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    Arnaud Teyssier, Charles Péguy

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Péguy - Arnaud Teyssier, Charles Péguy Empty Arnaud Teyssier, Charles Péguy

    Message par Johnathan R. Razorback Lun 19 Oct - 16:20



    "Le politique s’abrite derrière la puissance de l’administration… Mais il y a eu des moments dans la Ve République où le problème ne se posait pas parce que le politique assumait ses responsabilités, avait la parfaite maîtrise de ses décisions. Les grands patrons de l’administration, préfets, ambassadeurs, tous ceux qui sont nommés en conseil des ministres, sont révocables ad nutum : on ne voit pas où serait le problème. “L’État profond”, c’est un concept importé qui n’a pas de sens en France."
    -Arnaud Teyssier, Entretien du 3 septembre 2020 in Politique Magazine: https://www.politiquemagazine.fr/en-une-politique/on-a-le-sentiment-depuis-trente-ans-que-la-notion-dinteret-public-est-devenue-confuse-entretien-avec-arnaud-teyssier/

    "Pierre-André Taguieff: J’avais trouvé le premier numéro de Front populaire consacré au « souverainisme » intéressant et équilibré. Je ne m’attendais pas à me retrouver, dans ce deuxième numéro traitant de « l’État profond », aux côtés de Valérie Bugault, complotiste notoire, dont je compte analyser les écrits dans un de mes prochains livres. Reprenant les thèses de son livre paru en 2019, Les Raisons cachées du désordre mondial, son article sur « la finance internationale » se situe dans la filiation d’un Henry Coston, d’un Gary Allen, d’un Antony C. Sutton ou d’un Eustace Mullins, pionniers du conspirationnisme professionnel au XXe siècle. [...] Quant à l’article sur le groupe Bilderberg, fantasmé et mythifié par les milieux complotistes, il se fonde sur le pamphlet délirant de Daniel Estulin, Le Club Bilderberg. L’histoire secrète des maîtres du monde (2005 ; traduit en 2017), un « classique » de ce genre de littérature ésotérico-complotiste. Autant de variations convenues sur le thème des « maîtres secrets du monde », central dans le blabla complotiste." ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre-Andr%C3%A9_Taguieff )

    "Le matin du 1er août 1914, jour de la mobilisation générale, Maurice Barrès quitta sa maison du boulevard Maillot à Neuilly et se rendit au domicile de Jean Jaurès. Le célèbre dirigeant socialiste avait été assassiné la veille, rue Montmarte, au café du Croissant, et reposait chez lui, dans sa villa de Passy, où il était veillé par les siens, par ses amis, par quelques-unes des figures du socialisme français comme Léon Blum ou Marcel Sembat. Barrès, le célèbre écrivain nationaliste, qui avait été antidreyfusard et avait combattu avec ardeur le pacifisme de Jaurès à la Chambre, voulait se recueillir devant la dépouille de son vieil adversaire et remettre à sa fille une lettre d'hommages qu'il s'apprêtait à publier dans L'Echo de Paris, au grand dam de ses propres amis politiques. Car Barrès avait toujours eu de l'estime, de l'admiration pour Jaurès, et il craignait, de surcroît, que ce meurtre brutal ne vînt attiser une guerre civile française au moment où se dessinait la grande guerre européenne sur les frontières." (pp.9-10)

    "Contrairement à Barrès, Péguy ne craignait nullement une guerre civile, mais il redoutait les effets de la division. Dans cette mort du tribun, il voyait un signe, sinon même la marque d'une forme de Providence. Devant un de ses proches, il aurait déclaré: "Je suis bien obligé de dire que c'est une chose abominable. Et pourtant... Il y a en cet homme une telle puissance de capitulation ! Qu'aurait-il fait en cas de défaite ?" Selon toute logique, c'est lui, l'ancien dreyfusard, et non Barrès qui aurait dû s'incliner devant le corps de Jaurès. Une amitié avait été brisée, les rôles avaient été redistribués." (p.11)

    "Il fut longtemps suspecté, assez vaguement, d'idées droitières en raison de sa brouille avec Jaurès, de son engagement patriotique des dernières années, de sa mort héroïque. On lui fit grief, un temps, de la tentative de récupération dont il fut l'objet à l'époque de Vichy. [...] Mais on sut s'en souvenir dans les années 1970, lorsqu'il s'agit cette fois d'en faire une sorte de héros libertaire..." (p.13)

    "Ses deux ascendances sont paysannes [...] cet "ancien peuple" qu'il pouvait "toucher" encore, enfant, à Orléans, vers 1880. [...] Il fut élevé par sa grand-mère pendant que sa mère travaillait du matin au soir à rempailler des chaises..." (pp.22-23)

    "Péguy gardera une naïveté d'enfant d'autant plus déconcertante qu'elle accompagnera toujours un caractère tranchant et son expression la plus orgueilleuse. [...] Péguy, cet éternel combattant, ce chevalier des idées, ne croit pas au diable, ni à l'éternité du mal." (p.25)

    "Ce peuple paysan, écrit Halévy, fut "redressé par la Révolution et les grandes guerres qu'il avait réussies." (p.25)

    "Désiré Péguy était un homme bon et faible, originaire du Val de Loire, de Saint-Jean-de-Braye, dans les environs immédiats d'Orléans. Son propre père était vigneron-jardinier dans le faubourg Bourgogne. Il était, lui, ouvrier menuisier. En 1870, il a vingt-quatre ans et connaît déjà Cécile Quéré, mais la guerre retarde leur mariage. Il s'engage dans les mobiles du Loiret et participe aux combats du siège de Paris. [...] La mère de Péguy, longtemps après la mort de son mari, continua de produire devant son fils le quignon de pain du siège et la lettre que Désiré lui avait écrite alors, simple et émouvante, seul lien qui restera jamais entre le fils et le père. Le 1er mai 1872, Désiré Péguy est rendu à la vie civile et peut enfin épouser Cécile. Le mardi 7 janvier 1873, à 11 heures du matin, Charles Pierre Péguy naît à leur foyer, faubourg Bourgogne, au n°50. C'est la maison même où dix-sept ans plus tôt, sa grand-mère et sa mère avaient posé leurs vies. Péguy la décrira plus tard, par la plume et le dessin: une simple petite maison basse, paysanne, avec un "vieux toit de briques moisies, rousses, verdâtres", mais "couvert d'une admirable végétation, moussue, régulière"... [...] Sur la fenêtre, des fuchsias et de "beaux géraniums rouges".

