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    Ernest Seillière

    Johnathan R. Razorback
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    Message par Johnathan R. Razorback Mer 30 Mai - 15:09

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Ernest_Seilli%C3%A8re

    https://www.cairn.info/revue-recherches-sur-diderot-et-sur-l-encyclopedie-2015-1-page-141.htm

    https://www.nietzsche-en-france.fr/publications-sur-nietzsche/ernest-seilliere/

    http://rousseaustudies.free.fr/Dictionnairereception.html

    SEILLIERE, Ernest

    (Paris, janvier 1866 – mars 1955)

    Issu par son père d’une illustre famille, Ernest Seillière poursuit des études à l’école polytechnique, en vue d’une carrière militaire, avant de se diriger vers l’étude de la philosophie qu’il entreprend en Allemagne à l’université de Heidelberg. Rentré en France en 1896, il se lance vers le journalisme et rentre au Journal des Débats et à la Revue des deux mondes. Il publie alors plusieurs articles et essais sur la littérature française et la culture allemande où il fustige inlassablement le romantisme. Ses travaux sur R. s’inscrivent pleinement dans cette critique de l’esthétique romantique qu’il rattache au choc de la rupture de 1789. Son  premier essai sur R., Le Péril mystique dans l’inspiration des démocraties contemporaines, Rousseau visionnaire et révélateur, paraît en 1918. Durant les cinquante premières pages de son ouvrage, il s’oppose aux analyses de Taine qui proclament « l’œuvre de R. classique sur la seule inspection de son style » et continuent « d’envisager Voltaire, Montesquieu et R. comme ayant travaillé de concert à préparer les événements de la fin du XVIIIème siècle, alors qu’il faudrait montrer R. travaillant le plus souvent contre les suggestions politiques et sociales d’un Voltaire ou d’un Montesquieu ». Les 178 pages de son essai poursuivent un seul objectif, démontrer que « l’esprit jacobin est issu presque uniquement de la prédication de J.-J. » Mais Seillière veut bien accorder au dangereux prédicateur des circonstances atténuantes puisque le philosophe hérite d’une tradition de mysticisme passionnel qui prend sa source chez Fénelon et se perpétue chez les Jésuites missionnaires, dans les romans de l’abbé Prévost avant d’atteindre son paroxysme chez Diderot, l’ami du citoyen de Genève. Le mysticisme et les extravagances psychologiques des deux auteurs s’expliquent « par un accès d’excitation érotique » provoqué chez Diderot par les « belles Vénus océaniennes » et chez le genevois par le souvenir « des jeunes savoyardes qui avaient charmé sa jeunesse ». Seillière mentionne assez longuement l’influence néfaste de Mme de Warens sur son jeune protégé auquel elle prodigua non seulement ses charmes mais également une foi piétiste libre à l’égard de l’orthodoxie doctrinale. Seillière opère une césure dans la vie et l’œuvre de R. qu’il situe lors de la crise de Vincennes. Il rapproche les œuvres de jeunesse, l’article Economie politique pour l’Encyclopédie, l’Essai sur l’origine des langues et la Profession de foi du vicaire savoyard du Contrat social dont la genèse remonte à son séjour à Venise. Dans ces premiers écrits, « l’hypothèse de la bonté naturelle ne joue pour ainsi dire aucun rôle ». Le Contrat social n’est pas très éloigné de la pensée de Hobbes « dont la psychologie est à l’antipode de la bonté naturelle ». (p. 129.) Cette « estimable utopie stoïcienne » serait restée inoffensive sans « la façon prématurée dont l’application en fut tentée trente ans après sa publication ». Contradiction entre contenu et interprétation qu’il faut rechercher dans R. lui-même car, nous dit inlassablement Seillière, Rousseau, « cet homme étrange a presque toujours présenté l’antidote après le poison ». (p. 134.) Mais « par malheur, son temps n’a recueilli que ses suggestions mystiques ». La « rêverie mystique se développe après la crise de Vincennes pour trouver son apogée « dans ses pathologiques Dialogues de vieillesse » et l’évocation de « nos habitants », paradis rousseauiste par excellence dans lequel Seillière voit un danger pour l’ordre social car « la morale sociale s’accommode mal des pleins pouvoirs accordés à l’affectivité dans le Moi humain ». (140.) Quant aux Rêveries, « elles furent peu saines en dépit de leur innocence apparence, car elles nourrissaient l’orgueil et l’insolence pathologique du rêveur ». Seillière s’en prend vivement à la conception rousseauiste de la bonté naturelle du second discours, contraire à toute l’expérience humaine, et considère que l’ambition du gouverneur d’Emile, retrouver la bonté naturelle de l’individu par le biais de l’éducation, constitue « la racine même de l’esprit jacobin ». (152.) Seillière conclut son essai par l’affirmation de « la conception immaculée de J.-J. » car « seul ici-bas, J.-J. a gardé les vrais mouvements de la Nature primitivement bonne avant sa chute vers l’état social civilisé ». (p. 175.) J.-J., c’est l’homme de la nature primitive, c’est « le plus efficace artisan de ce mouvement mystique qu’on pourrait appeler la seconde Réforme […] qui est bien la négation directe du péché d’origine ». R., c’est le « nouveau Messie ». Seillière pour suit ses réflexions sur R. par la publication d’un long essai sur le philosophe paru chez Garnier en 1921, d’une introduction aux Confessions et de quatre articles publiés dans le Journal des débats politiques et littéraires. Le gros ouvrage de Seillière sur J.