"Les articles réunis ici représentent une partie de mon travail le plus récent sur le genre et la sexualité, centrée sur la question de savoir ce que pourrait signifier de défaire les conceptions normatives restrictives de la vie sexuelle et genrée. Ils traitent aussi de l'expérience de « se défaire » [becoming undone], que ce soit dans le bon ou le mauvais sens du terme. Parfois, une conception normative du genre peut défaire notre personnalité, ébranler notre capacité à persévérer dans une vie vivable. D'autres fois, l'expérience d'une restriction normative se défaisant peut défaire la représentation que nous avons de ce que nous sommes, mais cette fois pour en inaugurer une autre, relativement nouvelle, dont la finalité est une vie plus vivable.
Si le genre est une sorte de faire, une activité incessante performée \ en partie, sans en avoir conscience et sans le vouloir, il n'est pas pour autant automatique ou mécanique. Au contraire, c'est une pratique d'improvisation qui se déploie à l'intérieur d'une scène de contrainte. Qui plus est, on ne « fait » pas son genre tout seul. On le « fait » toujours avec ou pour quelqu'un d'autre, même si cet autre n'est qu'imaginaire. Ce que j'appelle « mon » genre apparaît parfois comme une chose dont je suis l'auteure." (p.12)
-Judith Butler, Défaire le genre, Éditions Amsterdam, 2016, 392 pages.