    Charles ne connaîtra jamais son père, qui disparaît alors que l'enfant est âgé de seulement dix mois. Le voilà fils unique, élevé par deux femmes qu'il vénère, et muni du souvenir lointain d'un père bon et effacé, emporté par la maladie due à l'épuisement du siège. Le faubourg Bourgogne est son domaine, sorte de transition entre la campagne et la ville, peuplé d'un monde vivant et foisonnant d'artisans et de petites gens. L'élément d'unité et de continuité, c'est la Loire." (pp.27-28)

    "En 1879, "par un assez frais matin du mois d'octobre", la mère de Péguy l'accompagne pour sa première rentrée scolaire. L'école primaire annexe d'Orléans est située à côté de l'Ecole normale des instituteurs du Loiret, tout près de chez les Péguy: c'est une école à l'abri d'une autre école, "comme une espèce de nid rectangulaire, administratif, solennel et doux". Très peu de départements disposent alors d'une école normale. Celle-ci est belle, de surcroît ; on dirait, notera Marcel Abraham, un couvent, avec "de la noblesse, de grands arbres, une terrasse sur la Loire". Péguy, lui, aimait à rappeler que les "réactionnaires" baptisaient ces constructions du nom de "folies scolaires", en fait "de fortes honnêtes constructions, en briques ou en pierres de taille, où on apprenait à lire aux enfants"." (p.29)

    "Avec la constitution du ministère Waddington en janvier 1879 et l'installation définitive de la République qui suit la démission de Mac-Mahon, s'ouvre une ère nouvelle. Plusieurs fois président du Conseil entre 1879 et 1885, Jules Ferry ne cesse de détenir, pendant toute la période, le portefeuille de l'Instruction publique. Son objectif est d'affranchir l'école de toute influence du clergé et de développer l'Instruction des Français par l'instauration de la gratuité et de l'obligation. L'école doit permettre, dans un même mouvement, l'enracinement de la République et l'émergence de nouvelles couches sociales dans l'esprit défini par Gambetta dès 1872. Elle doit fortifier l'esprit patriotique et contribuer au redressement moral du pays, si profondément atteint par la défaite de 1870." (p.31-32)

    "Une discipline lui est imposée sous la vigilance du foyer familial: le lever matinal, même par les froides journées d'hiver, le travail sans relâche jusqu'au soir après souper, avec le sentiment d'un labeur qui n'en finit jamais, les paupières qui s'alourdissent et le jour qui succède à la nuit... Sa mère est levée dès 4 heures, elle le réveille à 6 quand la grand-mère dort encore. Pendant que sa mère rempaille, Charles fait ses devoirs et apprend ses leçons. Il l'aide aussi parfois. Il part à l'école après son déjeuner ("un bon morceau de pain dans une bonne tasse de café noir bien chaud") [...] et arrive juste pour le début de la classe à 8 heures. A 11 heures, il rentre déjeuner chez lui, "la classe du soir ne commençant qu'à une heure". Et il revient pour de bon chez lui à 4 heures, goûte, travaille, dîne et se couche après avoir encore travaillé.
    [...]
    En classe, il est l'écolier modèle, cherchant toujours à comprendre, sérieux, travailleur." (p.33)

    "Le jeune garçon reçoit en même temps une éducation religieuse. Le catéchisme est dispensé tous les jeudis à Saint-Aignan, "une vieille église dédiée au saint qui sauva des invasions barbares le Val de Loire". C'est grâce à l'énergie du saint, qui soutint le moral des défenseurs, qu'Attila dut renoncer en 451 à s'emparer d'Orléans. Cette église est, après la cathédrale, la plus vénérée d'Orléans." (p.34)

    "Un autre personnage exercera aussi sur l'enfant une influence bienveillante et déterminante: le maréchal-ferrant du faubourg Bourgogne, le jeune Louis Boitier, ancien de 1848, autodidacte, adepte du socialisme de Raspail et de Louis Blanc, qui l'introduit à la lecture de Victor Hugo. Ce forgeron simple, attaché à son métier et à la qualité de son travail, fait revivre 1870, notamment l'entrée des Prussiens dans Orléans, aux yeux de Charles, qui le regarde presque comme un père. Louis Boitier, un jour de septembre 1914, aura la mission dramatique d'annoncer à Mme Péguy la mort de son fils. [...] Si Louis Boitier "parlait si bien du passé", c'est "parce qu'il était sans doute lui-même, à bien peu près, un Français de 1792". Grâce à Boitier, Péguy s'immergeait dans le monde des artisans du faubourg Bourgogne, véritable élite ouvrière composée de selliers, charrons et cordonniers, comme dans celui des petits vignerons et paysans de Saint-Jean-de-Braye, au-delà du faubourg, où il irait bientôt vendanger." (p.35)

    "
    (p.36)
    -Arnaud Teyssier, Charles Péguy. Une humanité française, Perrin, 2014 (2008 pour la première édition), 376 pages.



    _________________
    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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