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    Nicolas Gauvrit & Sylvain Délouvée, Des têtes bien faites. Défense de l'esprit critique

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Nicolas Gauvrit & Sylvain Délouvée, Des têtes bien faites. Défense de l'esprit critique Empty Nicolas Gauvrit & Sylvain Délouvée, Des têtes bien faites. Défense de l'esprit critique

    Message par Johnathan R. Razorback Mer 17 Avr - 19:22



    "La première partie de l’ouvrage donne des éléments d’explication de notre propension à croire faux ou à prendre de mauvaises routes cognitives. La deuxième passe en revue, d’un point de vue scientifique, quelques cas particuliers de croyances étranges qui ont pu se développer et sont, pour certaines, paradoxalement largement partagées : ovnis, vie après la mort, fin du monde en sont des exemples. Enfin, la troisième et dernière partie, plus longue, donne la parole à quelques « créateurs de contenu ». Enseignants, webmestres, vidéastes témoignent de ce qui les a amenés à se lancer dans l’aventure de l’esprit critique et content la manière dont ils procèdent."

    [Partie 1 : Les ratés de la raison]

    "Avoir de l’esprit critique, c’est avant tout se méfier de soi-même, avoir conscience des limites inhérentes à notre pensée humaine. Souple, rapide, celle-ci est cependant souvent fautive, et presque toujours approximative."
    -Nicolas Gauvrit & Sylvain Délouvée (dir.), Des têtes bien faites. Défense de l'esprit critique, Presses Universitaires de France / Humensis, 2019.

    "Les cas qui font l’objet de ce chapitre sont ceux dans lesquels le sujet ne sait pas que certaines de ses croyances sont fausses et considère au contraire qu’elles sont vraies sans disposer de fondements suffisants pour cela. Il se trompe, mais ce n’est pas la principale caractéristique de son attitude. La caractéristique la plus importante de son attitude obstinée, c’est qu’il ne met pas ces croyances-là en doute alors qu’il pourrait le faire, par exemple parce qu’il a lu ou entendu des affirmations, voire des arguments, qui les contredisent. Ainsi cette attitude d’obstination consiste-t-elle surtout à ne pas exercer son esprit critique alors qu’on le pourrait, à s’enfermer dans ses certitudes ou encore à refuser de prendre en considération la possibilité de douter. On peut parler à ce propos d’imprudence épistémique."

    "[Dan] Sperber nomme « effet-gourou » l’ensemble des mécanismes qui aboutissent à l’adhésion de certains à des énoncés dont le sens est tout sauf limpide. Comme il l’indique lui-même au début de son article, vivre à Paris offre de multiples occasions d’être confronté à l’effet-gourou, puisque les écrits de nombreux auteurs comme Lacan, Derrida, Deleuze ou encore Badiou ont suscité à plusieurs reprises des formes d’adhésion dont la compréhension n’était pas le principal moteur. On pourrait dire qu’on dépasse ici le thème de l’attachement à des croyances fausses, puisque les phrases obscures de certains auteurs célèbres n’ont pas toujours de valeur de vérité identifiable – il est bien difficile de dire si elles sont vraies ou fausses. Cependant, ces phrases font parfois l’objet de la même attitude d’adhésion obstinée et imprudente. C’est la raison pour laquelle on peut considérer l’explication de l’effet-gourou proposée par Sperber comme une partie de l’explication du phénomène étudié dans ce chapitre."

    "Au sein de l’explication de l’effet-gourou proposée par Sperber figure en bonne place le biais de confirmation – une caractéristique bien établie de l’esprit humain –, qui pousse chacun à chercher en priorité des exemples ou des données qui confirment ses hypothèses en négligeant sans remords les données qui les infirment. Le biais de confirmation a été mis en évidence par d’innombrables travaux de psychologie du raisonnement4 et constitue l’un des fléaux de la vie intellectuelle. Sperber souligne par ailleurs que les phrases obscures de certains auteurs sont reçues sans défiance épistémique particulière en raison de la notoriété de leurs auteurs. Selon lui, ce phénomène peut être expliqué par l’application au-delà du raisonnable d’un principe qui gouverne les échanges linguistiques normaux, celui de la charité interprétative. Selon ce principe, lorsque l’on ne comprend pas exactement ce que dit un locuteur, on suppose malgré tout que ces phrases sont douées de sens, pertinentes et vraies. Dans la plupart des cas, il est rationnel d’appliquer ce principe puisqu’il n’a pas de conséquences négatives. L’effet-gourou se produit lorsque le principe de charité interprétative est appliqué même après que l’on a fait un effort supplémentaire de compréhension qui aboutit à un échec. L’application entêtée, pour ainsi dire, du principe de charité interprétative est renforcée par deux caractéristiques de l’esprit humain : une tendance normale à se chercher des maîtres pour gouverner sa vie mentale ; et la conscience que l’on a normalement de ses propres limites intellectuelles. Sperber insiste également sur la dynamique collective de l’effet-gourou : lorsque l’on appartient à un groupe dont les membres semblent comprendre et valoriser les phrases obscures, on risque la marginalisation à les critiquer et à mettre au jour son incompréhension. Ce coût social complète l’explication de l’effet-gourou."

