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    Marc Parmentier, Hobbes et le libéralisme

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Marc Parmentier, Hobbes et le libéralisme Empty Marc Parmentier, Hobbes et le libéralisme

    Message par Johnathan R. Razorback Mer 28 Juin - 20:16

    https://www.cairn.info/revue-cahiers-philosophiques1-2008-4-page-87.htm

    "2. Un autre type de réponse, plus fréquent chez les philosophes que chez les historiens, consiste à considérer que certaines thèses et certains concepts développés par Hobbes sont en accord avec ce qui deviendra le libéralisme. Ce jugement tempéré n’exclut pas que ces éléments consonants ne côtoient des éléments dissonants. C’est dans ce type de réponse qu’il faut situer les célèbres analyses de Crawford Brough MacPherson, pour qui l’état de nature tel que Hobbes le conçoit reflète les conflits inhérents à l’émergence d’une société de marché.

    3. Pour d’autres commentateurs, Hobbes joue un rôle privilégié dans l’histoire du libéralisme dont il serait un précurseur, voire le fondateur. Telle est la thèse de Leo Strauss, mais on pourrait également citer Frank Coleman pour qui Hobbes, par-dessus l’épaule de Locke, serait l’inspirateur du constitionnalisme américain.

    4. Symétriquement, dans la tradition de la critique non marxiste du libéralisme, Hobbes apparaît au contraire comme le fondateur du totalitarisme. C’est la thèse défendue en 1935 par Joseph Vialatoux, figure éminente du personnalisme."

    "Dans La Philosophie politique de Hobbes, [Leo Strauss] soutient que les principes politiques de Hobbes sont indépendants de sa philosophie matérialiste et mécaniste."

    "Le sujet politique est l’auteur de la loi qui s’impose à lui, mais dans un sens formel, totalement étranger à l’idée d’autonomie telle qu’elle sera élaborée par Kant."

    "La non-ingérence du souverain dans la conscience de ses sujets apparaît une nouvelle fois plutôt comme une impossibilité que comme le respect d’un droit."

    "Contrairement à la thèse traditionnelle [que continuent de défendre Grotius et Locke], Hobbes ne fait pas dépendre la propriété individuelle d’une propriété commune accordée aux hommes par Dieu [...] L’idée même de propriété est entièrement subordonnée à l’existence d’un pouvoir politique [...] Mais le domaine d’action du souverain ne se limite pas à la définition d’un cadre légal. Il peut s’approprier le bien des sujets, même si, aux yeux de Hobbes, il s’agit d’un abus : « Le pouvoir d’un seul peut bien dépouiller quelque sujet de tout ce qu’il possède, pour enrichir un favori ou un flatteur, incommodité qui, je le reconnais, est grande et inévitable ». Interdire l’usage de ses biens au souverain tendrait à la dissolution de la république. Réciproquement, une claire détermination des droits de propriété est nécessaire à la paix."

    "Trois champs d’intervention sont nécessaires à la « la richesse du peuple » : « la bonne réglementation du commerce, la fourniture de travail et l’interdiction de toute consommation superflue de nourritures et de vêtements. Le rôle économique du souverain s’avère donc considérable.

    Pourvoir à la bonne réglementation du commerce consiste à définir et faire respecter un cadre légal pour les contrats. Il appartient au souverain de déterminer « la manière dont devront être faits les contrats de toutes espèces entre les sujets (touchant par exemple l’achat, la vente, l’échange, l’emprunt, le prêt, le fait de donner ou de prendre à bail). Ce cadre est très large : le travail est susceptible d’être échangé comme une marchandise ordinaire. Il en résulte que « chaque homme a son prix » et que ce prix dépend d’une loi de l’offre et de la demande. « La valeur ou l’importance d’un homme, c’est comme pour tout…. De même, il n’y a pas de limite morale aux contrats, qui sont valides même s’ils sont souscrits sous l’effet de la crainte. Il incombe également au souverain de les faire respecter. La bonne marche des affaires suppose en effet des « contrats différés » créant des obligations dans le futur. « La transmission mutuelle de droit est ce qu’on nomme contrat.…. Or, dans l’état de nature, même s’ils peuvent contracter de telles obligations, les hommes n’ont aucune raison de les respecter. Leur parole est sans valeur. Il n’en va plus de même dans l’état civil. Si un homme fait une promesse, il devient rationnel de parier qu’il la respectera, compte tenu des risques de sanctions encourus. L’honneur n’étant pas un ressort suffisant, seule la crainte peut inciter à respecter sa parole.  La puissance dissuasive du souverain crée donc paradoxalement un « climat de confiance », symétrique inverse du climat de guerre qui caractérise l’état de nature.

    Le souverain dispose également de moyens d’intervention plus directs. Afin de pourvoir à la subsistance du peuple, il possède un droit de préemption sur les marchés ; il peut non seulement fournir du travail, mais également forcer les hommes à travailler ; il doit favoriser l’établissement des colonies assimilées à la « procréation » de la république. À l’inverse, il n’intervient pas sur le cours des monnaies qui « tiennent leur valeur de leur matière même » et l’impôt qui lui est dû n’est que le salaire de la sécurité « dû à celui qui tient le glaive public pour défendre les particuliers ».

    Enfin, il joue un rôle régulateur, dans la mesure où, pour Hobbes, la richesse des particuliers doit rester modérée et ne pas s’accroître au détriment du bien public. À ce titre, il contrôle le commerce international et empêche l’importation de marchandises nuisibles ou inutiles."

    "Pour Montesquieu, le système de Hobbes est un « système terrible qui… renverse, comme Spinoza, et toute religion et toute morale » (Œuvres complètes, Défense de l’esprit des lois, Paris, Seuil, 1964, p. 809). Rousseau parle de « l’horrible système de Hobbes » (Œuvres complètes, t. III, Écrits sur l’abbé de Saint-Pierre, Paris, Gallimard, 1964, coll. « La Pléiade », p. 610). Voltaire déclare : « Quiconque étudie la morale doit commencer à réfuter ton livre. » (Œuvres complètes, t. 62, Le Philosophe ignorant (1766), Voltaire Foundation, 1987, p. 88). Adam Smith qualifie d’« odieuse » la doctrine de Hobbes (Théorie des sentiments moraux, trad. M. Biziou, C. Gautier, J.-F. Pradeau, Paris, PUF, 2003, p. 425.)"
    -Marc Parmentier, « Hobbes et le libéralisme », Cahiers philosophiques, 2008/4 (N° 116), p. 87-104. DOI : 10.3917/caph.116.0087. URL : https://www.cairn.info/revue-cahiers-philosophiques1-2008-4-page-87.htm



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