-J. pourrait se résumer à un réquisitoire contre les idées politiques et esthétiques du philosophe. Il divise son essai en quatre parties dont la plus longue s’intitule, Le malade, ce qui donne une idée assez juste du ton général de l’ouvrage. Dès l’avant-propos, Seillière annonce la couleur en présentant son travail comme « une biographie psychologique avant-tout. » Dans la prolongation de son premier essai, il présente R. comme « le propagateur souverainement efficace d’une hérésie chrétienne de caractère mystique ». Seillière n’épargne rien à son lecteur, des commentaires sur la vie dissolue des parents de R. à sa maladie mentale en passant par l’abandon de ses cinq enfants, etc. Il part du principe que les êtres humains sont naturellement impérialistes et impérialistes irrationnels, ce qui dément l’idée de bonté naturelle chez R. Il dénonce « la diversion démagogique qui fera le thème du second discours, l’insinuation que le peuple est le seul héritier de l’innocence primitive ». (p. 73.) Pour lui, R., dans le second discours, mélange deux significations de l’adjectif naturel, d’une part, est naturel ce qui se développe avec le temps – ainsi l’oranger est amené, dans de bonnes conditions, à produire des oranges – mais est naturellement également ce qui est originel et primitif. C’est cette ambiguïté de vocabulaire qui a produit « une sociologie mystique » puis une psychologie de la compassion – la répugnance à voir souffrir son semblable – contraire à « saine  psychologie « impérialiste » de l’antiquité classique, du Christianisme rationnel et de toute science expérimentale ». (p. 84) Il est étrange que Seillière ne se réfère pas, en cet endroit à l’Emile qui réalise, d’une certaine façon, la synthèse de ses deux notions de naturel. Comprenne qui pourra. Ce qui importe à Seillière, c’est de démontrer le caractère anti-historique du second discours et le caractère naturel de l’inégalité sociale. Le troisième chapitre de l’essai de Seillière est entièrement consacré aux dérèglements psychiques de R. Il s’appuie sur les travaux d’un certaine Pierre Janet, professeur de psychologie, qui s’est intéressé de près aux « psychasténiques intelligents », ceux qui se dénigrent perpétuellement auprès de leurs proches alors qu’ils n’en attendent que flatteries et compliments. La « rêverie » est, selon Janet, « un symptôme de dépression et un procédé de tonification psychique par ce qu’elle facilite le développement de certaines représentations flatteuses à l’appétit du pouvoir ». D’autre part les névropathes ne veulent pas payer de retour l’affection de ceux qui les soutiennent et les réconfortent. Les grandes lignes du portrait psychologique de R. sont dessinées. Seillière y ajoute quelques considérations sur la névropathie du philosophe « exaspérée par les agitations érotiques ». Afin d’illustrer les analyses du professeur Janet, il s’arrête longuement sur la crise de l’Ermitage, sa rupture avec David Hume. Il s’attarde dans son dernier chapitre sur le romantisme de R. et certains de ces commentaires ne manquent pas de piquant, tel cette appréciation sur la Nouvelle Héloïse, « platonisme et détournement de mineure » et sur Julie, « la plus folle et l’on pourrait dire la plus effrontée des tentatrices à la débauche ». (p. 340.) Seillière qui reste très sévère à l’égard de R. apprécie pourtant les Lettres à Malherbes, « un charme pour l’oreille et souvent un régal pour l’esprit » et certains passages des Rêveries d’où se détachent « quelques-unes des plus belles pages de la poésie romantique ». L’ouvrage de Seillière, parfois intéressant, fourmille malheureusement de considérations sur la supériorité intellectuelle des aristocrates, « l’expérience des races les plus douées ». Il accuse R. d’être devenu « sans le vouloir, le porte-bannière des convulsions révolutionnaires ». (p. 274.) En 1929, dans une introduction aux Confessions, s’il reconnaît aux mémoires de R. leur « génie poétique » et les classe parmi les « grands livres de la littérature universelle », il s’épanche à nouveau sur la névrose de J.-J. et « sa déviation morbide » qu’il décèle dans son « attitude adoratrice de la femme ». Commentant les appétits sexuels de Mme de Warens, il dénonce les dangers de « l’anarchie passionnelle mère de l’anarchie sociale ». Il revient encore sur R. dans deux articles du Journal des débats politiques et littéraires qui attaquent une fois de plus le philosophe de Genève dans sa dimension philosophique et biographique. Dans le n° du 14 août 1932, il donne un compte-rendu de l’essai de Fusil, auteur de La Contagion sacrée ou J.-J. R de 1778 à 1820, qui s’en prend violemment à la « littérature rousseauiste » et aux « dévots du saint, névropathes, frénétiques, convulsionnaires et thaumaturges, tartuffes de vertu, politiques, hypocrites, faux grands hommes et petites femmes impressionnables ». R. nous dit Seillière, « n’eut pas d’admirateurs mais des sectateurs. […] Il vint fournir à un groupe social avide de conquête la conviction de posséder l’alliance divine dans la lutte qui allait s’engager dans notre pays pour le pouvoir politique ». Autrement dit, les classes possédantes représentantes de Dieu sur terre doivent laisser place aux classes dangereuses qui s’approprient leurs prérogatives en suivant la voie du nouveau Messie. Le 21 janvier 1939, Seillière s’intéresse à la rupture entre Hume et R. pour dénigrer une fois de plus le philosophe. Durant l’Occupation,  en décembre 1941, ce même Seillière signait un appel condamnant vigoureusement les lâches attentats et les crimes odieux contre les membres de l’armée d’occupation. Son essai sur Diderot paraît en 1944 dans une maison d’édition collaborationniste. Neuf ans avant sa mort en mars 1955, il est élu à une très faible majorité à l’Académie française. Pour ceux qui s’interrogent légitimement sur le patronyme de ce Seillière ardent défenseur des « aristocrates que l’expérience façonne au commandement intelligent des hommes, tels qu’ils sont », il faut ajouter que son petit-fils, Antoine-Ernest Seillière, comme ancien responsable du Medef, fut sans aucun doute plus célèbre que son grand-père mais pas moins respectueux des classes dirigeantes."


