolé, ne disposant plus de tribunes pour l’accueillir, [Sorel] cherche seulement le moyen de toucher un nouveau public. » (p.129)
    « Le 19 juillet 1909, Sorel apporte à Péguy le livre de Valois sur La monarchie et la classe ouvrière. Quelques mois plus tard, le 27 mars 1910, il suggère à son ami Berth de prendre contact avec Valois, qui a manifesté son désir de le voir. Contact apparemment fructueux. Les deux hommes s’entendent bien, d’autant qu’ils appartiennent tous deux à la même génération. » (p.131)
    « Fin 1909, [Valois] propose à Georges Sorel de prendre la direction d’une nouvelle revue, où s’exprimeraient côte à côte royalistes et syndicalistes, et qui s’intitulerait La Cité française. Sorel accepte, à la condition que Berth en soit le co-directeur. » (p.132)
    « La revue, qui devait paraître tous les mois chez Marcel Rivière, ne verra jamais le jour. La raison principale est une discorde qui s’est manifestée très tôt entre Georges Valois et un autre proche de Sorel, lui aussi associé au projet, l’écrivain et auteur dramatique Jean Variot.
    Né en 1881, Jean Variot, qui a été dreyfusard, a commencé par écrire dans La Guerre sociale de Gustave Hervé. Très proche de Charles Péguy, il a fait la connaissance de Sorel dans la petite boutique des Cahiers de la Quinzaine, rue de la Sorbonne, et n’a pas tardé à se rallier aux vues de l’auteur des Illusions du progrès. » (p.133)
    « [Cercle Proudhon] officiellement fondé à l’occasion d’une première conférence publique organisée à Paris le 16 décembre 1911, en présence de Charles Maurras, mais dont la première réunion interne, annoncée dans L’Action française, s’est tenue le 3 octobre. […] Georges Valois, dans les Cahiers du Cercle, en a raconté la genèse de la façon suivante : « Henri Lagrange me dit l’extrême utilité que présenterait un Cercle d’études où les nationalistes poursuivraient selon leurs méthodes l’étude de l’économie » [Valois, « Notre première année », in Cahiers du Cercle Proudhon, 2, mars-avril 1912, p.157]. » (p.146)
    « Tout jeune encore (il est né en 1894), Henri Lagrange s’est vite révélé une forte personnalité et un talent prometteur. Il a publié son premier article dès 1910, à l’âge de seize ans, dans la Revue critique des idées et des livres, ce qui lui a valu d’être remarqué par Maurice Barrès et Romain Rolland. Mais ce jeune et bouillat Camelot du Roi s’est surtout rendu célèbre pour avoir giflé et insulté publiquement le président Armand Fallières en juin 1911, lors des festivités qui se déroulèrent à Rouen pour célébrer le millénaire du rattachement de la Normandie à la France. Il a pour cela été condamné à six mois de prison, qu’il a effectués au régime de droit commun, malgré les efforts déployés en sa faveur par plus de 150 écrivains et artistes [dont Guillaume Apollinaire, Frédéric Mistral, Francis Carco, Paul Fort, Pierre Loti, Francis Jammes, Émile Faguet, Paul Bourget]. Ce geste lui a évidemment valu une grande popularité auprès des étudiants d’Action française, dont il va devenir l’année suivante le secrétaire général. Il n’en sera pas moins exclu de l’Action française pour « activisme » en 1913 : on lui reprochera d’avoir voulu organiser un coup de force contre la République ! Agé d’à peine plus de vingt ans, il sera tué sur le front le 6 octobre 1915, lors de l’attaque d’Auberive. » (p.147)
    « Liste des fondateurs du Cercle, signataires de la déclaration initiale. […] Valois et Lagrange appartiennent à l’Action française. C’est également le cas de René de Marans, directeur de la Revue critique des idées et des livres, qui a fréquenté les milieux du catholicisme social et a dirigé le journal L’Association catholique avant de rejoindre le mouvement de Maurras, et aussi de Gilbert Maire (qui, le 4 janvier 1914, enverra à Maurras une lettre de démission pour protester contre son antibergsonisme). André Pascalon, de son vrai nom Beycheras, est l’un des animateurs de l’Union des syndicats royalistes, créée en 1908 sous la direction d’Émile Para. […] Quant à l’instituteur syndicaliste Albert Vincent, il a certes été un républicain, en même temps qu’un grand admirateur de Proudhon, mais il a déjà rejoint l’Action française lorsque le Cercle s’est créé. Presque tous ont déjà collaboré (ou collaboreront) à la Revue critique des idées et des livres, dirigée successivement par Jean Rivain, René de Marans et Eugène Marsan, ce qui confirme le rôle de vivier joué par cette publication. […] Le rédacteur en chef de la Revue critique est le critique dramatique Pierre Gilbert, né en 1884, de son vrai nom Crabos […] Employé au ministère de la Guerre, il collabore régulièrement à L’Action française.
