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    Hans-Hermann Hoppe, Démocratie, le dieu qui a échoué

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Hans-Hermann Hoppe, Démocratie, le dieu qui a échoué Empty Hans-Hermann Hoppe, Démocratie, le dieu qui a échoué

    Message par Johnathan R. Razorback Lun 6 Mar - 11:56



    "Jusqu’en 1914, il n'existait que trois républiques en Europe : la France, la Suisse et après 1911, le Portugal ; et de toutes les monarchies européennes, seul le Royaume Uni pouvait être classifié comme un système parlementaire, c.-à-d. où le pouvoir suprême est confié à un parlement élu. Juste quatre ans plus tard, après l'entrée des États-Unis dans la guerre européenne et la détermination décisive de son issue, les monarchies eurent pratiquement disparu, et l'Europe comme le monde entier était entré dans l'ère du républicanisme démocratique."

    "Depuis la fin des années 60 ou le début des années 70, les revenus des salaires réels aux États-Unis et en Europe occidentale ont stagné ou même chuté. En Europe occidentale notamment, les taux de chômage ont marqué une hausse sans interruption et dépassent actuellement les 10 %. La dette publique a partout atteint des sommets astronomiques, excédant même dans de nombreux cas le Produit Intérieur Brut annuel du pays."

    "Si les États-Unis avaient suivi une politique étrangère strictement non interventionniste, il est probable que le conflit intra-européen se serait terminé fin 1916 ou début 1917, suite à plusieurs initiatives de paix, notamment par l’Empereur d’Autriche Charles Ier. De plus, la guerre se serait conclue par une paix de compromis mutuellement acceptable et sauvant l’honneur, plutôt que par l'actuel diktat. Par conséquent, l’Autriche-Hongrie, l’Allemagne et la Russie seraient restées des monarchies traditionnelles au lieu d’être transformées en républiques démocratiques sans lendemain. Avec un tsar russe et des Kaiser allemand et autrichien en place, il aurait été presque impossible aux bolcheviks de s’emparer du pouvoir en Russie, et en réaction à une menace communiste croissante en Europe occidentale, aux fascistes et aux national-socialistes de faire de même en Italie et en Allemagne. Les millions de victimes du communisme, du national-socialisme et de la Seconde Guerre mondiale auraient été sauvées. L’étendue de l'ingérence et du contrôle étatique dans l’économie privée aux États-Unis et en Europe occidentale n’aurait jamais atteint les sommets connus aujourd’hui. Et plutôt que de voir l’Europe Centrale et de l'Est (et par conséquent la moitié du globe) tomber entre des mains communistes et être pendant plus de quarante ans pillée, dévastée et isolée de force des marchés occidentaux, toute l’Europe (et le monde entier) serait restée intégrée économiquement (comme au XIXe siècle) dans un système mondial de division du travail et de coopération. Les niveaux de vie mondiaux auraient augmenté énormément plus vite qu'ils ne l'ont fait en réalité."

    "On peut facilement convenir que les prestations sociales et les taux de criminalité furent bas dans les années 50 et qu’ils sont désormais tous deux relativement élevés. Pourtant, la criminalité augmenta-t-elle à cause de la hausse des prestations sociales ou malgré elle, ou la criminalité et les prestations n’ont-elles aucun lien et la relation entre ces deux phénomènes est-elle pure coïncidence ? Les faits ne fournissent pas de réponse à de telles questions, et aucun volume de manipulations statistiques des données ne peut espérer changer cela. Les données de l’histoire sont logiquement compatibles avec chacune de ces interprétations rivales, et les historiens, dans la mesure où ils sont juste historiens, n’ont aucun moyen de trancher en faveur de l’une ou de l’autre.