    "L’une des causes de l’attachement aux croyances fausses pourrait être l’état normal d’ignorance dans lequel nous sommes vis-à-vis de la valeur de vérité de la plupart de nos croyances. Pourquoi affirmer ici que cet état d’ignorance est normal ? Tout simplement parce que nos capacités cognitives sont limitées alors que l’étendue des domaines potentiellement couverts par nos croyances est gigantesque. Nous ne pouvons pas nous permettre d’être prudent, d’un point de vue épistémique, vis-à-vis de toutes nos croyances de sorte que notre attitude par défaut ne puisse être que l’inertie cognitive. Entreprendre un examen critique de chacune de nos croyances, consistant à éprouver ses fondements, ne saurait faire partie de la condition cognitive des humains. Cette condition implique donc que former des croyances vraies, et à propos desquelles on a de bonnes raisons de penser qu’elles le sont, est une lourde tâche."

    "Notre état normal d’ignorance vis-à-vis de notre environnement et d’incertitude vis-à-vis de la vérité de nos croyances peut être compensé par l’acquisition de repères. On appellera ici « repères » à la fois les croyances dont on a éprouvé les fondements et les sources de croyances dont on considère qu’elles sont fiables, qu’il s’agisse de personnes ou d’institutions comme des journaux ou autres médias. Les repères que l’on possède jouent, dans la vie mentale, le rôle de points d’ancrage qui échappent au doute. Ils sont pourtant bien entendu faillibles. En particulier, il est remarquablement difficile de juger correctement de la validité de ce qu’on apprend par autrui à l’oral ou à l’écrit. Le choix des repères qui font office de sources fiables de croyances est donc une entreprise ardue. Il se peut qu’elle le soit de plus en plus dans les sociétés contemporaines au sein desquelles la conscience de l’incertitude inhérente à la vie mentale s’est peut-être accrue, ainsi que la prégnance des raisons de douter. Tout cela fait qu’en cherchant des repères en autrui ou dans les institutions environnantes, la probabilité que l’on se trompe est élevée. Elle augmente encore si l’on tient compte du biais de confirmation. Dans ce contexte, prendre en compte la dynamique de la recherche de repères fait apparaître un mécanisme potentiellement responsable de l’attachement obstiné aux croyances fausses : comme le choix d’un repère est coûteux du point de vue cognitif, si l’on a choisi un repère faux ou indigne de confiance, on répugnera à l’abandonner, d’où l’attachement. Abandonner l’un de ses repères oblige non seulement le sujet à reprendre l’enquête visant à déterminer quels repères potentiels sont fiables, mais encore à se dédire, ce qui peut avoir un coût social important, comme l’indique Sperber à propos de l’effet-gourou. Cela revient en quelque sorte à nager contre le courant dans lequel nous entraînent aussi bien le biais de confirmation que d’éventuels effets de groupe. L’effort exigé est immense ! Il n’est donc pas étonnant que ce chantier soit rarement commencé."

