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    Wilhelm Ostwald

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Wilhelm Ostwald Empty Wilhelm Ostwald

    Message par Johnathan R. Razorback Mar 15 Aoû - 17:06

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Wilhelm_Ostwald

    https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k654909

    https://journals.openedition.org/cps/1206#tocto1n2

    "Au plan de la théorie de la connaissance, les débats reflétaient l’opposition classique entre les partisans de l’empirisme qui partaient plus ou moins de l’existence réelle et objective d’un monde extérieur matériel qui impressionne nos organes sensoriels et déclenche le processus de connaissance dans la conscience, et les partisans de la philosophe transcendantale qui objectaient que nous ne pouvons rien dire des « choses en soi » parce que nous n’avons que des sensations. Les positivistes, eux, pensaient que notre savoir repose exclusivement sur les données des sens et appliquaient un principe d’« économie de la pensée ». Quand la variation des données réclame un autre modèle, on choisit celui qui permet le mieux de dominer l’ensemble des données. Pour le positivisme, les débats sur l’existence de Dieu posaient un faux problème, parce qu’ils ne s’appuyaient sur aucune donnée susceptible de vérification. Comte affirmait qu’il n’y a de connaissances réelles que celles qui reposent sur des faits observés (du moins au stade positif, car l’esprit humain ne peut observer que sur la base d’une théorie préalable, laquelle ne pouvait être d’emblée scientifique). Ostwald est redevable au positivisme, pris au sens large, mais, avec son « énergétique », il lui donne un accent personnel. Car, s’il est certain qu’il avait médité Auguste Comte, Richard Avenarius, Edmund Husserl ou Theodor Ziehen, les sources de sa conception du monde ne sont pas à chercher chez ces philosophes, mais plutôt dans des problèmes contemporains des sciences de la nature. Dans son commentaire de Comte, il estime qu’une nouvelle époque s’est ouverte, avec, pour représentants, Robert Mayer, Mach, Kirchhoff, Poincaré et quelques autres.

    L’occasion – souhaitée – de s’exprimer dans un exposé de fond lui fut d’abord donnée par le rapport du Comité des naturalistes et médecins allemands, commandité en 1894 par Georg Helm, sur le développement de l’énergétique, pour faire le point sur les controverses qui avaient opposé plusieurs années auparavant les « atomistes » et les « énergétistes ». Helm avait auparavant déjà publié des extraits, il correspondait avec Ostwald et l’avait sollicité pour un exposé en collaboration. La critique des « énergétistes » concernait avant tout la conception mécaniste de l’atome. L’atome passait pour être la plus petite unité de masse, et le son, la lumière ou la chaleur seraient produits par des mouvements d’atomes. Avec l’aide de la mécanique newtonienne, qui s’appuyait exclusivement sur les concepts de masse, force et mouvement, on devait pouvoir expliquer l’univers. Mais ce point de vue rencontrait de plus en plus de contradictions dans la confrontation avec la réalité expérimentale. Un des arguments contre l’atomisme contemporain, qu’on désignait également sous le terme de « matérialisme scientifique », était l’affirmation selon laquelle l’atome est imperceptible : Ostwald y voit un substitut de la « chose en soi ». Pendant près de deux siècles on avait essayé de ramener le monde à des mouvements et forces atomiques pour pouvoir fournir une prédiction déterministe des événements, en laissant de côté les phénomènes spirituels, conformément au dualisme cartésien. Mais l’assimilation de la pensée à des processus physiologiques tendait à démontrer que tous les phénomènes, aussi bien spirituels que physiques, pouvaient se ramener à une explication centrale. Dans cette perspective, le concept d’énergie apparut à Ostwald comme le concept approprié. Toutefois ces discussions étaient menées par des physiciens ou des spécialistes de domaines voisins et ne s’étendaient pas aux sciences sociales. Ostwald n’avait pas non plus envisagé, dans un premier temps, que l’énergétique pût avoir quelque pertinence au-delà du domaine physico-chimique.

