https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Muir
"John naît en 1838 à Dunbar, petit port écossais à cinquante kilomètres au nord-est d’Édimbourg. Son père, Daniel, qui a hérité de sa première femme un commerce de grains, est particulièrement pieux et strict. Sa mère, Anne, est également croyante mais ouverte à la poésie et à la peinture. Ensemble ils auront huit enfants. Le petit John subit l’école plus qu’il ne s’y plaît, il est vrai que les punitions l’emportent sur la qualité de ce qu’il y apprend. Heureusement, il y a les copains, la bagarre et les explorations des alentours de cette petite bourgade. La situation économique n’étant guère florissante, le père décide de migrer aux États-Unis, non pour y faire fortune, mais pour vivre décemment de son travail. Il part avec ses aînés en février 1849, acquiert des terres et y bâtit une ferme, dans le Wisconsin, près de la rivière Fox, d’où le nom du domaine, Fountain Lake Farm. En novembre, arrivent la mère et les autres enfants. Toutes les activités familiales concernent exclusivement la ferme, chacune et chacun y contribue selon son âge, sa force, et sous la seule autorité du père, qui ne plaisante guère !"
"Le petit John se révèle particulièrement ingénieux et inventif, au point de fabriquer d’incroyables machines en bois que dédaigne son paternel, dont une horloge qui déclenche, à l’heure souhaitée, un mécanisme secouant le lit ! En 1860, il les montre avec succès à la foire agricole de Madison. Il s’imagine étudier la mécanique et le dessin industriel mais y renonce, suite aux remontrances paternelles. Il se lève très tôt afin de lire des manuels de géométrie et d’algèbre avant de travailler pour la ferme."
"Il s’inscrit à l’université de Madison pour y étudier le grec, le latin, la géologie, la botanique et la chimie. En 1864, échappant à la conscription –c’est la guerre de Sécession–, il décide d’aller à pied au Canada en passant par les Grands Lacs tout en herborisant, travaillant ici ou là pour subvenir à sa pitance. Il voyage léger, dort à la belle étoile, ranime le feu lorsque les loups hurlent et s’approchent trop de son précaire campement. C’est dans une fabrique d’articles en bois qu’il se blesse à l’œil. Cet accident du travail lui endommage la vue pendant plusieurs semaines (il craint même de devenir aveugle), ce qui ne l’empêche pas de repartir, cette fois-ci pour l’Amérique du Sud."
"Il attrape vraisemblablement la malaria ou « fièvre des marais », qui l’immobilise plusieurs longues semaines et l’oblige à renoncer à se rendre au Mexique, où il comptait mettre ses pas dans ceux d’Alexander von Humboldt. Il s’embarque alors en janvier 1868 pour La Havane."
"De là, il se rend à New York, hésite à visiter Central Park, craignant de ne pas retrouver son chemin – la grande ville est-elle plus difficile à arpenter que la forêt sauvage ? –, attend patiemment un bateau pas cher pour la Californie. Il découvre avec ravissement la vallée de Yosemite à la fin 1869, se fait berger, puis directeur d’une scierie (qui ne traite que du bois déraciné, du chablis) et surtout s’affirme connaisseur particulièrement savant de la flore et de la faune."
"Ralph Waldo Emerson lui rend visite en 1871. Impressionné par le grand homme, considéré déjà comme le principal penseur américain vivant, Muir n’hésite pas à le comparer à un séquoia et l’auteur de Nature le trouve encore plus érudit que Henry-David Thoreau, son jeune et fidèle ami décédé dix ans plus tôt."
"En 1879, il se rend en Alaska pour la première fois ; il y retournera à quatre reprises pour des enquêtes que l’on pourrait qualifier d’ethnographie. En 1880, il épouse Louise Wanda Stentzel (qui mourra en 1905), rencontrée quelques années auparavant, avec laquelle il aura deux filles (Wanda en 1881 et Helen en 1886). Il s’occupe activement de la vaste ferme, avec son vignoble et ses vergers, tout en excursionnant de temps à autre."
"En 1889, il sympathise avec Robert Underwood Johnson, codirecteur de The Century Magazine. Ensemble, ils arpentent en tous sens la région de Yosemite en s’inquiètant de la déforestation de la vallée et sa dégradation provoquée par l’afflux des touristes, qu’ils acceptent néanmoins, et aussi et surtout par la dévastation qu’effectuent les troupeaux de moutons, qu’il appelle des « criquets à sabots » (hoofed locusts). Johnson suggère la création d’un parc national. John rédige deux articles en ce sens (« Le Trésor du Yosemite » et « Profil du futur Parc National »), qui conduisent à sa création le 1er octobre 1890, près de vingt ans après le premier, Yellowstone en 1872.