    Si on veut faire un choix rationnel entre ces interprétations rivales et incompatibles, cela n’est possible qu'avec une théorie à sa disposition, ou au moins une proposition théorique dont la validité ne dépend pas de l'expérience historique mais peut être établie a priori, c.-à-d. une fois pour toutes par l'appréhension ou la compréhension intellectuelle de la nature des choses. Dans certains milieux, ce genre de théorie est tenue en piètre estime ; et certains philosophes, spécialement ceux de la variété empiriste-positiviste, ont déclaré toute théorie semblable comme hors-limites, voire impossible. Il ne s’agit pas d’un traité philosophique consacré à une discussion sur des questions d’épistémologie et d’ontologie. Ici et dans ce qui suit, je ne souhaite pas directement réfuter la thèse empiriste-positiviste selon laquelle il ne peut exister de théorie a priori, c.-à-d. des propositions qui affirment quelque chose sur la réalité et qui peuvent être validées indépendamment du résultat de toute expérience future.15 Il convient, cependant, de reconnaître d'emblée que je considère cette thèse — et, en fait, l'ensemble du programme de recherche empiriste-positiviste, qui peut être interprété comme le résultat de l'application des principes (égalitaires) de la démocratie au domaine du savoir et de la recherche et qui a donc dominé idéologiquement pendant la majeure partie du XXe siècle — comme fondamentalement erronée et minutieusement démentie. Ici, il suffit de présenter quelques exemples de ce qu’on entend par théorie a priori — et, en particulier, de donner de tels exemples tirés du domaine des sciences sociales — afin de calmer toute éventuelle suspicion et de recommander mon approche théorique comme intuitivement plausible et conforme au bon sens."

    "Voici des exemples de ce que j’entends par théorie a priori : Aucun élément matériel ne peut être à deux endroits à la fois. Deux objets ne peuvent occuper la même place. La ligne droite est la plus courte entre deux points. Deux lignes droites ne peuvent entourer un espace. Un objet quelconque entièrement rouge ne peut pas être tout vert (ni tout bleu ou jaune, etc.). Un objet quelconque s’il est coloré a aussi une dimension. Un objet quelconque s’il a une forme a aussi une taille. Si A est une partie de B et B une partie de C, alors A est une partie de C. 4 = 3 + 1. 6 = 2 (33 – 30). Il est invraisemblable que les empiristes doivent dénigrer ces propositions comme de simples conventions linguistico-syntaxiques sans aucun contenu empirique, c.-à-d. des tautologies « vides ». À l’opposé de cette vue et conformément au bon sens, je comprends ces mêmes propositions comme des affirmations de vérités simples mais fondamentales sur la structure de la réalité. Et, toujours en accord avec le bon sens, je considérerais comme confus quiconque voudrait « tester » ces propositions ou qui ferait état de « faits » contradictoires ou qui s'en éloignent. Une théorie a priori l’emporte sur l’expérience et la corrige (et la logique l’emporte sur l’observation) et non l’inverse. [...]

    Pour un empiriste, de telles propositions doivent être interprétées soit comme n’énonçant rien d’empirique du tout et n'étant que de simples conventions de langage, soit comme des hypothèses perpétuellement testables18 et provisoires. Pour nous, comme pour le bon sens, elles ne sont rien de tout cela. En fait, il nous semble tout à fait fallacieux de dépeindre ces propositions comme n’ayant aucun contenu empirique. Manifestement, elles affirment quelque chose sur des objets et d’événements « réels » ! Et il semble de même fallacieux de considérer ces propositions comme des hypothèses. Les propositions hypothétiques, telles que communément comprises, sont des déclarations telles que celles-ci : Les enfants préfèrent McDonald’s à Burger King. À l’échelle mondiale, le ratio d’achat du bœuf comparé à celui de porc est de 2:1. Les Allemands préfèrent l’Espagne à la Grèce comme destination de vacances. Des études plus longues en école publique conduiront à des salaires plus élevés. Le volume des achats peu avant Noël dépasse celui des achats peu après Noël. Les catholiques votent majoritairement « Démocrate ». Les Japonais épargnent un quart de leur revenu disponible. Les Allemands boivent plus de bière que les Français. Les États-Unis produisent plus d’ordinateurs que tout autre pays. La plupart des habitants des États-Unis sont blancs et d’origine européenne. De telles propositions exigent la collecte de données historiques pour être validées. Et elles doivent être continuellement réévaluées, car les relations affirmées ne sont pas nécessaires (mais « contingentes ») ; au sens qu’il n’y a rien d’intrinsèquement impossible, d’inconcevable, ni simplement de faux à supposer le contraire de ce qui précède ; p. ex., que les enfants préfèrent Burger King à McDonald’s ou que les Allemands préfèrent la Grèce à l’Espagne, etc. En revanche, ce n’est pas le cas des propositions théoriques citées plus haut. Nier ces propositions et supposer, par exemple, qu’une plus petite quantité d’un bien pourrait être préférée à une plus grande quantité du même bien, que ce qui est consommé maintenant peut être consommé à nouveau dans le futur, ou que la comptabilité analytique pourrait être réalisée sans prix des facteurs, frappe comme absurde ; et quiconque se lançant dans la « recherche empirique » et « l’expérimentation » pour déterminer laquelle de ces deux propositions contradictoires est avérée ou pas, se révèle soit un fou, soit un imposteur."

