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    Jean-Pierre Belna, Histoire de la Logique

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Jean-Pierre Belna, Histoire de la Logique Empty Jean-Pierre Belna, Histoire de la Logique

    Message par Johnathan R. Razorback Lun 17 Oct - 17:29



    "Le Petit Robert en fait la « science ayant pour objet l'étude, surtout formelle, des normes de la vérité », le Petit Larousse celle « du raisonnement en lui-même, abstraction faite de sa matière et de tout processus psychologique ». Les auteurs d'un ouvrage d'initiation à la logique la présente comme « la science des lois du raisonnement, des règles de la pensée », précisant ensuite que, depuis toujours, la discipline « s'occupe de la forme des expressions » et « traite de la validité des raisonnements ». De ces définitions, retenons les notions de vérité, de raisonnement, de loi, de règle, de forme et de validité" (p.3)

    "On a longtemps cru que la discipline n'avait pas d'histoire, née et achevée au même moment avec Aristote. Les premiers travaux d'histoire de la logique datent de la fin du XIXe siècle. Encore étaient-ils largement lacunaires, car ce n'est qu'au XXe siècle qu'a vraiment été connue la logique stoïcienne, appréciés à leur juste valeur les travaux des savants du Moyen Âge et découvertes les avancées de Leibniz et de Bolzano. La révolution accomplie par les logiciens à partir du milieu du XIXe siècle n'en a été que mieux comprise." (p.4)

    "Les logiques chinoise et indienne, aussi anciennes que la logique occidentale, n'ont eu historiquement aucun contact avec elle." (p.4)

    "On ne sait presque rien de Zénon, philosophe présocratique dont il ne reste aucun écrit, mais Aristote le tenait pour celui qui a introduit en philosophie le raisonnement par l'absurde [aussi nommé raisonnement indirect ou apagogique]., soit qu'il l'eût emprunté aux mathématiques, soit qu'au contraire celles-ci l'eussent repris de la dialectique. Le recours à ce type de raisonnement, qui consiste à démontrer une proposition en montrant que sa négation conduit à une contradiction, est avéré au VIe siècle avant J.-C., lorsque les pythagoriciens prouvèrent l'incommensurabilité de la diagonale et du côté du carré, en montrant que poser l'existence d'une grandeur commune mène à une conclusion contredisant cette hypothèse. Mais la dialectique n'est qu'un savoir logique implicite, qui ne formule pas les lois qui le justifie." (p.7)

    "Platon donnait une origine mathématique au raisonnement par l'absurde, qu'il formulait de la façon suivante : si une même hypothèse conduit à des conclusions qui ne s'accordent pas, elle est fausse. Lui qui voyait dans les mathématiques un modèle pour la philosophie et la dialectique comme un véritable mode de philosopher fît un grand usage de cette forme de raisonnement, qu'il a souvent intégré aux dialogues qui mettent en scène son maître Socrate. Dans certains d'entre eux, il tente d'appliquer, parfois en se trompant, parfois avec difficulté, certaines de nos lois logiques. Elles ne sont pas explicitées, mais dans le Timée, l'une de ses dernières œuvres, il explique que, de même que des lois divines règlent le mouvement des astres, il existe des« lois de la pensée », qui devraient guider nos raisonnements." (p.Cool

    "Chez Platon, la dialectique procède d'un double mouvement : ascendante, elle va du concret aux ldées , comme le Bien ou l'Un ; descendante, des Idées aux « choses » en lesquels elles s'incarnent. Ainsi ira-t-on, par un mouvement ascendant, d'une bonne action, d'un homme sage, vers l'Idée de Bien, des hommes vers l'Idée d'homme, des sciences vers l'Idée de science, pour parvenir enfin à l'Un. Par un mouvement descendant, la connaissance de l'Idée de Bien nous fera reconnaître ce qu'il y a de bon dans telle ou telle action, de sage dans tel ou tel homme, de même que la connaissance des Idées d'homme ou de science nous fera savoir ce qui distingue les hommes des autres animaux et la science de ce qui n'en est pas. Enfin, la connaissance de l'Un nous fera voir quelle unité se cache derrière ce qui paraît multiple. Aristote, qui n'adhèrera pas à la théorie platonicienne des Idées, mettra en évidence une faille logique dans chacun de ces deux mouvements.

