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    Perspectives libres

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Date d'inscription : 12/08/2013
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    Message par Johnathan R. Razorback Lun 16 Aoû - 22:00

    "
    (p.9)

    (p.11)

    (p.12)
    -Pierre-Yves Rougeyron, "Tout ce qui ne nous tue pas", éditorial in Pierre-Yves Rougeyron (dir.), Perspectives libres "Décadence", n°26, Strasbourg, Avril-Juin 2018, 448 pages.
    "
    pp.18-19

    p.20-21

    p.22

    pp.24-26

    p.25

    p.27

    p.29

    p.30
    -Ambroise Marcilhacy, "Penser la décadence", in Pierre-Yves Rougeyron (dir.), Perspectives libres "Décadence", n°26, Strasbourg, Avril-Juin 2018, 448 pages.

    "
    p.35

    p.36-39

    pp.41-42

    pp.50-51

    p.51

    pp.51-59

    p.60
    -Vincent Couric, "La décadence est un marché: Du libéral au libertaire, avec Michel Clouscard", in Pierre-Yves Rougeyron (dir.), Perspectives libres "Décadence", n°26, Strasbourg, Avril-Juin 2018, 448 pages.

    "
    (pp.72-75

    p.77

    p.81

    pp.82-83

    p.85

    p.86

    pp.88-89
    -Aurélien Valeau, "La France, puissance de jonction", in Pierre-Yves Rougeyron (dir.), Perspectives libres "Décadence", n°26, Strasbourg, Avril-Juin 2018, 448 pages.

    "
    (p.111)
    -Aurélien Bréau, "Décadence: réflexions sur la leçon chinoise", in Pierre-Yves Rougeyron (dir.), Perspectives libres "Décadence", n°26, Strasbourg, Avril-Juin 2018, 448 pages, pp.91-116.

    "
    (p.122)

    (p.124)

    p.126

    p.127

    p.128

    p.132

    p.135

    p.138

    p.139

    p.140

    pp.141-142

    pp.142-143

    p.144

    p.146

    p.147

    p.149

    p.150

    pp.153-154

    p.158

    p.160

    p.165

    p.167

    p.170

    pp.173-176
    -Ambroise Marcilhacy, "Le cinéma apocalyptique et l'archétype de la Bête de l'apocalypse", in Pierre-Yves Rougeyron (dir.), Perspectives libres "Décadence", n°26, Strasbourg, Avril-Juin 2018, 448 pages, pp.117-172.

    "Alors que les contradictions internes du capitalisme se font de plus en plus croissantes et visibles, le prolétariat européen, devant théoriquement détruire le capitalisme, s'intègre dans le système (sociale démocratie) ou défend des causes jugées, par les marxistes, purement réactionnaires (fascisme et nazisme en tête). La révolution bolchevik déçoit et la crise de 1929 ne sonne pas le glas du capitalisme.

    C'est de ces échecs que naîtra l'idée de penser Marx avec Freud, et Freud avec Marx: de l'adjonction de la psychologie freudienne au matérialisme historique marxien naîtra le freudo-marxisme, qui tentera de proposer une théorie complète de l'aliénation, à la fois économique et psychologique." (p.217)

    "Pour Freud, la libre réalisation des pulsions, qu'il nomme principe de plaisir, n'est pas compatible avec la vie humaine et, plus particulièrement, avec la vie en société." (p.219)

    "L'homme est donc plongé dans cette civilisation, hostile à la réalisation de ses pulsions (l'Éros), mais qui lui permet paradoxalement de les assouvir. Puisque la jouissance absolue est impossible, il faut à l'homme trouver un équilibre acceptable d'un point de vue de son économie psychique." (p.222)

    "Wilhelm Reich naît dans une famille paysanne désargentée le 24 mars 1897 en Galicie, à la périphérie orientale de l'Empire austro-hongrois. Il débute ses études médicales en 1918 à la Faculté de Médecine de Vienne et se révèle être un esprit brillant et précoce: il termine ses études en quatre ans, au lieu des six réglementaires. Reich se passionne très vite pour l'étude de la sexologie. [...]
    C'est en 1919 qu'il noue ses premiers contacts avec la psychanalyse, intéressé par les travaux pionniers de C. G. Jung et, surtout, de S. Freud sur la question sexuelle ; Reich s'enthousiasme, fasciné par la rupture radicale introduite par Freud dans les études sexologiques: le sexuel n'est pas seulement génital affirme le Viennois. Dirigeant désormais le séminaire de sexologie à l'Université de Vienne en compagnie d'Otto Fenichel et de Grete Bigring, Reich décide de s'engager plus avant dans l'étude de la psychanalyse." (pp.235-236)

    "Otto Fenichel (1897-1948) est une autre figure de la "gauche freudienne" ; se faisant le critique d'une dérive bureaucratique du freudisme, de sa dérive droitière, de la mise à l'écart de la gauche freudienne, de son mépris des classes populaires, il fonde l'Institut de Berlin, puis le séminaire des enfants (1924), lieux de réunion pour les freudiens de gauche. Émigrant aux Etats-Unis lors de sa période nazie, Fenichel poursuit la rédaction de ses travaux. Comme Reich, Fenichel défendra l'importance de la transformation du milieu pour une lutte efficace contre les névroses, mais restera fidèle au marxisme orthodoxe." (note 49 p.236)

    "Rencontrant Sigmund Freud, il intègre la Société psychanalytique de Vienne en 1920 et, passionnée par le sujet, propose la création d'un séminaire de technique psychanalytique approuvé par le maître, qui sera dirigé par Hitschmann et Nunberg, puis secondairement, de 1924 à 1930, par Reich lui-même. Il devient également premier assistant de Freud à la clinique psychanalytique de Vienne, avant d'en devenir médecin-chef ; il y travaillera huit années durant.

    Rapidement, malgré son admiration pour Freud, Reich défend une vision originale de la psychanalyse: il défend des positions personnelles sur la question de la génitalité qu'il considère comme centrale dans la question de la névrose. Pour Reich, la névrose est l'expression d'un trouble de la génitalité et non de la sexualité en général ; il affirme que la rechute névrotique peut être évitée dans la mesure où la satisfaction orgastique sexuelle est assurée, affirmant l'importance de cette dernière. [...] Reich défend ses travaux en publiant La fonction de l'orgasme (1927), ouvrage qui place Reich à la marge du courant psychanalytique, sans que la rupture soit alors effective. [...]

    L'activité de Reich à la clinique psychanalytique de Vienne, l'Ambulatorium, qui se propose d'offrir des soins gratuits aux plus démunis, le place au contact de la misère sociale et des pathologies névrotiques qui lui sont reliées ; Reich se questionne dès lors sur les liens existant entre conditions matérielles et troubles psychiques.

