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    Simone Weil, La Condition Ouvrière et Autres Textes

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Date d'inscription : 12/08/2013
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    Simone Weil, La Condition Ouvrière et Autres Textes Empty Simone Weil, La Condition Ouvrière et Autres Textes

    Message par Johnathan R. Razorback Lun 16 Jan - 13:15



    "Simone Weil est née le 3 février 1909 à Paris. Lors de sa première année d’enseignement au Puy-en-Velay, en 1931-1932, elle achète tous les jours L’Humanité, soutient la grève des mineurs de Saint-Étienne, dispense aux grévistes des cours sur Marx tout en laissant une part substantielle de son salaire de professeure à la Caisse de solidarité des mineurs. À l’automne 1934, elle est en congé pour écrire, à l’intention de Boris Souvarine, son ami communiste dissident, un essai philosophique et politique intitulé Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale. Ce texte forme le « testament » et le « Grand Œuvre » qu’elle souhaite laisser avant de faire l’épreuve directe du travail ouvrier. Elle y fait le constat que « le progrès technique semble avoir fait faillite, puisqu’au lieu du bien-être il n’a apporté aux masses que la misère physique et morale ». Prenant ses distances avec Marx, dont elle admet tout de même qu’il « rend admirablement compte du mécanisme de l’oppression capitaliste », elle critique l’idéal révolutionnaire communiste et soutient que « la complète subordination de l’ouvrier à l’entreprise et à ceux qui la dirigent repose sur la structure de l’usine et non sur le régime de la propriété ». Désormais, à ses yeux, ce sont la recherche illimitée du rendement, le système de surveillance du travail par les contremaîtres et le machinisme contemporain, plutôt que l’existence d’une classe de propriétaires capitalistes, qui définissent la forme concrète de l’oppression sociale. Le régime bolchevik russe, dans la mesure où il conserve un idéal productiviste, des régimes de contrôle disciplinaire du travail et les techniques du machinisme, s’avère impuissant à établir les bases d’une société libre. Cependant, Weil a la conviction que son essai, fondé sur une analyse philosophique informée mais abstraite, demeure insuffisant. Elle déclarera bientôt : « je ne fais encore qu’entrevoir ce dont j’ai tout particulièrement à cœur de me faire une idée un peu nette, l’organisation de l’entreprise » (p. 65). Aussi, à 25 ans, au début de l’hiver 1934, elle entre pour un temps indéfini à l’usine afin d’éprouver au plus vif d’elle-même la condition ouvrière. Cette expérience la bouleverse tant sur le plan intellectuel que sur le plan intime. Après avoir tenu un Journal d’usine et livré par lettres ses impressions à quelques amies proches, elle n’a de cesse, jusqu’à sa mort à l’été 1943, de témoigner au sujet du travail ouvrier, d’en révéler le caractère « inhumain » (p. 86), de penser toutes les dimensions de sa nature oppressive, enfin d’esquisser des formes d’organisation susceptibles d’amener sa transformation en une condition de « travail non servile » (p. 261).

    Les textes qui ont été rassemblés par Albert Camus en 1951 pour former le corps de La Condition ouvrière, en dépit de leur caractère multiforme comme de leur étalage dans le temps (de début 1935 pour les lettres à Albertine Thévenon, jusqu’à 1942 pour l’article « Condition première d’un travail non servile »), présentent une unité remarquable. Chaque lettre et chaque article s’efforce de reconnaître les « souffrances inscrites dans l’essence même du travail » (p. 278), tout en affirmant la possibilité de « concilier les exigences de la fabrication et les aspirations des hommes qui fabriquent » (p. 200). Renvoyant dos à dos les théories du travail (souvent capitalistes) qui considèrent comme négligeables les besoins humains et celles (souvent communistes ou anarchistes) qui font selon elle abstraction des « nécessités de la fabrication » (ibid.), elle juge possible de dégager une perspective philosophique et politique indiquant comment les travailleurs manuels pourraient « atteindre la joie pure à travers la souffrance » (p. 280), tout en étant débarrassés de toute forme inacceptable de « soumission » (p. 113). Cette perspective doit allier une réflexion matérialiste sur la technique à une réflexion morale sur les rapports humains à l’usine : « Le problème central, à mes yeux, c’est le rapport entre les revendications matérielles et les revendications morales » (p. 168). Or, pour résoudre un tel problème, « il faut avoir étudié le système qui existe, l’avoir analysé, en avoir fait la critique »(p. 202), et, à cette fin, il faut allier théorie et expérience vécue."