    "Même dans les domaines qui, du point de vue des scientifiques concernés, ont perdu leur caractère ouvert et hypothétique, les publications scientifiques ne sont pas toujours un réservoir de repères aisément identifiables. Non seulement le vocabulaire et les formalismes utilisés les rendent opaques au lecteur non spécialiste, mais chaque article s’appuie en outre sur le développement de la discipline ou sous-discipline concernée et requiert donc, pour être compris, la connaissance précise d’un grand nombre d’éléments qui n’y figurent pas explicitement. La lecture d’un article scientifique, si on veut le comprendre précisément, et surtout comprendre dans quelle mesure il montre le résultat qu’il prétend montrer, nécessite des années de formation. Le non-spécialiste est démuni face à ces immenses quantités de connaissance qui sont contenues de façon implicite dans tout article scientifique ; la lecture d’articles scientifiques ne saurait donc être un moyen simple de se forger des repères, même dans les domaines bien établis. [...]
    Il est bien entendu que suivre une formation poussée dans tous les domaines scientifiques n’est pas envisageable à titre de formation à l’esprit critique. Que peut-on raisonnablement y substituer ? Les programmes scolaires les plus récents mettent l’accent sur la « méthode scientifique » en insistant sur l’importance de la position du problème que l’on cherche à résoudre, la formulation d’une hypothèse, les différentes formes de l’enquête scientifique – expériences, observations, documentation – et l’énoncé de la conclusion. Cette formalisation a sans doute des vertus pédagogiques, dont celle de montrer que la science n’est pas exclusivement un corpus de connaissances à apprendre par cœur, mais elle laisse complètement fermée la boîte noire des rapports entre observations, expériences, documentation d’une part et hypothèses d’autre part. Or c’est précisément là où l’esprit critique doit s’exercer – et qu’il s’exerce, chez les scientifiques de métier, au bout d’un long apprentissage. Il faudrait donc, dans l’enseignement scolaire des sciences, insister sur la complexité des rapports entre données nouvelles obtenues par expérimentation ou observation, connaissances d’arrière-plan et hypothèses. Il pourrait être utile, par exemple, de montrer que le schéma hypothético-déductif, selon lequel on déduit des conséquences observables d’une hypothèse et on cherche ensuite à découvrir si elles sont vraies, n’est réalisable que dans des cas exceptionnels, ceux où l’on a accès de façon non ambiguë à ces conséquences observables. La plupart du temps, le rapport entre données et hypothèses ne se soumet pas à ce schéma."
    -Anouk Barberousse, "L’attachement obstiné aux croyances fausses", in Nicolas Gauvrit & Sylvain Délouvée (dir.), Des têtes bien faites. Défense de l'esprit critique, Presses Universitaires de France / Humensis, 2019.

    "Le monde dans lequel évoluent les mathématiciens est épuré. Malgré leur effrayante difficulté, les mathématiques forment un univers parfait d’une déroutante simplicité – d’un certain point de vue du moins. Elles traitent de propositions, qui sont des énoncés pouvant a priori être soit vrais, soit faux, comme « la somme de deux nombres pairs est impaire » (faux) ou « il existe cinq sortes de polyèdres convexes réguliers » (vrai). S’ils sont véridiques, ils le sont sans limite, parfaitement. Sinon, ils sont erronés dans la même proportion : totalement et sans réserve. Si l’on oublie le statut particulier des conjectures, hypothèses tenues pour vraisemblables mais non encore démontrées (ou réfutées), les mathématiques fonctionnent ainsi en tout-ou-rien. Pour un énoncé donné, il existe parfois une démonstration imparable le rendant incontestable, comme le théorème de Pythagore. Ou bien, il existe une preuve adverse rendant l’énoncé incontestablement faux. Ou encore, il n’existe nulle preuve (pour l’instant) permettant de trancher. Dans ce cas, le mathématicien devra suspendre son jugement, car les indices, l’intuition, les demi-preuves ou les éléments incomplets n’ont aucune valeur.

    Dans ce monde idéalisé fondé sur la logique classique, une proposition ne peut pas être vraie en même temps que sa négation. Règle absolue et évidente qui prend le nom de principe de non-contradiction parce qu’elle indique que deux énoncés contradictoires ne sauraient être simultanément vérifiés. Autre principe, chaque proposition est nécessairement soit vraie, soit fausse. Pas de demi-mesure. Cette loi, un peu moins intuitive peut-être, est nommée principe du tiers exclu, car elle impose que le vrai et le faux sont les deux seules valeurs de vérité. Nulle tierce valeur n’est possible.

    Cette manière binaire de raisonner est bien adaptée aux objets théoriques et aux idées abstraites que traitent les mathématiques. Mais, lorsqu’on tente d’appliquer au raisonnement de tous les jours des principes de ce type, tout devient baroque et manifestement inadapté. Un humain peut être à la fois égoïste et altruiste, ce qui contrevient au principe de non-contradiction. Il peut n’être ni grand ni petit, ce qui viole le tiers exclu.

    Dans la quête des secrets du raisonnement, beaucoup de chercheurs ont compris que la logique classique, binaire, ne saurait correctement représenter la molle créativité humaine. Il fallait au minimum accepter l’idée que le faux (que l’on fait souvent correspondre au nombre 0) et le vrai (que l’on représente par le nombre 1) ne sont pas les seules valeurs de vérité possibles. Pour nous, une proposition peut être « plus ou moins vraie ». Une phrase comme « notre président est généreux » n’est ni parfaitement vraie ni parfaitement fausse. Et pas seulement parce que nous ne savons pas nous décider ou que nous manquons d’information.