    "L'influence de Frédéric Nietzsche sur la pensée européenne reste considérable. [...] Récemment, M. Andler lui a voué une ample et remarquable biographie psychologique, et un jeune universitaire plein de talent vient, sous le pseudonyme d'Amance, de publier un livre qui s'intitule tout simplement: Divinité de Nietzsche. Un beau superlatif d'hagiographie romantique ! L'Allemagne d'après guerre reste d'ailleurs plus dévote que jamais à cet apologiste de la force et le livre qu'a donné sur lui Bertram est remarquable." (p.157)

    "C'est surtout la première et la dernière philosophie nietzschéenne de l'histoire que M. Jules de Gaultier expose et commente dans un Nietzsche qui vient de paraître (aux éditions du Siècle)."

    "Toute l'exégèse allemande actuelle de son œuvre -exégèse si admiratrice le plus souvent- le proclame en effet romantique [...] De là l'essor de son génie d'expression et aussi le péril que ses suggestions font courir à son époque. L'Allemagne en appuie son mysticisme de la race, et l'impérialisme de classe qui se déchaîne autour de nous sans vouloir se reconnaître pour ce qui est s'étaierait volontiers de ses leçons pour s'encourager à la violence, en dépit de l'orientation aristocratique des thèses que je viens de résumer."
    -Ernest Seillière, "La philosophie nietzschéenne de l'histoire", in Journal des Débats, 23 juillet 1926, p. 157-160.




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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".

