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    Emmanuel Renault (dir.), Lire les Manuscrits de 1844

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Emmanuel Renault (dir.), Lire les Manuscrits de 1844 Empty Emmanuel Renault (dir.), Lire les Manuscrits de 1844

    Message par Johnathan R. Razorback Lun 16 Mai - 15:56

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Manuscrits_de_1844#Liens_externes

    https://fr.book4you.org/book/5301014/43abc9

    "Même s'il existe une continuité entre La Question Juive et l'Introduction à la critique du droit politique hégélien (textes rédigés à l'automne et l'hiver 1843-1844 et publiés au printemps 1844 dans les Annales franco-allemandes, préparées avec la collaboration de Ruge), les Manuscrits de 1844 et La Sainte Famille (rédigée avec Engels lors de l'hiver 1844-1845), chacune de ces étapes formule une position théorique (et parfois politique) nouvelle, et il est tout aussi difficile de faire la part des nouveautés que d'évaluer leurs significations et leurs enjeux. Plus que comme le déploiement d'une thèse philosophique bien déterminée, les Manuscrits de 1844 doivent plutôt être considérés comme un équilibre instable d'orientations théoriques en cours de transformation sous l'effet de contraintes internes (leur cohérence théorique et politique) et externes (les conflits théoriques et politiques traversant l'école Jeune-Hégélienne, l'étude de l'Économie politique et la découverte « réelle », et non plus seulement  « spéculative », du communisme français)." (p.Cool

    "[Selon une interprétation classique, défendue notamment par G. Lukacs ou Herbert Marcuse] les Manuscrits de 1844 témoigneraient donc du passage de la critique de la philosophie à la critique de l'Économie politique, voire de la formulation philosophique qui rend possible la critique de l'Economie politique.

    Dans un article datant du début des années 1980, Jürgen Rojahn a passablement brouillé cette image. Parmi les résultats établis sur la base d'une comparaison des trois manuscrits avec les différents cahiers rédigés à l'époque, et de leur confrontation avec la correspondance et d'autres sources encore, retenons que : 1) la rédaction des trois manuscrits ne résulte pas du projet d'une critique de l'Économie politique ; 2) il n'existe aucune unité organique entre ces manuscrits qui consistent en cahiers de notes reflétant les différentes préoccupations de Marx à l'époque et qui n'ont pas même été rédigés à la suite les uns des autres ; 3) il n'y a aucune raison de distinguer les trois cahiers nommés Manuscrits de 1844 d'autres cahiers d'extraits rédigés au même moment." (p.11)

    "L'Économie politique (qui est encore à l'époque désignée par Marx sous son appellation allemande de Nationalôkonomié) n'est pas critiquée sous la forme d'une discipline clairement identifiée ; d'autre part, elle est soumise à des critiques de différentes natures ; enfin, le point de vue de la critique est tout aussi indéterminé que son objet." (p.15)

    "Engels et Hess avaient fait de l'humanisme feuerbachien et de l'analogie de la Théologie et de l'Économie politique les principes de leur critique de la propriété privée et de l'argent, et l'occasion d'opposer la propriété privée et l'essence générique, de même que l'argent et la richesse véritable. De façon comparable, Marx tente d'appliquer la critique feuerbachienne de la théologie au discours de l'Économie politique, et il développe les oppositions de l'homme et de l'ouvrier, ou de la richesse de l'Économie politique et de la véritable richesse humaine. Mais dans le premier manuscrit, le « changement de niveau » consiste surtout à poser la question du sens des lois « dans le développement de l'humanité, en se demandant comment l'aliénation du travail est « fondée dans l'essence du développement humain », « en transformant la question de l'origine de la propriété privée en celle du rapport du travail aliéné [...] à la marche du développement de l'humanité ». Plus qu'à un simple recours à Feuerbach, le « changement de niveau » repose sur une mobilisation de Feuerbach dans un raisonnement qui relève de la philosophie de l'histoire. Ici encore, Marx s'inspire de Engels et de Hess puisque l'un et l'autre voyaient dans l'économie moderne la forme ultime d'un développement du conflit dont la fonction historique était de permettre à l'humanité de se retrouver elle-même sous sa forme accomplie." (p.17)

