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    David Hume, Essais sur le bonheur

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    David Hume, Essais sur le bonheur Empty David Hume, Essais sur le bonheur

    Message par Johnathan R. Razorback Lun 26 Sep - 17:09

    https://fr.book4you.org/book/21556267/020a14

    "Je me suis défié de bonne heure de toutes les décisions des philosophes, et je me suis toujours senti plus de penchant à disputer sur leurs dogmes qu’à les embrasser. Il y a une méprise où ils me paraissent tomber tous sans exception  : c’est de trop resserrer leurs principes et de ne tenir aucun compte de cette variété que la Nature affecte si fort dans toutes ses productions. Un philosophe s’attache à un principe favori, qui lui fournit quelques bonnes explications ; aussitôt il veut y soumettre tout l’univers et y réduire tous les phénomènes  ; ce qui le jette dans des raisonnements forcés et dans des absurdités sans nombre. Son étroite capacité ne lui permettant pas de porter sa vue fort loin, il s’imagine que la Nature est aussi bornée dans ses ouvrages qu’il l’est lui-même dans ses spéculations. Cette faiblesse se manifeste surtout dans les discussions qui ont pour objet la vie humaine, et la méthode pour parvenir au bonheur. Ici les bornes des passions se joignent aux bornes de l’esprit pour égarer le philosophe. Chacun a son inclination dominante, à laquelle les autres sont
    subordonnées, et qui, sans lui laisser presque aucun repos, le gouverne durant tout le cours de sa vie. Il n’est pas aisé de lui faire comprendre que les choses qu’il trouve entièrement indifférentes, puissent avoir, pour les autres hommes, des agréments dont il n’a point d’idée. À l’en croire, ce qu’il recherche est toujours le plus estimable  ; ce qu’il désire mérite le mieux d’être désiré : la route qu’il suit, est la seule qui mène au bonheur."

    "La beauté n’est qu’une chose relative qui consiste dans ce sentiment agréable que les objets produisent, et qui existe dans chaque âme d’une manière conforme à sa constitution."

    "Pour être heureux, il faut avoir les inclinations bienfaisantes et sociables, éloignées de toute rudesse et de toute férocité. Il s’en faut bien que ces dernières dispositions causent autant de plaisir que les premières : voudrait-on comparer la rancune, les animosités, l’envie, la soif de se venger avec l’amitié, la clémence, la bonté, la reconnaissance ?

    Pour être heureux, on ne doit rien avoir de sombre ni de mélancolique dans l’esprit ; il faut être enjoué et de bonne humeur. Un homme toujours porté à bien espérer et à se réjouir possède des richesses réelles ; au lieu que les craintes et les soucis font une véritable pauvreté."

    "Jetez un regard libre sur le train des actions humaines, vous verrez que le naturel et le tempérament sont presque tout, et que les maximes générales n’ont guère de pouvoir sur nous lorsqu’elles ne s’accordent pas avec nos penchants. Un homme n’a-t-il point de fortes passions  ? Est-il vivement pénétré du sentiment de l’honneur et de la vertu  ? Cet homme réglera toujours sa conduite d’après les préceptes de la morale ; ou, s’il lui arrive de s’en écarter, il y reviendra promptement et sans effort. Mais, d’un autre côté, il y a des âmes d’une constitution si perverse, si insensible, je dirais volontiers si calleuse, que rien ne fait impression sur elles  : la vertu et l’humanité sont des choses dont elles n’ont point d’idée ; elles ne sentent aucun amour pour leurs semblables, aucun désir de mériter leur estime ou leurs applaudissements. C’est là un mal incurable et pour lequel la philosophie n’a point de remède. Ces personnes ne peuvent se plaire qu’à des choses basses et abjectes, à des voluptés sensuelles et grossières, ou bien dans la méchanceté et dans toutes sortes de passions dépravées : leur cœur, inaccessible aux remords, n’a pas même une étincelle de ce goût pour le bien, qui seul est en état de réformer le caractère. Pour moi, j’avoue que j’ignore comment il faudrait s’y prendre avec un tel homme, ni par quels raisonnements il serait possible de le corriger. Si je lui parle de la satisfaction intérieure que procure une conduite irréprochable, des plaisirs délicats de l’amour et de l’amitié, ou des plaisirs durables d’un caractère honnête et d’une bonne réputation ; ce sont là peut-être, me répondra-t-il, des plaisirs pour vous, qui avez l’esprit tourné d’une certaine façon ; mais ce n’en sont pas pour moi, parce que je ne suis pas disposé de même. Je le répète : ma philosophie ne peut rien sur un tel homme ; il ne me reste qu’à déplorer le malheur de sa condition. Mais y aurait-il quelque autre système propre à y remédier  ? Ou en général, serait-il possible de rendre tous les hommes vertueux par système, quelle que fût la perversité de leur naturel ?"