    En 1895, à l’occasion du 67e Congrès des naturalistes et médecins de Lübeck, Ostwald fit une conférence à la suite de Georg Helm sur le thème « le dépassement du matérialisme scientifique ». Il affirma s’occuper d’une problématique relevant des sciences de la nature et non de la philosophie et refusa de tirer des conclusions à plus longue portée. Voici comment il caractérisait l’atomistique mécaniste, autrement appelée « matérialisme scientifique » :

    « De celui qui fait des mathématiques jusqu’à celui qui pratique la médecine, tout homme raisonnant en savant naturaliste qui se demande comment on peut s’imaginer le monde structuré « dans son intérieur » (im Inneren) résumera son point de vue en disant que les choses se composent d’atomes en mouvement et que ces atomes et les forces qui s’exercent entre eux sont les réalités ultimes dont procèdent les phénomènes quelconques […]. On peut appeler cette conception le matérialisme scientifique ».

    Comme le note Bernadette Bensaude, l’équivalence entre atomisme et matérialisme scientifique ne va pas de soi « d’autant que l’article vise beaucoup plus le mécanisme que l’atomisme ». Ostwald s’attaque en effet directement au mécanisme et lui oppose cet argument :

    « Les équations mécaniques ont la propriété de permettre l’inversion de signes des grandeurs temporelles, c’est-à-dire que les processus mécaniques théoriquement parfaits peuvent se dérouler aussi bien en arrière qu’en avant. C’est pourquoi dans un monde purement mécanique, il n’y aurait pas d’avant et d’après au sens qui nous est familier dans notre monde […] L’irréversibilité bien réelle des phénomènes naturels effectifs prouve […] l’existence de processus qui ne sont pas représentables par des équations mécaniques et ainsi le jugement du matérialisme scientifique est-il prononcé ».

    Ostwald en conclut que c’est seulement en substituant à la conception mécaniste de l’univers une conception énergétiste que l’on pourra pallier les incohérences ici repérées. Selon lui, les sciences de la nature devaient permettre de dépasser (überwinden) le concept de matière comme substrat, qui n’a pas de sens en physique. Ostwald proposa de diriger la recherche vers une définition fonctionnelle du concept de masse et de toutes les grandeurs physiques afin d’éviter la référence à un concept vide. Ainsi, « en tant que résultat particulièrement remarquable des considérations, énergétistes on peut signaler la résolution de la matière en un complexe spatial ordonné de certaines énergies ». Comme le souligne Bernadette Bensaude, Ostwald prétend éliminer les résidus métaphysiques qui encombrent la science. « Le principe de conservation de la matière est métaphysique au sens où il implique des hypothèses. On suppose qu’une entité se conserve (une substance) alors que les propriétés phénoménologiques disparaissent ». Ostwald, au lieu de se rallier à telle ou telle conception métaphysique sur la matière, intervient dans la discussion avec des arguments positivistes."