    "Mes huit années de travail comme premier assassinat, puis comme médecin-chef de la clinique psychanalytique, m'apportèrent une multitude d'aperçus et d'observations sur les névroses des économiquement faibles. Il y avait une affluence continuelle à la clinique. Les patients se recrutaient parmi les ouvriers d'usine, les employés, les gens de maison, les étudiants et les travailleurs agricoles. Chaque psychanalyste avait accepté de donner une heure par jour sans rémunération. Ce fut insuffisant. [...] Il devient immédiatement évident que la psychanalyste n'est pas une thérapeutique destinée à une application large échelle. Le problème de la prévention des névroses n'existait pas encore. Eut-il été soulevé, nous n'avions rien à offrir à cette époque.

    Ni en psychiatrie ni en psychanalyse, on n'avait coutume de questionner les patients sur les conditions sociales qui leur étaient faites. On savait qu'il y avait de la pauvreté et de misère dans leurs cas. Mais cela paraissait hors de propos. Dans la clinique, cependant, on se trouvait constamment mis en présence de ces facteurs. Souvent, l'aide sociale était la première intervention qui s'imposait. La différence fondamentale entre la clientèle privée et la clientèle d'hôpital parut soudain évidente.
    " [Reich, La fonction de l'orgasme, édition de 1978]

    Bien souvent, la psychanalyse n'est pas à même d'aider ces malades, qui, plongés dans une misère noire, ne peuvent que développer de graves troubles névrotiques ; Reich établit donc une hiérarchie, l'urgence dans ces cas est d'abord l'amélioration de la situation matérielle, amélioration qui permettra dans un second temps une thérapeutique efficace: ce n'est pas seulement les troubles du patient qui sont à l'origine de la névrose, mais la société qui crée à la chaîne des conditions favorables à l'expression de pathologies névrotiques:

    "Après deux ans de travail à la clinique, j'acquis la conviction que la psychothérapie individuelle a un rayon d'action très limité. Seule une petite fraction de ceux qui sont psychiquement malades pouvait recevoir un traitement. [...] Restait un faible groupe qui nous récompensait des efforts accomplis. [...]

    Là j'eus à me poser non pas les nobles problèmes de l'étiologie des névroses, mais la question de savoir comment il était possible à un organisme humain de tolérer si longtemps une vie semblable. Il n'y avait rien, absolument rien pour l'éclairer, rien que la misère, la solitude, les commérages des voisins, le souci du pain quotidien et, par surcroît, les tracasseries criminelles du propriétaire et de l'employeur.

    Lorsque plus tard les marxistes objectèrent que l'étiologie sexuelle des névroses n'était qu'une fantaisie bourgeoise, que seul "le besoin matériel" causait les névroses, je me rappelai les cas de ce genre. Comme si le besoin "sexuel" n'était pas aussi un besoin matériel !

    Les névroses de la classe laborieuse ne se différencient des autres que par une absence de raffinement culturel. Elles sont le sens d'une révolte plus crue et moins déguisée contre le massacre psychique auquel chacun est soumis. Le citoyen riche porte sa névrose d'une façon ou d'une autre. Chez les individus des classes laborieuses, elle prend l'aspect de la tragédie grotesque qu'elle est réellement
    ."

    Comme l'écrit [René F.] Marineau, "Reich fait le pont entre le travail analytique et le travail social, reconnaissant que le premier ne devrait que refléter un malaise plus profond de la société qui encadre et réprime la sexualité. C'est alors qu'il se met à rêver et à croire à une véritable révolution, la révolution sexuelle. Le rêve de Reich est à la mesure de ses convictions profondes, soit une révolution sociale calquée sur la révolution individuelle. Il entend réconcilier politique et psychanalyse, et ce, dans l'action. Freud et la psychanalyse lui fournissent le cadre conceptuel pour comprendre et guérir la personne dont la fonction orgasmique a été brimée."

    Révolté, assistant à de violentes répressions policières sur la population ouvrière, Wilhelm Reich s'engage dans le parti communiste autrichien en 1927.

    Cette même année, il fait part à Freud de son envie de fonder, dans les quartiers pauvres de Vienne, des dispensaires psychanalytiques gratuits afin de s'attaquer à certaines causes de la misère (avortements, contraception, éducation, délinquance). En 1928, encouragé par Freud, il fonde, avec l'aide de plusieurs médecins socialistes, des centres d'hygiène sexuelle qui connaissent une grande affluence [...] Reich débute une série de conférences parmi les ouvriers viennois sur la question de la politique sexuelle dans lesquelles il met en cause les hypocrites institutions et valeurs bourgeoises. Comme le souligne Jean-Michel Palmier, "chaque cas qu'il rencontre, chaque personne qui s'adresse à lui, adolescent ou adulte, pose un problème plus vaste que son malheur individuel. C'est au niveau de la société, de l'éducation de la famille, qu'il faut combattre les interdits et les préjugés. C'est tout un système politique, économique qu'il faut remettre en question". Ses positions commencent à effrayer ses confrères de la Société psychanalytique ; de son côté, Reich leur renvoie leur inanité théorique sur la question de la misère: est-il nécessaire de rechercher dans le complexe d'Œdipe l'apparition de troubles névrotiques chez une famille miséreuse, vivant entassé dans des taudis, écrasés par l'exploitation ?

    Reich est déçu par le propos développé par Freud dans Malaise dans la civilisation (1930) ; il lui semble que Freud recule devant les implications les plus révolutionnaires de sa théorie, défendant le rapport classique entre sexualité et culture. Reich s'oppose à l'hypothèse d'instinct de mort proposée par Freud, cette dernière conduisant la psychanalyse dans une impasse: "au lieu de devenir la critique radicale et révolutionnaire qu'impliquent les découvertes freudiennes, elle se réduit à la constatation que le malheur est inhérent à la vie et que la praxis humaine n'y peut rien changer". Reich trouve largement insuffisant de fonder une critique sociale à partir de mythes (Œdipe, Thanatos, Éros), mettant bien facilement de côté les considérations des faits, ayant abandonné le travail scientifique. Reich souhaite historiciser la psychanalyse, la replacer dans le cours d'une histoire matérielle au dépens d'une mythologie fantasmée. Décréter l'impossibilité de changer la nature répressive de la société au nom de Thanatos, l'instinct de mort, c'est se résigner à ne pas changer réellement les conditions sur lesquelles se base cette nature répressive, et donc trahir l'éthique de la psychanalyse. [...]