    Il reprochera au mouvement ascendant de faire apparaître l'Idée comme une entité existant séparément des objets singuliers dont elle est le modèle, empêchant par là d'en faire l'attribut commun de plusieurs sujets, comme on verra que la formulation de la proposition le réclame dans la logique aristotélicienne. Il reprochera au mouvement descendant de ne pas atteindre son but lorsqu'il s'agit de définir ce qu'on appellerait aujourd'hui un concept, en le caractérisant par une propriété commune valant partout où on l'applique. Pour ce faire, la dialectique procède par division ou diérèse, selon une procédure dichotomique qu'on retrouvera chez Porphyre au début de l'ère chrétienne. Dit de façon moderne, on enrichit progressivement la compréhension du concept -on ajoute des propriétés-, ce qui en diminue simultanément l'extension - la quantité d'objets qui ont ces propriétés est moindre (nous préciserons plus loin le sens de ces termes). Soit un concept S à définir: on part d'un concept A plus vaste, qu'on divise en B et non-B (telles que la réunion des deux donne A), opération qu'on répète jusqu'à placer S dans une « case ». Par exemple, soit à définir le concept d'homme (S) à partir de celui de corps (A). Parmi les corps, on distinguera ceux qui sont animés (comme les animaux) et ceux qui ne le sont pas (comme les minéraux); parmi les premiers, certains sont doués de raison (les hommes), d'autres non (les animaux non humains). On conclura que l'homme est un corps animé doué de raison.

    Aristote reprochera à la diérèse platonicienne, d'une part de ne pouvoir emporter la décision par la force de la seule nécessité logique et de devoir y ajouter une certaine forme de consentement, d'autre part de prouver en réalité plus que ce qu'on en attend. Soit à montrer, comme précédemment, que S est B sachant que S est A. La logique nous dit que S est B ou non-B, donc plus que ce que nous cherchons, mais ce n'est pas elle seule qui nous dit dans laquelle de ces deux sous-classes placer S. Il faut que nous l'admettions, et chaque étape pose le même problème. L'exemple précédent nous a amené à la division entre corps animés doués de raison et corps animés non doués de raison. Mais l'expression « corps animé doué de raison » est-elle une bonne définition du concept d'homme? Ne pourrait-il pas y avoir des humains non doués de raison ou des corps animés doués de raison qui ne soient pas des humains ? Où placer les centaures, les sirènes, etc. ? C'est cette critique de la diérèse platonicienne qui conduira Aristote à inventer le syllogisme." (pp.8-9)

    "Le nom« logique »vient du substantif grec« logikê », par le biais de l'adjectif« logikos », lui-même dérivé du substantif« logos », terme très difficile à traduire en français, signifiant « parole », « discours », « sens », « raison », « proportion », « relation », « analogie », « étude ». La logique serait donc un discours rationnel, établissant des liens entre des termes ou des propositions." (p.9)

    "Quant à la naissance du nom « logique » pour désigner une discipline intellectuelle, elle n'est pas facile à repérer, et l'histoire de son emploi difficile à restituer. Aristote utilise l'adjectif« logikos », mais n'a recours à aucun substantif pour désigner quelque chose qui serait la logique. Selon une indication de Boèce à la fin de l'époque romaine, ce serait une création des commentateurs du philosophe grec au début de l'ère chrétienne, mais il serait en réalité antérieur à Aristote lui-même: Xénocrate divisait la philosophie en logique, éthique et « physique »,et on verra que les stoïciens en faisaient usage pour désigner une des espèces de la philosophie. Au sens d'une « science » du raisonnement correct, le terme est présent chez Cicéron, et les écrits de Galien et d'Alexandre d'Aphrodise semblent attester qu'il était d'un usage courant au début de l'ère chrétienne. Son emploi est devenu systématique en Occident au XIIIe siècle, précisément lors de la redécouverte des travaux d'Aristote." (pp.9-10)
    -Jean-Pierre Belna, Histoire de la Logique, Ellipses, 2014 (2005 pour la première édition), 165 pages.




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