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    Christophe Charle & Laurent Jeanpierre (dir.), La vie intellectuelle en France. Tome 1, Des lendemains de la Révolution à 1914 + La Vie intellectuelle en France. Tome 2: De 1914 à nos jours

    Johnathan R. Razorback
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    Christophe Charle & Laurent Jeanpierre (dir.), La vie intellectuelle en France. Tome 1, Des lendemains de la Révolution à 1914 + La Vie intellectuelle en France. Tome 2: De 1914 à nos jours Empty Christophe Charle & Laurent Jeanpierre (dir.), La vie intellectuelle en France. Tome 1, Des lendemains de la Révolution à 1914 + La Vie intellectuelle en France. Tome 2: De 1914 à nos jours

    Message par Johnathan R. Razorback Mar 6 Juin - 15:58



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    -Christophe Charle & Laurent Jeanpierre (dir.), La vie intellectuelle en France. Tome 1, Des lendemains de la Révolution à 1914,

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    -Christophe Charle & Laurent Jeanpierre (dir.), La Vie intellectuelle en France. Tome 2, De 1914 à nos jours, Seuil, septembre 2016.

    "Écrire l’histoire du marxisme français des cinquante dernières années suppose de combiner des points de vue multiples et, d’abord, son lien avec l’histoire politique de cette période. Comme le dit la célèbre formule de Marx, l’ambition du marxisme n’est pas seulement d’« interpréter » le monde, mais de le « transformer ». De ce fait, chaque événement politique important est toujours aussi un point d’inflexion dans l’histoire de ce courant. Ainsi de l’année 1956 : c’est le moment de la crise de Suez, de l’écrasement de l’insurrection de Budapest par les chars soviétiques, du rapport Khrouchtchev sur les crimes de Staline, et du vote par le Parlement français – y compris par les communistes – des pouvoirs spéciaux au gouvernement de Guy Mollet visant à « pacifier » l’Algérie. Ce sont quatre événements aux implications de long terme qui accélèrent les réalignements politiques et théoriques. C’est à cette date, en effet, que les historiens font généralement remonter la naissance de la « nouvelle gauche » (new left, Neue Linke, nueva izquierda) internationale, c’est-à-dire d’une gauche révolutionnaire qui, tout en continuant à se réclamer du marxisme, prend ses distances avec Moscou et les partis affiliés.

    Les exclusions ou les départs du Parti communiste français (PCF) sont certes plus anciens. On pense par exemple à l’expulsion du sociologue proche du surréalisme Pierre Naville en 1928, lequel adhère quelques années plus tard à la Quatrième Internationale, c’est-à-dire au trotskisme. Par ailleurs, si elle fait preuve de vitalité, la nouvelle gauche demeure numériquement faible, même en en retenant une définition large qui inclut les mouvements féministes, anticolonialistes, écologistes… Le PCF, de son côté, atteint un pic d’adhésions au début des années 1970, dans le sillage des événements de 1968, pour lesquels il constitue de fait le principal débouché politique. Cependant, c’est dans la seconde moitié des années 1950 que se constitue un champ de forces politico-intellectuel qui perdurera jusqu’à la fin des années 1970, lorsque le leitmotiv de l’« antitotalitarisme », entonné notamment par les « nouveaux philosophes », précipitera son déclin."

    "Il serait pourtant erroné d’affirmer que la créativité théorique marxiste, à cette époque, est proportionnelle à l’éloignement par rapport au PCF. La situation est plus complexe. Les courants issus de l’« opposition de gauche » au stalinisme ont certes le vent en poupe. Parmi eux, le collectif « Socialisme ou barbarie » (Cornelius Castoriadis, Claude Lefort), les différentes variantes de trotskisme (Ernest Mandel, Daniel Bensaïd), ou encore – mêlant marxisme lukacsien et avant-gardisme artistique – l’Internationale situationniste (Guy Debord, Raoul Vaneigem). Le Parti socialiste unifié (PSU), fondé en 1960, est aussi un lieu d’innovation théorique dans l’orbite duquel s’illustrent notamment le sociologue Serge Mallet ou l’essayiste inclassable André Gorz. L’époque laisse aussi une place à des penseurs marxistes « indépendants », parmi lesquels le sociologue Lucien Goldmann (Le Dieu caché, 1955) ou le sociologue germaniste Jean Baudrillard (La Société de consommation, 1970). L’histoire du marxisme de cette période pourrait aussi être écrite du point de vue de ses adversaires, parmi lesquels Raymond Aron, qui consacre à Marx de nombreux textes, contribuant ainsi à la définition de ce qu’est le marxisme.

    Mais nombre de marxistes, également parmi les plus novateurs, sont ou ont été membres ou proches du PCF, même s’ils entretiennent souvent avec sa direction et ses intellectuels officiels – comme Roger Garaudy, jusqu’à son exclusion en 1970 – des relations difficiles. C’est le cas du philosophe Louis Althusser, dont l’« antihumanisme théorique » est soumis à critique lors du comité central d’Argenteuil (1966), mais dont l’influence est forte y inclus au sein du PCF. En plus de Garaudy, Lucien Sève est un autre protagoniste de ce débat. Nicos Poulantzas, sans doute le plus grand théoricien marxiste de l’État depuis Gramsci, est aussi membre du Parti jusqu’à son suicide en 1979. Son « eurocommunisme de gauche » constitue une prise de position marquante dans les débats stratégiques du mouvement communiste européen des années 1970. Les « gramsciens français » que sont André Tosel, Christine Buci-Glucksmann ou Jacques Texier participent de la même mouvance qui se réclame du modèle « polycentrique » du Parti communiste italien, tout en se livrant à des exégèses subtiles de la pensée de Gramsci (voir notamment Gramsci et l’État de Buci-Glucksmann en 1975).

    Henri Lefebvre a aussi été membre du PCF jusqu’en 1958."
    -Razmig Keucheyan, « Mille marxismes », in Christophe Charle & Laurent Jeanpierre (dir.), La Vie intellectuelle en France de 1914 à nos jours, Paris, Le Seuil, 2017, p. 632-636.



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