En 1892, il fonde le Sierra Club, dont il assure la présidence jusqu’à sa mort, association qui est encore aujourd’hui un ardent protagoniste dans le débat environnemental. L’année suivante, il va se recueillir à Concord –ville où a été enterré Emerson en 1882– avant de retourner dans son pays natal, l’Écosse, et de visiter une partie de l’Europe (l’Angleterre, la Norvège, la Suisse, l’Italie…). Comme « expert », il effectue de nombreuses missions aux États-Unis (Dakota, Wyoming, Montana, Washington, Oregon…) et rend son rapport au président Cleveland, lui proposant la création de treize réserves naturelles. Deux seulement verront le jour.
Il milite activement pour la préservation d’une nature « naturelle », où règne la solitude (wilderness) la moins perturbée possible par les agissements, souvent malveillants, des humains. Ses articles, publiés par The Atlantic Review dès 1897, explicitent ce qu’il entend par « préservation », que l’on oppose depuis à « conservation »."
"Pinchot théorise la « conservation » en 1907 en l’assimilant à une « exploitation avisée » des ressources naturelles sans les épuiser. Pour l’américaniste Yves Figueiredo, « la préservation, loin d’être une politique de protection de la nature, était en fait un projet de création d’un territoire à la fois nationalisé et esthétisé, la mise en scène d’une nature “culturalisée”, archétype de la wilderness vierge, pure, inhabitée, permettant un contact privilégié avec le divin ».
Cela convenait parfaitement à John Muir. [...]
Protéger et d’aimer la nature sans en marchandiser la moindre parcelle, le moindre brin d’herbe, le moindre papillon. Il campe avec le président Theodore Roosevelt dans la vallée de Yosemite en 1903 et le sensibilise à la préservation de la nature. Le président, ornithologue amateur, est facile à convaincre…"
"En 1911, après avoir retranscrit et publié son journal de 1869, Un été dans la sierra, à soixante-treize ans, il part naviguer sur l’Amazone, aborde Buenos Aires et de là se rend à Santiago-du-Chili en train, puis revient à Montevideo, où il s’embarque pour Le Cap et traverse le gigantesque continent africain jusqu’à la Méditerranée."
"Le 24 décembre 1914, il meurt d’une pneumonie à Los Angeles, alors qu’il visitait l’une de ses filles. William Frederic Badè est alors chargé par elles d’éditer l’œuvre de leur père, ce qu’il fera avec grand sérieux, tout comme il présidera le Sierra Club durant de nombreuses années."
"Dans la Sierra Nevada, en 1869, importuné par un groupe d’Amérindiens hirsutes, malodorants et alcoolisés, des Diggers, qui lui réclament avec insistance du tabac et du whisky, il se sent menacé par ces mendiants agressifs ; son récit est-il pour autant « raciste », comme le lui reprocheront ses détracteurs ? L’attitude de Muir est alors ambivalente : d’un côté, il trouve les Amérindiens sales, et de l’autre, leurs connaissances approfondies et leurs relations étroites à la nature lui plaisent et il veut en savoir plus. « Peut-être, note-t-il, que si je les connaissais mieux, je les apprécierais davantage. » Plus tard, ses séjours successifs en Alaska, à partir de 1879, auprès des Thlinkit notamment, lui permettront, non seulement de découvrir et d’apprécier leur culture, mais aussi de prendre leur défense face aux agissements génocidaires des Blancs. Certes, John Muir soutient le combat pour l’émancipation des femmes ou approuve les aides sociales pour les pauvres, mais son principal combat, celui pour lequel il s’engage sans répit, corps et âme, vise la préservation des solitudes."
"John Muir nous invite à puiser dans la nature la bonté qu’il y décèle et qui nous émerveille car elle impulse en nous la vie."
-Thierry Paquot, "John Muir, l’émerveilleur", in John Muir, Préserver les solitudes. Parcs et forêts de l'Ouest sauvage, Paris, PUF, 2020.
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-John Muir, Préserver les solitudes. Parcs et forêts de l'Ouest sauvage, Paris, PUF, 2020.
