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    P.H. Schrijvers, Lucrèce et les sciences de la vie

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Message par Johnathan R. Razorback Dim 25 Juin - 17:49



    " [Chap 10 : Lucrèce et les sceptiques]

    "Traduction/adaptation de Thucydide présentée par Lucrèce comme pièce finale de son poème: "La peste d'Athènes"). Dans tous ces cas-la, on peut observer les différentes manières dont les paraphraseurs romains ont manipulé leur modèle. Les agencements que la source grecque a subis, se situent sur les différents niveaux du texte, que l'on peut classer d'après les catégories bien connues de l'inventio (la matiere), la dispositio (l'ordre) et l'elocutio (le style)." (p.167)

    "La source la plus importante pour retracer l'histoire du scepticisme, l'aperçu Pyrrhoneiai Hypotyposeis de la main de Sextus Empiricus, redigé a la fin du IIe siècle après J.-C., contient des matériaux provenant des périodes différentes de l'école ou du courant sceptique: scepticisme pratique de Pyrrhon du IVe siècle avant J.-C., scepticisme critique de la Nouvelle Académie datant des IIe et Ier siècles -c'est-a-dire après la mort d'Epicure-, pyrrhonisme renouvelé et systématisé par Aenésidème qui était contemporain de Lucrèce sinon antérieur a notre poète, scepticisme empirique. D'autre coté, il nous faut prendre position clans la question toujours débattue de la soi-disant orthodoxie ou hétérodoxie de Lucrèce par rapport a Epicure. Est-ce que le poète du Ier siècle a été un imitateur servile de son Maitre en reprenant docilement les discussions et les adversaires du temps d'Epicure (cela veut dire ici les Sceptiques anciens du IVe siècle), ou bien a-t-il gardé une certaine indépendance en adaptant et modernisant la doctrine du Maitre, de sorte qu'il a tenu compte des développements et des contributions faites à l'époque hellénistique plus tardive -par la Nouvelle Académie et le nouveau pyrrhonisme d'Aenésidème ? [...] Le deuxième point de vue, celui de l'hétérodoxie et d'une certaine indépendance de Lucrèce vis-a-vis d'Epicure [...] a été toujours le notre clans nos recherches lucrétiennes." (pp.168-169)

    "Beaucoup de savants (a partir d'Ernout-Robin, Bailey et récemment M. Burnyeat) ont été obligé à identifier sur ce point l'adversaire de Lucrèce à un philosophe du IVe siècle,
    et depuis Ernout-Robin il s'agirait selon eux de Métrodore de Chios. Or, l'ouverture du livre de ce Métrodore a connu une certaine célébrité clans l'Antiquité même et les témoignages latins [comme les Académiques de Cicéron] et grecs montrent clairement et sans équivoque que Métrodore a suivi justement la position radicale (celle d'un scepticisme qui met en doute ses propres doutes). Cette identification ferait de Lucrèce une sorte de Don Quichotte. Il est des plus probables que les critiques de Lucrèce reflètent ici les discussions entre la Nouvelle Académie, à laquelle on a attribue clans l'Antiquité l'acceptation d'un doute dogmatique (donc la position "socratique") et les nouveaux Pyrrhoniens. [Dans sa monographie] Lucrèce et l'épicurisme, Pierre Boyancé avait déjà rejeté avec raison l'identification de ce Métrodore de Chios comme adversaire de Lucrèce." (pp.169-170)

    "Dans leurs efforts pour réfuter la véracité de la perception, les Sceptiques ont même collectionne tous les cas où les perceptions d'un même phénomène sont dissemblables. Cette classification systématique nous est connue par le nom de "modes sceptiques", formules par le philosophe Aenésidème qui, clans la première partie du Ier siècle avant J.-C., se trouvait en contact avec l'aristocratie romaine. Son système des dix modes renfermant un très grand nombre de phénomènes optiques, biologiques et scientifiques  en général, nous a été transmis en premier lieu par l'intermédiaire du traité Pyrrhoneiai Hypotyposeis." (p.170)

    "Dans le choix des phénomènes illustrant la pluriformité et la variabilité du monde des sens, Lucrèce a un assez grand nombre d'exemples en commun avec le système des modes sceptiques d'Aenésidème." (p.172)

    "Le même phénomène peut causer des impression différentes (perplexité et admiration ou indifférence et mésestime) dans la mesure que son apparition est nouvelle et rare ou habituelle et fréquente. Une pensée pareille se retrouve déjà par ex. chez Platon et dans la rhétorique et l'éthique d'Aristote, mais se présente plus tard, sous
    une forme schématisée pourvue d'une série d'exemples traditionnels, clans le système des modes sceptiques. Voici le texte chez Sextus Empiricus (Pyrrh. Hyp. 1, 141-3) [...]

    l. Le soleil en lui-même est un phénomène plus étonnant qu'un comète ; vu pour la première fois, le soleil causerait plus de perplexité que le fait maintenant l'apparition d'un comète grâce à sa rareté ; 2. un tremblement de terre ne produit pas la même consternation chez ceux qui y sont habitués et chez ceux qui le subissent pour la première fois ; 3. parmi les métaux, l'or doit son caractère précieux et estimé à sa rareté. Or, nous retrouvons ce type d'argumentation et les mêmes exemples dans le De rerum natura, mais dans des contextes différents. On se rappelle sans doute la manière circonstanciée dont, à la fin du chant 2, Lucrèce introduit la vérité nouvelle sur la pluralité des mondes dans l'univers infini. Le poète se rend compte du fait qu'un nouvel aspect de la nature va se révéler au lecteur, mais, à l'aide d'une illustration tirée du macrocosme (planètes, lune, soleil, spectacle merveilleux dont une apparition inattendue et observée pour la première fois écraserait le genre humain), il rassure les lecteurs: "il n'y a rien de si grand, de si étonnant pour lequel notre admiration ne diminue peu a peu", 2, 1023-47)." (pp.177-178)

    "A l'opposé des dogmatiques -cela veut dire ici les Stoïciens-, les Sceptiques ont l'habitude de tirer des comparaisons entre l'homme et les différents espèces d'animaux. Nous soulignons que sur ce point les Sceptiques sont d'accord avec les Epicuriens qui considèrent les animaux comme des miroirs de la nature humaine. Dans la controverse avec les Stoïciens, Sextus fait remarquer que les animaux, et surtout le chien, montrent qu'ils possèdent un logos endiathetos (une ratio interne), et à propos du logos prophorikos (oratio extériorisée) il observe que les animaux émettent des sons humains (exemple: [...] les geais). Plus loin, Sextus dit que les chiens poussent des sons différents quand ils jappent ou lorsqu'ils sont frappés ou agitent la queue." (p.180)
    -P.H. Schrijvers, Lucrèce et les sciences de la vie, Brill, 1999, 231 pages.




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