https://fr.wikipedia.org/wiki/Lluis_Quintana-Murci
" [La génétique des populations] a pour objet l’étude de la diversité génétique de notre espèce, les humains –elle nous parle aussi de ses voyages. Les progrès de la génétique, au cours des dernières décennies, ont permis la mise au point d’un outil d’exploration extrêmement puissant : appliqué à notre espèce, il révèle l’étendue de la diversité des individus et des peuples, la variété chatoyante du tissu humain qui recouvre la planète. Il pénètre dans le secret moléculaire des organismes pour mettre en lumière les différences nées des contraintes de l’environnement géographique et écologique avec un degré de précision qui ouvre une dimension nouvelle de la connaissance de l’humain."
"Nous nous focaliserons surtout sur la diversité génétique, mais pas uniquement. En effet, pour découvrir, analyser et interpréter la diversité humaine, la génétique des populations fait appel à d’autres sources de différences, telles que la diversité géographique des individus, leurs affiliations linguistiques, leurs modes de vie et de subsistance, ainsi que toute la gamme de leurs coutumes et de leurs organisations socioculturelles. La génétique déborde aujourd’hui largement le cadre de la biologie."
"En 1953, la découverte de la structure de l’ADN inaugure l’ère de la biologie moléculaire et de la génétique, qui vont révolutionner la connaissance du vivant. Et la médecine : sans cela, pas de vaccins à ARN messager contre le COVID-19. La connaissance du vivant : mais aussi, paradoxalement, celle des morts, et donc de notre histoire."
"Les progrès fulgurants des techniques génétiques et de la connaissance des gènes nous ont donné la capacité de travailler à l’échelle de génomes entiers et cela, non plus seulement au niveau des individus, mais au niveau des populations. Le siècle actuel a commencé, en 2001, avec le séquençage du génome humain : ses 3 milliards de lettres, ou nucléotides, portent toute l’information biologique qui fait de nous ce que nous sommes, des êtres humains. Le passage du XXe au XXIe siècle a été également pour la génétique des populations celui de la génétique à la génomique. [...]
Même à l’échelle individuelle, le génome de chacun de nous est en effet une mosaïque de multiples génomes qui témoigne d’une histoire longue d’au moins 200 000 ans.
Voilà donc le point de départ de ce livre. Il propose de rendre compte de la connaissance nouvelle du vivant que nous procure la génomique : elle nous permet de séquencer et d’analyser les milliards de paires de bases du génome d’un individu, de mettre ce génome en rapport avec les caractéristiques des populations contemporaines sur la planète entière, puis de le replacer dans le contexte d’une histoire – celle des individus et celle des populations et de leurs mouvements. Cette histoire embrasse jusqu’à l’évolution de l’espèce, et même des espèces aujourd’hui disparues dont elle descend. Absolument inimaginable il y a seulement deux décennies –et nous n’en sommes qu’au commencement."
"La diversité des génomes humains actuels qui nous a montré non seulement que le berceau de l’humanité est en Afrique, confirmant ce que nous savions déjà, mais qu’il y a parmi nos ancêtres africains une variété bien plus grande que ce que l’on pensait."
"Nos ancêtres auraient quitté l’Afrique il y a environ 60 000 ans pour peupler le reste de la planète."
"Le métissage a été un processus continu tout au long de l’histoire de l’homme et que nous sommes tous, à différents degrés, des métis, puisque nos génomes sont faits de multitudes de segments d’ADN provenant de sources extrêmement variées."
"L’homme dit « moderne », c’est-à-dire nous, Sapiens, et l’homme de Neandertal ont été longtemps considérés comme des espèces différentes qui, par définition, ne s’étaient jamais métissées et n’avaient pas donné de descendance. Le XXIe siècle a montré le contraire : Sapiens et Neandertal se sont métissés et ont eu une descendance commune. En effet, nous portons tous aujourd’hui dans nos génomes, du moins tous ceux d’entre nous qui ne sont pas d’origine africaine, entre 1 et 3 % de matériel génétique provenant de l’homme de Neandertal. Et les surprises ne s’arrêtent pas là. Grâce à la génétique, et à elle seule, une phalange retrouvée dans une grotte en Sibérie, que l’on pensait être d’origine néandertalienne, a permis, au moyen du séquençage de l’ADN, d’identifier une nouvelle forme d’humanité ancienne : l’homme de Denisova. Mieux encore : les ancêtres des Asiatiques d’aujourd’hui se seraient métissés avec l’homme de Denisova, et certaines populations actuelles, par exemple celles habitant la Papouasie-Nouvelle-Guinée, portent dans leurs génomes un héritage dénisovien estimé entre 3,5 et 5 %, selon les méthodes employées. Non seulement les humains se sont métissés entre populations d’Homo sapiens, mais ils se sont mêlés aussi à d’autres formes d’humains archaïques dont les gènes survivent en nous.
