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    Eugène De Robertis, Énergétique et sociologie

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Eugène De Robertis, Énergétique et sociologie Empty Eugène De Robertis, Énergétique et sociologie

    Message par Johnathan R. Razorback Sam 12 Aoû - 10:39

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Eug%C3%A8ne_De_Robertis

    https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k172085.pdf

    "Des rapports de forces ou d'énergies, voilà l'unique contenu de tout savoir humain. Aussi le concept d'énergie remplace-t-il, dans la science moderne, celui de substance ou d'être qui forme, à vrai dire, son strict équivalent, puisqu'il servit toujours à exprimer l'attribut essentiel, la propriété capitale de toute énergie, le fait de subsister, de se conserver entière en dépit des nombreux changements de ses apparences externes." (p.5)

    "Si, d'une part, le concept d'énergie signifie autant que le concept de substance, de l'autre, il peut remplacer, et souvent avec avantage, dans toutes nos opérations logiques le concept de cause, ou, pour parler comme Kant, la catégorie de causalité. En effet, il suffit de considérer l'énergie persistante comme la cause ultime de tout ce qui arrive dans l'univers, ou de toute phénoménalité, pour accepter aussitôt les lois de énergétique comme une expression nouvelle, un développement sui generis des lois de causalité.

    Mais pourquoi cette nouveauté ou ce développement ? Et en vertu de quelle ratiocination finaliste sommes-nous portés a lui accorder la préférence, à lui reconnaître une sorte de supériorité sur les formes et les termes logiques plus anciens et qui, au fond. nous rendaient les mêmes services ? Car il ne suffit pas d'affirmer, avec Ostwald, que tout « phénomène et tout événement dans l'univers se peuvent exprimer en termes énergétiques » il faut encore se convaincre qu'il y a là un progrès de la connaissance, un pas vers la vision plus claire et plus nette des choses, un avantage d'abord simplement théorique, mais qui, tôt ou tard, devra nécessairement se convertir en un appréciable profit pratique.

    Il faut rendre cette justice à Ostwald, qu'il a parfaitement perçu la vraie nature du changement qu'il préconise: c'est un progrès conceptuel, un progrès logique par excellence. « Tous les représentants des anciennes vues, dit-il à ce sujet, ont constamment ou tenu que la matière et la forme formaient deux entités qui, quoique radicalement différentes, ne pouvaient jamais être rencontrées l'une sans l'autre : l'unité des choses apparaissait comme la résultante simultanée de ces deux composantes. Mais il y avait une imperfection manifeste dans la marche de la pensée qui, impuissante à séparer ces deux éléments, ne réussissait pas cependant à les fondre en un concept unique. C'est qu'on avait cru durant de longs siècles que la matière et la force n'avaient entre elles rien de commun. Le concept d'énergie vient aujourd'hui résoudre cette antinomie, solutionner ce vieux problème car il convient aussi bien à l'idée de matière qu'à l'idée de force et il les renferme toutes deux. »." (p.7)

    "L'énergétique semble donc devoir être jugée et appréciée comme un progrès de la logique générale. C'est une nouvelle route ouverte et frayée par l'expérience et le savoir, route qui nous rapproche de l'unité universelle telle que nous l'avons toujours comprise et défendue dans nos ouvrages de philosophie première, c'est-à-dire comme un monisme purement logique ou abstrait. Malheureusement, ce trait distinctif de la doctrine n'est pas toujours assez accentué chez Ostwald qui le laisse volontiers dans l'ombre. Et cela fait involontairement, quoique peut-être injustement, naître le soupçon qu'il s'agit, dans la pensée de l'auteur, d'une unité ou d'une identité dite réelle et, en vérité, seulement concrète, des divers modes de l'énergie mondiale (monisme transcendant)." (p.7)

    "Très petit nombre de lois ou de principes universels que la nouvelle logique énergétique permet d'étendre à tous les ordres quelconques de phénomènes.
    Première loi. C'est, en premier lieu et à la base de tout le reste, la grande loi ou le principe essentiel de la conservation de l'énergie: rien ne disparait in toto et rien ne s'ajoute ex nihilo dans l'univers; mais les différents aspects de l'énergie se transmuent sans cesse et, d'ailleurs, toujours partiellement les uns dans les autres. Déjà pressentie et entrevue par les anciens logiciens sous la forme du principe d'identité, et par les vieilles métaphysiques (qui synthétisaient la science vague et imprécise de leur temps) sous celle du concept de la persistance de l'être, cette vérité est confirmée avec éclat et solidement établie aujourd'hui par d'innombrables expériences physiques, chimiques et biologiques." (p.9)