    "Les propositions théoriques telles que celles juste citées sont acceptées pour ce qu'elles semblent être : des déclarations sur des faits et des relations nécessaires. Comme telles, elles peuvent être illustrées par des données historiques, mais ces dernières ne peuvent ni les établir ni les réfuter. Au contraire. Même si l’expérience historique est nécessaire pour saisir, au début, un concept théorique, ce concept porte sur des faits et des relations qui dépassent et transcendent logiquement toute expérience historique particulière. Ainsi, une fois qu’un concept théorique a été assimilé, il peut être utilisé comme une norme constante et permanente de « critique », c.-à-d. dans le but de corriger, réviser et rejeter ou accepter des rapports ou des interprétations historiques."

    "Les historiens en tant qu’historiens ne peuvent rationnellement trancher entre des interprétations incompatibles d'un même jeu de données ou séquence d’événements ; dès lors, ils sont incapables d’apporter des réponses aux questions sociales les plus importantes. Le principal avantage de l’économiste et philosophe politique sur le simple historien (et les avantages à tirer de l’étude de l’économie politique et de la philosophie par l’historien) tient à sa connaissance de la théorie sociale pure (a priori), lui permettant d’éviter des erreurs autrement inévitables dans l'interprétation des suites de données historiques complexes et de présenter un récit de l’histoire théoriquement corrigé ou « reconstruit » et résolument critique ou « révisionniste »."

    "Chaque État, quelle que soit sa constitution, est économiquement et éthiquement déficient. Tout monopoleur, y compris celui de la prise de décision en dernier ressort, est « mauvais » du point de vue des consommateurs. Le mot monopole est interprété ici dans son sens classique, comme l’absence de libre accès à une ligne de production donnée : une seule agence, A, a le droit de produire X. Tout tel monopoleur est « mauvais » pour les consommateurs parce que dans sa chaîne de production à l’abri des nouveaux entrants potentiels, le prix de son produit sera plus élevé et la qualité moindre qu’autrement. En outre, personne n'accepterait une disposition qui permettrait à un monopoleur de la prise de décision en dernier ressort, c.-à-d. l'arbitre et juge final de chaque cas de conflit interpersonnel, de déterminer unilatéralement (sans le consentement de tous les intéressés) le prix à payer pour son service. Ainsi, le pouvoir d’imposer est éthiquement inacceptable. En effet, un monopoleur de la prise de décision en dernier ressort doté du pouvoir de taxer ne produit pas seulement moins de justice et de moindre qualité, mais il produira de plus en plus de « maux », c.-à-d. d'injustice et d'agression. Ainsi, le choix entre la monarchie et la démocratie est un choix entre deux ordres sociaux défectueux."

    "Mises comme Rothbard avaient un faible pour la démocratie et avaient tendance à considérer la transition de la monarchie vers la démocratie comme un progrès. En revanche, j’expliquerai la croissance rapide du pouvoir étatique au cours du XXe siècle, déploré par Mises et Rothbard, comme le résultat logique de la démocratie et de l’esprit démocratique, c.-à-d. la croyance (erronée) de l’efficacité et/ou de la justice de propriété publique et du régime populaire (majoritaire)."

