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    Lucien Goldmann, Marxisme et sciences humaines + Recherches dialectiques

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Lucien Goldmann, Marxisme et sciences humaines + Recherches dialectiques Empty Lucien Goldmann, Marxisme et sciences humaines + Recherches dialectiques

    Message par Johnathan R. Razorback Dim 4 Sep - 15:19

    https://fr.book4you.org/book/21671820/64c8d8

    http://classiques.uqac.ca/contemporains/goldmann_lucien/marxisme_et_sc_hum/marxisme_et_sc_hum.pdf

    https://fr.book4you.org/book/21671821/1407da

    " [Préface de septembre 1970]

    "Un certain nombre de ces articles sont rédigés dans le contexte intellectuel antérieur à 1968 où d'importants théoriciens de droite comme Raymond Aron, du centre humaniste et libéral comme David Riesman ou même de l’extrême gauche comme Marcuse et l’École de Francfort affirmaient la stabilisation sinon définitive tout au moins durable de la nouvelle société technocratique et la tendance à la disparition de tout esprit contestataire — « fin des idéologies » , « disparition du Radar intérieur » , « Homme unidimensionnel » — où les structuralistes non génétiques ou, si l’on préfère, formalistes et d’inspiration linguistique, développaient une idéologie qui reléguait l’histoire, l’homme et la signification au rebut des vieux préjugés et nous proposaient une culture centrée uniquement sur la combinatoire des moyens, sans aucun intérêt pour les fins et les valeurs." (p.12)

    "L’intégration me paraît être le résultat non seulement de l’amélioration du niveau de vie et d’un certain nombre de conquêtes syndicales, mais aussi de la participation active et quotidienne au processus de production et, implicitement, au fonctionnement de la société capitaliste. Le caractère oppositionnel — culturellement et idéologiquement contestataire — de cette intégration me paraît s’expliquer — et ici l’analyse géniale de Marx reste entièrement valable — par le fait que les ouvriers n’ayant rien d’autre à vendre que leur force de travail — et cela veut dire en dernière instance eux-mêmes — devaient nécessairement rester, bien qu’à des degrés divers, rebelles à la réification, à l’adaptation au marché et à la
    transformation des biens en marchandises ; en d’autres termes, intégration fondée sur la participation à la production, les avantages matériels et les conquêtes syndicales, tendance à un refus existentiel de la quantification généralisée sur le marché et de la transformation des biens et des hommes en marchandises caractérisées en premier lieu et même uniquement par leur prix." (p.14)

    "Les pays qui resteront à la pointe du progrès technique seront ceux dans lesquels les classes dirigeantes accepteront des modifications de structure, orientées vers la participation d’une couche plus ou moins large de salariés à la gestion des entreprises, pour pouvoir s’assurer un appui décisif parmi un large secteur de techniciens et de spécialistes salariés." (p.15)

    "Phénomène social non négligeable qu’est le développement dans la jeunesse d’une contestation passive à caractère d’évasion, ce qu’on appelle couramment les hippies." (p.17)

    [Chapitre 1 : Genèse et structure]

    "Proposition que je viens de lire récemment dans un texte de Lukács, mais qui est, je crois, de Hegel : Le problème de l’histoire, c’est l’histoire du problème et inversement. Au fond cette affirmation contient à peu près tout ce que je me propose de dire aujourd’hui et qu’il s’agira simplement de développer et d’expliciter.

    Cette phrase implique en effet l’assertion que, pour étudier de manière positive et compréhensive l’histoire d’un problème en essayant de dégager et de comprendre les transformations qu’il a subies, d’abord en tant que problème par suite des transformations des cadres mentaux dans les groupes sociaux où il était soulevé, transformations qui ont aussi permis d’entrevoir différentes réponses successives, on est obligé de mettre en relation ces phénomènes qui semblent relever uniquement de la vie intellectuelle avec l’ensemble de la vie historique et sociale ; c’est pourquoi toute tentative pour étudier à un niveau sérieux l’histoire d’un problème conduit nécessairement le chercheur à poser, pour l’époque qui l’intéresse, le problème de l’histoire dans son ensemble." (p.20)