    "Deuxième loi - Si l'ensemble ou la somme des divers aspects de l'énergie mondiale forme une quantité constante, invariable, tout ce qui arrive dans l'univers, tout ce qui y est, soit perçu, soit conçu par nous comme un "changement", se réduit à un passage d'un de ces aspects de l'énergie à un autre. Ces deux termes, transformation de l'énergie et phénomène apparaissent donc comme des synonymes parfaits. Or, une loi d'un caractère universel régit le processus transformateur qui, en vérité, n'est pas autre chose que le processus causal conçu de la façon la plus générale possible, étendu à tous les ordres de phénomènes. Selon cette loi, une énergie donnée A ne se transforme jamais totalement en une autre énergie B ou en une série de plusieurs énergies B, C, I, etc. (les logiciens parlent alors d'une pluralité d'effets dus à la même cause), mais un résidu de l'énergie A demeure constamment et s'offre comme non transformé (persistance de la cause dans le langage de la logique accoutumée).

    Troisième loi. - L'énergie initiale A constitue nécessairement une quantité supérieure à l'énergie consécutive B (ou encore C, D, etc. qui résulte de sa partie transformée. Le logicien exprime cette même loi naturelle, mais d'une façon beaucoup plus vague et générale, eu disant que la cause embrasse toujours ou contient son effet ou ses effets).

    Quatrième loi. - Dans la terminologie énergétique, singulièremént teintée de téléologie, on donne à la cause initiale A le nom d'énergie brute et à l'effet consécutif B le nom d'énergie utile. Il se forme ainsi un rapport A/B dans lequel A, la cause, contient toujours son effet B. Inverti, ce rapport devient la relation téléologique ou finaliste B/A qui représente nécessairement une fraction, car B ne saurait être quantitativement supérieur à A.

    L'équation d'où se tirent aussi bien le rapport causal A/B (formant l'objet propre de la connaissance pure) que le rapport finaliste B/A formant l'objet propre de là connaissance appliquée qui, se servant du langage énergétique, lui donne le nom rapport indiquant la valeur attachée par nous à la transformation envisagée [...] cette équation, dis-je, se formule ainsi :  A=B (ou encore B + C + D, etc.) + A' (la partie de l'énergie primordiale restée non transformée). Un peu de réflexion suffit pour retrouver dans cette équation le fameux rapport d'identité auquel les logiciens attachèrent toujours un si grand prix, mais qu'ils s'habituèrent de bonne heure à confondre avec le simple rapport de causalité A/b ou, ce qui semble encore moins tolérable, avec le rapport de finalité B/A.

    Cinquième loi - De ce qui précède se dégage cette conclusion nécessaire : plus s'accroît notre connaissance des propriétés de A et de B, donc notre connaissance du rapport causal et plus augmente notre pouvoir de réaliser, au moyen d'inventions techniques appropriées, certaines conditions dans lesquelles la fraction A/B (le rapport d'utilité par excellence) tend à se rapprocher de l'unité (sans toutefois jamais l'atteindre, ce qui est la vraie formule du progrès indéfini). C'est là encore une loi énergétique (ou logique) applicable à tous les domaines du savoir à la mécanique, où l'invention d'un outil, d'une machine, augmente considérablement, dans la fraction
    B/A, la valeur du dénominateur, aussi bien qu'à la sociologie où la découverte d'une règle morale, d'une norme juridique, etc., s'accompagne exactement des mêmes conséquences (le droit et l'organisation judiciaire, administrative et politique n'ayant pas d'autre but, comme le montre très bien Ostwald, que de conserver, de sauver, d' "économiser" l'énergie dépensée, sous le régime de la force brutale, dans la lutte des hommes les uns contre les autres, afin de là transformer, du moins en partie, en énergie productive d'œuvre de science, de philosophie, d'art ou d'industrie).