"John naît en 1838 à Dunbar, petit port écossais à cinquante kilomètres au nord-est d’Édimbourg. Son père, Daniel, qui a hérité de sa première femme un commerce de grains, est particulièrement pieux et strict. Sa mère, Anne, est également croyante mais ouverte à la poésie et à la peinture. Ensemble ils auront huit enfants. Le petit John subit l’école plus qu’il ne s’y plaît, il est vrai que les punitions l’emportent sur la qualité de ce qu’il y apprend. Heureusement, il y a les copains, la bagarre et les explorations des alentours de cette petite bourgade. La situation économique n’étant guère florissante, le père décide de migrer aux États-Unis, non pour y faire fortune, mais pour vivre décemment de son travail. Il part avec ses aînés en février 1849, acquiert des terres et y bâtit une ferme, dans le Wisconsin, près de la rivière Fox, d’où le nom du domaine, Fountain Lake Farm. En novembre, arrivent la mère et les autres enfants. Toutes les activités familiales concernent exclusivement la ferme, chacune et chacun y contribue selon son âge, sa force, et sous la seule autorité du père, qui ne plaisante guère !"
"Le petit John se révèle particulièrement ingénieux et inventif, au point de fabriquer d’incroyables machines en bois que dédaigne son paternel, dont une horloge qui déclenche, à l’heure souhaitée, un mécanisme secouant le lit ! En 1860, il les montre avec succès à la foire agricole de Madison. Il s’imagine étudier la mécanique et le dessin industriel mais y renonce, suite aux remontrances paternelles. Il se lève très tôt afin de lire des manuels de géométrie et d’algèbre avant de travailler pour la ferme."
"Il s’inscrit à l’université de Madison pour y étudier le grec, le latin, la géologie, la botanique et la chimie. En 1864, échappant à la conscription –c’est la guerre de Sécession–, il décide d’aller à pied au Canada en passant par les Grands Lacs tout en herborisant, travaillant ici ou là pour subvenir à sa pitance. Il voyage léger, dort à la belle étoile, ranime le feu lorsque les loups hurlent et s’approchent trop de son précaire campement. C’est dans une fabrique d’articles en bois qu’il se blesse à l’œil. Cet accident du travail lui endommage la vue pendant plusieurs semaines (il craint même de devenir aveugle), ce qui ne l’empêche pas de repartir, cette fois-ci pour l’Amérique du Sud."
"Il attrape vraisemblablement la malaria ou « fièvre des marais », qui l’immobilise plusieurs longues semaines et l’oblige à renoncer à se rendre au Mexique, où il comptait mettre ses pas dans ceux d’Alexander von Humboldt. Il s’embarque alors en janvier 1868 pour La Havane."
"De là, il se rend à New York, hésite à visiter Central Park, craignant de ne pas retrouver son chemin – la grande ville est-elle plus difficile à arpenter que la forêt sauvage ? –, attend patiemment un bateau pas cher pour la Californie. Il découvre avec ravissement la vallée de Yosemite à la fin 1869, se fait berger, puis directeur d’une scierie (qui ne traite que du bois déraciné, du chablis) et surtout s’affirme connaisseur particulièrement savant de la flore et de la faune."
"Ralph Waldo Emerson lui rend visite en 1871. Impressionné par le grand homme, considéré déjà comme le principal penseur américain vivant, Muir n’hésite pas à le comparer à un séquoia et l’auteur de Nature le trouve encore plus érudit que Henry-David Thoreau, son jeune et fidèle ami décédé dix ans plus tôt."
"En 1879, il se rend en Alaska pour la première fois ; il y retournera à quatre reprises pour des enquêtes que l’on pourrait qualifier d’ethnographie. En 1880, il épouse Louise Wanda Stentzel (qui mourra en 1905), rencontrée quelques années auparavant, avec laquelle il aura deux filles (Wanda en 1881 et Helen en 1886). Il s’occupe activement de la vaste ferme, avec son vignoble et ses vergers, tout en excursionnant de temps à autre."
"En 1889, il sympathise avec Robert Underwood Johnson, codirecteur de The Century Magazine. Ensemble, ils arpentent en tous sens la région de Yosemite en s’inquiètant de la déforestation de la vallée et sa dégradation provoquée par l’afflux des touristes, qu’ils acceptent néanmoins, et aussi et surtout par la dévastation qu’effectuent les troupeaux de moutons, qu’il appelle des « criquets à sabots » (hoofed locusts). Johnson suggère la création d’un parc national. John rédige deux articles en ce sens (« Le Trésor du Yosemite » et « Profil du futur Parc National »), qui conduisent à sa création le 1er octobre 1890, près de vingt ans après le premier, Yellowstone en 1872.