    "L’hypothèse structuraliste génétique dont un des principes fondamentaux est l’affirmation que tout comportement humain a un caractère de structure significative que le chercheur doit mettre en lumière. Dans cette perspective l’étude positive de tout comportement humain réside précisément dans l’effort pour rendre sa signification accessible par la mise en lumière des traits généraux d’une structure partielle, laquelle ne saurait être comprise que dans la mesure où elle est elle-même insérée dans l’étude d’une structure plus vaste dont le fonctionnement peut seul élucider sa genèse et la plupart des problèmes que le chercheur avait été amené à se poser au commencement de son travail. Il va de soi que l’étude de
    cette structure plus vaste exigerait à son tour son insertion dans une autre structure relative qui l’embrasserait et ainsi de suite." (p.22)

    "Dans ses formes anciennes, au niveau d’un structuralisme statique s’opposant à l’atomisme empiriste et rationaliste qui a régi les sciences humaines, au moins universitaires, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, et qui y règne dans une grande mesure encore aujourd’hui, cette discussion prenait la forme d’une alternative entre la description compréhensive et l’explication par la cause ou par la loi. (Il va de soi que cette dernière ne saurait être appelée explication que dans un sens extrêmement large.)

    L’atomisme essayait en effet, et essaie encore, d’introduire dans les sciences humaines les principes qui, au XIXe siècle, régissaient les sciences de la nature. Selon qu’il est rationaliste ou empiriste, il cherche ou bien des explications causales et nécessaires ou bien des corrélations universelles dont la découverte peut expliquer tel ou tel phénomène particulier.

    À quoi le structuralisme non génétique, — et vous savez tous les noms célèbres qu’on désigne par ce terme, et qui vont de Husserl aux psychologues de la Gestalt, et, en France, à Lévi-Strauss et aux derniers travaux de Roland Barthes, — oppose l’existence de structures qui seules peuvent rendre compte de l’importance et de la signification de tel ou tel élément partiel. Dans la mesure cependant où ces structures sont conçues comme permanentes et universelles, toute idée d'explication perd sa signification à leur niveau.

    Tout ce qu’on peut faire c’est de les décrire, et ici, le structuralisme non génétique semble se diviser en penseurs qui se contentent de descriptions compréhensives, alors que d’autres, je pense à Lévi-Strauss et à Barthes en particulier, semblent vouloir faire une synthèse entre un structuralisme purement descriptif et un atomisme explicatif dans la mesure où, sur le modèle de la linguistique, ils supposent non seulement l’existence de structures universelles non significatives, mais aussi celle de liaisons intelligibles entre différentes structures, liaisons dues à l’existence d’éléments communs que Lévi-Strauss appelle atomes de structure. C’est ainsi qu’il nous dit dans l’Anthropologie structurale que le groupe composé de l’homme, de la femme, de l’enfant et d’un membre masculin du groupe qui donne la femme au mari, constitue un atome de parenté qui se retrouve dans tous les systèmes de parenté que l’on peut rencontrer.

    Il faut ajouter que chez Lévi-Strauss tout cela concerne seulement les structures universelles inconscientes et que bien entendu il admet sans difficulté l’utilité et même la nécessité d’une étude génétique des modalités concrètes dans lesquelles se manifestent ces structures au niveau de la conscience. Inutile de dire que malgré l’importance qu’il accorde à cette étude, il s’agit, dans sa perspective, d’un phénomène en dernière instance secondaire.

    Or, dans cette discussion, le structuralisme génétique introduit des perspectives entièrement nouvelles dans la mesure où il pense que compréhension et explication ne sont pas seulement des processus intellectuellement connexes mais un seul et même processus rapporté seulement à deux niveaux différents du découpage de l’objet.

    Les structures constitutives du comportement humain ne sont pas en réalité, pour cette perspective, des données universelles, mais des faits spécifiques nés d’une genèse passée et en train de subir des transformations qui ébauchent une évolution future. Or, à chaque niveau du découpage de l’objet le dynamisme interne de la structure est le résultat non seulement de ses propres contradictions internes mais aussi du dynamisme, étroitement lié à ces contradictions internes, d’une structure plus vaste qui l’embrasse et qui tend elle-même à sa propre équilibration ; ce à quoi il faut d’ailleurs ajouter que toute équilibration, à quelque niveau que ce soit, ne saurait être que provisoire, dans la mesure même où elle est constituée par un ensemble de comportements humains qui transforment le milieu ambiant et créent par cela même des conditions nouvelles grâce auxquelles l’ancien équilibre devient contradictoire et insuffisant.