    "Ostwald n’est pas de ceux qui mettent en question l’existence d’un monde extérieur autonome et indépendant du sujet : pour lui les sciences sont empiriques ou vides de sens. Mais il ne fait aucun doute que l’ensemble des sensations est la base de toute science. Pour lui, on ne peut atteindre aucun savoir absolu mais seulement une plus ou moins grande probabilité des faits. Chaque science est au service de la prédictibilité (Comte faisait de la « prévision rationnelle » le « plus irrécusable critérium de la positivité scientifique ») et une probabilité certaine consisterait à partir du comportement antérieur d’un système pour décrire son état à venir. Aussi n’est-ce pas un hasard s’il revendique son admiration pour Ernst Mach. En inventant ses « complexes de sensations », Mach pensait avoir supprimé l’opposition sujet-objet du fait qu’il unifiait les sensations internes au sujet et celles qui proviennent de l’objet. Ostwald se sent appartenir à la même « orientation de pensée » et cependant, il précise bien que les sensations sont produites par des différences d’énergie dans le milieu, si bien que ce que nous percevons consiste dans différentes formes de « l’énergie ». Les énergies seraient en fait transformées en énergie nerveuse dans les organes sensoriels. La mémoire consisterait dans la mise en réserve des échanges d’énergie avec le monde extérieur, de sorte que l’entendement pourrait ensuite opérer des inductions et des déductions. Mach n’a jamais adhéré à l’énergétique, mais cela ne diminua pas l’admiration que lui vouait Ostwald."
    -Jan-Peter Domschke, « L’influence d’Auguste Comte sur les conceptions philosophiques de Wilhelm Ostwald », Les Cahiers philosophiques de Strasbourg [En ligne], 35 | 2014, mis en ligne le 14 décembre 2018, consulté le 15 août 2023. URL : http://journals.openedition.org/cps/1206 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cps.1206

    https://books.openedition.org/septentrion/73944

    "Ostwald attaque aussi la mécanique dans son principe même : elle suppose une nature réversible alors que les phénomènes qu’on observe présentent de l’irréversibilité : on voit qu’aucun de ces deux arguments ne porte atteinte à l’atomisme des chimistes du XIXe siècle lequel n’a aucun lien – du moins logique – avec la mécanique. La seule forme d’atomisme qui est visée par Ostwald est la supposition de molécules dans la théorie cinétique des gaz. Cette représentation concrète figurée de molécules agitées d’un mouvement non-directionnel est pour Ostwald une hypothèse inutile."

    "Ostwald prétend éliminer les résidus métaphysiques qui encombrent la science. Le principe de conservation de la matière est métaphysique au sens où il implique des hypothèses. On suppose qu’une entité se conserve (une substance) alors que les propriétés phénoménologiques disparaissent. Or une réalité ne se définit que par ses propriétés physiques et chimiques. Donc la mécanique classique repose sur un postulat métaphysique.

    Par contraste, Ostwald proclame sa volonté d’affranchir la science de toute hypothèse et l’énergétique est une tentative pour atteindre ce but13. Plus exactement, Ostwald condamne les hypothèses portant sur des relations entre des entités crées par notre esprit mais affirme la nécessité des « protothèses », des hypothèses portant sur des grandeurs mesurables et qui doivent disparaître comme l’échafaudage quand l’édifice est terminé.

    Comme Ernst Mach, Ostwald engendre le phénomène à partir des sensations et Ostwald s’efforce de donner une réalité sensorielle à cette chose invisible qu’est l’énergie : « Vous recevez un coup de bâton. Que ressentez-vous le bâton, ou son énergie ? » C’est un principe d’économie de la pensée, fidèle à Mach qui pousse Ostwald à en finir avec le dualisme matière-énergie pour tenter d’unifier toutes les sciences physiques chimiques et biologiques sur la base d’un seul concept : l’énergie et les deux principes de la thermodynamique.

    On voit donc que le mot d’ordre « s’en tenir aux phénomènes » ne signifie pas s’en tenir aux représentations sensibles. Ostwald, iconoclaste, chasse les images concrètes qu’affectionnent les mécanistes.

    « Alors dira-t-on, s’il faut renoncer aux atomes, à la mécanique, quelle image de la réalité nous restera-t-il ? Mais on n’a besoin d’aucune image, d’aucun symbole. Ce n’est pas notre affaire de voir le monde plus ou moins déformé dans un miroir courbe ; il faut le voir directement, autant que nous le permettent nos forces intellectuelles. Établir les rapports entre des réalités, c’est à dire des grandeurs tangibles, mesurables, de telle sorte que les unes étant données, les autres s’en déduisent, voilà la tâche de la science et la science ne l’a pas remplie quand elle se paie d’une image plus ou moins hypothétique. »16