    Quand bien même il nous serait possible de raisonner en « tout ou rien », cela ne pourrait conduire qu’à une sorte d’hébétude cognitive, où la quasi-totalité des énoncés baignerait dans un brouillard d’incertitude. Que ce soit à propos de « la Terre est ronde », de « l’aspirine est efficace » ou de maints autres énoncés, je ne dispose généralement d’aucune preuve directe. Ce sont des ouï-dire, des convictions fondées sur la confiance que je place en quelqu’un qui a placé sa confiance en un autre, etc. Je ne vais pas dans l’espace, je ne fais pas le tour du monde pour constater sa rotondité. D’ailleurs, aurais-je la parfaite rigueur du mathématicien idéal qu’il me faudrait conclure que la Terre n’est pas sphérique, puisque pas parfaitement lisse. Bref, raisonner binaire dans un monde comme le nôtre conduit à suspendre son jugement sur presque tout et à tenir beaucoup du reste pour faux. Une posture de scepticisme radicale peu propice à la prise de décisions.

    Certains auteurs ont proposé de multiplier les valeurs de vérité [...] acceptant comme valeurs de vérité tous les nombres entre 0 et 1. Ainsi, 0 serait le faux parfait, 1 le vrai parfait. La valeur 0,2 indiquerait que quelque chose est plus faux que vrai, mais pas totalement faux tout de même. La logique floue commence par ce principe, se dotant de règles permettant de combiner judicieusement les valeurs de vérité entre elles.

    Une manière d’interpréter ces valeurs de vérité naviguant de 0 à 1 est de les comprendre comme des probabilités. Plus précisément, des probabilités subjectives, autrement dit des jugements personnels de crédibilité. Cette manière individuelle de comprendre les probabilités correspond à une philosophie particulière de la théorie des probabilités, celle qu’on nomme « bayésienne ». Pour un bayésien, il n’est pas nécessaire que nous attribuions tous les mêmes valeurs aux mêmes énoncés. Ainsi, une personne pourra penser que « notre président est généreux » correspond à une valeur de 0,01, si elle est très dubitative au sujet de la générosité présidentielle. Telle autre, à l’inverse, attribuera une probabilité de 0,6 à la même proposition, cédant à son légendaire optimisme. Ni l’une ni l’autre n’a tort ou raison selon l’approche bayésienne de la probabilité, car il ne s’agit pas de quantifier un hasard « réel » mais de mesurer une évaluation subjective de crédibilité.

    Il paraît difficile de fonder une théorie du raisonnement, a fortiori du raisonnement juste, sur des bases aussi souples, qui semblent justifier que chacun puisse penser ce qu’il veut sans que jamais les contradictions ne contreviennent à aucun des principes de cette théorie bayésienne. Ne tombe-t-on pas alors dans un relativisme forcené ? Non, car si les probabilités subjectives peuvent prendre n’importe quelles valeurs au départ, la cohérence impose des règles et notamment des règles de révision des probabilités. Ainsi, quelle que soit votre idée de départ sur la générosité de notre président, chaque preuve de charité devrait vous amener à revoir à la hausse votre estimation, et chaque preuve inverse à la revoir au contraire à la baisse. Ces hausses et baisses suivent, pour être cohérentes, la célèbre « formule de Bayes ». De manière remarquable, on peut démontrer qu’avec suffisamment d’informations (donc d’épisodes de générosité ou non), ces règles amènent tous les agents rationnels (c’est-à-dire ici cohérents) vers la même valeur de vérité. Nous voilà donc sauvé du relativisme.

    Depuis que des psychologues ont émis l’idée que c’est sur de telles bases probabilistes que nous raisonnons, ils ont accumulé bien des éléments en faveur de leur thèse. C’est aujourd’hui une théorie consensuelle : les humains attribuent aux énoncés des valeurs de vérité que l’on peut modéliser par un nombre entre 0 et 1. En contact avec de nouvelles informations – à supposer qu’ils les acceptent comme telles –, ils révisent leurs croyances, autrement dit réévaluent les valeurs de vérité, selon des principes pratiquement conformes à la théorie bayésienne."

    "Un triangle dont un angle mesure 90,1° ou 89,9° n’est pas « presque rectangle » en mathématiques : il n’appartient absolument pas à l’ensemble des triangles rectangles.

