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    Jared Diamond, De l'inégalité parmi les sociétés

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Jared Diamond, De l'inégalité parmi les sociétés Empty Jared Diamond, De l'inégalité parmi les sociétés

    Message par Johnathan R. Razorback Mer 13 Avr - 11:40

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Jared_Diamond

    https://fr.book4you.org/book/4449355/a55513

    "Pourquoi la richesse et la puissance sont-elles distribuées ainsi et pas autrement ? Pourquoi, par exemple, ce ne sont pas les indigènes d’Amérique, les Africains et les aborigènes australiens qui ont décimé, asservi ou exterminé les Européens et les Asiatiques ?"

    "Disparition imminente de la majeure partie des 6 000 langues qui ont survécu et sont en passe d’être remplacées par l’anglais, le chinois, le russe et quelques autres langues dont le nombre de locuteurs a considérablement augmenté dans les derniers siècles."

    "Loin de glorifier les populations d’origine ouest-européenne, nous verrons que les éléments les plus fondamentaux de leur civilisation sont apparus ailleurs, d’où l’Europe occidentale les a importés."

    "Je me garde bien de postuler que les États industrialisés sont « meilleurs » que les tribus de chasseurs-cueilleurs ou que l’abandon du mode de vie de ces derniers pour une forme étatique fondée sur l’emploi du fer marque un « progrès » ou a accru le bonheur humain. Pour avoir partagé ma vie entre les villes des États-Unis et les villages de Nouvelle-Guinée, mon sentiment est que les bienfaits de la civilisation ne sont pas sans mélange. En comparaison des chasseurs-cueilleurs, par exemple, les habitants des États industrialisés modernes jouissent de meilleurs soins médicaux, de moindres risques de mort par homicide et d’une plus longue espérance de vie, mais ils bénéficient beaucoup moins du soutien de leurs amis ou de la famille élargie."

    "Un argument apparemment irrésistible se présente ainsi. La population immigrée blanche d’Australie a édifié un État démocratique, politiquement centralisé, industrialisé, fondé sur la maîtrise de la lecture et de l’écriture, l’usage d’outils métalliques et la production alimentaire. Ils ont accompli tout cela en l’espace d’un siècle, colonisant un continent où les aborigènes menaient une vie tribale de chasseurs-cueilleurs depuis au moins 40 000 ans. On est ici en présence de deux expériences de développement successives dans un milieu
    identique – la seule variable étant la population qui l’occupait. Quelle autre preuve pourrait-on souhaiter pour établir que les différences entre les aborigènes d’Australie et les sociétés européennes sont nées de différences entre les peuples eux-mêmes ?

    Ces arguments racistes ne sont pas seulement détestables : ils sont faux. On n’a pas de preuves solides de l’existence d’un lien entre différences intellectuelles et différences techniques chez l’homme. En réalité, les populations modernes de l’« âge de pierre » sont en moyenne probablement plus intelligentes, non moins, que les populations industrialisées. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, nous verrons dans le chapitre 15 que les immigrants blancs de l’Australie ne méritent pas le crédit qu’on leur fait habituellement d’avoir bâti une société alphabétisée et industrialisée présentant les autres vertus mentionnées plus haut. En outre, les populations qui, il y a peu de temps encore,
    étaient technologiquement primitives – comme les aborigènes d’Australie et les Néo-Guinéens – maîtrisent sans difficulté les techniques industrielles pour peu que l’occasion leur en soit donnée.

    Les spécialistes de psychologie cognitive ont beaucoup étudié les différences de QI entre populations d’origines géographiques différentes mais habitant désormais le même pays. En particulier, de nombreux psychologues américains blancs essaient depuis des décennies de démontrer que les Noirs américains d’origine africaine sont naturellement moins intelligents que les Blancs américains d’origine européenne. Mais, on le sait, les populations comparées diffèrent grandement par leur milieu social comme par les chances de
    scolarisation qui leur sont offertes. D’où une double difficulté pour mettre à l’épreuve l’hypothèse suivant laquelle les différences techniques sont sous-tendues par des différences intellectuelles. En premier lieu, même nos capacités cognitives d’adultes sont fortement influencées par le milieu social que nous avons connu dans notre enfance au point qu’il est difficile de discerner quelque influence de différences génétiques préexistantes. En second lieu, les tests d’aptitude cognitive (comme les tests de QI) ont tendance à mesurer
    l’apprentissage culturel, plutôt qu’une intelligence pure et innée, quel que soit le sens qu’on lui donne. En raison de ces effets incontestables de l’enfance et du savoir acquis sur les résultats des tests de QI, les psychologues n’ont pas réussi jusqu’ici à mettre en évidence dans le QI des populations non blanches la moindre carence génétique présumée.