    "Un constat lancinant revient au fil des pages : les ouvriers ne s’expriment guère au sujet des contraintes et des humiliations qui les accablent. En parler ne reviendrait pas seulement à s’en plaindre ; cela supposerait de les penser dans la durée et d’en produire la critique. Ce serait, en somme, un acte de résistance. Or, pour Simone Weil, le degré de l’oppression pesant sur les ouvriers est tel qu’il rend presque impossible toute attitude durable de résistance. Elle écrit ainsi à Nicolas Lazarévitch à propos d’Alsthom : « J’oubliais de vous dire, à propos de mon usine, que depuis que j’y suis je n’ai pas entendu une seule fois parler de questions sociales, ni de syndicat, ni de parti » (p. 67). Aux usines Rosières, elle est frappée par le « silence observé par tous ceux qui assistaient à la dernière assemblée générale de la coopérative » (p. 96). En un mot, « le silence est à l’usine un phénomène général » (p. 102). [...]

    Les ouvriers sont généralement muets sur leur sort, du fait que le malheur lui-même est muet, suivant un proverbe grec relevé par Simone Weil (p. 238). Cela, sans compter que les contremaîtres et les directeurs d’usine découragent voire punissent systématiquement les prises de parole : « Parler serait chercher une humiliation » (p. 227), et « l’humiliation a toujours pour effet de créer des zones interdites où la pensée ne s’aventure pas et qui sont couvertes soit de silence soit de mensonge » (p. 239). C’est pourquoi Simone Weil exhorte les ouvriers de Rosières à prendre la parole : « Dites si le travail vous fait souffrir. Racontez ces souffrances, aussi bien les souffrances morales que les souffrances physiques » (p. 83). C’est pourquoi elle suggère la mise en place, dans les usines, de « boîtes à suggestions » pour que les ouvriers puissent s’exprimer sans craindre de conséquences (p. 102). Le silence des ouvriers n’est pas de l’ordre de la réserve ou de la pudeur. À Rosières, il est un mutisme infligé, une technique de soumission : « j’ai cru comprendre […] qu’à l’usine il est interdit de causer sous peine d’amende » (p. 116). La décision de s’exposer au même malheur que les ouvriers pour articuler un discours sur leurs conditions de travail procède donc d’une décision politique visant à rompre l’impossibilité, aussi bien subjective qu’imposée, de parler. Non pour parler à distance et en surplomb, en lieu et place des ouvriers assujettis, mais pour parler depuis le même lieu qu’eux, parler avec eux et à partir de leur vécu partagé."

    "Ce sont tout d’abord les machines modernes qui donnent au travail ouvrier sa figure. Tandis que le « petit artisan » (p. 228) œuvre dans un atelier en maniant des outils selon son rythme propre, en déployant un certain savoir-faire et en développant une habileté dans la réalisation de gestes variés, les machines-outils décrites par Simone Weil (par exemple, la machine à boutons chez Alsthom, la presse aux Forges de Basse-Indre, la fraiseuse chez Renault) possèdent une puissance de contrainte propre qui force l’ouvrier à se plier à des mouvements étrangers. Le « manque de souplesse des machines automatiques » (p. 146) de même que le « système des montages » (p. 210) font « disparaître l’habileté manuelle » (p. 211) et l’autonomie pratique de l’ouvrier. La machine-outil plie les gestes de l’ouvrier à sa cadence propre et détermine ainsi techniquement la vitesse et le caractère répétitif du travail ouvrier. Celui-ci est conséquemment un « travail parcellaire – à la tâche », soumis à une « organisation purement bureaucratique » (p. 50) ; les ouvriers sont de ce fait isolés les uns des autres, réduits « à l’état de molécules »."

    "Taylor préconise en effet trois mesures centrales : la mise en place du salaire aux pièces, la définition de normes de chronométrage et la constitution d’une véritable « police des ateliers » (p. 214). Le salaire aux pièces, qui consiste à refuser d’accorder aux ouvriers un salaire fixe et à ne leur verser une (maigre) paie complète et d’éventuelles primes qu’à condition qu’ils atteignent un rendement maximum, est un facteur clé de la condition ouvrière. Il engendre épuisement physique aussi bien que soumission morale. Les normes de chronométrage, qui lui sont associées, sont généralement définies verticalement « en dépit du bon sens » (p. 65), aboutissant aux mêmes résultats. Quant à la police des ateliers, elle est aux yeux de Taylor « le moyen idéal pour supprimer la lutte des classes » (p. 214) en assujettissant les travailleurs.