    L’équivalent psychologique des ensembles mathématiques se nomment des catégories. Les arbres, les pierres, les chaises ou les couleurs forment ainsi des catégories, que des chercheurs en psychologie ont étudiées en profondeur pour en comprendre les tenants et aboutissants. Eleanor Rosch, pionnière de cette ligne de recherche, a mis en évidence des spécificités des catégories naturelles par rapport aux ensembles de la théorie mathématique4. Parmi celles-ci, le fait que les éléments d’une catégorie, à l’opposé des éléments d’un ensemble, sont plus ou moins représentatifs de leur catégorie. Ainsi, le pigeon est plus représentatif de la catégorie des oiseaux que ne l’est la dinde ou l’émeu. Certains éléments sont mêmes particulièrement représentatifs de leur catégorie. On les appelle des prototypes, et ce n’est pas par hasard. Ainsi, le canari est un prototype d’oiseau. Des expériences variées convergent pour montrer l’importance fondatrice du canari en tant qu’élément de la catégorie des oiseaux. Les participants citent plus facilement « canari » que tout autre oiseau quand on leur demande un exemple d’oiseau ; qu’on leur demande d’ailleurs un exemple particulièrement représentatif, un exemple au hasard ou le premier qui leur vient à l’esprit ne change rien à l’affaire. Ils sont également particulièrement rapides à répondre que oui, le canari est bien un exemple d’oiseau.

    De la même manière, le rouge et le bleu sont des éléments prototypiques de la catégorie des couleurs, et le chêne de la catégorie des arbres. Il y a bien sûr quelque chose de culturel dans ces prototypes. Néanmoins, il ne semble pas y avoir d’explication objective immédiate à l’élection du chêne, par exemple, comme arbre particulièrement typique. Quoi qu’il en soit, l’une des théories psychologiques tentant de décrypter le fonctionnement des catégories naturelles suppose que les catégories mentales sont organisées précisément autour des prototypes. Face à un objet qui m’est inconnu, dont je ne sais pas, par exemple, s’il s’agit d’un oiseau ou d’un mammifère, mon cerveau estimerait une sorte de distance (mesurant la ressemblance) entre ce nouvel objet et les prototypes d’oiseau et de mammifère. Ce nouvel objet prendra place dans la catégorie correspondant au prototype le plus proche. Si c’est bien en termes de distance qu’il faut comprendre l’appartenance à une catégorie, il est alors naturel de considérer que les objets n’appartiennent pas de manière binaire à une catégorie, mais qu’ils en constituent des objets plus ou moins centraux. Ainsi, on se trompera moins en considérant que l’autruche n’est pas un oiseau qu’en considérant que l’aigle (plus central) n’en est pas un."

    "Nous restons presque toujours dans le doute, du fait de ce mode de raisonnement probabiliste. Par rapport à la puissance de la démonstration mathématique, amenant au fil des siècles des résultats inattendus parfois, mais toujours fiables, solides, il semble qu’une pensée analogique ne pourra jamais déboucher sur autre chose que des opinions fluctuantes."

    "Ce que font les mathématiques, les sciences et nos esprits au quotidien, c’est tirer des conclusions (parfois certaines, parfois non) à partir de faits et d’informations dont nous disposons. Le terme générique pour décrire le résultat de cette activité est l’« inférence ». Faire des inférences, c’est tirer, d’une manière ou d’une autre, des conclusions de prémisses (c’est-à-dire d’informations préalables). Il existe cependant plusieurs formes d’inférences. Celles-ci distinguent très nettement ce qui se fait en mathématiques (au moins dans l’idéal) et ce qui se passe dans la vie ordinaire. En mathématiques, on produit des déductions : partant de prémisses absolument certaines, on raisonne « vers l’avant », appliquant des règles logiques qui ne laissent aucune place à l’incertain. [...]
    Ce que nous faisons au quotidien ne consiste pas, comme en mathématiques, à tirer des conclusions particulières de lois générales connues. Donner du sens au monde qui nous entoure, comprendre pourquoi tel ami nous a trahi ou pourquoi notre couple bat de l’aile, cela ne suppose pas d’appliquer une loi un tant soit peu universelle mais bien au contraire de découvrir une telle loi à partir d’observations et d’une expérience limitées. Un tel exercice ne relève pas de la déduction mais au contraire de l’induction. Autrement dit, une forme d’inférence qui marche à rebours : du particulier au général et qui consiste à découvrir des règles, des généralités à partir d’exemples limités. En psychologie, on étudie souvent les capacités d’induction en utilisant des exercices où il faut deviner la suite d’une série : il s’agit donc pour le participant de découvrir la règle de formation d’une série de symboles ou d’images. Un exemple un peu trivial est le suivant : si le début d’une suite de nombres est 3, 5, 7, quel devrait être le nombre suivant de cette suite ? La plupart des participants pensent à 9, car on voit que la différence entre deux termes consécutifs semble être toujours 2. C’est bien la réponse attendue dans les tests psychologiques. En revanche, contrairement à ce qui se passe pour la déduction, de nombreuses autres réponses peuvent parfaitement se justifier. Par exemple, 3, 5, 7 est le début de la liste des nombres premiers impairs. On pourrait alors penser que le suivant doit être 11. Contrairement à la déduction, l’induction amène ainsi des conclusions discutables, incertaines.