    Ma perspective sur cette controverse est le fruit de trente-trois ans de travail auprès des Néo-Guinéens et de mon immersion dans leurs sociétés intactes. Dès le tout début de mon travail avec eux, j’ai été frappé de les voir en moyenne plus intelligents, plus éveillés, plus expressifs et plus intéressés par les choses et les gens de leur entourage que l’Européen ou l’Américain moyen. Ils paraissent même nettement plus aptes à certaines tâches dont on pourrait raisonnablement penser qu’elles reflètent divers aspects des fonctions cérébrales. Naturellement, les Néo-Guinéens réussissent en général moins bien dans des tâches que les Occidentaux sont formés à accomplir depuis leur petite enfance. Ainsi, lorsque des Néo-Guinéens non scolarisés quittent leurs villages lointains pour s’aventurer en ville, ils passent pour des idiots aux yeux des Occidentaux. Inversement, j’ai toujours le sentiment de passer pour un empoté aux yeux des Néo-Guinéens quand je suis avec eux dans la jungle et que je suis incapable d’accomplir les tâches élémentaires auxquelles ils sont habitués depuis leur plus tendre enfance (par exemple, suivre une piste dans la jungle ou construire un abri)."

    "Mon impression que les Néo-Guinéens sont plus dégourdis que les Occidentaux repose sur deux raisons faciles à saisir. En premier lieu, les Européens vivent depuis des milliers d’années dans des sociétés densément peuplées avec un gouvernement central, une police et une justice. Dans ces sociétés, les maladies infectieuses épidémiques des populations denses (comme la petite vérole) ont été historiquement la principale cause de décès, tandis que les meurtres étaient relativement rares et l’état de guerre l’exception plutôt que la règle. La plupart des Européens qui échappaient aux maladies mortelles échappaient aussi aux autres causes potentielles de mort et parvenaient à transmettre leurs gènes. De nos jours, la plupart des petits enfants occidentaux (mortinatalité exceptée) survivent et se reproduisent, indépendamment de leur intelligence et des gènes dont ils sont porteurs. À l’opposé, les Néo-Guinéens ont vécu dans des sociétés aux effectifs trop faibles pour que s’y propagent les maladies épidémiques de populations denses. En fait, les Néo-Guinéens traditionnels souffraient d’une forte mortalité liée aux meurtres, aux guerres tribales chroniques et aux accidents, ainsi qu’à leurs difficultés à se procurer des vivres.

    Dans les sociétés traditionnelles de Nouvelle-Guinée, les individus intelligents ont plus de chances que les moins intelligents d’échapper à ces causes de mortalité. Dans les sociétés européennes traditionnelles, en revanche, la mortalité différentielle liée aux maladies épidémiques n’avait pas grand-chose à voir avec l’intelligence : elle mettait plutôt en jeu une résistance génétique liée aux détails de la chimie physique. Par exemple, les porteurs du groupe sanguin B ou O résistent mieux à la variole que ceux du groupe A. En conséquence, la sélection naturelle encourageant les gènes de l’intelligence a probablement été beaucoup plus rude en Nouvelle-Guinée que dans les sociétés à plus forte densité de population et politiquement complexes, où la sélection naturelle liée à la chimie du corps a été plus puissante.

    Outre cette raison génétique, une deuxième raison explique que les Néo-Guinéens soient devenus sans doute plus dégourdis que les Occidentaux. Dans le monde moderne, les enfants européens et nord-américains demeurent passifs une bonne partie de la journée devant leur poste de télévision ou de radio ou devant l’écran de cinéma. Dans un foyer américain, la télévision reste en moyenne allumée sept heures par jour. À l’opposé, les divertissements passifs n’ont pratiquement aucune place dans la vie des petits Néo-Guinéens traditionnels : ils passent le plus clair de leur temps en activité, à faire des choses, à bavarder ou à jouer avec d’autres enfants ou avec des adultes. Presque toutes les études sur le développement de l’enfant insistent sur le rôle de la stimulation et l’activité au cours de la petite enfance dans le développement mental, et mettent en évidence le retard mental irréversible associé à des stimulations réduites dans l’enfance. Cet effet explique certainement une part non génétique de la supériorité mentale moyenne des Néo-Guinéens.

    En fait, en termes d’aptitudes mentales, les Néo-Guinéens sont sans doute génétiquement supérieurs aux Occidentaux. À tout le moins, ils savent mieux se soustraire aux handicaps dévastateurs qui entravent de nos jours le développement de la plupart des enfants des sociétés industrialisées.

    Assurément, on chercherait en vain le moindre signe d’un handicap intellectuel chez les Néo-Guinéens qui permettrait de répondre à la question de Yali. Les deux mêmes facteurs –génétique et touchant au développement de l’enfance– sont susceptibles de distinguer non seulement les Néo-Guinéens des Occidentaux, mais aussi les chasseurs-cueilleurs et les autres membres de sociétés techniquement primitives des membres des sociétés techniquement avancées en général. Ainsi, le postulat raciste habituel est renversé. [...] Pourquoi, malgré leur intelligence que je crois supérieure, les Guinéens ont-ils finalement une technique primitive ?"
    -Jared Diamond, De l'inégalité parmi les sociétés. Essai sur l'homme et l'environnement dans l'histoire, Gallimard, 2000 (1997 pour la première édition états-unienne).




    _________________
    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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