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    E. Sergio, Materialism and sense perception in Thomas Hobbes' natural philosophy

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Message par Johnathan R. Razorback Jeu 24 Aoû - 9:55



    "Thomas Hobbes a été largement considéré comme l'un des pères du matérialisme moderne. Le baron d'Holbach a consacré quelques pages mémorables à ce représentant de l'empirisme britannique du XVIIe siècle.

    Hobbes a adopté une philosophie matérialiste, qui a longtemps été considérée comme un système métaphysique, en raison de son physicalisme déterministe, de son monisme et de son mécanisme.

    Selon la vulgate, le monisme matérialiste de Hobbes représentait soi-disant la forme typique du mécanisme moderne. Pourtant, et contraire à la physique mécaniste de Descartes, le matérialisme de Hobbes implique certaines influences du naturalisme de la Renaissance, ce qui rend sa philosophie naturelle plus intéressante qu'un pur mécanisme." (p.9)

    "Au cours des quatre dernières décennies, un grand nombre de spécialistes de Hobbes ont rejeté l'interprétation précédente, qui considérait Hobbes comme le partisan d'un matérialisme métaphysique et dogmatique. En 1965, Arrigo Pacchi a rappelé la lecture de Paul Natorp et Ernst Cassirer, et il a estimé que le matérialisme hobbesien avait connu plusieurs étapes, culminant dans le De Corpore (1655) par un compromis entre réalisme, phénoménisme et matérialisme hypothétique." (note 1 p.9)

    "Une première différence avec le système métaphysique de Descartes porte sur la négation de la métaphysique du subjectum comme substantia. Hobbes n'accepte pas le système cartésien, fondé sur la dualité des substances (res cognitans / res extensa), et, par suite, il rejette la conception de Descartes selon laquelle le corps vivant est un mécanisme séparé, bien que relié à la substance incorporelle de l'esprit humain."

    "Le monisme de Hobbes lui permet d'attribuer au corps humain toutes les qualités psychologiques qui, selon le dualisme cartésien, devraient être attribuées à la "substance immatérielle". L'explication qu'avance Hobbes s'agissant de la nature de la perception sensorielle [...] s'inscrit dans un matérialisme plus éloigné du mécanisme cartésien de la substance corporelle (res extensa).

    Abordons d'abord les principes de la philosophie mécaniste de Hobbes que contiennent la Philosophia prima, et dans la Physica generalis de ses Elementa philosophiae section I du De Corpore (1655). Dans cet ouvrage, Hobbes présente son système de la nature, sa vision scientifique du monde. Il illustre sa vision mécanique au chapitre VII, au début de la philosophie première, au moyen de la célèbre expérience de pensée de l'anéantissement du monde (ficta universi sublatio). Hobbes tente ici d'imaginer : "Si l'on suppose un tel anéantissement de toutes les choses (rerum annihilatio), que resterait-il à un homme (que j'épargne seul de cet anéantissement universel) à considérer comme un sujet philosophique, ou comme sujet sur lequel raisonner tout court ?" (pp.9-10)

    "L'unique rescapé de la destruction du monde est un homme affairé avec les seuls fantasmes de son esprit. Il a la faculté de recréer sa connaissance du monde au moyen de la mémoire et de la perception sensorielle des objets extérieurs: "Je dis donc qu'il ne resterait à cet homme des idées et de tous les corps qu'il avait, avant leur anéantissement, vues par ses yeux, ou perçus par tout autre sens ; c'est-à-dire, la mémoire et l'imagination des grandeurs, des mouvements, des sons, des couleurs, etc. ainsi que de leur ordre et parties. Toutes ces choses, bien qu'elles ne soient que des idées et fantasmes, survenant à l'intérieur de celui qui les imagine, lui apparaîtront cependant comme si elles lui étaient extérieures, et ne dépendant nullement d'aucune puissance de l'esprit"." (p.10)

    "Cet homme devrait pouvoir examiner ses fantasmes, en raisonnant sur leurs causes. [...] Il commence par les concepts les plus abstraits et les plus généraux, appréhendés par une prise de conscience des "accidents" ou des "fantasmes" de la perception sensorielle." (pp.10-11)

    "Dans ce processus fondateur, la première rubrique est le concept d' "espace imaginaire", c'est-à-dire le "lieu" (tridimensitionnel) d'un corps (possible). Les concepts suivants sont le temps et le mouvement, le nombre et l'espace (continu). Dans le chapitre VIII, Hobbes additionne les notions de "corps" et d' "espace réel", c'est-à-dire le concept du corps étendu, joint au fantasme de l' "espace imaginaire". En d'autres termes, l'hypothétique recréation du monde part de la reine des nouvelles sciences à l'époque de Hobbes : la philosophique mécanique, dont le chemin avait été tracé, au début de l'époque moderne, par la science galiléenne du mouvement.

