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    Raphaël Liogier, Le Mythe de l'islamisation. Essai sur une obsession collective

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Essai - Raphaël Liogier, Le Mythe de l'islamisation. Essai sur une obsession collective Empty Raphaël Liogier, Le Mythe de l'islamisation. Essai sur une obsession collective

    Message par Johnathan R. Razorback Lun 2 Jan - 10:51

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Mythe_de_l%27islamisation

    "L’ouvrage qui développe le plus systématiquement cette perception angoissée est peut-être le best-seller de l’éditorialiste du Financial Times Christopher Caldwell : Une révolution sous nos yeux : comment l’islam va transformer la France et l’Europe. Publié en 2009 aux États-Unis et traduit en français en 2011, il égrène un à un les points d’une démonstration qui se veut implacable : le nombre de musulmans augmenterait plus rapidement que le reste de la population européenne ; toutes les immigrations ne se vaudraient pas ; l’islam serait inassimilable ; il existerait une intentionnalité musulmane de conquête, une volonté concertée des musulmans d’imposer leur propre culture et leur mode de vie à leurs hôtes aux dépens des valeurs européennes qu’ils combattraient ; ce processus serait passé inaperçu et pourtant plus rien à l’avenir ne sera comme avant ; la tolérance supposée à l’égard de ces populations appartenant à une autre civilisation serait donc une erreur historique majeure.

    Le livre a été salué par le prestigieux périodique anglais The Economist et Michèle Tribalat a écrit la préface dithyrambique de la version française dans laquelle elle sait gré à l’auteur « d’avoir jeté par-dessus bord toutes les prudences oratoires qui rendent le discours jargonneux […] ». D’après cette dernière, Caldwell ne tourne pas « autour du pot » et se pose ainsi la vraie question de savoir « si l’Europe pourra demeurer elle-même après la grande révolution démographique qu’elle connaît depuis quelques décennies, causée par une immigration étrangère porteuse d’islam dans une Europe vieillissante, languissante et sur le déclin. Il n’entretient pas le suspens et répond d’emblée par la négative ». Caldwell prévoit en effet, sans tourner autour du pot, qu’« un jour prochain l’islam en Europe sera assez puissant pour que les Européens regrettent d’avoir croisé son chemin ». Pour éviter la défaite finale, il faudrait engager franchement le combat dès maintenant car « le prix à payer pour mener une bataille frontale contre l’islam ne fera que croître à mesure que les musulmans seront plus nombreux […] ».

    À en croire Jean Sévillia, Caldwell ne serait pourtant pas « un excité, un boutefeu, un prêcheur de croisade », mais plutôt un « esprit libre ». Cette eschatologie guerrière est du reste partagée par le grand historien et orientaliste Bernard Lewis. D’après lui, « les Européens sont en train de perdre leur amour-propre et leur confiance en eux […], ils n’ont pas de respect pour leur propre culture » ; ils auraient déjà « capitulé face à l’islam sur leurs propres valeurs dans un état d’esprit d’“auto-humiliation”, de “politiquement correct” et de “multiculturalisme” » ; pour toutes ces raisons, les musulmans « semblent à la veille de s’emparer de l’Europe »."

    "Si de Gaulle décide soudain d’abandonner l’Algérie, ce n’est pas par la magie d’une crise de conscience, alors même que, sur le terrain, au mieux, la guerre tourne plutôt à l’avantage des troupes françaises et, au pire, est loin d’être perdue ; ce n’est pas non plus parce qu’il n’aurait plus voulu d’une Algérie française, mais parce qu’il s’est persuadé que, de Dunkerque à Tamanrasset, c’est la France qui finirait par devenir algérienne : « Avez-vous songé que les Arabes se multiplieront par deux, puis par cinq, pendant que la population française restera presque stationnaire ? Il y aurait deux cents, quatre cents, six cents députés arabes à Paris ? Vous voyez un président arabe à l’Élysée ? »

    Cette angoisse gaullienne face au dangereux accroissement de peuples allogènes n’est pas au reste apparue par enchantement au moment de la guerre d’Algérie. Dès 1945, de Gaulle déclarait que la « cause profonde de nos malheurs » venait de « notre » faible natalité. Pour prendre un nouveau cap, le général avait un plan implacable qui devait permettre d’« appeler à la vie » douze millions de bébés en dix ans."