    "Décisive est tout particulièrement la manière dont Hess avait réinterprété Feuerbach en faisant de l'essence générique de l'humanité un ensemble de « forces » ne pouvant « s'activer » (sich betàtigeri) que dans la « coopération » (Zusammenwirken) ou le commerce entre les hommes (Verkehr der Menschen), en identifiant ces forces à des « forces productives » (ProduktionskràfteJ ne pouvant se développer que dans une histoire. C'est à la lumière de cette transformation de l'humanisme feuerbachien en une philosophie de « l'activité vitale sociale » et de « l'histoire naturelle de l'humanité » que prennent sens le changement de plan caractéristique de l'interprétation de l'Économie politique dans les deux premiers manuscrits, de même que les développements consacrés à l'histoire de l'industrie considérée comme « activation » et appropriation de soi dans les deuxième et troisième manuscrits. C'est également à la lumière de cette naturalisation et de cette historicisation de Feuerbach que prendra sens la réorchestration générale des rapports de Hegel et de Feuerbach dans le troisième manuscrit." (p.18)

    "En décrivant la domination du capital, la faiblesse du salaire, et la mutilation de l'activité productive comme les différents aspects d'un même système de l'aliénation, il s'agissait déjà dans le premier manuscrit de dénoncer les projets socialistes se contentant de viser un simple salaire égal (Proudhon), une organisation du capital industriel (Saint Simon), ou une simple libération de l'activité (Fourrier). En rattachant l'ensemble des aliénations sociales au rapport du travail aliéné à la propriété privée, les deux premiers manuscrits permettaient en outre de défendre une position communiste faisant de l'abolition de la propriété privée l'objectif politique principal. C'est sur cette base que Marx se livre à un examen critique des différentes formes de communisme dans le troisième manuscrit, en expliquant que puisque l'ensemble des aliénations tire son origine de l'aliénation sociale, et que celle-ci s'enracine dans le rapport du travail et de la propriété privée, l'enjeu du communisme n'est pas seulement le rétablissement d'une égalité matérielle mais aussi et surtout la suppression (universelle et intégrale) de l'ensemble des aliénations, c'est-à-dire la réappropriation par l'homme de ses propres forces génériques." (pp.20-21)

    "Pour élaborer cette nouvelle critique de Hegel, Marx se livre à un nouveau travail d'appropriation et à de nouveaux exercices polémiques dont témoignent les notes de lecture portant sur le chapitre final de la Phénoménologie de l'esprit. On verra que cette critique adopte un point de vue qui doit en fait tout autant à Feuerbach qu'à la reformulation du schème feuerbachien de l'aliénation par Hess et à la lecture de Hegel par Bauer. Il s'agit de dénoncer chez ce dernier « la caricature théologique de la vieille transcendance de la philosophie et en particulier de Hegel » en lui opposant la critique humaniste et positive de Feuerbach reformulée sous la thèse hessienne d'une irréductibilité de « l'aliénation pratique » à « l'aliénation théorique », Marx ajoutant que l'aliénation de la conscience de soi constitue une expression elle-même aliénée de l'aliénation de la vie réelle." (p.22)

    "L'unification de la critique de la philosophie, de la religion, de la politique et de la propriété sous une théorie de l'aliénation du travail tend à réduire la philosophie Jeune-Hégélienne à un effet d'aliénation que cette dernière est incapable de décrire adéquatement. D'autre part, le concept d'aliénation permet d'effectuer une traduction spéculative allemande de l'un des thèmes obsédants de la littérature ouvrière française : le thème de la dépossession - dépossession de l'activité de travail, du savoir-faire dont elle s'accompagnait, voire de
    l'humanité même. Plus précisément, en connectant une analyse de la dépossession objective de l'essence humaine par des forces historiques et une description des formes de l'expérience subjective de cette dépossession, il permet de faire converger la philosophie critique de l'histoire des Jeunes-Hégéliens et la critique sociale concrète des socialisâtes et des communismes de l'époque." (p.23)