    Reich va largement axer sa réflexion théorique sur le champ politique, aux côtés des communistes de Vienne, établissant une critique radicale de la société, au nom, à la fois, du marxisme et de la psychanalyse: "au cours de ces travaux précédent, il avait mis l'accent sur l'importance des facteurs sociaux dans l'étiologie des troubles névrotiques ; il entreprend à présent de démonter les mécanicismes de l'idéologie et du système qui les suscite."

    En 1933, il publie un court texte, véritable manifeste freudo-marxiste, Matérialisme dialectique et psychanalyse [...] Il souligne toutefois que la psychanalyse n'a pas vocation à empiéter sur le propos sociologique ; elle n'est qu'une auxiliaire [sous forme de psychologie sociale]. [...]

    La conception bourgeoise de la sexualité, qui affirme que son but naturel est la procréation, est à l'origine des différentes habitudes sociales répressives et origines de névroses: la sanctification de la famille et du mariage, le refus de reconnaître l'importance de la sexualité prépubère et adolescente, l'interdiction des relations avant le mariage ou extra-conjugales et l'interdiction de l'avortement. [...]

    Reich se rend à Berlin en 1930 afin de poursuivre son engagement révolutionnaire, essayant de fonder, sous la tutelle du parti communiste allemand, un mouvement de masse qui soulignera la nécessité de "politiser la question sexuelle en tant que revendication au bonheur". En 1931 il fonde l'Association pour une Politique sexuelle prolétarienne (SEXPOL), organisation pensée pour combattre l'influence de l'Eglise et de la famille bourgeoise dans la jeunesse, compléments indispensables de l'idéologie dominante.

    "La psychanalyse d'individus de tous les âges, de toutes les couches sociales montre que la conjonction des structures socio-économiques et sexuelles de la société ainsi que sa reproduction structurelle s'opèrent au cours des quatre ou cinq premières années de la vie par les soins de la famille autoritaire. L'Eglise ne fait ensuite que perpétuer cette fonction. Ainsi, l'Etat autoritaire trouve un intérêt majeur dans la famille autoritaire : elle est la fabrique où s'élaborent sa structure et son idéologie. [...] La structuration autoritaire de l'homme se produit -ce qu'il s'agit de ne jamais perdre de vue- en premier lieu par l'ancrage d'inhibitions et d'angoisses sexuelles dans la matière vivante des pulsions sexuelles."[Reich, La psychologie de masse du fascisme]

    Très rapidement, 20 000 membres rejoignent le mouvement, majoritairement en provenance des Jeunesses communistes. SEXPOL s'attire les foudres des moralistes de tout bord, mais inquiète également les autorités communistes allemandes qui craignent l'influence grandissante de Reich au sein de la jeunesse communiste.

    En 1933 Reich sort son grand livre, La psychologie de masse du fascisme dans lequel il s'attaque à ce qu'il appelle le "marxisme vulgaire", qui se refuse à saisir la problématique sociale dans son ensemble. L'évolution économique donne raison à la pensée marxiste, pourtant, souligne Reich, le fascisme, irrationnel et réactionnaire, ne cesse de croître ; croissance que le marxisme ne peut expliquer rationnellement. Cet angle mort de la pensée marxiste se trouve être dans son refus de penser la psychologie des masses, seule manière de saisir les raisons de la poussée nazie en Allemagne. [...]

    "Nous avons l'intention de mettre en évidence [...] l'erreur de calcul commise jusqu'ici par tous les combattants de la liberté: l'absence de liberté sociale est caractérisée par son ancrage sexuel et physiologique dans l'organisme humain. Il s'ensuit que la dominance de l'inaptitude physiologique à la liberté est un des préalables fondamentaux de tout vrai combat pour la liberté."

    "La soif d'argent et la soif de puissance sont des produits de remplacement, maintenus par l'engourdissement biologique des masses, "ersatz" du bonheur d'aimer irréalisé.

    La répression de la vie sexuelle naturelle des enfants et des adolescents vise à structurer des défenses consentantes et reproductrices de la civilisation mécaniste et autoritaire.
    "[Reich, La psychologie de masse du fascisme]

    En 1934, La psychologie de masse du fascisme de Reich est condamné par le Parti communiste allemand, livre suspect de "trotskisme" [...] Reich est alors expulsé du parti.

    Plusieurs raisons expliquent ce rejet ; tout d'abord, la place de la psychanalyse en U.R.S.S. qui, d'acceptée, va devenir, à partir de la fin des années 1920, ennemi de la révolution car organe bourgeois. [...] De plus, la critique que Reich fait de l'Union soviétique ne passe pas ; s'il avait été enthousiasmé par les premiers temps de la Révolution, et de l'ambiance favorable à la libération sexuelle, il se fait le dénonciateur de la répression puritaine et stalinienne autour de la question sexuelle qui se déroule en U.R.S.S. Enfin, sur le plan tactique, Staline avait demandé au P.C. allemand de focaliser la critique sur les démocrates [de gauche] -les "sociaux-fascistes" alors que Reich souhaite priorisé sa critique sur le nazisme. Reich est en opposition totale avec la ligne stalinienne du P.C. allemand. [En 1942, il dénoncera la poursuite de l'exploitation des ouvriers en Union soviétique].

    Ses rapports avec la Société psychanalyste de Vienne se détériorent également ; ses prises de position autour de la primauté qu'il accorde à la génitalité et ses engagements politiques et sociaux le mettent en porte à faux avec une organisation relativement "conservatrice". [...]
    En août 1934, l'Association psychanalytique tient son Congrès à Lucerne: se rendant en Suisse, Reich apprend, la veille de l'ouverture, qu'il n'est pas autorisé à y participer, ni à lire sa communication. Il est ensuite exclu du mouvement freudien, sous l'impulsion directe de Sigmund Freud. "Reich, écrit [Jean-Michel] Palmier, était parvenu à se brouiller avec la presque totalité des membres de l'association. [...] Violent, enthousiaste, Reich ne ressemblait guère à ces analystes parfaitement intégrés dans la bourgeoisie européenne. Ce fut lorsqu'il devint une personnalité importante du Parti communiste autrichien et du Parti communiste allemand que l'on commença à s'inquiéter réellement de ses activités. [...] On comprend que les analystes de l'Association se soient inquiétés des conséquences que pourraient avoir sur le mouvement et leur réputation les activités politiques de leur surprenant collègue. [...] Ne risquait-il pas de discréditer une science qui avait eu tant de difficultés à se faire accepter et reconnaître ?"

    Exclu du parti, rejeté du mouvement psychanalytique, Reich est menacé personnellement par l'arrivée au pouvoir des nazis ; d'origine juive, communiste et psychanalyste, il est une cible privilégiée [et la Gestapo fait brûler ses livres]. Il émigre alors à Copenhague, en Suède puis en Norvège jusqu'en 1939. Reich se désintéresse alors de la politique ; les premiers signes de paranoïa semblent alors poindre à cette période. [...]