    "Selon la doctrine empiriste, les questions normatives ne sont pas du tout des questions « scientifiques » et il n’existe aucune théorie a priori. [...]

    En conséquence, l'essentiel de ce qui passe de nos jours pour de la sociologie n'est pas juste totalement faux, mais aussi sans pertinence et sans intérêt."

    "En agissant, un acteur vise invariablement à passer d’une situation moins satisfaisante à une autre plus satisfaisante, démontrant ainsi une préférence pour plus de biens plutôt que moins. De plus, il estime toujours quand, dans le futur, ses buts seront atteints, c.-à-d. le temps nécessaire pour les accomplir, ainsi que la durée d’usage des biens. Ainsi, il démontre aussi une préférence universelle pour des biens immédiats plutôt qu’ultérieurs, et qui durent plutôt plus que moins. C’est là le phénomène de la préférence temporelle."

    "Plus le niveau de préférence temporelle est bas, plus tôt débute le processus de formation du capital et plus vite la structure détournable de production sera allongée. Toute hausse de l’accumulation des biens d’équipement et la détournabilité de la structure de production accroît à son tour la productivité marginale du travail. Cela mène à la hausse de l’emploi ou des salaires, voire à la hausse de la masse des salaires, si la courbe d’offre de travail devait prendre une pente négative avec des salaires plus hauts. Dotée d’une quantité accrue de biens d’équipement, une population de salariés mieux payée produira un produit social — futur — globalement accru, augmentant donc aussi le revenu réel des propriétaires du capital et du sol."

    "Si un événement négatif tel qu’une inondation est anticipé, l’utilité marginale des biens futurs augmente. Le niveau de préférence temporelle chutera et l’épargne augmentera. Après l’événement, avec une offre réduite de biens actuels, la préférence temporelle montera.34

    Les processus biologiques sont techniquement à sa portée ; mais pour des raisons pratiques et pour le futur prévisible, l’acteur doit les considérer eux aussi comme un acquis, analogue à des événements externes.

    Il est acquis que l’homme naît enfant, qu’il grandit et devient adulte, qu’il est capable de procréer durant une partie de sa vie, qu’il vieillit et meurt. Ces faits biologiques ont un impact direct sur la préférence temporelle. Du fait de contraintes biologiques sur leur développement cognitif, les enfants ont un niveau de préférence temporelle extrêmement élevé. Ils n’ont pas une idée claire du concept d’espérance de vie personnelle à long terme et il leur manque la pleine compréhension de la production comme mode indirect de consommation. En conséquence, biens actuels et satisfaction immédiate sont fortement préférés aux biens futurs et à une satisfaction différée. Les activités d’épargne-investissement sont rares et les périodes de production et d’approvisionnement dépassent rarement le futur le plus immédiat. Les enfants vivent au jour le jour et d’un plaisir immédiat à l’autre.

    Alors qu’il devient adulte, le niveau de préférence temporelle d’un acteur, initialement extrêmement haut, tend à chuter. En reconnaissant son espérance de vie et les potentialités de la production comme moyen de consommation indirect, l’utilité marginale des biens futurs s’accroît. Épargne et investissement sont stimulés et les durées de production et d’approvisionnement sont allongées.

    Enfin, alors qu’on vieillit et que la fin de vie approche, le niveau de préférence temporelle tend à monter. L’utilité marginale des biens futurs chute car il reste moins d’avenir. Épargne et investissements diminueront et la consommation — y compris le non-remplacement du capital et des biens de consommation durables — augmentera. Cet effet du grand âge peut cependant être contrecarré et suspendu. Grâce au fait biologique de la procréation, un acteur peut étendre sa durée d’influence au-delà de sa propre durée de vie. Dans la mesure où c’est bien le cas, son niveau de préférence temporelle peut rester à son niveau d’adulte jusqu’à sa mort.