    En fin de compte, on ne trouve donc, dans le noyau initial, que deux véritables syndicalistes révolutionnaires : Édouard Berth et Marius Riquier. Encore Berth est-il maintenant lié depuis déjà un certain temps à Georges Valois. Riquier, lui, a participé en novembre 1909, avec le militant anarchiste Émile Janvion et le célèbre Georges Darien, à la fondation du journal antirépublicain Terre libre, qui paraîtra jusqu’en mai 1914 et ne cessera jamais d’affirmer que seule la nationalisation de la terre pourrait mettre fin à l’exploitation des travailleurs. Au total, cela ne fait pas beaucoup. » (p.159-150)
    « La revue tirait à ses débuts [en 1912] à 600 exemplaires et n’a sans doute jamais compté plus d’une centaine d’abonnés. Sur vingt-cinq articles publiés dans les Cahiers, huit seront consacrés à Proudhon et quatre à Sorel. […]
    Il semble bien […] que les deux tiers au moins des lecteurs aient appartenus à l’Action française ou aux Camelots du Roi. » (p.152)
    « Le point de vue syndicaliste n’est guère représenté que par Pierre Galland et Maurice Mayrel, qui viendrait de la SFIO. » (p.153)
    « Barrès au présent [au Cercle Proudhon]. » (p.154)
    « En 1902, on trouve […] un article élogieux sur Proudhon au sommaire du n°7 de la revue L’Action française. Peu après, dans ses cours donnés en 1906 à l’Institut Louis Dimier range Proudhon parmi les « maîtres de la Contre-Révolution au XIXe siècle ». » (p.156)
    « Pour les syndicalistes révolutionnaires, Proudhon est […] une référence centrale. Georges Sorel, le tout premier, a affirmé son accord fondamental avec les idées de Proudhon dans un « Essai sur la philosophie de Proudhon » paru en juin 1892 dans la Revue philosophique. Tout comme Édouard Berth, il méditera toute sa vie durant un livre sur Proudhon, qu’il ne trouvera jamais le temps d’écrire. » (p.158)
    « Dans cet article, Berth critique aussi l’antipatriotisme et l’antimilarisme de nombreux syndicalistes. » (p.165)
    « Face à la démocratie, [Berth] célèbre la conjonction des extrêmes. » (p.167)
    « Le 2 juin 1914 a lieu le dernier repas du Cercle Proudhon. » (p.167)
    « En 1924, Berth reconnaîtra certes très loyalement : « En fondant avec Georges Valois le Cercle Proudhon, où nous nous proposions de lutter contre la démocratie du double point de vue national et syndical, nous avions fait presque du fascisme avant la lettre » [Berth, Guerre des Etats ou guerre des classes, Marcel Rivière, Paris, 1924, p.19]. Mais il ne fait cette remarque que pour évoquer une voie sur laquelle il ne s’est précisément pas engagé. » (p.168)
    « Il faudra en fait attendre les « relèves » des années 30 et l’apparition de la galaxie des « non-conformistes », pour assister à de nouveaux rapprochements, plus féconds sans doute, sous le patronage de Sorel, Proudhon, Péguy et Bernanos. » (p.171)
    -Alain de Benoist, Édouard Berth ou le socialisme héroïque. Sorel – Maurras – Lénine, Éditions Pardès, 2013, 298 pages.
    Jean Darville est un pseudonyme de Berth dans Les Cahiers du Cercle Proudhon, dixit AdB, note 3 p.101.
    « L’Angleterre est, incontestablement, le pays « marchand » par excellence, une sorte de grande Carthage moderne, la terre classique du « libre-échange » et des théories manchestériennes, en vertu desquelles le monde est conçu sous l’aspect commercial, comme un vaste marché […] Nietzsche avait relevé avec raison « la médiocrité philosophique » des Anglais : toute la production philosophique anglaise est incontestablement marquée au coin de l’empirisme le plus plat et le plus épicier. Les moralistes anglais, en particulier, ne se sont jamais élevés au-dessus de la morale utilitaire la plus mesquine […] Et l’Angleterre n’est-elle pas la terre classique du parlementarisme, comme elle l’est du capitalisme marchand ? » -Édouard Berth, La fin d’une culture, Marcel Rivière, Paris, 1927, p.133.
    « Accord essentiel du plébéien Proudhon avec l’aristocrate Nietzsche. » - Édouard Berth, Du « Capital » aux « Réflexions sur la violence », Marcel Rivière, Paris, 1932, pp.156-157.
    « [La] violence [prolétarienne] n’implique nullement plaies, bosses et sang versé, mais simplement l’affirmation, claire et sans ambages, de la volonté de puissance du prolétariat, appelé par le destin à succéder à une bourgeoisie désormais impuissante, incapable et déchue de toute sa grandeur historique. »
    -Édouard Berth, « La nouvelle tactique syndicaliste : l’occupation des usines », in La Révolution prolétarienne, novembre 1936.
    « Pour un socialiste, être libre, c’est surtout posséder son instrument de production, faire partie d’un atelier autonome débarrassé de toute tutelle, capitaliste ou administrative. La liberté socialiste possède un contenu plus concret, plus riche ; sa notion est celle d’une capacité, d’un pouvoir réel. » -Édouard Berth, « La politique anticléricale et le socialisme », in Revue socialiste, Paris, 15 novembre 1902, article repris dans les Cahiers de la Quinzaine, 1903, p.24.
    « J’ai fini par m’en aller quand j’ai vu que mes conseils n’étaient pas suivis, quand L’Indépendance est devenue une revue pour pipelets nationalistes. […] Variot […] a tiré de L’Indépendance l’avantage de se poser dans le monde nationaliste. » -Georges Sorel, lettre à Joseph Lotte du 25 février 1914, in Feuillets de l’Amitié Charles Péguy, 34, juillet 1953, p.12.
    « Il nous semble que les possibilités qu’un Georges Sorel nous propose sont loin d’être une description même approchée du réel. Les faits se confrontent mal avec ses thèses. » -Henri Massis, « Les idées sociales de M. Georges Sorel », in Mercure de France, 16 février 1910, p.621.
    Pierre-Joseph Proudhon, Les femmelins. Les grandes figures romantiques, Nouvelle Librarie nationale, Paris, 1912 (première édition), présentation de l’ouvrage posthume par Henri Lagrange.
    « [Rousseau fut le] premier de ces femmelins de l’intelligence en qui, l’idée se troublant, la passion ou l’affectivité l’emporte sur la raison. » -Pierre-Joseph Proudhon, De la justice dans la révolution et l’Église, 11e étude, chapitre 2.




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