Cette diversité a eu des effets bénéfiques. En effet, Homo sapiens est une espèce omniprésente et colonisatrice. Les femmes et les hommes sont présents partout sur le globe : des savanes sèches et chaudes jusqu’au Grand Nord aux climats froids et au soleil rare, des forêts humides des tropiques aux conditions extrêmes et inhospitalières de la vie en haute altitude, où la concentration en oxygène est faible, comme dans l’Himalaya ou la cordillère des Andes. Au cours des vingt dernières années, l’étude des génomes de populations humaines exposées à de telles conditions environnementales nous a beaucoup appris sur la façon dont l’homme est capable de s’adapter génétiquement au climat, aux ressources nutritionnelles et aux pathogènes, entre autres. Elle a montré, en particulier, et c’est une découverte majeure, que le métissage était un facteur primordial qui a permis à nos ancêtres de mieux s’adapter aux nouveaux environnements qu’ils ont rencontrés durant leur périple à travers la planète. Par exemple, c’est de leur métissage avec l’homme de Denisova que les Tibétains ont acquis leur capacité génétique à vivre en altitude dans des conditions extrêmes de manque d’oxygène ; et de leur métissage avec Neandertal, les premiers Européens ont acquis leur capacité à résister au froid et à survivre aux pathogènes, notamment les virus."
[Partie 1 : De Darwin à la génomique]
-Lluís Quintana-Murci, Le peuple des humains. Sur les traces génétiques des migrations, métissages et adaptations, Paris, Odile Jacob, 2021.
" [La génétique des populations] a pour objet l’étude de la diversité génétique de notre espèce, les humains –elle nous parle aussi de ses voyages. Les progrès de la génétique, au cours des dernières décennies, ont permis la mise au point d’un outil d’exploration extrêmement puissant : appliqué à notre espèce, il révèle l’étendue de la diversité des individus et des peuples, la variété chatoyante du tissu humain qui recouvre la planète. Il pénètre dans le secret moléculaire des organismes pour mettre en lumière les différences nées des contraintes de l’environnement géographique et écologique avec un degré de précision qui ouvre une dimension nouvelle de la connaissance de l’humain."
"Nous nous focaliserons surtout sur la diversité génétique, mais pas uniquement. En effet, pour découvrir, analyser et interpréter la diversité humaine, la génétique des populations fait appel à d’autres sources de différences, telles que la diversité géographique des individus, leurs affiliations linguistiques, leurs modes de vie et de subsistance, ainsi que toute la gamme de leurs coutumes et de leurs organisations socioculturelles. La génétique déborde aujourd’hui largement le cadre de la biologie."
"En 1953, la découverte de la structure de l’ADN inaugure l’ère de la biologie moléculaire et de la génétique, qui vont révolutionner la connaissance du vivant. Et la médecine : sans cela, pas de vaccins à ARN messager contre le COVID-19. La connaissance du vivant : mais aussi, paradoxalement, celle des morts, et donc de notre histoire."
"Les progrès fulgurants des techniques génétiques et de la connaissance des gènes nous ont donné la capacité de travailler à l’échelle de génomes entiers et cela, non plus seulement au niveau des individus, mais au niveau des populations. Le siècle actuel a commencé, en 2001, avec le séquençage du génome humain : ses 3 milliards de lettres, ou nucléotides, portent toute l’information biologique qui fait de nous ce que nous sommes, des êtres humains. Le passage du XXe au XXIe siècle a été également pour la génétique des populations celui de la génétique à la génomique. [...]
Même à l’échelle individuelle, le génome de chacun de nous est en effet une mosaïque de multiples génomes qui témoigne d’une histoire longue d’au moins 200 000 ans.
