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    Vincent Descombes, Le même et l’autre. 45 ans de philosophie française (1933-1978) + Le raisonnement de l'ours. Et autres essais de philosophie pratique + Le complément de sujet. Enquête sur le fait d'agir de soi-même

    Johnathan R. Razorback
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    Vincent Descombes, Le même et l’autre. 45 ans de philosophie française (1933-1978) + Le raisonnement de l'ours. Et autres essais de philosophie pratique + Le complément de sujet. Enquête sur le fait d'agir de soi-même Empty Vincent Descombes, Le même et l’autre. 45 ans de philosophie française (1933-1978) + Le raisonnement de l'ours. Et autres essais de philosophie pratique + Le complément de sujet. Enquête sur le fait d'agir de soi-même

    Message par Johnathan R. Razorback Lun 23 Jan - 14:36

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Vincent_Descombes


    "La philosophie française prend naissance lorsque Descartes entreprend de répondre, en français, par un Discours de la méthode suivi de trois essais de cette méthode, aux Essais de Montaigne." (p.11)

    "Nous pouvons voir dans l'évolution récente de la philosophie en France le passage de la génération des « 3 H », comme on disait après 1945, à la génération des trois « maîtres du soupçon », comme on dira en 1960. Les trois H sont Hegel, Husserl, Heidegger, et les trois maitres du soupçon sont Marx, Nietzsche et Freud. Ce n'est pas, dire
    que les hegeliens ou les husserliens aient brusquement disparu de la scène en 1960. Mais ceux qui persistent a se réclamer des trois H ou de l'un d'entre eux après cette date seront les premiers a admettre que leur position n'est pas dominante. Ce fait leur impose d'ailleurs, dans la discussion, de tenir compte de la doxa commune en prévenant d'avance les objections qui pourraient leur être faites au nom de la nouvelle trinité. La tache qui nous échoit est alors de chercher les raisons de ce changement. Pourquoi les maitres qui ont régné de 1930 a 1960 ont-ils été détrônés, simultanément, dans les années 1960, au profit des nouveaux venus ? On observera que la réunion des autorités en triades successives est un fait rhétorique: l'historien scrupuleux de la philosophie pourra bien faire toutes sortes d'objections à ces rapprochements, il n'empêchera pas une génération d'entendre, par exemple dans ce qu'elle lit de Hegel, Husserl, Heidegger, une leçon commune. II n'est pas indiffèrent que les textes les plus invoques après 1930 soient le plus souvent des textes d'accès difficiles, les uns parce qu'ils n'étaient pas traduits à cette date (la Phénoménologie de l'esprit l'a été en 1947 et Etre et temps ne l'est toujours pas en 1978), les autres parce qu'ils n'étaient même pas publiés (c'est ainsi que les textes les plus admirés de Husserl seront justement les inédits de Louvain). Ces circonstances particulières favorisent la transformation productive, par le lecteur, de la pensée citée, transformation qu'on observe toujours dans
    l'engendrement d'une autorité
    . Ne croyons pas qu'une œuvre fasse autorité parce qu'elle aurait été lue, étudiée et finalement jugée convaincante. C'est le contraire: on lit parce qu'on est déjà convaincu. Les œuvres sont précédées d'une rumeur." (p.13)