    Au sein des contraintes imposées par les facteurs externes et biologiques, un acteur fixe son niveau de préférence temporelle en accord avec ses évaluations subjectives. Les variations de ce niveau, et leur amplitude, au cours de sa vie dépendent de facteurs psychologiques personnels. Un homme peut ne se soucier de rien d’autre que du présent et de l’avenir le plus immédiat. Tel un enfant, il peut ne voir d’intérêt que dans des satisfactions immédiates ou à peine retardées. En accord avec son haut niveau de préférence temporelle, il peut vouloir être un clochard, un vagabond, un ivrogne, un drogué, un rêveur, ou simplement un type insouciant aimant travailler le moins possible pour apprécier chaque jour à plein. Un autre s’inquiétera constamment de son avenir et de celui de sa progéniture et, au moyen de l’épargne, pourra vouloir constituer un stock toujours croissant de capital et de biens de consommation durables pour fournir une offre croissante de biens futurs et une période toujours plus longue d’influence. Une troisième personne pourra ressentir un niveau de préférence temporelle quelque part entre ces extrêmes, ou ressentir des niveaux différents à différents moments et ainsi choisir encore un autre style de vie et de carrière."

    "L’épargnant-investisseur initie un « processus de civilisation ». En engendrant une tendance à la baisse des niveaux de préférence temporelle, il mûrit d’enfant à adulte et du barbarisme à la civilisation, comme directement ou indirectement tous ceux reliés à lui via son réseau d’échange.

    En construisant une structure grandissante de capital et de biens de consommation durables, l’épargnant-investisseur agrandit aussi continuellement la portée de son horizon et de ses projets. Le nombre de variables sous son contrôle et prises en compte par ses actions actuelles augmente. Par suite, cela augmente le nombre et l’horizon temporel de ses prédictions quant aux événements futurs. Ainsi, l’épargnant-investisseur a intérêt à acquérir et à améliorer constamment sa connaissance d’un nombre croissant de variables et de leurs interrelations. Pourtant, une fois sa propre connaissance acquise ou améliorée et exprimée ou révélée par l’action, ce savoir devient un « bien gratuit », disponible à l’imitation et à l’usage par d’autres pour leurs propres buts. Ainsi, grâce à l’épargne de l’épargnant, même la personne la plus centrée sur le présent sera graduellement transformée d’un barbare en un homme civilisé. Sa vie cesse d’être courte, brutale et cruelle pour devenir longue, toujours plus raffinée et confortable."

    "S’il survient des violations de droits de propriété et que les biens appropriés ou produits par A sont dérobés, endommagés ou expropriés par B, ou si B restreint l’usage que A peut faire de ses biens d’une quelconque façon (autre que de ne pas être autorisé à causer tout dommage physique à la propriété de B), alors la tendance vers une chute du niveau de préférence temporelle sera perturbée, stoppée, voire inversée.

    Les violations de droits de propriété — et leurs effets sur le processus de civilisation — peuvent être de deux sortes. Elles peuvent prendre la forme d’activités criminelles (y compris un comportement négligent) ou d’ingérence institutionnelle ou étatique.

    La marque caractéristique des violations criminelles de droits de propriété est que de telles activités sont considérées illégitimes ou injustes, outre par la victime, par les propriétaires en général (voire peut-être par le criminel lui-même). Ainsi, la victime est considérée en droit de se défendre avec force si besoin en représailles, et peut punir et/ou exiger compensation du contrevenant.

    L’effet du crime est double. D’un côté, l’activité criminelle réduit l’offre en biens de l’échangeur appropriateur-producteur victime, rehaussant de ce fait son niveau effectif de préférence temporelle (pour un ordre de préférence temporelle donné). D’autre part, tant que les individus perçoivent un risque de persécution future, ils réalloueront leurs ressources en fonction. Ils construiront des murs et des barrières, installeront des verrous et des systèmes d’alarme, concevront ou achèteront des armes et se procureront des services de protection et d’assurance. L’existence du crime conduit ainsi à un recul du processus vers la chute du niveau de préférence temporelle, pour les victimes effectives ; et elle conduit à des dépenses — par les victimes réelles et potentielles — qui seraient vues comme du gaspillage en l’absence de crime."