    Une autre différence majeure entre le monde mathématique, idéal et pur, et celui où nous évoluons tient au fait que nous ne disposons jamais de l’équivalent des axiomes ou des théorèmes mathématiques. Axiomes et théorèmes sont des énoncés sûrs. Soit qu’on les ait décidés, posés (les axiomes), soit qu’on les ait démontrés (les théorèmes). On peut donc sans crainte s’appuyer dessus. Il n’y a rien d’équivalent dans les raisonnements quotidiens. Si je veux connaître l’efficacité des vaccins ou évaluer les dangers du nucléaire, il n’existe aucune information qui soit absolument certaine pour entamer ma réflexion. Les études les plus rigoureuses sont toujours entachées d’un certain risque d’erreur, et d’ailleurs le fait même de croire à la conclusion d’une étude repose sur la confiance que j’accorde à l’auteur (qui sait si l’étude a réellement été menée et si personne n’a trafiqué les données ?).

    À un niveau plus fondamental, nos sens mêmes sont terriblement limités et brouillés. Les images qui arrivent sur notre rétine sont floues, brouillées par les impuretés flottant dans l’humeur vitrée, les vaisseaux sanguins qui font bizarrement écran entre les photorécepteurs et le monde extérieur. Ne parlons même pas du fait qu’il y a dans notre champ visuel un point aveugle, ou que la vision périphérique est dépourvue de la couleur. Pourtant, nous avons l’impression de voir le monde de manière quasiment directe. En réalité la perception que nous en avons est le résultat d’un calcul probabiliste totalement inconscient et affreusement complexe, qui tente de reconstituer la scène extérieure à partir des informations floues dont dispose vraiment notre cortex visuel : c’est une inférence risquée."

    "Le type d’inférences que nous avons à faire au quotidien, qui permettent de donner son sens au monde, ne relève pas de la déduction. Nous raisonnons pour comprendre comment fonctionne la médecine, s’il faut ou non prendre ses médicaments, s’il faut prendre une retraite anticipée ou si les OGM constituent un danger en général. Il s’agit le plus souvent de prévoir l’avenir malgré les aléas ou de découvrir une règle générale à partir d’observations limitées. Ainsi, le type même de conclusions qui nous intéresse ne peut être obtenu par la logique classique."
    -Nicolas Gauvrit, "La mollesse du raisonnement humain", in Nicolas Gauvrit & Sylvain Délouvée (dir.), Des têtes bien faites. Défense de l'esprit critique, Presses Universitaires de France / Humensis, 2019.

    "Sherif (1935) : la construction des normes dans un groupe.
    Muzafer Sherif est l’un des pères fondateurs de la psychologie sociale. Ses travaux sur la formation des normes ont particulièrement marqué la discipline. Sherif voulait démontrer qu’en situation d’incertitude, on a tendance à se conformer à la norme du groupe. Il avait recours pour ses expériences à l’« effet autocinétique », méthode qui consiste en une tâche d’évaluation du mouvement d’un point lumineux dans une salle noire et sans repère. Il s’agit d’une illusion car le point lumineux est, en réalité, tout à fait immobile. Les participants étaient ainsi placés dans une situation totalement ambiguë, sans bonne réponse a priori. Il leur était demandé de juger de la longueur d’amplitude du déplacement du point lumineux. Les participants estimaient individuellement cette longueur puis ils étaient invités à répondre à nouveau mais en présence d’autres personnes. Alors qu’en situation individuelle les écarts de réponses entre participants variaient grandement, les réponses en situation collective convergeaient très rapidement vers une norme commune. Ainsi, en situation d’incertitude, nous avons tendance à rechercher l’information dans le comportement d’autrui, ce qui nous conduit à adopter la norme que le groupe va établir. Sans information suffisante nous ne devrions pas répondre ou juger mais le groupe nous sert de repère. Chaque membre du groupe étant cependant dans la même situation d’incertitude, et pensant que les autres, eux, savent, c’est bien l’influence réciproque qui va conduire à une réponse collective et normative."