    Dans cette perspective, toute description d’une structure dynamique, ou (pour employer un terme que Piaget semble préférer aujourd’hui) toute description d’un processus de structuration (qui est d’ailleurs aussi par son côté complémentaire une description d’un processus de déstructuration de structures précédemment existantes) a un caractère
    compréhensif par rapport à l’objet étudié et un caractère explicatif par rapport aux structures plus limitées qui en sont les éléments constitutifs.

    Du point de vue historique, le structuralisme génétique est apparu, me semble-t-il, pour la première fois comme idée fondamentale dans la philosophie, avec Hegel et Marx bien que ni l’un ni l’autre n’aient employé explicitement ce terme. Il n’en reste pas moins que les pensées hégélienne et marxiste sont, pour la première fois dans l’histoire de la philosophie, des positions rigoureusement monistes, structuralistes et génétiques. À un niveau immédiat ce phénomène peut être lié en partie au fait qu’avec Hegel et surtout avec Marx la
    philosophie moderne se détache progressivement des sciences mathématiques et physiques pour s’orienter en tout premier lieu vers la réflexion sur les faits historiques ; il me paraît important de constater que, loin d’être une découverte tardive en sciences historiques et sociales, le structuralisme génétique est au contraire une des premières positions élaborées par les penseurs qui se sont orientés sérieusement vers un essai de compréhension positive de ces faits. [...]

    Ici cependant une objection pourrait surgir qu’il vaut mieux aborder tout de suite. Dans l’œuvre de Marx, Le Capital, qui occupe une place considérable, pourrait sembler une analyse statique dans la mesure où il s’attache à mettre en lumière le fonctionnement interne d’une société capitaliste constituée uniquement de salariés et de patrons. Un livre récent et qui a eu beaucoup de succès, celui de Calvez, reprochait même à Marx, comme une inconséquence à l’intérieur de son propre système, d’avoir introduit la violence pour expliquer l’accumulation primitive alors que tout, selon Calvez, devrait s’y expliquer par des processus purement économiques. En réalité, il n’en n’est, bien entendu, rien.

    Le Capital n’est pas un travail d’économie politique, mais, comme le dit son titre même, une Critique de l’économie politique. Il s’attache à montrer que les phénomènes économiques comme tels constituent des réalités historiques limitées apparues à un certain moment de l'évolution et appelées à disparaître au cours de transformations ultérieures, phénomènes qui se caractérisent en tout premier lieu par l’apparition à l’intérieur de la vie sociale globale d’un secteur autonome qui agit de plus en plus intensément et efficacement sur les autres tout en subissant de moins en moins leur influence. En ce sens et tant que ce secteur existe, les faits économiques présentent un caractère relativement autonome et ont même une valeur explicative pour l’étude des phénomènes qui se déroulent dans les autres secteurs de la vie sociale ; mais c’est précisément dans cette perspective que la genèse de la vie économique ne saurait avoir elle-même un caractère économique. Marx est ainsi tout à fait conséquent lorsqu’il montre que le système capitaliste dans lequel l’économie fonctionne comme une réalité relativement autonome n’a pu être engendré que par la violence et ne pourra être dépassé que par des processus non économiques.

    [...]

    Ainsi les sciences humaines ont débuté par l’élaboration brillante des deux positions structuralistes génétiques de Hegel et de Marx. Très vite cependant le développement de la science universitaire a non seulement abandonné ce structuralisme génétique, mais même rompu tout contact avec lui. Le marxisme n’a, jusqu’à une époque récente, jamais pénétré dans les universités ; quant à l’hégélianisme il a été très vite traité par l’Université, pour employer un terme de Marx, comme un chien mort et, dès la deuxième moitié du XIXe siècle, le retour à Kant, le néo-kantisme (qui était d’ailleurs en réalité beaucoup plus un retour à Fichte) n’a plus vu dans l’hégélianisme qu’un galimatias ; vous savez tous que les temps ne sont pas encore si loin où l’on pouvait passer l’agrégation de philosophie sans avoir lu une ligne de Hegel, et en ignorant tout de sa pensée.