    "Ce qu’il démantèle dans le réel – l’Empire ottoman par exemple –, l’Occident le reconstruit en rêve. Il en fait même son rêve, colonisant aussi l’imaginaire, imposant sa propre nostalgie des cultures ainsi détruites et réduites à sa mesure, à travers les images de femmes lascives, de harems, de sagesses mystérieuses, de tapis volants. Ce qui est détruit, assujetti, rationalisé, commercialisé, bureaucratisé, dominé, est en même temps poétiquement regretté et re-projeté. Mêlant condescendance, curiosité, fascination mais aussi effroi, à l’égard des accoutrements, des aliments, des paysages, des récits, des corps, l’Orient devient le miroir dans lequel l’Europe se raconte."

    "De l’assassinat, à l’automne 1981, du président égyptien Anouar el-Sadate, prix Nobel de la Paix, héros des accords de Camp David entre l’Égypte et Israël, par des groupes extrémistes musulmans, à la multiplication des attentats en Algérie, jusqu’à la fatwa lancée en 1989 par le guide iranien de la révolution, l’ayatollah Khomeiny, contre l’écrivain britannique Salman Rushdie, l’image internationale de l’islam ne cessera de se détériorer tout au long de la décennie 1980. Un sondage de 1985 rapporte ainsi que, à la question « Entre les deux expressions suivantes, quelle est celle qui correspond le mieux à l’islam ? », entre paix et violence, 60 % des Français répondent violence ; entre progrès et retour en arrière, 66 % retour en arrière ; entre protection de la femme et soumission de la femme, 76 % soumission de la femme ; entre tolérance et fanatisme, 71 % fanatisme."

    "Devant une Europe fragile et désunie, qui n’est plus que l’ombre d’elle-même, l’ombre de sa grandeur passée, une force paraît au contraire unifiée et omniprésente : l’islam."

    "Une opinion que semblent partager les 76 % de Français qui pensent que « l’islam progresse trop en France », si l’on en croit le sondage Ifop réalisé à l’automne 2011, qui fait aussi apparaître que ce sentiment de progression excessive a augmenté de cinq points par rapport à 2010. Cette vision obsédante du « trop de » musulmans, l’impression que leur nombre s’accroît dangereusement va bien au-delà des sympathisants de l’extrême droite, et transcende même les clivages gauche-droite."

    "Le plus grand pays musulman du monde, l’Indonésie, avec ses 240 millions d’habitants, musulmans à 80 %, pays dont le taux d’alphabétisation a franchi très tôt le seuil de 50 % (en 1938 pour les hommes et en 1962 pour les femmes). Dès 1970, autrement dit huit ans après que la majorité des femmes de 20 à 24 ans furent alphabétisées, le taux de fécondité amorça sa décrue. Cette baisse, qui a continué jusque dans les années 1990, sembla se stabiliser autour de 2,5 enfants par femme en âge de procréer dans les années 2000, comme si la transition démographique ne pouvait s’y achever pour de mystérieuses raisons. Ce qui a d’ailleurs conduit Y. Courbage dès 2007 à se rendre à l’évidence d’un ralentissement, voire d’un arrêt de la transition. Il n’en a finalement rien été puisque le taux de fécondité a repris depuis sa chute, pour atteindre aujourd’hui 2,08 enfants par femme15 – ce qui est inférieur au seuil de remplacement des générations correspondant à 2,1 enfants par femme –, en dessous, donc, de celui des Françaises. Puisque nous sommes en Asie, profitons-en pour constater en passant que le taux de fécondité des Philippines, catholiques à 90 %, est supérieur à celui des Indonésiennes, musulmanes dans la même proportion, et que les îles peu musulmanes comme Timor, Irian Jaya, Sulawesi, Kalimantan, Moluques connaissent des taux plus élevés que les îles musulmanes comme Java ou Sumatra16.

    Rapprochons-nous de l’Europe par cercles concentriques. Arrêtons-nous dans ce grand pays de plus de 70 millions d’âmes qui fait frémir le monde occidental depuis la fin des années 1970, l’Iran, qui détient pourtant le record de la chute du taux de fécondité : un véritable effondrement de près de 80 % en cinquante ans. Avec un niveau de près de 7 enfants par femme en 1960, bien avant la Révolution islamique donc, l’Iran est tombé à 1,7 enfant en 2009, très en dessous du seuil de renouvellement des générations. Ce processus s’est déroulé non seulement sans impulsion des pouvoirs publics, mais en opposition à la politique nataliste de l’ayatollah Khomeiny qui avait coupé court au programme de planning familial du shah. Ce qui démontre que l’on a affaire à un mouvement de transformation profonde des modes de vie individuels et collectifs incontrôlable politiquement ou religieusement. C’est la trame même des désirs qui se modernise.