    "Asch (1951) : quand la majorité s’impose à nous.
    Muzafer Sherif a démontré que le conformisme à la norme était un recours lorsque l’information fait défaut. Mais y aurait-il conformisme dans une situation où la norme du groupe repose sur une information indiscutablement fausse ? L’objectif de Solomon Asch était de prouver que l’on a tendance à se conformer à la majorité quand bien même celle-ci a manifestement tort. Asch imagina donc une expérience en laboratoire dans laquelle il invitait trois participants (deux comparses complices de Asch et un sujet « naïf ») à juger de la correspondance entre la longueur d’une ligne avec celles de trois autres lignes. Dans cette situation, il n’y avait qu’une seule bonne réponse évidente – il ne s’agissait donc pas d’une situation ambiguë comme dans l’expérience de Sherif. Les comparses avaient pour consigne de donner, régulièrement et de manière consistante, une même mauvaise réponse. Cela les plaçait en situation de majorité vis-à-vis du sujet « naïf ». Alors qu’en situation individuelle les participants répondaient correctement, ils avaient tendance à donner de mauvaises réponses en situation collective afin de se conformer à la majorité. Ainsi, les jugements d’autrui, lorsqu’ils constituent une majorité, sont une source d’influence sociale pouvant conduire à des jugements erronés. Cela ne semble cependant fonctionner que sur des sujets ou des objets auxquels l’individu n’accorde pas une grande importance (par exemple, ici, juger de la longueur de lignes). Dans le cas où l’individu devrait juger un objet auquel il est plus attaché ou émettre un avis sur un sujet pour lequel il est fortement impliqué, alors le conformisme n’aura pas autant d’effet."

    "Festinger, Pepitone et Newcomb (1952) : les conséquences de la désindividualisation.
    La question de recherche de Leon Festinger et de ses collaborateurs est très simple : pourquoi avons-nous tendance à nous comporter de manière désinhibée lorsque nous sommes dans une foule ? Selon eux, certaines situations de groupe conduisent l’individu à perdre le sens de l’individualité, et ainsi à ne plus faire de distinction entre soi et autrui. C’est le phénomène de désindividualisation, qui conduit à une réduction des contraintes internes qui régulent habituellement les comportements individuels. L’état de désindividualisation rendrait possible l’assouvissement de désirs autrement restreints par l’individualité. Les groupes sociaux rendant possible l’état de désindividualisation seraient donc des groupes plus attractifs, bien que souvent éphémères, au contraire des groupes favorisant l’individualisation, qui sont plus durables mais moins attractifs.

    Festinger et ses collaborateurs ont réuni de petits groupes d’étudiants dans leur laboratoire et leurs ont fait lire un faux rapport d’étude psychiatrique dont les conclusions étaient que la plupart des jeunes ressentent de la haine pour l’un de leurs parents, et que ceux qui nient en ressentir sont ceux qui en ressentent le plus. À la suite de la lecture de ce texte, les étudiants étaient invités à discuter de leurs sentiments personnels envers leurs parents.

    Les chercheurs ont observé que les participants dont les attitudes étaient les plus négatives envers leurs parents avaient également plus de difficultés à se souvenir de la nature des interventions des autres participants. Ce résultat témoigne selon eux du phénomène de « désindividualisation » : l’augmentation de l’assouvissement de désirs autrement inhibés conduit à une diminution de la perception d’autrui en tant qu’individu. Ils ont également observé que les participants dont les attitudes étaient les plus négatives envers leurs parents trouvaient le groupe des participants plus attractif que les participants moins virulents à l’encontre de leurs parents. Ce second résultat fut interprété comme la preuve que les groupes qui permettent les situations de désindividualisation apparaissent comme plus désirables que les groupes ne les favorisant pas. Ainsi, le processus de désindividualisation illustre l’influence que la présence d’autrui peut avoir sous certaines conditions, en provoquant notamment une désinhibition des attitudes et des comportements."

    "Reicher, Spears et Postmes (1995) : désindividualisation et transgression des normes [...]
    À rebours des approches classiques du phénomène de désindividualisation postulant une disparition du soi et une désinhibition des comportements, Reicher et collègues proposent une lecture du phénomène de désindividualisation en termes d’identité sociale, suivant laquelle en situation de groupe l’identité individuelle laisse place à une identité sociale, sensible aux normes du groupe. La désindividualisation est alors associée à des comportements normatifs, et non à des comportements antinormatifs comme avancé par les théories classiques de la désindividualisation."
    -Paul Bertin et Sylvain Delouvée, "L’être humain, animal social sous influences", in Nicolas Gauvrit & Sylvain Délouvée (dir.), Des têtes bien faites. Défense de l'esprit critique, Presses Universitaires de France / Humensis, 2019.

    "L’esprit critique est défini selon deux dimensions : l’habilité et la disposition. L’habilité est la capacité à utiliser les outils de la pensée critique, tandis que la disposition est la propension à utiliser spontanément la pensée rationnelle.

    Les dispositions à l’esprit critique ont été pour la plupart envisagées dans un contexte philosophique même si certaines ont été reprises ultérieurement dans le champ des sciences cognitives. Certaines de ces dispositions sont fréquemment mises en avant, telles que la curiosité, l’ouverture à la nouveauté et une certaine flexibilité dans la considération des opinions d’autrui, une capacité à saisir les opportunités permettant l’usage de l’esprit critique, la valorisation d’avis alternatifs, la capacité à reconsidérer son avis et enfin une justesse et une honnêteté dans l’appréciation des avis et opinions."