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    Message par Johnathan R. Razorback Jeu 21 Mar - 11:02

    https://ia802707.us.archive.org/21/items/laphilosophiede01seilgoog/laphilosophiede01seilgoog.pdf

    "L'utilitarisme est, par définition, la recherche de l'intérêt bien entendu ; autrement dit, de la plus grande somme de bonheur pour le cours de notre existence probable: il ne diffère nos jouissances que pour les mieux assurer. - Or, qu'importe, en vérité, le sort des générations lointaines à quiconque, après avoir dépassé la sphère de l'instinct pur s'est débarrassé par surcroît de toute illusion métaphysique, a cessé de craindre la colère des âmes des ancêtres, de considérer le clan ou la race comme un être vivant, menaçant, qui exige de ses fils la continuation de son existence. "Après nous le déluge", telle est trop souvent la philosophie du matérialisme conséquent et de l'individualisme moderne. C'est certes le point faible de la morale utilitaire que le souci des générations à venir." (p.III)

    "Chose singulière, si ce critique salue dans l’œuvre de Nietzsche un sélectionniste qui ne s'y rencontre guère, il répudie un impérialisme aristocratique qui y tient une place importante, et qui, dégagé de scories trop mystiques, complété par une plus large utilisation des enseignements de l'histoire, ainsi que nous allons tenter de le faire, marque à notre avis une étape importante sur la route de la morale contemporaine." (p.VI)

    "On ne peut nier à tout prendre l'influence de ses écrits, et que des éléments sains, féconds même ne s'y rencontrent en abondance." (p.1)
    -Ernest Seillière, La Philosophie de l'impérialisme, volume 2 - Apollon ou Dionysos – Étude critique sur Frédéric Nietzsche et l’utilitarisme impérialiste, Paris, Plon, février 1905, 364 pages.



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    Message par Johnathan R. Razorback Ven 12 Avr - 14:37