    En somme, quand on se place au point de vue de la finalité qui, ainsi que nous le verrons plus loin, constitue un des traits les plus marquants qui sépare la raison humaine de l'intelligence animale, on doit reconnaitre que ce que nous appelons le progrès consiste essentiellement en un effort couronné de succès tendant à accroître, dans le rapport finaliste B/A, la valeur relative de B. Or, B étant évidemment égal à B/A multiplié par A, nous avons dans cette formule l'équation fondamentale de toute civilisation, c'est-à-dire de l'objet propre, sinon même unique, de la sociologie. Nous pouvons dès lors affirmer que deux buts, deux causes finales parallèles animent les sociétés humaines, en y réveillant sans cesse et en y entretenant l'énergie [...] et en s'opposant, autant que possible, à la pseudo-destruction, au retour de cette forme supérieure de l'énergie cosmique à ses formes inférieures (organiques et physico-chimiques)." (p.10-12)

    "Sixième loi. - L'accroissement -et respectivement la diminution- du rapport de valeur B/A est, à son tour, régi par un principe de la plus haute généralité concevable, car il est aussi universel que les principes les mieux connus de la logique. Selon cette loi, pour qu'une transmutation d'énergie ait lieu, il ne suffit pas qu'une forme donnée d'énergie existe, qu'elle soit présente, mais il faut encore qu'une différence (que nous nommons un degré d'intensité), si insignifiante fût-elle, se laisse constater dans les manifestations concrètes de l'énergie donnée (c'est-à-dire, dans ses diverses combinaisons avec d'autres modes de l'énergie mondiale).

    On peut soutenir, en ce sens, que chaque mode énergétique s'offre sous deux aspects: au repos, comme énergie latente qui n'est pas transformable en d'autres modes sua sponte ; et en action ou en mouvement, comme énergie libre qui, seule, est transmuable, qui, seule, peut déterminer dans l'univers des changements quelconques (ou des événements). Or, pour que l'énergie revête ce second aspect, pour qu'elle se mobilise, pour qu'elle passe de l'état de repos à l'état de mouvement, sa différenciation concrète préalable est une condition nécessaire et qui jamais ne saurait s'omettre. A cette loi ou à ce principe universel on peut donner les noms, indifféremment, de principe différentiel ou de loi d'intensité. Dans le domaine de la mécanique pure, l'intensité se nomme vitesse, dans le domaine de la physique on la désigne, en outre, comme température, pression, tension, etc., dans celui de la chimie on la qualifie de poids atomique, en biologie elle s'indique tantôt comme assimilation et désassimilation et tantôt comme irritabilité ou sensibilité, en sociologie, enfin, elle devrait, du moins si l'on se rallie à notre thèse essentielle, porter le nom d'intensité expérimentale ou cognitive.

    Septième loi - L'énergie devenue mobile en vertu de la loi précédente, se transmue en d'autres modes énergétiques ; mais cette transformation entraîne nécessairement avec soi ce qu'on peut appeler une dissipation ou une consommation (une dépense) d'énergie libre ; par suite, la somme ou la quantité de celle-ci dans un ensemble donné, dans un système clos de forces, loin de s'accroître, ne peut que diminuer.

    Tels sont les sept principaux canons o de l'énergétique moderne. Ces lois s'appliquent-elles réellement à tous les ordres de phénomènes connus ?" (pp.12-13)

    "Ou le mode psychologique constitue seul le mode abstrait, le mode social n'étant qu'une de ses manifestations concrètes et avec cette vieille croyance des hommes, nous glissons involontairement sur la pente qui conduit à l'idéalisme et même au spiritualisme. Ou vice versa, le mode social constitue seul le mode abstrait, le mode psychologique n'étant que sa principale expression ou sa plus simple extériorisation concrète et avec cette vue récente qui ne tend à rien de moins qu'à renverser les termes de l'antique rapport entre le mental et le social et aussi bien les termes du rapport qui lie la nature des choses à leurs lois nous évitons l'illusion idéaliste, sans retomber pour cela ni dans le matérialisme naïf qui, comme chacun sait, arrête la série des modes de l'énergie universelle au mode chimique." (p.17)

    "Le mode psychologique est pour nous un mode bio-social qui prend place parmi les autres grands modes concrets de l'existence universelle, le mode physico-chimique (matérialité inorganique), le mode cosmo-biologique(matérialité organique) et le mode cosmo-bio-social (matérialité surorganique ou historique." (p.19)

    "Tandis que tout organisme vivant se borne à transformer en énergie bio-chimique, d'une façon directe, comme la plante, ou d'une façon indirecte, comme l'animal, l'énergie libre (physique ou chimique) empruntée au milieu ambiant, l'homme parvenu à l'état social ou l'homme tant soit peu cultivé acquiert et exerce, en outre, la faculté qui. théoriquement, n'a pas de limites de transmuer n'importe quel mode d'énergie en n'importe quel autre. Autrement dit, tandis que l'individu animal ou l'individu végétal ne disposent que de la somme minime d'énergie représentée par leurs organismes respectifs, l'individu social étend sa maîtrise et sa domination sur toutes les formes et sur toutes les quantités d'énergie qui se laissent constater dans l'univers et qui sont transmuables en d'autres formes et en d'autres quantités.