    Il abandonne rapidement la théorie freudienne pour la remplacer par une théorie mystico-biologique franchement délirante [et sombre dans la folie jusqu'à sa mort en 1957]."(pp.236-258)
    -Léo Imbert, "Le Freudo-marxisme. Ebauche historico-théorique", in Pierre-Yves Rougeyron (dir.), Perspectives libres "Décadence", n°26, Strasbourg, Avril-Juin 2018, 448 pages.


    pp.260-284



    _________________
    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".

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    Message par Johnathan R. Razorback Lun 27 Sep - 17:10

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    Message par Johnathan R. Razorback Lun 27 Sep - 17:11

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    Message par Johnathan R. Razorback Lun 27 Sep - 17:11

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    Message par Johnathan R. Razorback Lun 27 Sep - 17:23

    "Si le mot gaullien avait un sens, ce serait d'une lutte acharnée contre la mort et plus encore contre l'assentiment au déclin et à la disparition." (p.10)

    "Le souverain ou l'homme de caractère [...] est soumis à une obligation de faire comme si [...] qui passe pour du romantisme, alors que c'est une forme supérieure de réalisme." (p.11)

    "Ce bergsonien était fondamentalement un vitaliste." (p.12)
    -Pierre-Yves Rougeyron, "Dans la vallée du roi", éditorial in Pierre-Yves Rougeyron (dir.), Perspectives libres "De Gaulle au XXIe siècle", n°19, Strasbourg, Juillet-Septembre 2016, 347 pages.

    "Villepin mobilisait [...] De Gaulle pour défendre en 2005 une constitution européiste dont le but était clair: enkyster plus profondément la France dans un organisme atlantiste dont le général avait retardé l'avènement." (p.16)

    "Le gaullisme, c'est Proudhon plus l'Etat." (p.26)
    -Yannick Jaffré "De Gaulle: sous la statue, le volcan" in Pierre-Yves Rougeyron (dir.), Perspectives libres "De Gaulle au XXIe siècle", n°19, Strasbourg, Juillet-Septembre 2016, 347 pages.

    "Profitant de sa retraite, l'ancien président effectue ce voyage à titre privé et il aurait d'ailleurs pu passer inaperçu s'il n'avait pas rencontré Francisco Franco en personne au palais du Pardo, dans la banlieue de Madrid, le 8 juin [1970]. Les deux hommes s'y entretiennent pendant trois quarts d'heure et la propagande franquiste ne manque pas de souligner la venue d'un invité aussi prestigieux. Les réactions en France sont, au contraire, très négatives: comment l'homme de la France libre, l'officier de renom, la voix d'un pays indépendant des deux grands blocs de l'époque, l'homme d'Etat qui a toujours défendu la démocratie dans le monde, peut-il accepter de serrer la main d'un putschiste, d'un dictateur qui dirige l'Espagne d'une main de fer depuis 1939, réprimant ses opposants et déniant à sa propre population bon nombre de libertés fondamentales ? Même les gaullistes de toujours ne comprennent pas. André Malraux, ministre de la Culture de 1959 à 1969, fulmine. Lui qui s'est clairement engagé aux côtés des républicains durant la Guerre civile espagnole (1936-1939), ne manque pas de s'élever durement contre la décision du général de Gaulle. Jean Mauriac, ancien membre de la Résistance et fils du célèbre écrivain, se montre pour le moins dubitatif." (p.34)

    "Il est aujourd'hui admis que Charles de Gaulle a exercé une forte influence, voire une forme de fascination sur les autorités franquistes et, plus généralement, sur la société espagnole de l'époque." (p.36)

    "Le monde politique hexagonal, très influencé par un Parti communiste puissant, finit par abandonner l'idée d'une poursuite de la Seconde Guerre République espagnole en exil. Ainsi la France concède-t-elle, le 21 avril 1945, le statut de réfugiés politiques aux républicains espagnols installés sur son territoire, dont beaucoup ont participé à la Résistance. Le 21 février 196, l'exécution à Madrid de Cristino Garcia, guérillo antifranquiste et membre du maquis ardéchois, provoque une vive polémique diplomatique franco-espagnole. En répone à cette décision, le gouvernement français fait fermer la frontière pyrénéenne le 1er mars -cette dernière ne rouvre que le 10 février 1948. C'est notamment l'oeuvre de Georges Bidault, membre du Mouvement républicain populaire et alors ministre des Affaires étrangères, qui déclare avec pragmatisme: "Il n'y a pas d'oranges fascistes, il n'y a que des oranges". Les relations économiques entre les deux pays prennent en effet le pas sur les considérations d'ordre politique ou idéologique, d'autant que les capitaux français outre-Pyrénées sont considérables et que le patronat fait pression sur le gouvernement en ce sens. Le général de Gaulle lui-même avait déclaré en 1945 à propos des relations bilatérales: "Les pyrites n'ont pas de parti". Il faisait référence à ce minerai de disulfure de fer largement exploité en Espagne (notamment dans le Sud et le centre du pays) et dont les exportations vers la France étaient cruciales." (p.41)

    "Il tente [...] de poursuivre et d'accentuer la politique qui avait été menée par le gouvernement de René Pleven (1950-1951), lequel avait accédé aux demandes de Madrid et rendu illégales les organisations et publications communistes espagnoles basées en France." (p.42)

    "L'échec des négociations entre le caudillo et Adolf Hitler à Hendaye, le 23 octobre 1940, n'efface pas l'envoi sur le front russe de la Division bleue (Division azul), chargée de combattre le bolchévisme aux côtés de la Wehrmacht." (p.46)

    "C'est [...] ce soutien [français] de poids qui permet à notre voisin [d'adhérer à l'Organisation européenne de Coopération économique en juin 1959]." (p.48)

    "Les gouvernements du Général cherchent à consolider le réseau des chambres de commerce en Espagne (Madrid, Barcelone, Valence et Saint-Sébastien). [...] La diplomatie gaullienne, souvent sous l'égide du général lui-même, cherche donc entre 1958 et 1969 à maintenir et accroître le rôle économique de la France outre-Pyrénées, souvent avec succès." (p.52 et p.55)

    "En 1969, au terme de dix ans de négociation, Fernando Maria Castiella et son homologue français, Michel Debré, signent un ambitieux Accord franco-espagnol de Coopération culturelle, scientifique et technique. La conviction générale dans notre pays, soulignée par Esther M. Sanchez Sanchez, est la suivante: "Qui lit français, achète français."." (p.59)