    "L'abandon du libéralisme de la Gazette Rhénane pour le démocratisme du Manuscrit de Kreuznach, puis le passage du démocratisme au socialisme des Annales franco-allemandes (un socialisme défini en opposition avec le communisme dans la « Lettre à Ruge » de septembre 1843, puis associé au thème d'une alliance de la philosophie au prolétariat dans Y Introduction), et enfin le passage du socialisme au communisme qui est signalé par l'attribution d'une certaine forme d'autonomie au prolétariat dans la polémique avec Ruge,-et par la distinction des différentes formes de communisme." (p.24)

    "La fin des années 1830 se caractérise par le développement d'un néo-babouvisme qui pèche par un certain primitivisme et par une méconnaissance de ce que le saint-simonisme (organisation industrielle de la société) et le fouriérisme (notamment question des passions et des rapports hommes-femmes) développaient à l'époque ; ce néo-babouvisme est indéniablement le destinataire de la critique du communisme grossier qui ouvre le développement consacré au communisme dans le troisième manuscrit, et les références à Fourrier (à propos de l'émancipation de la sensibilité et des rapports entre les sexes) et à l'histoire de l'industrie s'inscrivent tout naturellement dans le contexte de sa critique.

    L'époque est également celle où certains, comme Cabet et Dezamy, s'efforcent de donner des lettres de noblesse philosophique au communisme en le faisant apparaître comme un engagement moral ou « humanitaire ». C'est un tel communisme humanitaire qui se développait à l'époque chez les ouvriers allemands de Paris, sous l'impulsion de Weitling et de l'influence exercée par Feuerbach dans la Ligue des Justes. Marx rencontre ainsi une conjonction du communisme - humanisme - prolétariat - Feuerbach qui le conduit indéniablement à nuancer ses réserves sur une philosophie feuerbachienne jugée précédemment trop peu politique à son goût et qui contribue sans doute à donner à cet auteur le rôle de référence théorique centrale des Manuscrits de 1844. Dans le contexte du communisme des exilés parisiens, la référence à Feuerbach a également une fonction critique :
    elle est dirigée contre la dimension religieuse du communisme de Weitling, de sorte que la critique feuerbachienne de la religion, considérée à la fin de 1843 comme un stade dépassé de la critique (L'Introduction à la critique de la philosophie hégélienne du droit affirmant que « la critique de la religion est pour l'essentiel achevée »), retrouve elle aussi une actualité. D'ailleurs, la lutte contre les fondations morales ou religieuses du communisme constitue sans doute l'un des enjeux de la défense d'une position naturaliste faisant coïncider le dépassement de l'aliénation et de ses effets sur la conscience avec une réunification de la philosophie et des sciences de la nature, dans les dernières pages du développement consacré au communisme."(pp.28-29)

    "Le mouvement Jeune-hégélien mérite tout à la fois d'être compris comme une école philosophique, comme un parti politique et comme une bohème journalistique." (p.29)

    "On peut caractériser une école philosophique comme un groupement intellectuel uni par une référence commune à un fondateur, par des relations de fraternité entre les membres de l'école, et par une prise en compte de la manière dont les autres membres de l'école formulent la référence commune au fondateur." (p.30)

