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    Thomas Béraud, compte rendu de Stéphan Soulié, Les philosophes en République. L’aventure intellectuelle de la Revue de métaphysique et de morale et de la Société française de philosophie (1891-1914)

    Johnathan R. Razorback
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    Thomas Béraud, compte rendu de Stéphan Soulié, Les philosophes en République. L’aventure intellectuelle de la Revue de métaphysique et de morale et de la Société française de philosophie (1891-1914) Empty Thomas Béraud, compte rendu de Stéphan Soulié, Les philosophes en République. L’aventure intellectuelle de la Revue de métaphysique et de morale et de la Société française de philosophie (1891-1914)

    Message par Johnathan R. Razorback Mar 27 Juil - 20:16

    "L’ambition de la RMM est de dépasser l’opposition alors en vigueur entre le positivisme obtus régnant à l’université et le syncrétisme empreint de religiosité et de mysticisme qui a cours au-dehors. En déclarant vigoureusement appartenir à un idéalisme critique issu de la tradition rationaliste kantienne, il y a la volonté d’engager la philosophie dans un rôle régulateur quant aux conditions de possibilité et aux limites de la connaissance et de l’action. À l’encontre de la tendance à la spécialisation des savoirs et des disciplines qui a lieu à l’université, notamment dans les sciences humaines et sociales, et qui affaiblit la visibilité et la légitimité institutionnelle de la philosophie, la RMM propose un espace de médiation avec toutes les sciences qui devra participer de sa renaissance. C’est cette ligne de rupture avec les aînés qui va servir à son implantation dans le champ éditorial des revues philosophiques (i.e. remplacer la Critique philosophique de Charles Renouvier, qui a cessé de paraître en 1889, et surtout concurrencer directement la Revue philosophique de la France et de l’étranger, dirigée par Théodule Ribot). Formellement, cela se traduit par le choix provocateur d’employer le terme « métaphysique » dans l’intitulé d’une revue qui s’affirme rageusement rationaliste, c’est-à-dire attachée à l’exigence d’intelligibilité. Si cette stratégie de conviction ferme certaines portes d’accès faciles, elle offre en fin de compte de belles opportunités : ainsi Félix Ravaisson acceptera-t-il de rédiger l’article d’ouverture de la revue.

    "L’entreprise connaît un succès rapide grâce essentiellement à Xavier Léon. L’auteur nous rappelle qu’alors qu’il aurait pu suivre la voie royale de ses camarades, il décide de ne pas s’engager dans un travail de thèse ou une carrière universitaire afin de se consacrer exclusivement à la RMM (devenant secrétaire de rédaction). Il préfigure le rôle du médiateur intellectuel contemporain tel qu’il existe dans les revues actuelles ; suivant ce motif, il peut être qualifié sans hésitation d’« entrepreneur de morale » (au sens propre, puisque profondément républicaine et rationaliste, comme au sens sociologique donné par Howard Becker). Ce philosophe à la fois brillant et éminemment sociable, qui cependant ne se perd pas dans l’éclectisme, va constituer et mobiliser les réseaux nécessaires à la poursuite du projet. Si la revue va devenir le représentant légitime de la production philosophique nationale, ce n’est pas tant grâce à la diffusion des numéros (les tirages restent faibles) que par l’aura acquise en France et les répercussions qu’elle va obtenir à l’international, résultats de ce travail de socialisation."

    "La politique éditoriale, résolument ouverte au plus grand nombre de courants philosophiques afin de préserver l’autonomie de la discipline, va escamoter le plan annoncé d’une machine de guerre vis-à-vis du positivisme, du bergsonisme et du catholicisme (jusqu’à faire intervenir Bergson et les tenants de la « philosophie nouvelle » dans la revue) ; la réponse métaphysique que devait apporter la revue au malaise de la modernité (que l’on peut résumer par les 3D : le dérèglement social, le déchaînement des passions et le désenchantement) se dilue dans des publications dédiées surtout aux mathématiques (ce qui provoquera l’agacement d’Émile Chartier [Alain], pourtant l’un des premiers soutiens de la RMM). Le second plan visera l’institutionnalisation de la RMM suivant un système d’intégration efficace dans lequel nous trouvons outre la revue, la Société Française de Philosophie (fondée en 1901 sur l’initiative de Xavier Léon et de André Lalande), la publication des Bulletins de la SFP, ainsi que l’organisation du premier Congrès international de philosophie (en 1900). Cette fonction de régulation du travail philosophique va se traduire également par une intervention sur le contenu de la pensée. En effet, à l’occasion du tricentenaire de la naissance de Descartes, en 1896, la RMM – comprenez Xavier Léon – lance une vaste souscription destinée à la réédition complète de ses œuvres. L’objectif est de rappeler l’esprit français caractérisant le philosophe, autrement dit de le réintégrer dans la tradition philosophique nationale ; ainsi deviendra-t-il l’icône de la gauche républicaine – celle qui voue un culte à la raison, à la science et au progrès."
    -Thomas Béraud, compte rendu de Stéphan Soulié, Les philosophes en République. L’aventure intellectuelle de la Revue de métaphysique et de morale et de la Société française de philosophie (1891-1914), in Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique [En ligne], 112-113 | 2010, mis en ligne le 04 mars 2011, consulté le 27 juillet 2021. URL : http://journals.openedition.org/chrhc/2185 ; DOI : https://doi.org/10.4000/chrhc.2185



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