    "Le programme de ces
    eoncours (agregation, CAPES) etant fonetton de eelui de Ia
    classe terminale dite « classe de philosophie », il en resulte
    que l'enseignement de la philosophie en France est plus ou
    moins determine par la nature et la fonction de ce « programme de la classe de philosophie ». Selon la doctrine
    officielle, Ie Programme, chef-d'reuvre de coherence et de
    rigueur, ferait l'objet d'un consensus unanime. En realite,
    il est plutot Ie resultat d'un compromis entre les difIerentes
    tendances existantes, et c'est pourquoi Ie Chef-d'reuvre si
    souvent celebre fait periodiquement I'objet de remaniements importants. Accuses par les uns de vehiculer une ideologie
    reactionnaire, par les autres de liquider ce qui restait encore
    d'authentique philosophie dans Ie programme precedent, les
    programmes qui se succedent refletent l'etat momentane
    des forces politiques, non seulement dans Ie corps enseignant,
    mais dans l'ensemble du pays.
    Rares sont ceux qui se disent satisfaits du programme
    tel qu'il est, innombrables ceux qui rec1ament sa refonte.
    Nul toutefois ne semble mettre en doute Ia necessite d'un
    programme que1conque. Ce culte du programme, qui ne
    manque jamais de remplir l'observateur etranger de stupefaction, s'explique par l'amour que portent les Fran<;ais a
    I'institution du baccalaureat, cette incarnation de l'ideal
    egalitaire. Or l'epreuve du baccalaureat, pour ce qui est de
    Ia philosophie, consiste en ceci: Ie meme jour, a la meme
    heure et pendant-Ie meme temps, tous les candidats sont
    censes rediger, sur une feuille de papier strictement identique, une dissertation de meme facture qui portait, recemment encore, sur une meme question tirt~e du Programme.
    Ces travaux uniformes sont ensuite corriges par les professeurs a la lumiere des directives speciales que Ie ministere
    prend soin de leur fournir en cette occasion. Pour que la
    correction soit impartiale, une permutation des correcteurs
    est organisee de ville en ville, de fa<;ona ce que nul candidat ne soit personnellement connu de son examinateur.
    D'oll l'imperatif d'un programme unique, Ie meme pour
    tous les lycees fran<;aisde la planete Terre et, s'i1le fallait,
    des autres.
    IIva sans dire que Ie recrutement des professeurs, dans Ie
    detail duquel je ne puis entrer ici, se fait selon des principes
    analogues. Veritable rite initiatique, Ie concours d'agregation
    arrache les candidats a ce qui est vaguement ressenti comme
    Ie mal (les provinces, Ies terroirs, Ies particularismes Iocaux)
    pour les metamorphoser en missionnaires de I'esprit public
    et de l'Etat. On doit insister a ce sujet sur Ie role predominant du president du jury d'agregation. Celui-ci, nomme
    directement par Ie ministre, choisit les autres membres du
    jury, preside Ies deliberations et decide du programme de
    ce concours (tire du Programme de Ia c1assede philosophie),
    lequel a son tour va determiner les programmes des enseignements des facultes de philosophie qui voudront y prepa rer leurs etudiants. Le style meme de la philosophie fran-
    ~aise en est perpetuellement afIecte: lorsque Ie neo-kantisme presidait Ie jury de l'agregation en la personne de
    Leon Brunschvicg, l'immense majorite des etudiants s'appliquait it s'assimiler les pensees de Platon, Descartes et Kant,
    Ius dans cet ordre, comme un progres de la conscience vers
    l'esprit; mais on pouvait s'en tenir, en ce qui concerne
    les auteurs condamnes par Ie neo-kantisme, tels Aristote et
    Hegel, it une refutation sommaire.
    Que Ie professeur de philosophie, en France, soit un fonctionnaire de l'Etat explique que cet enseignement ait inevitablement des incidences politiques. Si ces incidences sont
    peu sensibles dans les periodes d'equilibre national, elles
    sont en revanche determinantes lorsque I'Etat semble vaciller. Au debut de la III' Republique, la philosophie universitaire s'est trouvee investie d'une mission par I'Etat: enseigner aux eleves la legitimite des nouvelles institutions
    republicaines. Deux doctrines seront candidates it cette
    fonction: Ie positivisme sociologique de Durkheim et Ie
    rationalisme neo-kantien (issu de Renouvier et plus tard
    incarne par Brunschvicg). C'est ce dernier qui l'emportera
    finalement. Bien qu'opposees, ces deux doctrines enseignent
    identiquement que l'humanite, depuis ses origines les plus
    lointaines, n'a cesse de progresser vers un accord mutuel
    de tous les etres humains sur des principes raisonnables:
    principes qui, justement, sont ceux des institutions republicaines! On verra comment Ie point de depart de la generation de 1930 sera la volonte d'echapper it cette vision optimiste de l'histoire.
    Mais c'est bien sur dans Ie lieu mondain (journaux, revues,
    mass-medias) que les philosophies sont immediatement sommees de divulguer leur signification politique. La prise de
    position politique est et reste en France l'epreuve decisive,
    c'est elle qui doit reveler Ie sens final d'une pensee. Tout
    se passe comme si on abordait enfin Ie vif du sujet au moment ou, parti d'hypotheses sur l'un et Ie multiple ou sur
    la nature de la connaissance, on en vient it la question des
    prochaines elections ou it celle de l'attitude du parti communiste. Ce qui ne manque pas de surprendre est la fa~on
    instantanee dont se fait ici Ie vertigineux passage de l'Idee
    du bien au bien sensible. Et en efIet, en depit du surinvestis sement de Ia chose politique dans Ie debat philosophique,
    on n'assiste nullement 8 I'epanouissement d'une importante
    reHexion politique proprement dite. Les livres notables de
    philosophie politique ecrits en fran~ais se comptent sur les
    doigts d'une seule main. C'est ainsi que les existentialistes,
    par exemple, ont multiplie les declarations et les prises de
    position politiques: pourtant, on chercherait en vain chez
    .eux une quelconque theorie de l'Etat ou une reHexion sur
    les formes modernes de la guerre. Tout se passe comme si
    on pouvait attribuer immediatement tel enonce philosophique 8 telparti politique. Des reputations bizarres se font et
    se defont: l'epistemologie, jusqu'en 1968, etait plutot de
    gauche et Ia metaphysique de droite; mais void qu'avec
    l'emergence des inquietudes ecologiques l'epistemologie semble reactionnaire tandis que la métaphysique prend des allures subversives." (pp.15-18)

    "
    (pp.20-28)
    -Vincent Descombes, Le même et l’autre. 45 ans de philosophie française (1933-1978), Les éditions de Minuit, 1979, 224 pages.



    _________________
    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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