    Rapprochons-nous encore de la Méditerranée, et donc des rives européennes, avec la Turquie, ce pays géographiquement et culturellement à cheval sur l’Orient et l’Occident, qui serait surtout le cheval de Troie de l’islamisation de notre continent à en croire beaucoup. Certes, les Turcs sont 75 millions. Un nombre imposant. Moins, cependant, que les 82 millions d’Allemands. Un peu plus que les 65,5 millions de Français ou les 63 millions de Britanniques. Mais qu’en sera-t-il dans le futur ? Leur nombre va-t-il s’accroître presque exponentiellement comme l’assurent à l’unisson les prophètes de l’islamisation ? La transition démographique y a été, certes, plus lente qu’en Iran. Au milieu des années 2000, le pays en était encore à 2,35 enfants par femme. Ce retard serait dû à un ralentissement du taux d’alphabétisation des femmes (93 % d’entre elles en 2007), par rapport à un pays comme l’Iran (97 % d’entre elles). Mais depuis, en très peu d’années donc, le taux de fécondité a repris sa décrue, et oscille suivant les sources en 2012 entre 1,9 et 2,18 enfants par femme19, à l’extrême limite du renouvellement des générations.

    Circulons maintenant autour de la Méditerranée, vers l’ouest (au sud-ouest évidemment), pour examiner si l’Europe est vraiment cernée. Certains pays maintiennent une natalité élevée ou plus exactement un taux de fécondité qui chute moins qu’ailleurs. En Lybie, même si en cinquante ans il a chuté de 63 %, le nombre d’enfants par femme restait encore de 2,96 en 2011. En Égypte, il était de 2,68, avec tout de même, là encore, une chute importante de 58 % en cinquante ans. En 2007, le taux de fécondité marocain atteignait encore 2,43, mais là aussi la décrue a repris, jusqu’à 2,19 enfants par femme en 2011, à la limite du renouvellement des générations. L’élément crucial étant que la tendance continue à être à la baisse plus ou moins aiguë quels que soient les pays. Même lorsque l’on croyait la transition démographique enrayée, elle ne faisait que prendre une pause pour redémarrer ensuite. L’exemple le plus cuisant à cet égard est sans doute l’Algérie. Au milieu des années 2000 avec 2,5 enfants par femme, les Algériennes avaient encore un taux de fécondité relativement élevé pour la région, légèrement plus que les Marocaines et beaucoup plus que les Tunisiennes. Mais entre 2006 et 2009, ce sera véritablement la chute libre21, puisqu’il tombera très largement en dessous du seuil de renouvellement des générations (1,85 en 2009, 1,75 en 2011), au point de provoquer un débat national sur la façon de stopper un tel écroulement. Cette même Algérie qui fut source des inquiétudes démographiques gaulliennes bien en dessous du taux de fécondité des Françaises ! Qui l’aurait cru ? Mais jusqu’où va descendre la natalité maghrébine ?"

    "En sens inverse, les pays d’Afrique subsaharienne, qu’ils soient à majorité chrétienne, musulmane ou animiste, sont en queue de peloton de l’alphabétisation et présentent naturellement – presque mécaniquement – les plus forts taux de fécondité de l’humanité. Ce n’est pas parce que 7,5 millions de Nigériens (sur une population totale de 8 millions) se reconnaissent comme musulmans que les femmes y sont plus fécondes (7,6 enfants par femme) que dans le reste du monde (y compris le monde arabe), mais parce que sa population se trouve être une des moins alphabétisées de la planète (à seulement 26,2 %)."

    "Ne serait-ce que pour la France, où vit la plus importante communauté musulmane de l’Union européenne, on trouve selon les sources des chiffres allant de 3,65 millions à 6 millions d’individus suivant les critères pris en compte, le simple fait pour un individu d’être d’origine turque ou maghrébine suffisant pour certains observateurs à lui imputer un culte. L’étude Trajectoires et origines réalisée conjointement par l’Ined et l’Insee, qui a abandonné les critères flous des origines ethniques et familiales ou des pratiques culturelles au profit du seul critère consistant à se déclarer musulman, aboutit au chiffre de seulement 2,1 millions d’individus. Il est à remarquer que les premiers résultats sans ambiguïté de cette enquête ont été publiés en octobre 2010 et n’ont suscité quasiment aucune couverture médiatique ni débat public, tant ils semblent déranger les idées largement diffusées au même moment par les politiques et les médias. L’écart important entre le nombre d’individus d’origine musulmane (pour reprendre la terminologie habituelle) et celui de ceux qui se reconnaissent comme musulmans démontre, contrairement au préjugé commun, que les Arabes ou les Turcs de culture, par exemple, ne restent pas forcément fidèles à leur tradition confessionnelle.