    Sur ce plan l’entrée du structuralisme génétique dans les universités d’Europe occidentale est un phénomène extrêmement récent.

    Une seconde étape importante dans l’histoire du structuralisme génétique a été constituée par l’apparition de la psychanalyse. Bien que comme Marx et Hegel, Freud n’ait jamais employé le terme même, il nous paraît cependant évident que sa pensée est la première élaboration rigoureuse d’un structuralisme génétique en psychologie individuelle. L’idée centrale de Freud était précisément comme tout le monde le sait, que des phénomènes en apparence aberrants et dépourvus de signification, lapsus, rêves, maladies mentales, etc. deviennent parfaitement significatifs si on les insère dans une structure globale embrassant à la fois le conscient et l’inconscient de l’individu dont on suit la genèse depuis la naissance.

    Il se créait ainsi en psychologie une situation analogue à celle qui s’était produite en histoire ; à côté d’une science officielle qui ne saisissait que certains aspects abstraits des phénomènes à cause de sa perspective atomiste, s’était développée, en dehors du monde universitaire, une méthodologie structuraliste et génétique, ouvrant une voie vers la compréhension concrète des phénomènes humains en tant que structures significatives et dynamiques.

    Freud n’est pas allé jusqu’au bout de la révolution méthodologique qu’il était en train d’accomplir, car s’il a introduit d’une part à un niveau très avancé l’idée de structures significatives dynamiques, élaborant ainsi une méthodologie à la fois compréhensive et explicative, il a curieusement gardé de la conception officielle de l’explication causale qui régnait en son temps l’idée que l’explication d’un état présent ne saurait se trouver que dans le passé, renonçant à introduire dans sa vision une dimension essentielle pour
    tout structuralisme génétique généralisé : celle de l’avenir. Il nous semble en effet, sans nullement être psychologue, que tout fait humain y compris les maladies psychiques ne saurait être compris que comme un état concret de tension entre les forces d’équilibration dynamique orientées vers l’avenir et leur blocage par des forces agissant en sens
    contraire qui tendent à empêcher ce développement. Or, à la différence de Hegel et de Marx, la lecture de Freud donne l’impression que l’accent est mis surtout sur les forces de blocage et très peu sur les facteurs d’équilibration." (pp.22-26)

    "Il nous paraît impossible de transposer sans les modifier non pas la méthode du structuralisme génétique mais les analyses concrètes de la psychanalyse de l’échelon individuel à l’échelon collectif. Sans doute n’y a-t-il pas de société en dehors des individus qui la constituent, ni d’individus étrangers à toute vie sociale, mais l’hypothèse fondamentale du structuralisme génétique implique l’idée que tout phénomène appartient à un nombre plus ou moins grand de structures de niveaux différents, ou pour employer un terme que je préfère, de totalités relatives, et qu’il a, à l’intérieur de chacune de ces totalités, une signification particulière. Ainsi pour n’en donner que deux exemples, toute création culturelle  est à la fois un phénomène individuel et social et s’insère dans les deux structures constituées par la personnalité du créateur et le groupe social dans lequel ont été élaborées les catégories mentales qui la structurent. On peut par exemple mettre en liaison le théâtre de Kleist tout aussi bien avec sa situation familiale, ses relations avec son père et sa sœur, qu’avec le conflit entre les idéologies de liberté et d’autorité qui agitaient l’Allemagne de son temps. En laissant de côté toute considération sur la validité concrète de telle ou telle de ces analyses, il me paraît évident du point de vue méthodologique que la première ne saurait mettre en lumière que la signification biographique et individuelle de cette œuvre
    par rapport à l’individu Kleist, signification sans doute très importante pour le psychologue qui veut connaître cet individu, mais qui ne diffère pas essentiellement de celle que peuvent avoir dans cette même perspective de nombreux autres faits de la vie de Kleist qui n’ont aucune valeur esthétique. La seconde interprétation s’oriente par contre
    méthodologiquement en premier lieu vers la valeur universelle, c’est-à-dire esthétique, historique et sociale de l’œuvre." (pp.27-28)

    "Si Hegel, Marx et Freud représentent ainsi dans l’histoire des sciences humaines les grands jalons d’un structuralisme génétique à la fois compréhensif et explicatif, il n’en reste cependant pas moins vrai qu’à l’époque où leur œuvre a été élaborée le côté structuraliste et compréhensif de leur méthode a été fort peu aperçu tant par eux-mêmes que surtout par la science officielle. La perspective de l’explication causale non compréhensive dominait à tel point la pensée scientifique qu’on a vu dans le marxisme surtout une explication par les facteurs économiques et dans la psychanalyse une explication par la libido.