    À un troisième niveau, ce sont divers dispositifs de pression et de menaces qui dessinent la forme du travail ouvrier. Simone Weil évoque les menaces de renvoi constantes pesant sur les employés d’usine (p. 235), d’autant plus pesantes que les scènes de renvoi dont les ouvriers sont témoins sont généralement brutales et sans explication (p. 157), et manifestent la puissance illimitée des chefs de service (p. 122). Au quotidien, chaque travailleur reçoit continuellement une série de commandements auxquels il faut immédiatement se plier en silence (p. 228), si bien « qu’on vit à l’usine dans une subordination perpétuelle et humiliante, toujours aux ordres des chefs » (p. 71-72) ; la violence hiérarchique fait qu’au sommet de l’usine, la puissance du directeur est « une puissance de dieu plutôt que d’homme » (p. 113). Des rappels à l’ordre ou des humiliations ponctuelles et insidieuses ont pour fonction d’ancrer cet état de fait dans le corps et l’esprit des ouvriers : le mauvais état des vestiaires, l’impossibilité pour les ouvrières d’entrer dans l’usine sous une pluie battante, les réprimandes incessantes."

    "La concurrence économique mondiale et l’horizon possible de la guerre effective contribuent à soumettre l’ensemble du travail à la recherche du rendement maximal."

    "Les facteurs techniques et humains énumérés déterminent directement la dimension physique et matérielle de la condition ouvrière, en rejaillissant sur le corps des travailleurs : ils provoquent une forme particulière d’effort physique (la fatigue), la faim et des blessures régulières."

    "Le travail industriel, en raison des dispositifs de contrôle disciplinaire qui l’encadrent, constitue avant tout une négation des besoins de liberté et d’initiative qui caractérisent toute personne humaine. La nécessité de se soumettre constamment aux ordres reçus sans possibilité de réponse, sous peine de réprimande ou de renvoi, engendre un processus continuel d’humiliation et une « subordination perpétuelle »."

    "Le travailleur éprouve le besoin de se projeter dans l’avenir vers les fins de son action, par exemple le fait de contribuer à la construction d’un bien collectif tel qu’un tramway, le fait d’acquérir une plus grande habileté ou de construire son existence hors du travail par son salaire.

    A contrario, le salaire aux pièces et le contrôle des tâches aboutissent à ne fournir que deux « mobiles » en lieu et place d’authentiques motifs, à savoir « la crainte des réprimandes et du renvoi, le désir avide d’accumuler des sous » (p. 235). L’oscillation entre la peur et la recherche de l’argent forme une double obsession, contribuant au sentiment d’avilissement en soumettant l’âme à « l’intérêt sous sa forme la plus sordide » (p. 176). En second lieu, le caractère machinal des gestes à vitesse élevée limite étroitement l’attention de l’ouvrier à ce qu’il est continuellement en train de faire (p. 50). Tandis que l’artisan et le paysan ont un rapport à l’avenir, peuvent au moins partiellement déterminer l’emploi de leur temps et agir selon un rythme variable, l’ouvrier est soumis à une cadence qui le rive au présent. Sa pensée se « rétracte » (p. 61 et 229) sur la tâche immédiate, donnant à l’ouvrier, généralement privé d’une compréhension nette de la fonction de sa tâche dans l’ensemble du travail collectif, le sentiment d’être semblable à « un enfant à qui [on fait] enfiler des perles pour le faire tenir tranquille » (p. 242). Cette rétractation de l’esprit, qui abîme la capacité même de penser, aussi bien sur le plan politique que sur le plan spirituel, constitue « le pire attentat, celui qui mériterait peut-être d’être assimilé au crime contre l’Esprit […] l’attentat contre l’attention ».

    Au total, les conditions matérielles et morales du travail ouvrier engendrent la négation du besoin de fraternité, la négation du besoin de se sentir partie d’une collectivité (que cette collectivité soit la classe ouvrière ou la société tout entière). Cet état de choses se marque à l’intérieur même de l’usine par le fait que la rivalité pour l’emploi et les primes organisée entre travailleurs rend impossible toute solidarité étendue : « On est gentil, très gentil. Mais de vraie fraternité, je n’en ai presque pas senti. […] Il y a pas mal de jalousie parmi les ouvrières, qui se font en fait concurrence, du fait de l’organisation de l’usine » (p. 53) ; « les rapports même entre camarades reflètent la dureté qui domine tout là-dedans » (p. 61). Les liens familiaux eux aussi peuvent s’étioler à cause du travail à l’usine, Simone Weil relatant le soulagement de femmes qui n’ont plus à nourrir un enfant ou un mari défunts."

    "Simone Weil demeure mesurée sur la question des salaires : lors des grèves de mai-juin 1936, elle envisage que « les salaires réclamés dépassent les possibilités des entreprises » (p. 168) et juge que « la question des salaires fait souvent oublier d’autres revendications vitales »."