    Ostwald la considère avant tout comme une grandeur mathématique. Il admet par delà les phénomènes une réalité qui est abstraite mais mesurable. L’énergie est réelle, par delà les manifestations concrètes diverses sous forme de chaleur ou de lumière parce qu’elle est une grandeur mesurable :

    « Quand une chose est mesurable par un nombre en unités physiques, que ce nombre reste invariable dans tout le processus connu, elle remplit au plus haut point toutes les conditions imposées à une réalité. Il sera possible en particulier de pronostiquer sa valeur avant et après telle transformation que l’on voudra. »17

    Une grandeur est ce à quoi on peut attribuer une valeur. Donc est réel ce qui présente une valeur : « la preuve la plus frappante de la réalité de l’énergie est qu’elle possède une valeur marchande » (ibid.). On comprend que cette conception de la réalité comme valeur a retenu l’attention d’un philosophe comme William James, qui cite parfois Ostwald en exemple pour illustrer des points de méthode18.

    Positivisme ou pragmatisme ? On pourrait certes discuter sur la nature de l’étiquette à coller sur l’épistémologie d’Ostwald. Mais on ne ferait ainsi qu’obscurcir une position originale.

    Car Ostwald développe en fait une ontologie. La réalité de l’énergie est elle d’une substance et non d’une simple abstraction mathématique. Le mot « énergie » désigne à la fois « la fonction générale des grandeurs mesurables qui se conserve en toute circonstance » et chaque manifestation concrète particulière de cette fonction générale. Bref l’énergie désigne à la fois la substance et les accidents.

    Donc en résumé : l’énergétique mobilise une philosophie bien différente de celle de Mach ou des pragmatistes : elle repose sur une volonté d’éliminer les entités hypothétiques, les images sensibles concrètes, une exigence d’explication causale et enfin un réalisme ontologique. C’est pourquoi il est impossible de séparer une version scientifique de l’énergétique d’une version spéculative. La science d’Ostwald est une métaphysique."

    "Un outil est défini comme un accumulateur ou transformateur d’énergie et tout événement comme une transformation d’énergie."

    "Duhem rappelle que la physique aristotélicienne est réaliste bien qu’anti-mécaniste et qu’inversement Poincaré est instrumentaliste quoique plutôt favorable aux modèles mécanistes des Anglais. Duhem me semble pointer ici une question fondamentale qu’engage ce débat autour de l’énergétique : quel est le degré de solidarité entre un choix théorique et une philosophie des sciences. On a vu qu’Ostwald pensait qu’il y avait action-réaction avec un décalage dans le temps. Duhem suggère, quant à lui, une indépendance.

    Émile Meyerson souligne également la difficulté d’établir une alliance entre choix scientifique et option philosophique dans ses propos sur l’énergétique. Comme Duhem et contrairement à Rey, il est convaincu que l’énergétique est un réalisme : « l’énergie est à la fois la plus générale des substances et le plus général des accidents. Elle est la réalité tandis que la matière est une invention ». Meyerson m’apparaît comme le seul contemporain qui a aperçu la parenté la connivence philosophique entre énergétique et mécanisme. Dans De l’explication dans les sciences, en 1921, il parle de « la métaphysique énergétique » et souligne la dimension ontologique commune au mécanisme et à l’énergétique. Les deux doctrines illustrent sa thèse : le physicien a besoin d’une réalité détachée du moi, d’une ontologie."

    "Il n’y eut jamais en France un camp mécaniste, atomiste, et réaliste opposé à un camp énergétiste, positiviste, idéaliste, ou instrumentaliste. Pourtant c’est en ces termes que la controverse fut perçue et continue d’être décrite."
    -Bernadette Bensaude-Vincent, "L’énergétique d’Ostwald", in Frédéric Worms (dir.), Le moment 1900 en philosophie, Presses universitaires du Septentrion, 2004, 424 pages, pp.209-226.




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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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