    "Le chercheur étasunien Robert Ennis avait, dès 1989, défini trois approches possible dans la formation à la pensée critique20 :

    L’approche générale : les principes de l’esprit critique sont présentés au cours d’une leçon mais sont enseignés séparément du sujet de la leçon. Dans ces cours, on présente souvent, par exemple, les sophismes, les biais argumentatifs, la méthode scientifique en général et des bases de logique formelle.

    L’approche par infusion : les principes de l’esprit critique sont transmis à travers une leçon, les étudiants ont des éléments théoriques de l’esprit critique pour guider leurs raisonnements. Les éléments de raisonnement, les risques d’erreurs, sont donc là encore explicites, mais abordés en contexte.

    L’approche par immersion : les principes de l’esprit critique ne sont pas explicites dans une leçon ; l’esprit critique se développe implicitement au fur et à mesure des leçons. Les plus récents travaux en éducation suggèrent que cette approche est moins efficace que les deux précédentes."
    -Niluphar Ahmadi et Maud Besançon, "La science de l’esprit critique", in Nicolas Gauvrit & Sylvain Délouvée (dir.), Des têtes bien faites. Défense de l'esprit critique, Presses Universitaires de France / Humensis, 2019.

    "Il faut se demander pourquoi l’alternative, la position parfois appelée extinctiviste, mortaliste ou annihilationniste, qui consiste à rejeter l’hypothèse survivaliste d’un au-delà, est si impopulaire. Il faut également décrire en quoi consiste exactement l’idée de l’au-delà, quelle forme elle prend ou ne prend pas, et sur quoi elle se fonde. Il faut enfin, et à mon avis surtout, expliquer ses origines, non seulement historiques, mais psychologiques. De plus, il convient aussi d’envisager une conversation franche et ouverte sur les conséquences de telles croyances, et si véritablement elles ne concernent qu’une option spirituelle purement subjective et non pas un problème social plus général."

    "Des recherches récentes confirment que les « preuves » qu’il y a une vie après la mort (en l’occurrence sous la forme d’un texte très favorable à une interprétation survivaliste des expériences de mort imminente) remplissent effectivement une fonction de défense contre l’angoisse existentielle, en partie en renforçant l’estime de soi."

    "Notre capacité à envisager l’univers mental d’autrui est puissante. Nous pouvons sans problème nous demander ce que Jeanne doit penser du fait que Thierry soit jaloux d’Émilie, même en l’absence de toutes ces personnes. Nous pouvons aussi nous émouvoir du sort d’Anna Karénine, bien qu’elle ne soit qu’un personnage fictif. Nous simulons ainsi constamment des événements sociaux et psychologiques, en jonglant avec les fichiers d’identités que nous stockons dans nos têtes. Cependant, la nature ne nous a pas dotés de moyens permettant d’arrêter net cette machine à interpréter, ni d’en effacer les contenus à mesure qu’ils deviennent caducs. Ainsi, les morts nous hantent littéralement : nous pensons non seulement à eux, mais nous pensons aussi à ce qu’ils doivent penser, de la manière même dont nous pensons aux gens simplement absents. Être absent signifie être ailleurs en train de faire quelque chose : si cette intuition est en compétition avec notre connaissance que les morts ne reviendront pas, l’idée d’un au-delà peut ressembler à une sorte de compromis naturel.

    De plus, la capacité avec laquelle nous nous représentons les états mentaux des personnes mortes se double d’une incapacité à nous représenter l’absence de nos propres états mentaux une fois morts. Freud et bien d’autres ont noté cet angle mort de nos facultés cognitives : il est impossible d’imaginer à quoi ressemblerait l’inexistence."
    -Sebastian Dieguez, "La vie après la mort", in Nicolas Gauvrit & Sylvain Délouvée (dir.), Des têtes bien faites. Défense de l'esprit critique, Presses Universitaires de France / Humensis, 2019.



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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".

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    Nicolas Gauvrit & Sylvain Délouvée, Des têtes bien faites. Défense de l'esprit critique Empty Re: Nicolas Gauvrit & Sylvain Délouvée, Des têtes bien faites. Défense de l'esprit critique

    Message par Johnathan R. Razorback Jeu 18 Avr - 17:34



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    -Pascal Wagner-Egger et Sylvain Delouvée, "Les croyances conspirationnistes", in Nicolas Gauvrit & Sylvain Délouvée (dir.), Des têtes bien faites. Défense de l'esprit critique, Presses Universitaires de France / Humensis, 2019.



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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

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