    "Peu importe à ses yeux que le choix des travailleurs à licencier ou à conserver soit fondé sur des critères tels que « charges de famille, ancienneté, tirage au sort, ou combinaison des trois » (p. 122) ; l’important est que l’établissement de critères permettrait de briser la toute-puissance des chefs et ses « conséquences moralement intolérables » (p. 123) : « Ce que je trouve incompatible avec la dignité humaine, c’est la crainte de déplaire engendrée chez les subordonnés par la croyance en un choix susceptible d’être arbitraire »."

    "Elle a éprouvé elle-même la fierté, à sa première entrée à l’usine, de se savoir contribuer à la fabrication d’un bien collectif (le métro). Le travail ouvrier pourrait donc finir par être un lieu où l’on éprouve la « joie de manger un pain qu’on a gagné » (p. 59), un lieu où l’on a le sentiment d’œuvrer pour la collectivité. Cela supposerait un rythme de travail où les ouvriers pourraient faire le tour de l’usine et comprendre son organisation totale, afin de percevoir intimement qu’ils fabriquent « des objets qui sont appelés par des besoins sociaux, et qu’ils ont un droit limité, mais réel, à en être fiers » (p. 243). Un rythme où les ouvriers pourraient faire visiter l’usine à leur famille, à leurs enfants, la présenter comme un lieu qui soit symboliquement le leur."

    "Alors qu’elle a été élevée dans une famille juive sécularisée et agnostique, elle connaît à partir de 1937 une série d’expériences mystiques qui la bouleversent en profondeur. Elle confie avoir eu le sentiment d’un contact avec le Christ et proclame que Dieu est venu « lui prendre l’âme en surprenant les sens ».

    Elle ne souhaite pas pour autant nommer cette expérience une conversion et souligne dans une lettre à son ami dominicain Joseph-Marie Perrin que son vécu religieux lui paraît le prolongement direct de son engagement auprès des ouvriers."

    "Elle se réjouit « quand un mouvement de révolte aboutit à un succès partiel » (p. 112), mais ne souhaite pas encourager la révolte. À ses yeux, l’organisation sociale « est bonne pour autant qu’elle tend à […] atténuer [les inégalités] » (p. 120), mais elle affirme la nécessité de la hiérarchie et d’une obéissance stricte dans l’usine [...] Cette ligne de crête sur laquelle se tient Simone Weil la fait osciller entre une certaine radicalité réformiste et une certaine tendance conservatrice. [...] Dans la trajectoire politique qui la mène des cercles révolutionnaires de sa jeunesse aux mouvements ouvriers chrétiens (elle participe à une réunion de la Jeunesse ouvrière chrétienne [JOC] en 1941), elle dessine, dans les textes qui forment La Condition ouvrière, une analyse du travail dont la radicalité critique tantôt s’affirme, tantôt s’atténue à mesure que l’importance de son attachement à la spiritualité s’accentue."

    "La figure de Cléanthe, philosophe stoïcien et porteur d’eau auquel Simone Weil s’identifie ponctuellement (p. 129), revêt à cet égard un statut emblématique. Les stoïciens recommandent à chacun de donner son assentiment au destin, de ne pas chercher vainement à obtenir un pouvoir sur ce qui échappe à la puissance humaine. Or, en soutenant qu’« il y a dans le travail des mains et en général dans le travail d’exécution, qui est le travail proprement dit, un élément irréductible de servitude » (p. 261), Weil rejoint finalement l’éthique stoïcienne."

    "La promotion philosophique de la nécessité va ainsi paradoxalement de pair, chez Simone Weil, avec l’esprit de « compromis » (p. 201) et la recherche de moyens termes faisant la part belle aux directeurs et aux propriétaires. Aussi, bien que son engagement admirable lui ait fait trouver insupportable la division de l’humanité entre ceux « qui comptent pour rien » et ceux « qui comptent pour quelque chose » (p. 102), Simone Weil refuse de penser cette division comme une lutte des classes, préférant prôner un « esprit de collaboration » entre les classes, ou encore un « idéal [de] coopération pure » (p. 112). La question demeure de savoir si le prix théorique de cette ligne de crête n’est pas de faire suivre la critique de la souffrance par le motif religieux selon lequel « la vocation de l’homme est d’atteindre la joie pure à travers la souffrance »."
    -Raphaël Ehrsam, Présentation de Simone Weil, La condition ouvrière, GF Flammarion, Paris, 2022.

    "
    -Simone Weil, La condition ouvrière, GF Flammarion, Paris, 2022.



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    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

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