http://fr.wikisource.org/wiki/Auteur:%C3%89tienne_Bonnot_de_Condillac
https://fr.wikisource.org/wiki/Le_Commerce_et_le_gouvernement_consid%C3%A9r%C3%A9s_relativement_l%E2%80%99un_%C3%A0_l%E2%80%99autre/Premi%C3%A8re_Partie/Section_7
"Une chose n’a pas une valeur, parce qu’elle coûte, comme on le suppose ; mais elle coûte, parce qu’elle a une valeur.
Je dis donc que, même sur les bords d’un fleuve, l’eau a une valeur, mais la plus petite possible, parce qu’elle y est infiniment surabondante à nos besoins. Dans un lieu aride, au contraire, elle a une grande valeur ; et on l’estime en raison de l’éloignement et de la difficulté de s’en procurer. En pareil cas un voyageur altéré donneroit cent louis d’un verre d’eau, et ce verre d’eau vaudroit cent louis. Car la valeur est moins dans la chose que dans l’estime que nous en faisons, et cette estime est relative." (p.31)
"Il ne faut pas confondre ces mots prix et valeur, et les employer toujours indifféremment l’un pour l’autre.
Dès que nous avons besoin d’une chose, elle a de la valeur ; elle en a par cela seul, et avant qu’il soit question de faire un échange.
Au contraire, ce n’est que dans nos échanges qu’elle a un prix, parce que nous ne l’estimons par comparaison à une autre qu’autant que nous avons besoin de l’échanger, et son prix, comme je l’ai dit, est l’estime que nous faisons de sa valeur, lorsque, dans l’échange, nous la comparons avec la valeur d’une autre.
Le prix suppose donc la valeur : c’est pourquoi on est si fort porté à confondre ces deux mots." (p.42-43)
"Nous verrons ailleurs que le gouvernement portera coup à l’agriculture et au commerce, toutes les fois qu’il entreprendra de fixer le prix des denrées." (p.51)
"Que devons-nous donc aux commerçans ? Si, comme tout le monde le suppose, on échange toujours une production d’une valeur égale contre une autre production d’une valeur égale, on aura beau multiplier les échanges ; il est évident qu’après, comme auparavant, il y aura toujours la même masse de valeurs ou de richesses.
Mais il est faux que, dans les échanges, on donne valeur égale pour valeur égale. Au contraire, chacun des contractans en donne toujours une moindre pour une plus grande. On le reconnoîtroit si on se faisoit des idées exactes, et on peut déjà le comprendre d’après ce que j’ai dit.
Une femme de ma connoissance, ayant acheté une terre, comptoit l’argent pour la payer, et disoit : Cependant on est bienheureux d’avoir une terre pour cela. Il y a, dans cette naïveté, un raisonnement bien juste. On voit qu’elle attachoit peu de valeur à l’argent qu’elle conservoit dans son coffre ; et que, par conséquent, elle donnoit une valeur moindre pour une plus grande. D’un autre côté, celui qui vendoit la terre étoit dans le même cas, et il disoit : Je l’ai bien vendue. En effet, il l’avoit vendue au denier trente ou trente-cinq. Il comptoit donc avoir aussi donné moins pour plus. Voilà où en sont tous ceux qui font des échanges.
En effet, si on échangeoit toujours valeur égale pour valeur égale, il n’y auroit de gain à faire pour aucun des contractans. Or tous deux en font, ou en doivent faire. Pourquoi ? C’est que, les choses n’ayant qu’une valeur relative à nos besoins, ce qui est plus pour l’un est moins pour l’autre, et réciproquement." (p.69-70)
"Une société civile est fondée sur un contrat, exprès ou tacite, par lequel tous les citoyens s’engagent, chacun pour leur part, à contribuer à l’avantage commun." (p.328)
"Dans la seconde partie, j’ai réduit le raisonnement à une simple narration. J’y démontre les avantages d’une liberté entière et permanente : je fais connoître les causes qui peuvent y porter atteinte : j’en fais sentir les suites ; je ne cache pas les fautes des gouvernements, et je confirme les principes que j’ai établis dans la première partie. Je n’ai cependant relevé que les principaux abus. Il étoit d’autant plus inutile de m’appésantir sur d’autres, qu’il y a un moyen de les détruire tous, c’est d’accorder au commerce une liberté pleine, entière et permanente." (p.600-601)
-Étienne Bonnot de Condillac, Le Commerce et le gouvernement considérés relativement l’un à l’autre, 1776, 602 pages.