    Il s'agit d'une expérience de pensée dont l'objectif argumentatif anti-cartésien est évident. Hobbes a caractérisé l'anéantissement hypothétique du monde comme point de départ de sa philosophie naturelle ; et, contrairement à Descartes (qui a "perdu" l'existence du monde corporel, au moyen du doute hyperbolique), avec la recréation du monde, au moyen des fantasmes des sens et de l'imagination, est parvenu à montrer qu'il n'était pas nécessaire de choisir [...] la route cartésienne de la res cogitans.

    Dans l'élaboration de la connaissance scientifique du monde, l'Homme selon Hobbes se tourne vers le monde lui-même le premier acte de sa pensée. Pour constater qu'un monde existe avant son anéantissement, il suffit du souvenir ou de la perception sensorielle qu'il y a eu un monde. [...]

    Après l'anéantissement supposé du monde, ce qui survit n'est pas un sujet qui se connaît lui-même par la certitude de l'être de ses pensées. La suppression par Hobbes de la conscience de soi n'est pas un lapsus, ni une naïveté scientiste. Hobbes affirmera que le survivant se retrouve grâce à l'existence du monde (bien que ce dernier doive être un monde qui a été)." (p.11)

    "L'expérience de l'annihilation [...] présuppose l'évidence du monde. Malgré le doute méthodique cartésien, Hobbes tient pour évidente la réalité du monde extérieur. Les preuves du monde extérieur proviennent de l'expérience, ou de la mémoire de celle-ci." (pp.11-12)

    "Avant d'affirmer que la connaissance du monde persiste même si le monde disparaît, Hobbes nous dit que l'existence des corps doit être vraisemblable même s'il n'y a pas de conscience d'eux. L'hypothèse de l'anéantissement montre soit la nature linguistique de la connaissance scientifique, soit l'existence du sujet "monde" avant, et indépendamment, d'un moi pensant: "En effet, étant donné qu'après la destruction de toutes les autres choses, je suppose que l'homme subsiste encore, et notamment qu'il pense, imagine et se souvient, il ne peut rien avoir d'autre à penser que ce qui est passé ; en effet, si nous observons diligemment ce que nous faisons lorsque nous considérons et raisonnons, nous découvrirons que, bien que toutes les choses subsistent encore dans le monde, nous ne calculons [compute] rien d'autre que nos propres fantasmes. Car lorsque nous calculons [calculate] la grandeur et les mouvements du ciel ou de la terre, nous ne montons pas au ciel pour le diviser en parties ou en mesures les mouvements, mais nous le faisons en restant assis dans nos armoires ou dans l'obscurité. Or, les choses peuvent être considérées, c'est-à-dire prises en compte, soit comme des accidents internes à notre esprit, et c'est ainsi que nous les considérons lorsqu'il s'agit d'une faculté de l'esprit, soit comme des espèces de choses extérieures, qui n'existent pas réellement, mais qui semblent seulement exister, ou avoir un être en dehors de nous. Et c'est de cette manière que nous allons maintenant les considérer." [...]
    Dans la fondation de la philosophie première, il pourrait sembler que Hobbes se concentre sur l'évidence scientifique des principes supposés du monde extérieur davantage que sur l'évidence empirique de ces mêmes principes. En réalité, comme nous le montrerons, Hobbes ne peut fournir aucune preuve scientifique de la connaissance du monde sans donner une réponse au statut ontologique de la connaissance empirique.

    Le problème de la relation entre ces deux parties de la connaissance est une clé de lecture essentielle pour saisir la fonction du matérialisme et de l'empirisme dans la formation de la philosophie naturelle hobbesienne. Cela nous conduit à expliquer ce qu'entend Hobbes par connaissance scientifique, et ce qui fait la différence entre le discours scientifique (l'image rationnelle et scientifique du monde) et la connaissance empirique (l'image extérieure du monde).


    -E. Sergio, "Materialism and sense perception in Thomas Hobbes' natural philosophy", Philosophical Enquiries - Revue des philosophies anglophones, juin 2013, n°1 - Varia.




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