"Ce qui me frappa dans Véra, dès notre première rencontre, fut son indifférence absolue pour toutes les choses extérieures.
Elle ressemblait à ces somnambules, dont la vue frappée par un objet qui n’est visible que pour elles, devient insensible à toute autre impression.
Je lui demandai si elle habitait Saint-Pétersbourg depuis longtemps, si elle se trouvait bien à son hôtel. À toutes ces questions banales Véra répondit d’un air distrait et même mécontent. Les détails de la vie, évidemment, ne la touchaient pas. Venue à Saint-Pétersbourg pour la première fois, elle n’était ni intéressée ni éblouie par le mouvement de la capitale.
Elle n’avait qu’une idée : trouver un but à sa vie. J’étais fortement attirée vers cette jeune fille, ressemblant si peu à toutes celles que j’avais connues. Je voulais mériter sa confiance et pénétrer dans ses pensées les plus intimes. Je dis qu’il m’était impossible de lui donner de conseils avant de la connaître davantage, et lui demandai de venir me voir aussi souvent que possible et de me parler de son passé. Véra elle-même avait grand besoin de s’épancher, et me raconta sa vie avec une excessive franchise. Après quelques semaines, je pénétrai dans son cœur et sus y lire aussi clairement qu’une femme peut lire dans le cœur d’une autre femme."
-Sofia Kovalevskaïa, Une nihiliste, 1890, Traduction de Nadine Kontchewsky parue dans La Société nouvelle, vol. I, 1893.
Elle ressemblait à ces somnambules, dont la vue frappée par un objet qui n’est visible que pour elles, devient insensible à toute autre impression.
Je lui demandai si elle habitait Saint-Pétersbourg depuis longtemps, si elle se trouvait bien à son hôtel. À toutes ces questions banales Véra répondit d’un air distrait et même mécontent. Les détails de la vie, évidemment, ne la touchaient pas. Venue à Saint-Pétersbourg pour la première fois, elle n’était ni intéressée ni éblouie par le mouvement de la capitale.
Elle n’avait qu’une idée : trouver un but à sa vie. J’étais fortement attirée vers cette jeune fille, ressemblant si peu à toutes celles que j’avais connues. Je voulais mériter sa confiance et pénétrer dans ses pensées les plus intimes. Je dis qu’il m’était impossible de lui donner de conseils avant de la connaître davantage, et lui demandai de venir me voir aussi souvent que possible et de me parler de son passé. Véra elle-même avait grand besoin de s’épancher, et me raconta sa vie avec une excessive franchise. Après quelques semaines, je pénétrai dans son cœur et sus y lire aussi clairement qu’une femme peut lire dans le cœur d’une autre femme."
-Sofia Kovalevskaïa, Une nihiliste, 1890, Traduction de Nadine Kontchewsky parue dans La Société nouvelle, vol. I, 1893.