    "A l'issue de la Guerre Civile, environ cinq cent mille personnes ont quitté l'Espagne pour des raisons politiques -elles appartiennent au camp des vaincus et préfèrent éviter la répression, l'emprisonnement ou la mort. La Retirada a d'ailleurs été très mal gérée par les autorités de la Troisième République, qui se sont laissé déborder par l'afflux des combattants défaits et de leurs familles et qui les ont généralement parqués dans des conditions déplorables, particulièrement dans les Pyrénées-Orientales." (p.67)

    "La condescendance et l'ignorance à l'égard de nos sœurs latines (et spécifiquement de l'Espagne [...]) remontent au moins au XVIIIe siècle." (p.75)

    "La droite espagnole met longtemps à se revendiquer de la démocratie -elle ne le fait réellement que lors du "gouvernement long" (1907-1909) du conservateur Antonio Maura."(p.81)
    -Nicolas Klein, "Chronique d'un rendez-vous raté: la France gaullienne et l'Espagne franquiste" in Pierre-Yves Rougeyron (dir.), Perspectives libres "De Gaulle au XXIe siècle", n°19, Strasbourg, Juillet-Septembre 2016, 347 pages.

    "Ce serait se méprendre profondément sur de Gaulle que de voir en lui un apprenti Bonaparte, une figure césarienne menaçant les libertés publiques [...] Il sut se montrer fort critique (notamment dans La France et son armée) à l'encontre de la figure de Bonaparte qui avait, lui, dissocié la grandeur de la modération, écrasé la liberté publique et succombé à la tentation de la sur-extension impériale." (p.85)

    "De Gaulle écrit que "lorsque les événements deviennent graves, le péril menaçant", les choses commencent à changer et les hommes ordinaires deviennent des hommes de caractère "tout comme l'aimant attire le fer". La confiance des "petits" exalte l'homme de caractère et lui donne un sens du devoir. Il n'est désormais plus solitaire ou autarcique. Il est mu par la bienveillance "dans la mesure où il est protecteur-né". [...] Son âme est mue par la générosité. [...]
    Le sens gaullien de la grandeur politique et personnel est profondément imprégné de christianisme, par un approfondissement et un élargissement des obligations de l'âme à d'autres." (p.87)

    "Ses lettres à sa femme Yvonne sont souvent affectueuses et ne révèlent pas un pater familias dur et insensible. Leur relation était empreinte d'amour, d'affection [...] Y compris pendant les années de la France Libre à Londres, de Gaulle trouva du temps pour sa famille au milieu de ses responsabilités politiques et militaires graves. [...] Dans ses lettres il était toujours "papa" ou "papa affectueux" et il n'était ni expansif dans son affection ni dur et froid avec ses enfants (Lacouture se rappelle d'un tendre grand-père à Colombey-les-Deux-Eglises [...] qui aimait se promener avec ses petits-enfants [...] Il riait même à l'occasion." (p.89)

    "Il avait une relation spéciale, marquée par un amour profond et constant pour sa fille Anne qui était née le jour du nouvel an 1928 atteinte de trisomie 21. Elle devait vivre vingt ans et fut enterrée à Colombey-les-Deux-Eglises avec Charles et Yvonne de Haulle. [...] Il jouait avec elle après être revenu du travail, l'embrassait, lui chantait des chansons et l'autorisait à jouer avec son képi militaire. [...]
    Chez de Gaulle, nous ne voyons pas de mépris nietzschéen pour le faible, le handicapé, le souffrant." (p.90)

    "Et de la mort de Churchill en 1965 jusqu'à la sienne en novembre 1970, de Gaulle écrivit à Clémentine Churchill chaque janvier le jour de l'anniversaire de la mort de Churchill. A la différence de l'homme magnanime d'Aristote, de Gaulle avait un don pour voir la grandeur chez les autres. Il était capable d'être sincère dans son admiration." (p.92)
    -Daniel J. Mahoney, "L'amitié et la solitude de la Grandeur: le cas Charles de Gaulle" in Pierre-Yves Rougeyron (dir.), Perspectives libres "De Gaulle au XXIe siècle", n°19, Strasbourg, Juillet-Septembre 2016, 347 pages.

    "Jacques Rueff, un économiste néo-libéral et un membre de la société du Mont Pélerin de Hayek fut chargé après la prise de pouvoir de de Gaulle d'éliminer toute trace d'inflation de l'économie française, ce qu'il réussit par la mise en place d'une réforme monétaire et par une rigueur fiscale intransigeante. Ceci permis d'augmenter le taux d'exploitation des travailleurs. La croissance salariale pendant l'ensemble de la période gaulliste (jusqu'en 1969) demeura inférieure à la moyenne de l'Après-guerre, alors que la productivité s'accrut. [...] Un "fordisme de la Deux-Chevaux" [...] renforça le capitalisme français ce qui lui permit d'entrer en compétition avec le contexte ouest-européen en cours de libéralisation, notamment face à une Allemagne de l'Ouest en résurgence." (p.101)

    "Des protocoles secrets contraignaient chaque service de Sécurité d'Etat des pays de l'OTAN à apporter leur concours pour empêcher les partis communistes d'arriver au pouvoir, avec des arrangements particuliers pour la France et l'Italie. Selon un document adressé aux Joint Chiefs of Staff américain de 1952, des actions "politiques, paramilitaires et psychologiques" tenues secrètes y compris des gouvernements locaux faisaient partie du scénario de l'OTAN. Il existait en réalité une armée de l'ombre anti-communiste dirigée par François de Grossouvre, dont la trajectoire fut globalement identique à celle de Mitterrand, dont il fut pendant longtemps un conseiller rapproché. Mais l'expulsion par de Gaulle des quartiers généraux militaires de l'OTAN du sol français peut être vu comme ayant empêché la mise en place d'une stratégie de la tension dans les années 1970 et 1980 et protégea la France des opérations sous faux drapeau meurtrières lancées pour discréditer la Gauche qui ensanglantèrent l'Italie." (p.101)

    "De Gaulle [...] eut un gouvernement favorisant la classe capitaliste et plus particulièrement ses fractions modernisatrices. Les cadres industriels tout comme le capital financier connecté à l'industrie souhaitait un renforcement du pouvoir exécutif au détriment du pouvoir parlementaire [...] Le banquier, Emmanuel Monick, recommandait déjà en 1945 l'installation en France d'un "monarque républicain" dans un ouvrage coécrit par Michel Debré ; Léon Noël, le directeur de Rhône-Poulenc titra un pamphlet de 1956 où il brisait la lance contre les lenteurs parlementaires [...] Après l'investiture de de Gaulle en tant que "monarque républicain", Monick devint le président de la banque industrielle du développement du pays par excellence, Paribas, tandis que Noël devint le président du Conseil Constitutionnel." (p.102)
    -Kees Van Der Pijl, "De Gaulle et l'héritage de l'Etat directeur" in Pierre-Yves Rougeyron (dir.), Perspectives libres "De Gaulle au XXIe siècle", n°19, Strasbourg, Juillet-Septembre 2016, 347 pages.

