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    Mohammed Ennaji, Le corps enchaîné. Comment l’islam contrôle la femme

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Mohammed Ennaji, Le corps enchaîné. Comment l’islam contrôle la femme	 Empty Mohammed Ennaji, Le corps enchaîné. Comment l’islam contrôle la femme

    Message par Johnathan R. Razorback Lun 6 Mar - 0:36



    "De nos jours la femme musulmane souffre du poids du religieux qui entrave sa liberté et la maintient dans un statut subalterne par rapport à l'homme, lui faisant pleuvoir dessus, dans les médias ou dans les réseaux sociaux, des fatwas rétrogrades, façon de la rappeler a l'ordre. Dans sa vie quotidienne, elle n'est pas libre de ses faits et gestes, ce dont pâtissent son allure et son bien-être. Elle ne peut pas se vêtir comme elle l'entend, encore moins se faire belle tel qu'elle en a envie, et si elle le fait elle se voit sujette à une critique sévère et parfois violente. Son comportement, sa tenue, sa sexualité, ses fréquentations, sa vie de couple ou en dehors du couple, sont sous le feu des projecteurs d'un regard social sévère, aux aguets, qui lui enjoint de demeurer "pudique", de réprimer en elle toute "envie de modernité", autrement dit toute aspiration à la liberté.

    Certes des voix féminines fortes se sont élevées et s'élèvent de plus en plus contre cet état de choses, rompant le silence qui prévalait jusque-là. Elles réagissent face à la misogynie ambiante qui meuble le quotidien des femmes musulmanes. [...]

    [Mais] la révolte féministe chez les porte-parole du mouvement au niveau intellectuel ne se traduit pas par une rupture avec le paradigme patriarcal fermement cadenassé dans le texte qui en constitue l'ultime rempart. C'est en effet dans le Coran que les intellectuels conservateurs et les mouvements islamistes se retranchent pour puiser leurs arguments et opposer leur veto à la remise en cause de l'inégalité entre hommes et femmes, "parce que Dieu le veut". Analyser le texte sacré, sans "baisser les yeux", devient une voie incontournable en insistant sur son historicité et donc sur la possibilité de sa remise en cause." (pp.11-13)

    "Quelle place tient la femme dans le Coran ? Comment son corps y est-il perçu ? Comment le rapport homme/femme a-t-il été conçu ? La femme musulmane à l'époque du Prophète Muhammed a-t-elle subi les décrets du Livre sans en remettre la teneur en cause ? Fut-elle consentante et totalement soumise aux sentences de la révélation ou en fut-il autrement ?

    Dans les faits, la femme a été beaucoup plus présente qu'on ne le pense généralement à la naissance de l'islam, et autrement qu'on se plaît à la présenter. Elle l'a été par la force des choses, lors des différentes phases de lancement de celle-ci, de l'aveu même des fondateurs de cette religion. La femme a été l'épouse, la mère, la fille, la sœur. [...] La femme a souffert lors des émigrations, soutenu les guerriers lors des expéditions, soigné les hommes malades et pris soin de leur progéniture. C'est cette image, précisément, de bonne mère et d'épouse soumise que la chronique officielle s'est efforcée de retenir d'elle, plus à dessein que par bonté ou par reconnaissance.

    Il se trouve que la femme musulmane a été aussi, et dès le départ, une contestataire, parfois radicale, dont l'exégèse a cherché à étouffer la voix. La chronique a fait fi de cet état de choses, elle a dépeint un autre tableau, idyllique, chantant la louange de la femme croyante et gommant, du coup, du paysage, la femme protestataire. Les femmes contestataires et les femmes remarquables en général ont eu, à l'époque, le destin commun de voir leurs réalisations, et, de là, leurs aptitudes, tues. Ces femmes, comme le dit élégamment Assia Djebbar, "trouent par de brefs instants, mais dans des circonstances ineffaçables, le texte des chroniqueurs qui écrivent un siècle et demi, deux siècles après les faits". Aussi une mission s'impose dans ce cadre, celle de "combler les béances de la mémoire collective".
    Ce livre s'efforce d'approcher de plus près la réalité, de façon objective, au moins sous certains angles, en vue de faire entendre les voix de ces femmes jusque dans les silences du texte. [...]

    Il ressort de la lecture attentive du texte sacré que le corps de la femme est suspect: on le craint en conséquence, on le surveille et on s'en méfie. C'est ce dont traite le chapitre portant sur le corps diabolisé, qui va au-delà des nuances juridiques le concernant, afin de mettre en lumière la place véritable du corps dans la société musulmane et dans son imaginaire. [...] Il en ressort suspect et sujet à méfiance, la femme devient un être impur comme le laisse penser le texte coranique lui-même. Un verset du Coran recense les états d'impureté imposant ablution, et mentionne en plus de l'impureté résultat d'un rapport sexuel celle causée par un simple toucher de la femme, al-lamss ! [...]

    Le statut nettement subalterne de la femme, tel qu'il ressort des différents aspects examinés, se profile fortement dans la perception sociale et culturelle de la femme telle qu'on la retrouve dans le langage juridique se rapportant à la répudiation. Des mots toujours en usage recèlent ce legs culturel d'un autre âge où la femme n'est pas loin d'être confondue avec l'animal. C'est cette image qui est brossée dans le chapitre sur la répudiation, confirmant sa marginalisation dans la conduite des affaires de la cité." (pp.13-16)

    "L'intelligence de ces questions nécessite de ne pas se laisser enfermer dans un raisonnement qui ne prend pas soin de se départir du cadre juridique pur, et s'attache à s'ouvrir sur le champ social dont les contradictions ont dicté, directement ou indirectement, bien des décrets descendus du ciel. [...]

    "Le présent essai sur le "corps enchaîné" a pour prétention d'œuvre à montrer que la liberté, l'égalité, la dignité de la femme dans le monde musulman, ne sont envisageables qu'en dehors du paradigme religieux. Elles supposent comme préalable la sortie du champ religieux, comme seule issue pour l'édification d'une société moderne et démocratique." (p.17)
    -Mohammed Ennaji, Le corps enchaîné. Comment l’islam contrôle la femme, Éditions La croisée des chemins, 2019 (2ème édition), 245 pages.




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