    "Un autre trait marquant de la critique de Hegel développée dans le troisième manuscrit tient au fait que la critique « feuerbachienne » de Hegel s'y accompagne d'une critique « hégélienne » de Feuerbach ; la volonté de critiquer plus radicalement Hegel que par le passé s'accompagne d'une paradoxale revalorisation de Hegel et d'une dogmatisation des références à Feuerbach et à Hegel. Jusqu'à présent, Marx n'avait cherché chez Feuerbach qu'un modèle permettant l'extraction de la vérité de la philosophie hégélienne, en n'en retenant que la critique de la religion. Désormais, c'est au contraire le versant positif de cette critique que Marx privilégie : l'anthropologie humaniste et naturaliste constitue le fondement de la critique de l'Économie politique aussi bien que de la philosophie hégélienne. Conjointement, le développement consacré à la « grandeur » de la philosophie feuerbachienne dans le troisième manuscrit ne se réfère-t-il plus à L'Essence du christianisme, mais aux Thèses provisoires pour la réforme de la philosophie (1842) et aux Principes de la philosophie de l'avenir (1843). Mais cette utilisation de l'anthropologie feuerbachienne (influencée par sa réinterprétation par Hess, et rendant possible la mobilisation d'une
    critique schellingienne de Hegel), pose immédiatement le défi de son historisation, au-delà même de ce que Engels et Hess avaient déjà proposé, défi que Marx semble tenter de relever en interprétant la philosophie hégélienne comme une théorie de l'histoire en tant qu'aliénation.

    En définitive, Marx ne parvient donc pas à se soustraire au rapport ambivalent à Hegel qui caractérise le Jeune-Hégélianisme. Même si par certains points les Manuscrits de 1844 semblent préfigurer les Thèses sur Feuerbach (1845), ils restent pris dans une problématique déterminée par ces figures tutélaires du Jeune-Hégélianisme que sont Hegel et Feuerbach. Ils élaborent une construction théorique que les Thèses sur Feuerbach et L'Idéologie allemande (1845-1846) s'efforceront de dépasser, comme le soulignait Althusser lorsqu'il distinguait les œuvres de jeunesse (dont les Manuscrits de 1844 sont d'après lui la combinaison la plus instable et explosive), et les œuvres de la coupure (à commencer par les Thèses sur Feuerbach)." (pp.31-32)
    -Emmanuel Renault, "Comment lire les Manuscrits de 1844 ?", dans Emmanuel Renault (dir.), Lire les Manuscrits de 1844, PUF, coll. "Actuel Marx confrontations", 2006, 152 pages.


    -Emmanuel Renault (dir.), Lire les Manuscrits de 1844, PUF, coll. "Actuel Marx confrontations", 2006, 152 pages.

    « Le socialisme ne se rapporte quant à son fond qu'à l'organisation du travail alors que le communisme embrasse la totalité de la vie sociale et tend en elle à une réforme radicale, à la suppression de la propriété privée et donc de toute domination. » -Moses Hess, « Socialisme et communisme ».

    « Marx trouvait à Paris, où il séjourna jusqu'à son expulsion, en février 1845, et qui joua pour lui un rôle analogue à celui de Londres pour Engels, trois éléments qui constituaient un puissant stimulant pour sa pensée : un développement économique beaucoup plus avancé qu'en Allemagne (...), un prolétariat déjà plus nombreux, ayant, en même temps qu'une forte tradition révolutionnaire, une nette conscience de ses intérêts de classe et, enfin, l'expérience d'une grande révolution sociale, la Révolution de 1789, achevée par la Révolution de 1830. » -A. Comu, Karl Marx et Friedrich Engels. Leur vie et leur œuvre, t. III : Marx à Paris, PUF, Paris, 1962, p. 3.

    « Ce que fait le jeune Marx, c'est récapituler et unifier les deux stratégies (d'ailleurs non incompatibles) par lesquelles s'était exprimé jusque là le paradigme de l'aliénation : l'aliénation comme séparation/souffrance vécue (Hôlderlin, le jeune Hegel) et l'aliénation comme projection/appauvrissement de soi (le Hegel de la maturité, Feuerbach) »
    -Stéphane Haber, L'Aliénation. Vie sociale et expérience de la dépossession, PUF, Paris, 2007, page 57.



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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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