Voilà donc le point de départ de ce livre. Il propose de rendre compte de la connaissance nouvelle du vivant que nous procure la génomique : elle nous permet de séquencer et d’analyser les milliards de paires de bases du génome d’un individu, de mettre ce génome en rapport avec les caractéristiques des populations contemporaines sur la planète entière, puis de le replacer dans le contexte d’une histoire – celle des individus et celle des populations et de leurs mouvements. Cette histoire embrasse jusqu’à l’évolution de l’espèce, et même des espèces aujourd’hui disparues dont elle descend. Absolument inimaginable il y a seulement deux décennies –et nous n’en sommes qu’au commencement."
"La diversité des génomes humains actuels qui nous a montré non seulement que le berceau de l’humanité est en Afrique, confirmant ce que nous savions déjà, mais qu’il y a parmi nos ancêtres africains une variété bien plus grande que ce que l’on pensait."
"Nos ancêtres auraient quitté l’Afrique il y a environ 60 000 ans pour peupler le reste de la planète."
"Le métissage a été un processus continu tout au long de l’histoire de l’homme et que nous sommes tous, à différents degrés, des métis, puisque nos génomes sont faits de multitudes de segments d’ADN provenant de sources extrêmement variées."
"L’homme dit « moderne », c’est-à-dire nous, Sapiens, et l’homme de Neandertal ont été longtemps considérés comme des espèces différentes qui, par définition, ne s’étaient jamais métissées et n’avaient pas donné de descendance. Le XXIe siècle a montré le contraire : Sapiens et Neandertal se sont métissés et ont eu une descendance commune. En effet, nous portons tous aujourd’hui dans nos génomes, du moins tous ceux d’entre nous qui ne sont pas d’origine africaine, entre 1 et 3 % de matériel génétique provenant de l’homme de Neandertal. Et les surprises ne s’arrêtent pas là. Grâce à la génétique, et à elle seule, une phalange retrouvée dans une grotte en Sibérie, que l’on pensait être d’origine néandertalienne, a permis, au moyen du séquençage de l’ADN, d’identifier une nouvelle forme d’humanité ancienne : l’homme de Denisova. Mieux encore : les ancêtres des Asiatiques d’aujourd’hui se seraient métissés avec l’homme de Denisova, et certaines populations actuelles, par exemple celles habitant la Papouasie-Nouvelle-Guinée, portent dans leurs génomes un héritage dénisovien estimé entre 3,5 et 5 %, selon les méthodes employées. Non seulement les humains se sont métissés entre populations d’Homo sapiens, mais ils se sont mêlés aussi à d’autres formes d’humains archaïques dont les gènes survivent en nous.
Cette diversité a eu des effets bénéfiques. En effet, Homo sapiens est une espèce omniprésente et colonisatrice. Les femmes et les hommes sont présents partout sur le globe : des savanes sèches et chaudes jusqu’au Grand Nord aux climats froids et au soleil rare, des forêts humides des tropiques aux conditions extrêmes et inhospitalières de la vie en haute altitude, où la concentration en oxygène est faible, comme dans l’Himalaya ou la cordillère des Andes. Au cours des vingt dernières années, l’étude des génomes de populations humaines exposées à de telles conditions environnementales nous a beaucoup appris sur la façon dont l’homme est capable de s’adapter génétiquement au climat, aux ressources nutritionnelles et aux pathogènes, entre autres. Elle a montré, en particulier, et c’est une découverte majeure, que le métissage était un facteur primordial qui a permis à nos ancêtres de mieux s’adapter aux nouveaux environnements qu’ils ont rencontrés durant leur périple à travers la planète. Par exemple, c’est de leur métissage avec l’homme de Denisova que les Tibétains ont acquis leur capacité génétique à vivre en altitude dans des conditions extrêmes de manque d’oxygène ; et de leur métissage avec Neandertal, les premiers Européens ont acquis leur capacité à résister au froid et à survivre aux pathogènes, notamment les virus."
[Partie 1 : De Darwin à la génomique]
-Lluís Quintana-Murci, Le peuple des humains. Sur les traces génétiques des migrations, métissages et adaptations, Paris, Odile Jacob, 2021.