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    Erich Hörl & Guillaume Plas, « Le nouveau paradigme écologique. Pour une écologie générale des médias et des techniques »

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Erich Hörl & Guillaume Plas,  « Le nouveau paradigme écologique. Pour une écologie générale des médias et des techniques » Empty Erich Hörl & Guillaume Plas, « Le nouveau paradigme écologique. Pour une écologie générale des médias et des techniques »

    Message par Johnathan R. Razorback Mer 3 Mai - 17:49

    https://www.cairn.info/revue-multitudes-2012-4-page-74.htm

    "Notre environnement, tel que Guattari l’analyse, se met pour ainsi dire à grouiller d’entités autopoïétiques ou proto-autopoïétiques, d’hétérogenèses machiniques, d’émergences, de processus créateurs – la description qu’en donne Guattari s’inspire d’ailleurs conceptuellement, à un degré étonnant, de la cybernétique de deuxième ordre (ou « seconde cybernétique »)."

    "Depuis la deuxième moitié du XXe siècle et jusqu’à aujourd’hui, c’est une vaste transformation de la subjectivité qui s’opère de manière ininterrompue, portée en premier lieu par les nouvelles technologies médiatiques et les nouveaux réseaux cybernétiques, bioniques et sensoriels. Le moteur principal de ce processus dans son ensemble, c’est la redéfinition de la position historique de la technique et de la sensation qui a lieu à cette occasion. Dans ce contexte, il apparaît que le concept de « nouveau paradigme esthétique » met d’abord et avant tout le doigt sur une profonde césure dans l’histoire des médias : celle que marque le passage du primat des médias symboliques au primat des médias affectifs, puis atmosphériques, tel qu’il s’accomplit par le biais de la computation en réseau.

    Les sujets se retrouvent aujourd’hui immergés dans des environnements connectés, enveloppés dans des nuages de données. De nouvelles technologies médiatiques, des technologies médiatiques environnementales au sens le plus fort du terme, mettent ainsi en évidence de manière radicale le fait que la sensation et la cognition ont lieu pour l’essentiel en deçà de ce que l’on pouvait concevoir jadis comme la subjectivité, une subjectivité segmentarisée et individualisée. Elles cessent d’être concentrées et concentrables dans le seul sujet, étant bien au contraire toujours déjà distribuées en différents vecteurs. Et ces nouveaux vecteurs de subjectivation qui apparaissent à cette occasion s’avèrent imprégnés par les techniques médiatiques.

    En d’autres termes, à la lumière des technologies médiatiques environnementales et du réarrangement radicalement distribué de la sensation et de la cognition que ces technologies réalisent, la subjectivité classique elle-même se révèle être une illusion indéfendable. S’il y a toujours déjà eu une dispersion et une extériorisation technologique de la subjectivité, les vecteurs de subjectivité environnementaux font aujourd’hui on ne peut plus clairement apparaître aux yeux de tous que les processus d’individuation psychiques et collectifs sont co-constitués par l’individuation des objets techniques, dont ils sont toujours déjà inséparables."

    "Dans la mesure où le concept de « nouveau paradigme esthétique » célèbre la « capacité d’invention de coordonnées mutantes, d’engendrement de qualités d’êtres inouïes, jamais vues, jamais pensées », cette dignité ontologique nouvelle que l’ontologie plurielle et hétérogénétique confère à l’invention et aux processus d’engendrement a certes en partie trait aux arts ; mais le déploiement principal, l’urgence historique et la signification transversale de cette capacité d’invention tiennent plus encore – et ce depuis longtemps – à sa qualité d’« activité technique  », comme Simondon, déjà, l’avait relevé. L’invention radicalement productrice, ou créatrice au sens le plus plein du terme, constitue pour ce dernier – et Guattari, qui était un lecteur de Simondon, le savait bien – le cœur même de l’activité technique."

    "L’outil, l’instrument, l’ustensile, et même la machine, tombent dans l’obsolescence, considérés sous l’angle de l’histoire de l’objet ; dès lors, la culture du sens axée sur la signification, qui participe des formations objectales correspondant à ces objets et est imprégnée dans son principe par le modèle du sujet travaillant, avec son agentivité (agency) exclusive et son rapport spécifique, fait d’usages et d’emplois, aux objets et au monde – cette culture du sens et le schéma ontologique qui lui correspond et l’encadre, l’hylémorphisme, perdent à leur tour toute pertinence. D’autre part, et en parallèle, les ensembles et réseaux techniques sont élevés au rang de nouvelle référence objectale directrice de la culture du sens. Par leur avènement, l’élaboration d’objets, qui constituait jusqu’à présent l’activité centrale au sein de la culture du sens, est reléguée au second plan, les objets techniques quittant pour la toute première fois leur position de minorité au sein de la culture du sens pour devenir majeurs et autonomes. C’est en eux et par eux que l’agentivité, n’étant plus circonscrite à la seule position du sujet travaillant et créateur de signification, se distribue désormais."

    "L’ « inconscient technologique » (Nigel Thrift) s’avère toujours plus environnemental."

    "Ainsi Mark Hansen a-t-il interprété la distribution radicalisée de l’agentivité, dont la technique a rompu le cantonnement à des acteurs uniques privilégiés – les sujets humains – comme l’explosion de l’« agentivité environnementale »."

    "Pour [Dirk] Baecker, le trait essentiel de cette société à venir est l’imposition du « principe écologique ». Elle sera, à l’en croire, « de manière plus radicale encore que ce que nous pouvons imaginer jusqu’à présent un ordre écologique – si l’on entend par écologie le fait que l’on est amené à être confronté à des relations de voisinage entre des ordres hétérogènes et dépourvus de tout rapport préstabilisé entre eux . » [Studien zur nächsten Gesellschaft, Francfort/Main 2007, p. 225]."

    "Ces cultures de l’objet technologiques se privent à cet égard définitivement du sujet transcendantal donneur de signification, qui avait trouvé dans le sujet travaillant son modèle, de sa souveraineté et de son pouvoir de disposition – même si ce sujet transcendantal était certes miné en réalité depuis déjà bien longtemps par la technicisation.

    Car bien sûr, ce sujet de la signification a toujours été fortement redevable de la technique médiatique : d’abord comme sujet écrivant et lisant, comme sujet alphabétisé, grammatisé au sens strict du terme, puis, plus tard, comme sujet cinématographique – plus globalement, comme sujet incarnant et intégrant dans ses schèmes les conditions technico-médiatiques de sa propre production d’expérience et de signification, c’est-à-dire ses couplages fondamentaux à la technique médiatique. De cette façon, il a fait entrer la condition médiatico-technique au cœur de la synthèse subjective."

    "Le régime transcendantal [...] porte toujours l’empreinte spécifique indélébile des techniques médiatiques de son temps."
    -Erich Hörl & Guillaume Plas, « Le nouveau paradigme écologique. Pour une écologie générale des médias et des techniques », Multitudes, 2012/4 (n° 51), p. 74-85. DOI : 10.3917/mult.051.0074. URL : https://www.cairn.info/revue-multitudes-2012-4-page-74.htm



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