    Un des côtés les plus importants de l’apport de ces penseurs à la pensée scientifique restait ainsi entièrement dans l’ombre et n’a été mis en lumière curieusement que plus tard et indépendamment d’eux par un penseur auquel ses découvertes ont assuré une renommée considérable bien que ses analyses soient élaborées à un tel niveau de dilettantisme et de « culture générale » qu’elles me paraissent entièrement inutilisables du point de vue de la recherche positive : Dilthey, qu’on regarde trop souvent comme celui qui a introduit l’idée de compréhension en sciences humaines et historiques ; ce malentendu résulte probablement du fait qu’il a longuement insisté sur le concept méthodologique de compréhension, alors que Hegel, Marx et Freud qui l’avaient depuis longtemps magistralement utilisé n’en avaient presque jamais parlé.

    La prise de conscience méthodologique de la liaison entre les concepts de compréhension et ceux de structure me paraît être due dans une grande mesure au développement de la phénoménologie et, étroitement liées à elle, à celui des positions structuralistes non génétiques en psychologie et en sciences sociales, en tout premier lieu, bien entendu, à celui de la psychologie de la Gestalt.

    Enfin c’est dans cette situation et ce contexte qu’il faut mentionner les deux penseurs contemporains qui ont, l’un dans les sciences humaines, l’autre en psychologie, introduit avec une clarté méthodologique exceptionnelle le concept de structure génétique tout en l’employant de manière positive dans des recherches concrètes dont l’importance ne saurait être surestimée, je veux parler de Georg Lukács et de Jean Piaget. Vous savez que nous avons la chance d’avoir parmi nous aujourd’hui ce dernier.

    Il ne saurait être question d’analyser ici les œuvres concrètes de ces deux penseurs, chacune pouvant faire l’objet d’un congrès tout entier. Piaget nous parlera d’ailleurs lui-même de ses travaux. Je voudrais seulement remarquer que la rencontre entre ses positions méthodologiques et celles de Marx me paraît constituer un argument de poids contre le reproche si souvent adressé au marxisme d’être fondé sur des principes a priori. Piaget, qui n’a nullement été influencé par Marx, a retrouvé empiriquement dans la recherche de laboratoire presque toutes les positions fondamentales que Marx avait formulées cent ans plus tôt dans le domaine des sciences sociales ; rencontre d’autant plus remarquable que dans ce cas précis la spécificité des études psychologiques, sociologiques et épistémologiques reste entièrement sauvegardée et qu’il ne s’agit nullement de l’empiétement d’un domaine sur l’autre comme c’était le cas dans les travaux esthétiques, historiques ou sociologiques inspirés par la psychanalyse." (pp.28-29)

    "Si le structuralisme génétique s’avère en effet être une méthode hautement opératoire en sciences économiques et sociales, nous assistons, il me semble, en biologie, à une sorte de mélange entre des positions structuralistes d’origine historique ou anthropologique et des méthodes s’inspirant des sciences physico-chimiques. Or ce mélange, cette oscillation même, me semble constituer la preuve que nous nous trouvons ici devant un domaine sui generis dont la science n’a pas réussi à formuler ce que l’on pourrait appeler, pour nous inspirer d’un terme phénoménologique l’ontologie régionale. D’ailleurs une des tâches les plus importantes delà pensée structuraliste génétique me paraît devoir être précisément l’essai d’établir le caractère spécifique des structures dans les différents secteurs de la réalité en général et de la réalité humaine en particulier." (p.30)
    -Lucien Goldmann, Marxisme et sciences humaines, Gallimard, 1970, via "Les classiques des sciences sociales", 313 pages.



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