    "Cameron va essayer de nier la volonté du peuple britannique s'il choisissait le Brexit. Le Royaume-Uni pourrait voter la sortie le 23, mais Cameron, la "City de Londres", les grands groupes multinationaux britanniques à qui profitent les 47% d'exportations britanniques vers l'UE, et les intérêts économiques britanniques, qui auraient beaucoup à perdre d'une sortie, vont manœuvrer pour ignorer l'option Brexit si jamais elle gagnait le référendum." (p.177)
    -Jack Rasmus, "Brexit - Le pacte faustien de Cameron" in Pierre-Yves Rougeyron (dir.), Perspectives libres "De Gaulle au XXIe siècle", n°19, Strasbourg, Juillet-Septembre 2016, 347 pages.

    "Sur les questions centrales, l'Allemagne domine la BCE de la même manière que son influence sur la Commission Européenne est déterminante. [...]
    Si vous regardez le rapport entre la dette grecque et le PNB avant que l'Allemagne ne devienne dominante grâce à ses exportations à bas prix, le problème n'existait pas. Les origines des dettes de la Grèce et des autres pays de la périphérie de la zone euro se trouvent dans la domination allemande de la structure faible de l'union monétaire grâce à la BCE et ses alliés. [...]
    A la différence des Etats-Unis, vous ne disposez ni d'une union fiscale ni d'une véritable union bancaire. En Amérique, lorsqu'un secteur économique géographiquement localisé rencontre une difficulté (à l'image de l'effondrement du pétrole au Texas), le gouvernement redistribue de l'argent frais via les revenus fiscaux. Il peut ainsi injecter de la monnaie dans ces secteurs pour favoriser une stabilisation de la croissance. L'Union Européenne ne dispose pas de cet outil et l'Allemagne s'y opposerait puisqu'elle ne souhaite pas abandonner un système dont elle bénéficie au détriment des périphéries." (p.180 et pp.181-182)

    "Maintenant que l'économie connaît un ralentissement mondial, la logique globale en Europe est celle de la dévaluation interne. Il s'agit de faire baisser les coûts du travail afin de dégager un avantage comparatif. L'Allemagne a poussé l'ensemble de l'Europe à adopter cette stratégie par l'intermédiaire de l'euro. [...]
    En France, la loi El Khomri en est un exemple parmi d'autres. Une partie du programme d'austérité imposé à la Grèce est désormais dans les cartons gouvernementaux en Italie ou en Espagne. Tout ceci découle d'une volonté allemande: en contrôlant l'euro elle impose à ses partenaires désireux de faire croître leur économie via les exportations une réduction du coût de leur main d'œuvre." (pp.184-185)

    "La classe ouvrière [britannique] ne tirait aucun bénéfice de l'Union européenne, au moins depuis une décennie, et a donc voté contre elle." (p.190)
    -Jack Rasmus, "Le pillage de la Grèce", in Pierre-Yves Rougeyron (dir.), Perspectives libres "De Gaulle au XXIe siècle", n°19, Strasbourg, Juillet-Septembre 2016, 347 pages.

    "L'élection de Trump a également fait mentir la deuxième loi d'airain de notre vie démocratique contemporaine: celui qui dépense le plus gagne. [...] Hillary Clinton a dépensé 1.3 milliards de dollars dans sa campagne. Trump s'est contenté d'une somme plus "modeste", 795 millions." (p.212)
    -Julien Funnaro, "Last Trump Romance", in Pierre-Yves Rougeyron (dir.), Perspectives libres "De Gaulle au XXIe siècle", n°19, Strasbourg, Juillet-Septembre 2016, 347 pages.

    "En 1338, Ambrogio Lorenzetti finit ses fresques sur l'allégorie du Bon et du Mauvais Gouvernement dans le hall de la mairie de Sienne. La fresque symbolisant le bon gouvernement présentait des commerces florissants, de beaux bâtiments et des citoyens dansant jouissant de leur oisiveté. Le mauvais gouvernement est présenté comme synonyme de ruine, de viol, de vol et de meurtre. Cette allégorie représente la vision optimiste de la Renaissance du potentiel insoupçonné de l'Homme pour améliorer sa propre situation. Il voyait l'histoire comme un processus d'optimisation continu où "les dons et la volonté de l'Homme" employés pour surmonter les forces de la Nature regorgeaient d'un potentiel incroyable pour améliorer son lot qutodien: "la frontière infinie du savoir"." (pp.223-224)

    "L'utilité de l'Etat dans ce processus découle du concept de Bien Commun de la Renaissance [...] Nous emploieront le terme "d'Etat de la Renaissance" pour décrire un type d'Etat idéaliste et inscrit dans une logique patrimoniale qui [...] fut un "point de passage obligé" pour l'ensemble des nations actuellement industrialisées après les avoir fait pénétrer dans des domaines d'activités économiques qui créaient un bien-être commun par l'entremise des rendements croissants et des boucles de rétroaction positives." (p.224)

    "Les nations est-asiatiques ont réussi en suivant des stratégies fort similaires à celles adoptées par l'Angleterre (dès les années 1480) avant d'être suivies par l'ensemble actuellement industrialisés." (p.229)

    "Un point de départ important est que, selon notre voisin, la science économique contemporaine orthodoxe -perçue comme un conglomérat de variantes respectant tous les paradigmes néo-classique- pêche de manière fondamentale par un manque de théorisation du développement économique qui n'est perçu que comme un processus permettant l'adjonction du capital au travail. En 1956, l'économiste de Standford Moses Abramowitz montra que l'accumulation de capital n'était responsable que de 10 à 21% de la croissance économique américaine -ce qu'il considérait, pour reprendre ses termes "comme un bon indicateur de notre ignorance quant aux causes de la croissance économique." (p.231)

    "Nous pourrions estimer que les facteurs dont nous faisons la liste plus bas devrait être considérés comme des facteurs "réactants" qui, lorsqu'ils sont tous présents -et seulement à ce moment- sont à la source du bien-être économique. Ces "réactants" ont été découverts couche après couche par la science économique moderne, en commençant par le début de la liste qui suit. [...]