    Il oppose ainsi à l'action, si souvent destructrice, du milieu environnant une résistance dont la vie organique n'offre aucun exemple. Et de son contact répété avec ce milieu il résulte une série de phénomènes qui n'ont pas d'analogie, qui ne souffrent point de comparaison avec les processus tant de fois dépeints sous le nom d'adaptation de l'organisme vivant aux conditions ambiantes ; processus dont les nouveaux phénomènes seraient plutôt la simple négation ou l'inversion. En effet, les êtres vivants ne possèdent, comme moyen d adaptation, que leur propre organisme ; aussi, pour obtenir un, équilibre propice au maintien de leur existence, se voient-ils constamment forcés de modifier tout ce qui, dans leurs organes et les fonctions de leurs organes, ne s'accorde pas d'une façon rigoureuse avec les conditions externes. L'individu social, au contraire, règle ses rapports avec le milieu en exerçant sur celui-ci une influence de plus en plus soutenue et profonde et qui tend à adapter le milieu à ses besoins multiples et croissants. Cette adaptation inverse de celle qui constitue la vie s'indique comme la qualité maîtresse de l'humanité. Elle forme l'essence même du progrès, le véritable critère de toute culture humaine ou de toute civilisation." (pp.21-22)

    "C'est au fur et à mesure de l'accroissement de ses réserves d'énergie sociale que l'humanité tend à diminuer ses premières et énormes dépenses en énergie vivante humaine (efforts musculaires, etc.) pour les remplacer, d'abord, par un meilleur emploi des énergies inorganiques(la découverte de la chaleur artificielle et de la lumière qui l'accompagne ont permis de bonne heure à l'homme de franchir ce pas), ensuite, par une utilisation plus fructueuse de toutes les sortes d'énergie organique (progrès relativement tardifs de l'hygiène, de la médecine, de l'agriculture et de la zoonomie rationnelles, etc.), et enfin par une application régulière et plus savante, dans un avenir qui, hélas ! se fait encore désirer et attendre, des diverses formes de l'énergie surorganique (augmentation et surtout répartition plus égale des connaissances, règne de la justice sociale)." (p.23)

    "L'avantage décisif ou la supériorité incontestable du groupement social sur l'état de dispersion consiste dans la possibilité d'établir et d'accumuler des expériences qui dépassent beaucoup les capacités d'observation et la durée vitale de chaque individu.

    L'ordre social n'a pas pour effet une simple réunion d'efforts isolés ; il se caractérise surtout par l'accroissement indéfini de leur puissance fonctionnelle, de leur degré d'intensité." (p.25)

    "Il s'en faut de peu qu'OstwaId ne nous dise en propres termes que la socialité, entendue comme une interaction psychique constante aboutissant à une expérience collective et à une connaissance générale et abstraite [...] est la forme ultime et la plus haute que l'énergie universelle revêt à la suite de ses avatars multiples ou de ses nombreuses migrations a travers le temps et l'espace." (p.26)

    "L'échange des idées [est la] cause spécifiquement sociale de tous les faits historiques." (p.27)

    "Le mode social de l'énergie universelle se distingue de tous ses modes "asociaux" par là, qu'il aboutit à la connaissance des divers processus transformatifs se déroulant dans les modes asociaux. Il est vrai que nous sommes allés plus loin en émettant l'hypothèse que le mode social de l'énergie n'était lui-même, au fond, qu'une « transmutation de tous les modes asociaux en connaissance de leurs processus évolutifs »." (p.28)

    "Le droit pénal qui aujourd'hui est fortement marqué encore au coin des violences et des abus de force de l'état barbare, devra de plus en plus se rapprocher du droit civil et peut-être même se confondre avec lui, devenir une sorte de droit de compensation (réaction visant à rétablir l'équilibre social compromis, faussé ou rompu).

    Au point de vue énergétique, la guerre rentre avec le crime dans la même catégorie de faits elle est un gaspillage d'énergie que la civilisation a pour but de faire disparaître." (p.29)
    -Eugène De Robertis, "Énergétique et sociologie", Revue philosophique de la France et de l'étranger, 35ème année, LXIX, janvier-juin 1910, Paris, Félix Arcan, 672 pages.



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