En 1892, il fonde le Sierra Club, dont il assure la présidence jusqu’à sa mort, association qui est encore aujourd’hui un ardent protagoniste dans le débat environnemental. L’année suivante, il va se recueillir à Concord –ville où a été enterré Emerson en 1882– avant de retourner dans son pays natal, l’Écosse, et de visiter une partie de l’Europe (l’Angleterre, la Norvège, la Suisse, l’Italie…). Comme « expert », il effectue de nombreuses missions aux États-Unis (Dakota, Wyoming, Montana, Washington, Oregon…) et rend son rapport au président Cleveland, lui proposant la création de treize réserves naturelles. Deux seulement verront le jour.
Il milite activement pour la préservation d’une nature « naturelle », où règne la solitude (wilderness) la moins perturbée possible par les agissements, souvent malveillants, des humains. Ses articles, publiés par The Atlantic Review dès 1897, explicitent ce qu’il entend par « préservation », que l’on oppose depuis à « conservation »."
"Pinchot théorise la « conservation » en 1907 en l’assimilant à une « exploitation avisée » des ressources naturelles sans les épuiser. Pour l’américaniste Yves Figueiredo, « la préservation, loin d’être une politique de protection de la nature, était en fait un projet de création d’un territoire à la fois nationalisé et esthétisé, la mise en scène d’une nature “culturalisée”, archétype de la wilderness vierge, pure, inhabitée, permettant un contact privilégié avec le divin ».
Cela convenait parfaitement à John Muir. [...]
Protéger et d’aimer la nature sans en marchandiser la moindre parcelle, le moindre brin d’herbe, le moindre papillon. Il campe avec le président Theodore Roosevelt dans la vallée de Yosemite en 1903 et le sensibilise à la préservation de la nature. Le président, ornithologue amateur, est facile à convaincre…"
"En 1911, après avoir retranscrit et publié son journal de 1869, Un été dans la sierra, à soixante-treize ans, il part naviguer sur l’Amazone, aborde Buenos Aires et de là se rend à Santiago-du-Chili en train, puis revient à Montevideo, où il s’embarque pour Le Cap et traverse le gigantesque continent africain jusqu’à la Méditerranée."
"Le 24 décembre 1914, il meurt d’une pneumonie à Los Angeles, alors qu’il visitait l’une de ses filles. William Frederic Badè est alors chargé par elles d’éditer l’œuvre de leur père, ce qu’il fera avec grand sérieux, tout comme il présidera le Sierra Club durant de nombreuses années."
"Dans la Sierra Nevada, en 1869, importuné par un groupe d’Amérindiens hirsutes, malodorants et alcoolisés, des Diggers, qui lui réclament avec insistance du tabac et du whisky, il se sent menacé par ces mendiants agressifs ; son récit est-il pour autant « raciste », comme le lui reprocheront ses détracteurs ? L’attitude de Muir est alors ambivalente : d’un côté, il trouve les Amérindiens sales, et de l’autre, leurs connaissances approfondies et leurs relations étroites à la nature lui plaisent et il veut en savoir plus. « Peut-être, note-t-il, que si je les connaissais mieux, je les apprécierais davantage. » Plus tard, ses séjours successifs en Alaska, à partir de 1879, auprès des Thlinkit notamment, lui permettront, non seulement de découvrir et d’apprécier leur culture, mais aussi de prendre leur défense face aux agissements génocidaires des Blancs. Certes, John Muir soutient le combat pour l’émancipation des femmes ou approuve les aides sociales pour les pauvres, mais son principal combat, celui pour lequel il s’engage sans répit, corps et âme, vise la préservation des solitudes."
"John Muir nous invite à puiser dans la nature la bonté qu’il y décèle et qui nous émerveille car elle impulse en nous la vie."
-Thierry Paquot, "John Muir, l’émerveilleur", in John Muir, Préserver les solitudes. Parcs et forêts de l'Ouest sauvage, Paris, PUF, 2020.
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-John Muir, Préserver les solitudes. Parcs et forêts de l'Ouest sauvage, Paris, PUF, 2020.