https://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9e_Bouveresse
"Le mot « empirisme », dérivé du grec empeira, traduit en latin par experientia, expérience, paraît venir selon Eucken de la philosophie kantienne. S’il signifie au sens courant un usage exclusif de l’expérience, sans théorie, les partisans de la doctrine philosophique de l’empirisme proposent une interprétation générale de la connaissance humaine. L’empirisme soutient la thèse selon laquelle c’est l’expérience plutôt que la raison qui est la source de la connaissance."
"Sans aller jusqu’à faire remonter la démarche empiriste jusqu’à Héraclite ou Protagoras, on peut en repérer la trace chez Aristote, pour lequel il y a deux modes d’accès à la conceptualisation : la voie royale de l’intelligence et de la science et celle plus modeste de l’expérience. Mais c’est au philosophe anglais John Locke qu’est dû ce qu’il est convenu d’appeler le texte canonique de l’empirisme."
"F. Alquié invite à se garder de réduire l’empirisme ou sensualisme et « de croire que pour les empiristes, toute connaissance dérive de la sensation ». Il souligne que Locke distingue avec soin les idées dont la source est la sensation et celles dont l’origine est la réflexion sur nos états internes, et que chez Hume l’idée de cause ne vient pas de la sensation, mais d’une impression intérieure d’attente. « Dans leur recherche des principes d’explication, les empiristes [adjoignent à la sensation] la tendance, elle aussi offerte à notre expérience. » Désirs, mouvements intérieurs, impressions de glissements faciles d’une idée à l’autre, « tout cela n’est pas raison innée, mais appartient au sujet humain », ainsi qu’instincts, habitudes et dispositions, et c’est à partir d’un tel sujet que la connaissance est expliquée dans l’empirisme. Alquié affirme par ailleurs que chez Hume, « la vérité c’est la réussite de nos tendances », le critère de vérité étant pragmatiste, et il fait un rapprochement avec William James."
"Bacon opposait à l’empiriste qui « semblable à la fourmi, se contente d’amasser et de consommer ensuite ses provisions », et au dogmatique qui, « tel l’araignée, ourdit des toiles dont la matière est extraite de sa propre substance », l’attitude philosophique idéale, celle de l’homme de science qui, « pareil à l’abeille, butine fleurs et jardins avant de digérer et transformer, par un art qui lui est propre », ce qu’il en a extrait."
"Depuis la fin du XIXe siècle, avec Mach, Schlick, et Carnap, l’empirisme a connu un renouveau, ces philosophes reprenant le principe de l’empirisme en refusant les jugements synthétiques a priori de Kant."
"Locke a eu le mérite, souligné par Holton, de fournir une théorie de la connaissance à la science moderne, « science, selon l’expression d’Yves Michaud, à la fois réaliste, expérimentale, revenue des systèmes cartésiens a priori, et précautionneuse dans le recours aux hypothèses, sans leur être absolument opposée ». F. Duchesneau n’hésite pas à qualifier l’empirisme de Locke de « médical », établissant que sa théorie du savoir coïncide pour l’essentiel avec les principes, qu’il partage avec Sydenham, d’un « hippocratisme revu et corrigé », comportant la « conception... des opérations rationnelles comme opérations de corrélation des phénomènes dans la limite des indications de l’expérience »."
-Renée Bouveresse-Quilliot, L'empirisme anglais. Locke, Berkeley, Hume, PUF, coll. "Que sais-je ?", 1997, 125 pages.
"Le mot « empirisme », dérivé du grec empeira, traduit en latin par experientia, expérience, paraît venir selon Eucken de la philosophie kantienne. S’il signifie au sens courant un usage exclusif de l’expérience, sans théorie, les partisans de la doctrine philosophique de l’empirisme proposent une interprétation générale de la connaissance humaine. L’empirisme soutient la thèse selon laquelle c’est l’expérience plutôt que la raison qui est la source de la connaissance."
"Sans aller jusqu’à faire remonter la démarche empiriste jusqu’à Héraclite ou Protagoras, on peut en repérer la trace chez Aristote, pour lequel il y a deux modes d’accès à la conceptualisation : la voie royale de l’intelligence et de la science et celle plus modeste de l’expérience. Mais c’est au philosophe anglais John Locke qu’est dû ce qu’il est convenu d’appeler le texte canonique de l’empirisme."
"F. Alquié invite à se garder de réduire l’empirisme ou sensualisme et « de croire que pour les empiristes, toute connaissance dérive de la sensation ». Il souligne que Locke distingue avec soin les idées dont la source est la sensation et celles dont l’origine est la réflexion sur nos états internes, et que chez Hume l’idée de cause ne vient pas de la sensation, mais d’une impression intérieure d’attente. « Dans leur recherche des principes d’explication, les empiristes [adjoignent à la sensation] la tendance, elle aussi offerte à notre expérience. » Désirs, mouvements intérieurs, impressions de glissements faciles d’une idée à l’autre, « tout cela n’est pas raison innée, mais appartient au sujet humain », ainsi qu’instincts, habitudes et dispositions, et c’est à partir d’un tel sujet que la connaissance est expliquée dans l’empirisme. Alquié affirme par ailleurs que chez Hume, « la vérité c’est la réussite de nos tendances », le critère de vérité étant pragmatiste, et il fait un rapprochement avec William James."
"Bacon opposait à l’empiriste qui « semblable à la fourmi, se contente d’amasser et de consommer ensuite ses provisions », et au dogmatique qui, « tel l’araignée, ourdit des toiles dont la matière est extraite de sa propre substance », l’attitude philosophique idéale, celle de l’homme de science qui, « pareil à l’abeille, butine fleurs et jardins avant de digérer et transformer, par un art qui lui est propre », ce qu’il en a extrait."
"Depuis la fin du XIXe siècle, avec Mach, Schlick, et Carnap, l’empirisme a connu un renouveau, ces philosophes reprenant le principe de l’empirisme en refusant les jugements synthétiques a priori de Kant."
"Locke a eu le mérite, souligné par Holton, de fournir une théorie de la connaissance à la science moderne, « science, selon l’expression d’Yves Michaud, à la fois réaliste, expérimentale, revenue des systèmes cartésiens a priori, et précautionneuse dans le recours aux hypothèses, sans leur être absolument opposée ». F. Duchesneau n’hésite pas à qualifier l’empirisme de Locke de « médical », établissant que sa théorie du savoir coïncide pour l’essentiel avec les principes, qu’il partage avec Sydenham, d’un « hippocratisme revu et corrigé », comportant la « conception... des opérations rationnelles comme opérations de corrélation des phénomènes dans la limite des indications de l’expérience »."
-Renée Bouveresse-Quilliot, L'empirisme anglais. Locke, Berkeley, Hume, PUF, coll. "Que sais-je ?", 1997, 125 pages.