    Dans une fourchette moyenne sans doute plus proche de la réalité, les musulmans représenteraient donc aujourd’hui en France entre 3,5 et 5 % et, dans une fourchette haute, entre 8 et 11 % de la population, dont la moitié de citoyens français."

    "Certes, les immigrés en provenance de pays pauvres, dont certains sont musulmans, font en moyenne davantage d’enfants que les Européens dits de souche. Mais il ne s’agit plus, nous l’avons vu, des sociétés arabes dont le taux de fécondité s’est véritablement effondré depuis le début du millénaire, mais presque exclusivement des musulmans venus d’Afrique subsaharienne. Cependant, même pour cette immigration-là, l’écart de fécondité a tendance à s’atténuer très sensiblement en proportion de la longueur du séjour européen, ainsi que le démontrent Jonathan Laurence et Justin Vaïsse, qui s’appuient en particulier pour le cas de la France sur les recherches de la démographe Françoise Legros34. De surcroît, cet écart, dont la réduction est déjà sensible au cours de la vie de l’immigrée, tend à se résorber totalement chez les nouvelles générations nées sur le territoire français, qu’elles soient d’origine subsaharienne ou non, alors que tous les scénarios de débordement démographique sont fondés sur un taux de fécondité stable, et même intentionnellement croissant, des populations musulmanes.

    L’étude minutieuse plus récente, datant de 2007, de Charles Westoff et Tomas Brejka portant spécifiquement, ce qui est rare, sur les Européens musulmans, le plus souvent en provenance de pays eux-mêmes musulmans lorsque ce sont des immigrés, confirme l’alignement progressif de leur taux de fécondité sur la moyenne de la population européenne. Si nous prenons l’exemple de l’Allemagne et de sa population musulmane, essentiellement d’origine turque, l’écart de fécondité avec la moyenne nationale, qui était de 2 enfants par femme en 1970, est tombé à 1 enfant par femme en 1996 et il s’approche de l’égalisation aujourd’hui. Le taux de fécondité de ces musulmanes s’établit aujourd’hui en tout cas au-dessous du seuil de renouvellement des générations à 1,9 enfant par femme, ce qui est aussi le taux des musulmanes résidant en Suisse (il descend jusqu’à 1,6 enfant par femme dans certains pays comme les Pays-Bas). En France, le taux de fécondité des musulmanes serait de 2,2 enfants par femme, alors que la moyenne nationale se situe à 2,1."

    "Selon Didier Leschi, ancien chef du Bureau central des cultes au ministère de l’Intérieur, nous aurions à peu près dix conversions par jour, ce qui en donnerait 3 600 par an."

    "L’Union des organisations islamiques de France (UOIF), en raison de liens effectivement réels avec les Frères musulmans, est par exemple désignée comme étant au cœur d’une conspiration. Qu’importe les tentatives désespérées de ses représentants pour se disculper, en condamnant le terrorisme, en se déclarant légalistes et même réformistes. Qu’importe que cette organisation ait collaboré avec les services du ministère de l’Intérieur français dans l’identification des réseaux salafistes qui pourraient éventuellement représenter un danger. Tout cela ne peut qu’être tactique. L’ancien ministre UMP Claude Guéant n’est d’ailleurs pas le seul à trouver suspect cette organisation ; c’est aussi le cas du ministre socialiste de l’Intérieur Manuel Valls qui, à peine installé dans ses fonctions, accusa, dans une allusion à peine voilée à l’UOIF, certaines organisations musulmanes d’accueillir des prédicateurs antisémites.

    J’ai moi-même dû m’expliquer publiquement face à la journaliste Caroline Fourest dans un débat sur la radio Europe 1 pour avoir accepté de faire une intervention orale lors du congrès annuel de l’UOIF en 2012, à l’occasion duquel des milliers de musulmans se réunissent dans une ambiance de kermesse et où ni moi ni aucun autre chercheur de l’Observatoire du religieux n’avons jamais entendu, alors que nous nous y rendons chaque année, aucun propos antisémite, antifrançais, antirépublicain, ni même antidémocratique. Mais c’est la même Caroline Fourest – condamnatrice exaltée de cette réunion annuelle à partir d’ouï-dire puisque, de son propre aveu, elle n’y a jamais enquêté et qu’elle ne s’y est même jamais rendue – qui n’avait pas hésité à écrire sur son blog, avec une confondante assurance, que l’Observatoire du religieux dont je suis responsable est (sans même utiliser le conditionnel) financé par l’Arabie saoudite. Affirmation évidemment fantaisiste, retirée par la jeune femme dès qu’elle fut menacée par mon université d’un procès en diffamation."