    "Il est certain que la culture sérieuse des sciences et des beaux-arts adoucit et apprivoise le tempérament : elle fait éclore et entretient, dans notre âme, ces sentiments purs et délicats dans lesquels consistent le vrai honneur et la vraie vertu. Il est rare, et même très rare, qu’un homme qui a du goût et du savoir, quelles que soient d’ailleurs ses faiblesses, ne soit au moins honnête homme : ce pli qu’il a pris pour la spéculation doit naturellement le rendre, d’un côté, moins ambitieux et moins intéressé et, de l’autre, plus attentif à
    ses devoirs et aux bienséances reçues. Il sentira, avec plus de vivacité, ces différences qui distinguent les caractères et les mœurs. L’étude, loin d’émousser son goût pour ces choses, lui donne un nouveau degré de sensibilité.

    Ces changements graduels et imperceptibles ne sont peut-être pas les seuls que l’esprit puisse recevoir  ; il est très probable que le travail et l’application ont quelque pouvoir sur lui. Les effets étonnants de l’éducation servent à nous convaincre que notre état originel n’est pas un état entièrement inflexible ; et qu’au contraire il admet des changements et des modifications. Il y a des caractères auxquels nous ne saurions refuser notre estime ; proposons-nous ces caractères pour modèles ; remarquons soigneusement par où ils différent du nôtre  ; veillons sur nous-mêmes ; faisons les derniers efforts pour amollir la dureté de nos cœurs. Ce ne sera pas une peine perdue ; nous en ressentirons, avec le temps, les salutaires fruits dans notre tempérament et dans notre constitution.

    L’habitude est un moyen puissant pour nous corriger, en nous remplissant de bonnes dispositions et d’inclinations vertueuses."

    "Que jamais, me dit un philosophe [Plutarque], les injustices et les procédés violents des hommes ne troublent le calme de votre esprit au point de le porter à la colère ou au ressentiment. Si le malicieux, si le tigre est cruel, y a-t-il là de quoi vous fâcher  ? Cette pensée n’est bonne qu’à me donner mauvaise opinion de tout le genre humain et à éteindre en moi tout amour pour la société ; sans compter que j’aurais bientôt étouffé les remords si je pouvais croire que le vice m’est aussi naturel que le sont les instincts aux animaux brutes."

    "L’exil n’est pas un mal, dit Plutarque à un proscrit de ses amis. Les géomètres nous apprennent que la Terre entière, comparée aux cieux, n’est qu’un point : changer de contrée est donc à peu près la même chose que passer d’une rue dans l’autre. L’homme n’est pas, comme les plantes, attaché à une motte de terre ; il peut vivre en tout sol et en tout climat. Ces lieux communs sont d’une utilité admirable pour des exilés  ; mais que serait-ce, s’ils étaient goûtés d’un homme placé à la tête de l’État  ? Je craindrais qu’ils n’étouffassent en lui tout amour de la patrie."

    "Chaque condition a ses maux cachés. Ne portez donc envie à personne.

    Chaque condition a aussi des maux connus, et tout est assez bien compensé à cet égard. Contentez-vous donc de la vôtre."
    -David Hume, "Le sceptique", dans Essais sur le bonheur. Les Quatre philosophes, Fayard, 2011.



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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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