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"Une chose n’a pas une valeur, parce qu’elle coûte, comme on le suppose ; mais elle coûte, parce qu’elle a une valeur.
Je dis donc que, même sur les bords d’un fleuve, l’eau a une valeur, mais la plus petite possible, parce qu’elle y est infiniment surabondante à nos besoins. Dans un lieu aride, au contraire, elle a une grande valeur ; et on l’estime en raison de l’éloignement et de la difficulté de s’en procurer. En pareil cas un voyageur altéré donneroit cent louis d’un verre d’eau, et ce verre d’eau vaudroit cent louis. Car la valeur est moins dans la chose que dans l’estime que nous en faisons, et cette estime est relative." (p.31)
"Il ne faut pas confondre ces mots prix et valeur, et les employer toujours indifféremment l’un pour l’autre.
Dès que nous avons besoin d’une chose, elle a de la valeur ; elle en a par cela seul, et avant qu’il soit question de faire un échange.
Au contraire, ce n’est que dans nos échanges qu’elle a un prix, parce que nous ne l’estimons par comparaison à une autre qu’autant que nous avons besoin de l’échanger, et son prix, comme je l’ai dit, est l’estime que nous faisons de sa valeur, lorsque, dans l’échange, nous la comparons avec la valeur d’une autre.
Le prix suppose donc la valeur : c’est pourquoi on est si fort porté à confondre ces deux mots." (p.42-43)
"Nous verrons ailleurs que le gouvernement portera coup à l’agriculture et au commerce, toutes les fois qu’il entreprendra de fixer le prix des denrées." (p.51)
"Que devons-nous donc aux commerçans ? Si, comme tout le monde le suppose, on échange toujours une production d’une valeur égale contre une autre production d’une valeur égale, on aura beau multiplier les échanges ; il est évident qu’après, comme auparavant, il y aura toujours la même masse de valeurs ou de richesses.
Mais il est faux que, dans les échanges, on donne valeur égale pour valeur égale. Au contraire, chacun des contractans en donne toujours une moindre pour une plus grande. On le reconnoîtroit si on se faisoit des idées exactes, et on peut déjà le comprendre d’après ce que j’ai dit.
Une femme de ma connoissance, ayant acheté une terre, comptoit l’argent pour la payer, et disoit : Cependant on est bienheureux d’avoir une terre pour cela. Il y a, dans cette naïveté, un raisonnement bien juste. On voit qu’elle attachoit peu de valeur à l’argent qu’elle conservoit dans son coffre ; et que, par conséquent, elle donnoit une valeur moindre pour une plus grande. D’un autre côté, celui qui vendoit la terre étoit dans le même cas, et il disoit : Je l’ai bien vendue. En effet, il l’avoit vendue au denier trente ou trente-cinq. Il comptoit donc avoir aussi donné moins pour plus. Voilà où en sont tous ceux qui font des échanges.
En effet, si on échangeoit toujours valeur égale pour valeur égale, il n’y auroit de gain à faire pour aucun des contractans. Or tous deux en font, ou en doivent faire. Pourquoi ? C’est que, les choses n’ayant qu’une valeur relative à nos besoins, ce qui est plus pour l’un est moins pour l’autre, et réciproquement." (p.69-70)
"Une société civile est fondée sur un contrat, exprès ou tacite, par lequel tous les citoyens s’engagent, chacun pour leur part, à contribuer à l’avantage commun." (p.328)
"Dans la seconde partie, j’ai réduit le raisonnement à une simple narration. J’y démontre les avantages d’une liberté entière et permanente : je fais connoître les causes qui peuvent y porter atteinte : j’en fais sentir les suites ; je ne cache pas les fautes des gouvernements, et je confirme les principes que j’ai établis dans la première partie. Je n’ai cependant relevé que les principaux abus. Il étoit d’autant plus inutile de m’appésantir sur d’autres, qu’il y a un moyen de les détruire tous, c’est d’accorder au commerce une liberté pleine, entière et permanente." (p.600-601)
-Étienne Bonnot de Condillac, Le Commerce et le gouvernement considérés relativement l’un à l’autre, 1776, 602 pages.