    -Les marchés.
    -Le capital.
    -La technologie (la partie "techno": les nouveaux outillages).
    -La technologie (la partie "logie": les nouveaux savoirs et les nouvelles compétences).
    -L'attitude vis-à-vis du nouveau savoir (sur le plan individuel comme national).
    -Les aspects systémiques donnant naissance à des mécanismes de cercles vertueux positifs (les rendements croissants, "la taille et l'échelle").
    -La volonté rationnelle de l'Homme ("la volonté et le talent").

    La théorie économique contemporaine orthodoxe actuelle se limite en réalité aux deux premiers facteurs. Les marchés et les capitaux sont évidemment nécessaires mais ne sont bien sûr pas les seules pièces qui permettent de reconstituer le puzzle de la croissance économique. De nouveaux travaux intitulés "l'économie évolutionnaire", mis en avant par ce que l'OCDE appelle le TEP (Technology and Economy Programme), incluent également le facteur 3 et de plus en plus le facteur 4.
    Un autre trait frappant de la science économique d'Adam Smith -outre son dégoût pour les institutions humaines déjà mentionné- vient de ses démonstrations alambiquées pour prouver que la création de savoir, de la perspective d'un individu comme de celle de la société, est un jeu à somme nulle. [...] Le message contredisant Adam Smith s'impose progressivement [...] Les nations qui cessent d'innover ne maintiennent pas leur niveau de vie et le voient fondre même si elles conservent la même efficacité." (pp.232-233)

    "Une autre dimension particulièrement importante au phénomène de la croissance économique demeure le fait qu'elle semble être le produit d'un nombre d'effets systémiques qui ne sont pas saisis par des théories étudiant de manière atomistiques les acteurs pris dans un système. [...] La croissance économique se répand dans l'économie essentiellement sous une ou deux formes: soit par des salaires plus élevés pour le producteur ou bien par des prix plus bas pour le consommateur. Dans un système fermé, les deux modes de collecte des bénéfices découlant des changements techniques n'aurait aucune différence notable. Dans un commerce international entre deux marchés du travail de plus en plus différents, obéissant en plus à une logique asymétrique (échange de produits à rendements croissants en échange de produits à rendement décroissants), la manière dont les gains de la croissance sont redistribués prend au contraire toute son ampleur. [...]

    Le mode collusif de distribution des revenus avait lieu dans un système qui s'était établi dans l'ensemble des pays industrialisés par la grâce des barrières douanières créées pour protéger la production de masse fordiste. Des demandes pour obtenir des salaires monétaires plus importants furent satisfaites alors qu'au même moment la monnaie se fit plus abondante, se mettant au minimum au diapason avec l'accroissement de la production nationale physique. Dans le modèle parfaitement compétitif classique de la redistribution de revenus, les gens auraient du devenir plus riches par une augmentation de leur niveau de vie permise par la baisse des prix -tout comme Adam Smith et Ricardo l'avaient prédit- et non pas par l'augmentation des salaires monétaires. [...]

    Les conséquences pratiques dans la distribution des revenus mondiaux créés par les deux modes différents de distribution des bénéfices du changement technique peuvent être très bien vues dans le secteur traditionnel des services. Dans ce secteur gigantesque de l'économie, il n'y a généralement pas de grandes différences de productivité entre les employés du monde industrialisé et ceux du Tiers Monde. Un conducteur de bus, un coiffeur ou une femme de chambre sont à peu près autant productifs en Bolivie ou en Haïti qu'en Norvège ou en Italie. Pourquoi donc les coiffeurs et les conducteurs de bus de Bolivie ou d'Haïti disposent de salaires réels qui ne représentent qu'une fraction -de l'ordre de 10 à 20%- de ceux qui peuvent être perçus par leurs confrères italiens ou norvégiens ? Pourquoi la main invisible gratifie des personnes ayant la même productivité de salaires si divergents en fonction des économies nationales où ils évoluent ? Nous pourrions émettre l'idée que c'est le résultat [d'effets systémiques] créées par des bénéfices résultants des mutations technologiques dans les activités à rendements croissants sont répartis selon une logique collusive, dans les salaires monétaires plus élevés de la main d'œuvre locale plutôt que dans la baisse des prix à l'échelle internationale. [...] L'existence d'activités à rendements croissants -ainsi que les barrières à entrées afférentes- crée un bien commun national qui octroie au conducteur de bus norvégien des salaires moyens qui sont cinq fois supérieurs à ceux de ses confrères boliviens pourtant aussi productifs." (pp.233-234)

    "L'idée que le nouveau savoir est une des forces fondamentales était fondamentale dans les politiques économiques de la Renaissance." (p.235)

    "Les sciences sociales, s'intéressant aux objectifs et aux valeurs (à la différence des lois) devraient aspirer à comprendre [...] Les relations qualitatives sont au centre des [...] Humanités [...] Un aspect crucial de ces sciences découle donc de l'impossibilité de les réduire à des sciences naturelles. Bien que la science économique se préoccupe de chiffres, il existe également un espace incommensurable entre le nombres (les quantités) et certains aspects de la science économique, tels les talents et la volonté de l'Homme." (p.236)

    "Leibniz estimait qu'un système de santé national devait être établi." (p.242)

    "Toutes les stratégies efficaces pour rattraper les nations les plus riches [impliquent de tenir compte du fait que] le libre commerce n'est pas désirable tant que la nation n'a pas créé un avantage comparatif dans les activités économiques "judicieuses" (qui, entre autres, sont fondées sur les compétences plutôt que sur les ressources)." (p.244)

    "Complètement absente de la théorie économique contemporaine [...] Les infrastructures sont des facteurs clefs pour étendre les marchés." (p.244)

    "Fixer des normes a été une tâche extrêmement importante pour l'Etat, du point de vue néo-classique de l'amoindrissement des coûts de transaction, du point de vue évolutionnaire pour former une base pour une production de masse standardisé." (p.244)

    "L'Etat a clairement un rôle important pour créer de la demande de manière générale. En partant des taudis victoriens qui n'offraient qu'une demande de subsistance, une meilleure distribution des revenus à partir d'un gâteau économique en augmentation permis la naissance des marchés de masse. Ce développement rendit la production industrielle et le "fordisme" possibles, notamment à travers l'établissement de salaires minimum." (p.245)

    "Un des premiers best-sellers de la science économique, Delle Cause della Grandezza delle Citta, rédigé par Giovanni Botero (1543-1317) [...] La traduction anglaise fut publiée à Londres en 1606 sous le titre The Cause of the Greatnesse of Cities." (p.251)

    "Richard Cobden -le champion du libre commerce- vit dans l'élimination des Lois sur le Blé un moyen d'affaiblir les industries des autres pays. Cobden considérait que le prix élevé du blé était la principale raison qui avait empêché l'Angleterre d'avoir un quasi-monopole sur l'industrie moderne. Pour Cobden, la libre circulation du blé était avant tout un moyen d'empêcher d'autres nations de mener le quasi-monopole britannique en termes d'exportations manufacturées:

