"Comment exister encore, durablement, écologiquement, équitablement, sans la préservation de ce qui nous rend possible et nous constitue, sans la continuité du monde ?
Pouvons-nous encore configurer un futur moins barbare sans rien sacrifier aux valeurs d'émancipation humaines et sociales de la modernité et de ses idéaux universels qui ne sont désormais plus à l'abri des souffrances de la Terre ?" (p.9)
"Pourquoi poursuivons-nous aveuglément notre chemin dans celui balisé par la croissance infinie et l'autovalorisation du capital? Comment se fait-il que nous ne soyons pas encore davantage décroissants ?" (p.11)
"À quelle condition l'émancipation écosociale est-elle possible ?" (p.12)
"De nos jours, ce ne sont pas seulement les idées politiques généreuses qui succombent à la logique de fer du capital, mais toutes les prétentions d'émancipation par la connaissance. Grâce à la science expérimentale, nous savons par exemple aujourd'hui que les gènes des neurones de notre cerveau réagissent à l'environnement. Pourtant, est-ce que ce fait scientifiquement établi change quoi que ce soit à la poursuite de la légitimation sociale du capitalisme basé sur la liberté du sujet ? Est-ce que ce fait change quoi que ce soit à la poursuite du capitalisme basé sur une conception volontariste, cartésienne et dualiste de l'être humain depuis longtemps remise en question par l'anthropologie et par d'autres sciences ? Pourquoi donc ce décalage entre connaissance universelle et conscience particulière à propos de la cumulativité de la connaissance ? Pourquoi n'y a-t-il pas de conséquences empiriques à des connaissances humaines essentielles ? C'est un peu comme si personne ne semblait s'être aperçu de la disparition lente, mais réelle, du lien entre la connaissance et l'action. Pourtant, il semble bien aujourd'hui que l'ancien dicton de la modernité triomphante: « savoir, c'est pouvoir » est, malgré les investissements en capital humain, un slogan complètement dépassé. La seule connaissance qui se vend encore bien, c'est celle qui reproduit ce qui est. Au pays de Harpeur, la science véritable éprouve plus de difficulté à se faire entendre que toutes les formes irrationnelles de pseudo-connaissances ésotériques anciennes et nouvelles servant à soumettre et à adapter l'inconscient personnel à la folie collective." (pp.13-14)
"Cet essai se présente sous la forme d'une introduction aux valeurs écosociales et entend procéder à une description critique des obstacles politiques, économiques et techniques à l'émancipation sociale et écologique. [...] Par son poids et sa présence à travers tout le livre, c'est aussi une introduction à la pensée du philosophe allemand Günther Anders." (p.16)
"Comprendre aussi ce qui se cache dans les replis du langage et du savoir tronqué." (p.17)
"Il sera fait un usage synonyme des termes « technique », « technique moderne » et « technologie » pour référer aux mêmes réalités industrielles. Nous expliciterons par contre au chapitre 5 la différence que nous entendons entre la « technique moderne » ou la « technologie » et la « technique » proprement dite." (note 14 p.17)
"Quelle est exactement la « nature » du capitalisme et pourquoi est-il si nécessaire, dans une perspective éthique universelle de conservation du monde vivant, de réussir à le dépasser ?" (p.19)
"Ce qui attaque et détériore les rapports humains sous le capitalisme est déterminé par l'existence de la marchandise elle-même et non pas seulement de son échange sur le « marché ». Du strict point de vue de l'accumulation du capital, il importe assez peu finalement que cette marchandise soit organisée par l'État ou par des entreprises privées, qu'elle circule sur un marché libre ou à l'intérieur d'une économie planifiée. L'important, pour caractériser le capitalisme, c'est de comprendre l'existence et le sens du salariat." (p.20)
-Louis Marion, Comment exister encore ? Capital, techno-science et domination, Montréal, Éditions Écosociété, 2015, 163 pages.