    « Petit-fils par sa mère du marquis de Laborde, membre de l’Institut et sénateur de l’Empire, fils d’un grand industriel lorrain qui était aussi un lettré […] Ernest Seillière est né à Paris le 1er janvier 1866. Il y fit de brillantes études classiques, et, en 1886, entra le troisième à l’École Polytechnique. C’est au cœur et à la tête de la France qu’il avait demandé de former sa pensée et son âme. Il sentait maintenant l’attirance de l’Est auquel le rattachait la tradition paternelle, et le besoin d’aller commencer, ou plutôt poursuivre chez l’adversaire cet « examen de conscience » de la France auquel il devait vouer toute sa vie. Il démissionna donc à la sortie de l’Ecole Polytechnique et suivit, durant deux années, les cours de l’Université de Heidelberg, pour la philosophie et pour l’histoire. Il y perfectionna si bien sa connaissance de la langue et de la pensée germanique qu’il pouvait écrire, en 1903, sa ravissante étude sur le conteur styrien populaire en pays de langue allemande : Peter Rosegger und die steirische Volksseele, et collaborer à des journaux ou périodiques allemands. Son œuvre devait, par ailleurs, susciter au-delà du Rhin, un vif intérêt, provoquer maintes études critiques et faire dire à M. Georg Fuschs : « M. E. Seillière est le seul Français d’autorité qui connaissance d’un peu près l’Allemagne intellectuelle du temps présent ». » (p.1-2)
    « Enfin, après quatre ans de silence et de travail, il publiait ses Etudes sur Ferdinand Lassalle, fondateur du parti socialiste allemand (1897), bientôt suivies d’un recueil d’essais : Littérature et morale dans le parti socialiste allemand (1898) ; il avait trouvé sa voie et sa première récompense. L’Académie française couronna du prix « Marcellin-Guérin » cette vie d’un célèbre agitateur allemand « qui a l’intérêt d’un roman », proclama le secrétaire perpétuel Gaston Boissier dans son rapport sur les récompenses décernées. La Revue des Deux Mondes et le Journal des Débats firent bientôt appel à sa collaboration assidue ; il était prêt. […] Au moins de mai 1914, quelques semaines avant la guerre, l’Académie des Sciences Morales et Politiques a élu M. E. Seillière membre titulaire dans sa section de morale, en remplacement de M. Ch. Waddington, professeur en Sorbonne ; il était alors de plusieurs années le plus jeune de la docte Compagnie qui proclamait de la sorte sa vaste science. » (p.2-3)
    « La « véritable assise » de sa philosophie de l’histoire, c’est l’Impérialisme. Par ce mot, réservé dans le langage courant à l’appétit d’extension des grandes nations, M. Seillière entend la passion qui fournit son ressort principal à l’activité des sociétés, des classes et des individus, la libido dominandi de la psychologie chrétienne, l’esprit de principauté de Saint-Cyran, le désir du pouvoir de Hobbes, l’instinct de souveraineté de Mandeville, la volonté de puissance de Nietzsche ; c’est la tendance essentielle de l’être vivant à la domination et à l’expansion vers le dehors, forme de tout élan vital, du vouloir vivre.
    Le « second point d’appui », c’est le Mysticisme, « auxilliaire habituel de l’effort vital », et, par ce mot, M. Seillière veut désigner, sans aucune spécification religieuse, la tendance de l’être humain, -individu ou collectivité-, à chercher dans un monde suprasensible des êtres mystérieux avec lesquels il doit établir, pour son effort vital, des relations de trêve ou d’alliance, selon qu’ils peuvent lui nuire ou l’aider ; en d’autres termes, le mysticisme serait le sentiment de posséder l’appui de quelque puissance surnaturelle qui collabore à notre activité d’expansion.
    Impérialisme et mysticisme peuvent faire et ont fait beaucoup de mal ; ils peuvent aussi faire beaucoup de bien s’ils sont contrôlés, organisés et canalusés par la Raison, clef de voûte de la philosophie de M. Seillière. Et, par ce mot, il entend le conseil et le frein de l’expérience sociale sainement interprétée et synthétisée dans la tradition religieuse morale et philosophique « qui mesure les espoirs, modère les désirs et discipline les volontés ». » (p.6-7)
    « Dès la seconde moitié du XVIe siècle, un vrai mouvement d’opinion se dessinait en Europe au profit des indigènes d’Outre-Mer. La glorification du « bon sauvage » inspirait à Montaigne son hymne à la « grande et puissante mère Nature » (quelque peu rectifié plus tard dans son chapitre des Cannibales) ; elle s’épanouit dans les Lettres Édifiantes des Jésuites missionnaires (1630-1690) qui présentent les sauvages comme des modèles de pureté primitive. Bientôt apparaît la thèse de la « bonté naturelle », car le P. Chauchetière écrit en 1694 : « Nous voyons dans les sauvages les beaux restes de la nature humaine, restes qui sont entièrement corrompus parmi les peuples policés ». » (p.12-13)
    « Le mysticisme rousseauiste de la bonté naturelle a contribué à déchaîner la Révolution de 1789 et à lui donne sa couleur propre ; -la glorification rousseauiste de l’affectivité, de la passion, de l’instinct engendra le Romantisme. » (p.28)
    « Gracchus Babeuf, le seul homme que Lénine reconnût, avec Marx, pour ancêtre authentique du bolchevisme. » (p.69)
    « La cinquième génération [romantique] de 1880 à 1910, a Zola (pendant une bonne partie de sa carrière), Maupassant, Huysmans, Henri Becque, etc. – Tolstoï en Russie, Ibsen et Strindberg dans les pays scandinaves, Nietzsche, Hauptmann, Wedekink, en Allemagne, Wilde et Shaw, en Angleterre, d’Annunzio, en Italie. – Le nom de son mal : Neurasthénie. » (p.72)
    « La raison n’est pas pour lui l’entendement pur, au sens de Descartes, Spinoza, Malebranche ; ou la faculté d’abstraire, de généraliser, de juger et de raisonner, selon la définition des psychologues contemporains. Pour M. Seillière, c’est l’expérience de l’espèce humaine synthétisée dans la tradition ; définition bien personnelle et dont le « contenu » est aussi vague et discuté que la « tradition » elle-même. » (p.79-80)
    « Il a proclamé la supériorité du mysticisme, état héroïque et créateur : « La connaissane logique ne nous fournit pas l’équivalent vital et tonique des éléments moteurs et surtout émotionnels qu’elle exclut. Comparée à la possession intime, à la participation vécue (de Dieu) que réalise la mentalité mystique, la connaissance comme possession de son objet est toujours imparfaite, insuffisante et, en quelque sorte, extérieure, l’essence de la participation mystique étant au contraire d’effacer de l’esprit tout sentiment de qualité et de permettre qu’en dépit du principe de contradiction le sujet soit tout ensemble lui-même et l’être dont il participe. » (p.83-84)
    « Il fait, à son point de vue, et non sans ironie, le procès du rationalisme : « Que sommes-nous donc, après tout, nous autres partisans des méthodes logiques et des prévisions motivées, sinon des mystiques de la raison qui plaçons dans l’étroite et brève expérience de la race humaine notre confiance pour le présent et notre espoir pour l’avenir ? … A mons avis, le rationalisme tend à proclamer l’omnipotence de la raison considérée comme une faculté qui serait à peu près achevée dans l’homme dès le début et que l’expérience sociale viendrait tout au plus manifester au cours des âges. Le rationalisme oppose raison à tradition, alors qu’en réalité la raison n’est pas autre chose que la tradition sans cesse corrigée et adaptée aux nécessités présentes à la suite d’expériences nouvelles… De là (chez les prétendus rationalistes du XVIIIe siècle français) une constante apothéose de la raison ou conscience individuelle, envisagée comme infaillible… Dans ces convictions fallacieuses, l’on ne doit pas voir autre chose qu’une forme masquée, atténué du mysticisme romantique et de la foi dans la bonté naturelle de l’homme. » (p.84-85)
    « Il a montré enfin plusieurs fois dans son œuvre […] combien le catholicisme était le « remède » à tous les égarements qu’il dénonce, le « guide » sûr de l’individu et de l’humanité. » (p.84-85)
    -J.M.L. Boudeau, Ernest Seillière. Historien du Mysticisme Romantique, Paris, Éditions Émile-Paul Frères, 1925, 172 pages.
    Seillière fait paraître en novembre et décembre 1924, dans Les Cahiers de la Nation Française, une étude sur Oswald Spengler.
    Ainsi que : Nietzsche dans le roman français, L’Opinion, 25 juillet 1908.
    « M. Seillière s’accorde avec Jules Lemaître ou avec M. Lasserre pour nous montrer dans l’auteur de La Nouvelle Héloïse, des Discours et du Contrat Social, un égotiste maladif qui fait de sa personnalité le centre du monde. »