    "Le crime ou un changement de son taux a le même type d’effet sur la préférence temporelle que l’avènement ou une fréquence modifiée des catastrophes « naturelles ». Inondations, orages, vagues de chaleur et tremblements de terre réduisent aussi l’offre de leurs victimes en biens actuels et accroissent ainsi leur niveau effectif de préférence temporelle. Et la perception d’un changement du risque de désastres naturels conduit aussi à la réallocation des ressources et à des ajustements des dépenses — tels que la construction de barrages, systèmes d’irrigation, digues, abris, ou l’achat d’assurances séismes — qui seraient inutiles sans ces risques naturels.

    Plus important cependant, parce que les victimes potentielles et réelles sont autorisées à se défendre, se protéger et s’assurer contre les désastres naturels et sociaux, tel le crime, leur effet sur la préférence temporelle est temporaire et non systématique. Les victimes réelles épargneront ou investiront des montants moindres parce que plus pauvres. Et la perception altérée du risque parmi les victimes réelles ou potentielles forme l’orientation de leurs futures actions. Mais tant que protection physique et défense sont permises, l’existence de désastres sociaux ou naturels n’implique pas que le niveau de préférence temporelle des victimes réelles ou potentielles — leur niveau d’orientation future — aura systématiquement changé. Une fois pris en compte les dégâts et ses activités réorientées, la tendance à la baisse du niveau de préférence temporelle, et le processus de civilisation associé, reprend son cours antérieur. Ce faisant, il est à prévoir que la protection contre le crime comme celle contre les désastres naturels soient constamment améliorées.

    Les choses changent cependant fondamentalement et le processus de civilisation est durablement sorti des rails chaque fois que les violations des droits de propriété prennent la forme d’ingérence étatique. La marque distinctive des violations étatiques des droits de propriété est que contrairement aux activités criminelles, elles sont vues comme légitimes non seulement par les agents étatiques qui s’y emploient, mais aussi par le grand public (et plus rarement, même par la victime). Dès lors, dans ces cas-ci, une victime ne peut pas légitimement se défendre contre de telles violations.

    L’imposition d’une taxe étatique sur la propriété ou le revenu viole la propriété ou les droits du producteur du revenu autant que le vol. Dans les deux cas, l’offre de biens de l’appropriateur-producteur est réduite contre sa volonté et sans son consentement. La création de monnaie étatique ou de « liquidités » suppose une expropriation des propriétaires privés pas moins frauduleuse que les opérations criminelles d’une bande de faux-monnayeurs. De plus, toute réglementation étatique relative à ce qu’un propriétaire peut ou pas faire de sa propriété — au-delà de la règle que nul ne peut endommager physiquement la propriété d’autrui et que tout échange ou commerce avec autrui doit être volontaire et contractuel — implique de « prélever » sur la propriété de quelqu’un au même titre que des actes d’extorsion, de cambriolage ou de destruction. Mais la fiscalité, la source de liquidité de l’État, et les réglementations étatiques — contrairement à leurs équivalents criminels — sont considérées comme légitimes ; et la victime de l’ingérence étatique — au contraire de la victime d’un crime — n’est pas autorisée à la défense physique ni à la protection de sa propriété.