    "Le système des usines n'aurait, selon toute probabilité, vu le jour en Amérique ou en Allemagne ; il n'aurait certainement pas pu fleurir, comme il le fit, dans ces deux Etats ni même en France, en Belgique et en Suisse si la nourriture au coût extrêmement élevé vendu par chaque artisan britannique à l'industrie la plus modeste n'avait pas obéré la compétitivité de notre industrie." (p.256)

    "Henry VII [voulut] lancer une industrie textile britannique lorsqu'il arriva au pouvoir en 1485: alors qu'il vivait en France avec sa tante, le futur roi d'Angleterre avait observé que non seulement les producteurs de textile français (qui obtenaient l'ensemble de leurs matières premières -la laine et la terre de Fuller- d'Angleterre) étaient bien plus riches que leurs fournisseurs anglais mais aussi que la richesse percolait sur l'ensemble de la communauté: là où se trouvait des industries, les boutiquiers étaient également plus riches."(p.258)

    "L'un des traités économiques les plus remarquables avant ceux d'Adam Smith est, selon mon opinion, sans nul doute l'ouvrage de 1613 d'Antonio Serra, Un Bref Traité sur les Causes qui rendent l'Or et l'Argent abondants dans les Royaumes où il n'y a pas de Mines." (pp.259-260)

    "Le problème fondamental de la théorie néo-classique et de la pensée qui se trouve derrière les politiques de la Banque mondiale à notre époque vient du fait qu'elles reposent sur l'hypothèse implicite que l'ensemble des activités économiques sont "identiques". Ces théories échouent à incorporer la présence ou l'absence de rendements croissants et donc le commerce asymétrique -le commerce entre des nations exportant des produits des activités à rendements croissants (qui créent des "systèmes s'auto-catalysant") et des nations exportant des activités à rendements décroissants. La "Nouvelle Théorie de la Croissance" combine de manière explicite les rendements croissants avec la compétition parfaite ce qui, selon mon opinion, est basé sur une me-représentation fondamentale de la manière dont tout nouveau savoir est conçu et diffusé. [...] La plupart de ces économistes perpétuent le concept d'égalisation du facteur-prix. Quelques rares articles en théorie de la nouvelle croissance s'ouvrent à la vision du monde sur laquelle notre article se fonde -soit les différences inhérentes entre les activités économiques comme constituant le point de départ pour expliquer la richesse et la pauvreté actuelle des nations." (pp.265-266)

    "Rôle joué par l'Etat d'Henri VII d'Angleterre à partir de 1485. Il força les entrepreneurs afin qu'ils établissent une industrie textile en Angleterre. Ceci obéit pour nous à la même logique de passer par un point obligatoire, comparable à celui qui put être observé lorsque le gouvernement coréen obligea Samsung à quitter ses activités de négoce pour se mettre à produire des semi-conducteurs dès le début des années 1980. Les autres mesures de politiques -les formes de primes, de crédit à bas coût, de protection temporaire des marchés locaux, etc.- sont étonnamment similaires dans les deux cas. [...] Dans les deux cas, les activités dépendantes des ressources -en l'absence d'une base industrielle forte- ne furent pas considérées comme capables de faire se hisser la nation au-dessus de la pauvreté la plus endémique. C'est ce que nous nommons l'élément dépendant de l'activité de la croissance économique ; le fait que seules les nations qui incorporent un pourcentage significatif d'activités sujettes à une dynamique de rendements croissants ont été capables de se développer nous amène à considérer que le phénomène que nous nommons le "développement" est principalement une "rente dynamique" que le travail, le capital et les gouvernements prélèvent sur un tel système de rétroaction positive.

    Du fait du foisonnement de preuves de telles stratégies s'appuyant sur des activités spécifiques, de production ou d'apprentissage dans les dynamiques de développement économique depuis la fin du XVe siècle -elles étaient clairement au centre des stratégies de développement désormais tombées dans l'oubli des Etats-Unis, de l'Allemagne et du Japon Meiji- nous clamons l'existence d'une alternative de 500 ans à la doxa économique contemporaine." (pp.266-267)

    "La Guerre Civile américaine fut une guerre entre les libres-échangistes du Sud et les politiciens du Nord qui considéraient qu'aucune richesse nationale ne pouvait être créée sans la protection d'industriels domestiques." (p.268-269)

    "Dans les années 1490, Botticelli -qui était également un romancier- fit l'expérience du retour de flamme de la Renaissance incarné par la révolution violente de Savonarole contre la Florence des Médicis, lorsque les livres dont il était l'auteur furent brûlés." (p.296)

    "Le fait de désindustrialiser des pays correspond à en retirer la plupart des activités aux rendements croissants qui renforcent le bien commun à l'échelle du système -les activités qui ne font pas que créer des poches isolées de prospérité. Réduire les nations à des activités dépendantes des ressources (dont sujettes à des rendements décroissants) et à un secteur de service traditionnel équivaut à "les renvoyer à l'âge de pierre". De nos jours, la politique économique laisse trop souvent dominer le critère de "l'ouverture" de la nation aux importations étrangères au risque d'oublier qu'il est nécessaire de maintenir les activités fournissant des rendements croissants à flot. Ceci n'a pas pour seule conséquence de réduire les PNB locaux et le bien-être mondial ; une telle politique créé également une forme de pauvreté qui constitue la principale menace à la stabilité mondiale. Les peuples et les nations qui ne sont pas dans la position de vivre grâce à leur savoir risquent de se retrouver avec comme seule alternative pour la survie de détruire l'environnement pour essayer d'en tirer leur subsistance.

    L'ensemble de ces pays en régression sont des "économies de marché". Il est difficile d'accuser leur Etat d'une intervention gouvernementale excessive ou d'un "échec à avoir trouvé les bons prix"." (p.297)

    "Une distribution des revenus relativement équitable est un facteur indispensable [de la prospérité collective], mais la distribution des revenus sans que le pays soit capable de se positionner dans les bonnes activités est un exercice futile." (p.300)

    "Un secteur industriel relativement inefficace produit un PNB bien plus important que lorsque l'on n'a aucun secteur industriel -c'est l'une des leçons de la transition des anciens Etats communistes. La désindustrialisation des pays non efficaces n'est pas une option viable si l'on se soucie a minima du bien-être humain." (p.302)
    -Erik S. Reinert, "Le rôle de l'Etat dans la croissance économique", in Pierre-Yves Rougeyron (dir.), Perspectives libres "De Gaulle au XXIe siècle", n°19, Strasbourg, Juillet-Septembre 2016, 347 pages.



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