    « M. Seillière se distingue très nettement de certains adversaires récents du romantisme. Alors que les critiques de Rousseau se montrent en général hostiles à l’œuvre de la Révolution et englobent dans la même condamnation l’idéologie romantique et le démocratisme égalitaire, il admet au contraire franchement la légitimité de la révolution, de l’impérialisme démocratique. Mais il prévoit que, peu à peu, on verra se constituer pour la défense de la société ébranlée par les héritiers des dégénérés mystiques, un parti politique nouveau, qui s’accomedra de toute forme existante du pouvoir exécutif et qui sera le parti de la Démocratie rationnelle. Ses adhérents seront individualistes, car ils écarteront le rêve d’une illusoire fraternité sans base utilitaire solide et solliciteront l’initiative privée sous toutes ses formes. Mais ils seront en même temps solidaristes en ce sens que leur individualisme de principe devra partout se plier au contrôle de la raison. L’Etat aura pour fonction non seulement de conduire à la victoire l’initiative intelligente des particuliers, mais encore de suppléer à cette initiative partout où elle se montrera incapable de réaliser, livrée à elle-même, un progrès souhaitable et possible. « Un tel parti, conclut M. Seillière, accepterait, par exemple, l’impôt sur le revenu et les retraites du travail, ces deux réformes devant être réalisées avec modération, avec prudence, et graduellement étendues. Il encouragerait le syndicalisme, sans laisser jamais les syndiqués transgresser le principe supérieur de la liberté assurée à leurs concitoyens dans les limites de la loi. Il se montrerait franchement neutre en matière religieuse, mais sympathique nettement à tout ce qui est effort moral et éducation de la volonté dans le domaine spirituel. Pour réaliser ce programme, les radicaux-socialistes les plus sincères pourraient collaborer avec les traditionnalistes dépourvus d’arrière-pensée, -tous ayant fait adhésion préalable au drapeau de la raison, définie comme l’expérience de l’humanité sociale. »
    -Henri Lichtenberger, Rencesion du Mal Romantique d’Ernest Seillière dans L’Opinion, 18 avril 1908. Cité dans J.M.L. Boudeau, Ernest Seillière. Historien du Mysticisme Romantique, Paris, Éditions Émile-Paul Frères, 1925, 172 pages, p.131-132.

    « Tandis que le Nietzschéisme a fait son temps, les leçons de la sagesse de M. Seillière sont de tous les temps. »
    -René Lote (chargé de cours à l’Université de Grenoble), La Renaissance, 2 février 1924. Cité dans J.M.L. Boudeau, Ernest Seillière. Historien du Mysticisme Romantique, Paris, Éditions Émile-Paul Frères, 1925, 172 pages, p.160.


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