https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Cassou-Nogu%C3%A8s
"Je ne la raconte pas, cette histoire, parce qu’elle ressemblerait à une publicité pour Apple, Samsung, Roomba (les aspirateurs automatiques), Valeo (la version française des voitures automatiques), Aldebaran ou Softbank (les robots compagnons), Kuka (les bras articulés) ou n’importe quel casque PAPR… Il suffit de taper le nom de l’une de ces marques sur YouTube pour voir apparaître à l’écran cette ville merveilleuse. Ce sont de belles images auxquelles je ne pourrais rien ajouter.
À la réflexion, j’introduirais quand même dans la description de la ville quelques parenthèses. Par exemple, je laisserais ouverte la possibilité que les humains que je montre aient connu, comme nous-mêmes, une pandémie. J’essaierais d’introduire le doute dans l’esprit du lecteur sans rien affirmer clairement. C’est peut-être à cause d’une telle pandémie que ces humains ont accepté de scanner des codes QR à l’entrée des magasins, ou de laisser des caméras de surveillance vérifier leur identité à travers leurs casques filtrants. Peut-être ou peut-être pas. Le désir pour de telles opérations de filtrage, une telle médiatisation des relations humaines, pourrait être chez ces humains motivé par tout autre chose. Les codes QR, la reconnaissance faciale, qui devaient d’abord nous protéger du terrorisme, les casques PAPR, qui filtrent aussi la pollution et les pollens, existaient déjà chez nous avant la pandémie. Celle-ci n’a strictement rien changé dans les publicités que j’évoquais plus haut. Elle a seulement rendu pour nous plus enviable le sourire de ces humains, et plus désirable le casque même qui les maintient dans leur microclimat quelle que soit l’atmosphère extérieure."
-Pierre Cassou-Noguès, La bienveillance des machines. Comment le numérique nous transforme à notre insu, Seuil, 2022.
"Je ne la raconte pas, cette histoire, parce qu’elle ressemblerait à une publicité pour Apple, Samsung, Roomba (les aspirateurs automatiques), Valeo (la version française des voitures automatiques), Aldebaran ou Softbank (les robots compagnons), Kuka (les bras articulés) ou n’importe quel casque PAPR… Il suffit de taper le nom de l’une de ces marques sur YouTube pour voir apparaître à l’écran cette ville merveilleuse. Ce sont de belles images auxquelles je ne pourrais rien ajouter.
À la réflexion, j’introduirais quand même dans la description de la ville quelques parenthèses. Par exemple, je laisserais ouverte la possibilité que les humains que je montre aient connu, comme nous-mêmes, une pandémie. J’essaierais d’introduire le doute dans l’esprit du lecteur sans rien affirmer clairement. C’est peut-être à cause d’une telle pandémie que ces humains ont accepté de scanner des codes QR à l’entrée des magasins, ou de laisser des caméras de surveillance vérifier leur identité à travers leurs casques filtrants. Peut-être ou peut-être pas. Le désir pour de telles opérations de filtrage, une telle médiatisation des relations humaines, pourrait être chez ces humains motivé par tout autre chose. Les codes QR, la reconnaissance faciale, qui devaient d’abord nous protéger du terrorisme, les casques PAPR, qui filtrent aussi la pollution et les pollens, existaient déjà chez nous avant la pandémie. Celle-ci n’a strictement rien changé dans les publicités que j’évoquais plus haut. Elle a seulement rendu pour nous plus enviable le sourire de ces humains, et plus désirable le casque même qui les maintient dans leur microclimat quelle que soit l’atmosphère extérieure."
-Pierre Cassou-Noguès, La bienveillance des machines. Comment le numérique nous transforme à notre insu, Seuil, 2022.