    "Si nous suivons bien la logique de la conspiration, nous devons admettre que le Musulman consacre son existence à l’expansion de la vérité de l’islam. Il n’est donc plus vraiment un homme livré à des intérêts humains, mais ce que les anciens Grecs appelaient un héros, quelqu’un qui ne vit plus dans l’économie des désirs quotidiens, un être extraordinaire (qui sort de l’ordinaire) au destin tragique (prêt à mourir), ou si l’on veut, de notre point de vue, un titan voué à la destruction de notre société. Mais une telle image extraordinaire, même négativement titanesque, est inacceptable, parce qu’on veut bien qu’il conspire, mais sans les moindres conséquences valorisantes. Le Musulman doit rester coûte que coûte une antivaleur, au prix même de l’incohérence. De sorte qu’il combinera les traits du fin stratège, méticuleux et opiniâtre, à ceux du criminel opportuniste, vil, oisif et veule.

    Dans un autre registre, il est à la fois trop visible, ostentatoirement visible, lorsqu’il prie dans la rue par provocation, pour marquer son territoire et l’avancée de son expropriation, érigeant partout des mosquées et des commerces halal, exhibant des voiles islamiques comme les étendards de ses victoires, et, en même temps, il se cache dans des caves, fourbissant ses armes en sous-sol. Le Musulman est en réalité un être impossible, pourvu de qualités contradictoires. C’est un principe métaphysique. Il est libre, parce qu’il faut qu’il puisse être blâmé pour sa responsabilité, mais libre seulement de faire le mal, et même – comme dans le cas des femmes voilées, « ignorantes et manipulées » – de se faire mal à lui-même.

    Qu’il soit pauvre ou riche, perse, arabe, turc ou indonésien, ouïgour vivant dans les steppes chinoises ou chamelier jordanien, paysan ou ouvrier, avec ou sans enfant, immigré européen ou émir de la Péninsule arabique, d’origine ou converti, noir ou blanc, le Musulman reste le même au-delà de toutes ses différences concrètes, mais le même toujours absolument différent de nous, l’autre par essence. Dépourvu de spécificités régionales, sociales, économiques et finalement personnelles, le Musulman, en un sens, n’a pas d’âme individuelle, il n’est qu’un collectif conquérant."  

    "On établit un lien de cause à effet entre islam et délinquance. À Clichy-Montfermeil, au cœur du département qui comprend le plus grand nombre de musulmans de France, la Seine-Saint-Denis, le taux de chômage moyen atteint près de 20 % de la population (le double de la moyenne nationale) et 43 % des jeunes actifs. Et il est vrai que les exclus de l’emploi, en particulier ceux qui, au sein de ces cités, vivent dans l’insécurité économique, constituent un vivier prioritaire de délinquance. Ce qui est une constante universelle, en dehors de toute appartenance confessionnelle. Si l’on retrouve plus de 50 % d’individus de culture musulmane en prison, suivant l’enquête de Farhad Khosrokhavar, ce n’est pas parce que l’islam serait en soi une « religion de racailles », mais parce que les délinquants font toujours majoritairement partie des groupes les plus fragiles économiquement évoluant dans des contextes sociaux précaires.

    L’islamité n’est bien sûr en rien une variable déterminante de la délinquance. À vrai dire, ce serait même le contraire, si l’on en croit l’enquête que nous avons menée à l’Observatoire du religieux en 2005 qui tendait à montrer qu’une certaine ferveur religieuse soutenue et continue, chez les adolescentes et adolescents musulmans, était un facteur positif de réussite scolaire. Ce qui est conforme au principe selon lequel la pratique religieuse conditionne un mode de vie plus régulé, plus ascétique, et par conséquent favorable à l’étude. La résurgence de la ferveur musulmane dans les quartiers populaires n’est pas le symptôme d’un malaise, mais plutôt une stratégie spirituelle pour trouver de nouvelles régulations, de nouvelles normes, une éthique, bref pour sortir de l’anomie, de l’absence de but. Autrement dit, la nouvelle ferveur musulmane n’est pas source d’instabilité, mais au contraire une réaction contre la précarité et la violence."
    -Raphaël Liogier, Le Mythe de l'islamisation. Essai sur une obsession collective, Paris, Seuil, 2012, 212 pages.




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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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