    Ainsi, en raison de leur légitimité, les violations étatiques des droits de propriété affectent les préférences temporelles invariablement différemment et bien plus profondément que le fait le crime. Comme le crime, l’ingérence de la bureaucratie dans les droits de propriété privée réduit l’offre de certains en biens actuels et hausse ainsi leur niveau effectif de préférence temporelle. Cependant, au contraire du crime, les outrages étatiques rehaussent simultanément le niveau de préférence temporelle des victimes réelles et potentielles parce qu’ils induisent une réduction de l’offre de biens futurs (un taux réduit de retour sur investissement). Le crime, parce qu’il est illégitime, ne se produit que par intermittence — le voleur quitte la scène avec son butin et laisse sa victime tranquille. Ainsi, le crime peut être traité en augmentant la demande de biens et services de protection (relative à celle des autres biens) afin de rétablir, voire accroître son futur taux de retour sur investissement et réduire la probabilité que le même voleur ou un autre réussisse une seconde fois envers la même victime ou une autre. À l’inverse, parce qu’elles sont légitimes, les violations étatiques des droits de propriété sont continuelles. Le contrevenant ne disparaît pas se cacher mais reste dans les parages et la victime ne « s’arme » pas mais doit (du moins on s’attend généralement à ce qu’elle le fasse) rester sans défense. Par conséquent, les violations futures de droits de propriété, au lieu de devenir moins fréquentes, deviennent institutionnalisées. Le taux, la régularité et la durée des futures persécutions augmentent. Plutôt que par une meilleure protection, les victimes réelles et potentielles des violations étatiques de droits de propriété — comme le démontre leur absence de défense continue contre leurs agresseurs — répondent en associant un risque toujours supérieur à toute production future et en ajustant systématiquement à la baisse leurs espoirs de taux de retour sur investissement.

    En concurrence avec la tendance vers la baisse du niveau de préférence temporelle, une autre tendance opposée entre en jeu avec l’existence de l’État. En réduisant simultanément l’offre de biens actuels et de biens futurs (prévus), non seulement les violations étatiques de droits de propriété rehaussent le niveau de préférence temporelle (pour des ordres [de préférence temporelle] donnés), mais les ordres de préférence temporelle de même. Comme les appropriateurs-producteurs sont (et se voient comme étant) sans défense contre les persécutions futures des agents étatiques, leur taux de retour espéré sur des actions productives tournées vers l’avenir est partout réduit, et par conséquent, toutes les victimes réelles ou potentielles deviennent davantage axées sur le présent.

    Comme il sera expliqué dans la section suivante, si les violations étatiques de droits de propriété suivent leur cours et deviennent assez intenses, la tendance naturelle de l’humanité à constituer un stock croissant de capital et de biens durables, pensant toujours à plus long terme et répondant à des buts toujours plus distants, peut non seulement être mise à l’arrêt, mais peut être inversée en une tendance vers la décivilisation ; d’anciens fournisseurs prévoyants deviendront des ivrognes ou des rêveurs, des adultes seront bientôt des enfants, des hommes civilisés des barbares, et des producteurs des criminels."
    -Hans-Hermann Hoppe, Démocratie, le dieu qui a échoué, 2019 (2001 pour la première édition états-unienne), 85 pages.

    "Le problème de l’immigration serait résolu spontanément dans un monde reposant uniquement sur des propriétés privées car les propriétaires seraient libres d’accueillir ou d’exclure ceux qui souhaiteraient venir sur leurs propriétés."
    -Pascal Salin, préface à Hans-Hermann Hoppe, Démocratie, le dieu qui a échoué, 2019 (2001 pour la première édition états-unienne), 85 pages.

    Le "bon sens", c'est ce qu'on pensait avant d'avoir réfléchi. C'est donc l'opinion. L'opinion est une croyance qui peut être vraie comme fausse. Elle est bien souvent la reproduction d'attitudes héritées du passé, donc un préjugé. Il n'y a strictement aucune autorité intellectuelle des préjugés. Il y a frappant de voir que l'épistémologie d'Hoppe mélange deux ingrédients contradictoires: un rationalisme déductiviste de type typiquement moderne (à la Descartes) et commun dans la tradition libérale, et à côté de ça, une apologie du préjugé typique des courants conservateurs ou du populisme réactionnaire. Il faut choisir: on ne peut pas se réclamer à la fois de la raison et du préjugé. On ne peut pas mettre à la même table Ayn Rand et Joseph de Maistre.

    + La richesse redistribuée a des effets de démultiplication de la productivité. On ne peut pas la réduire à un coût ou une désincitation à produire.



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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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