"Fondé durant la première Intifada, le Hamas, parti islamiste, a été élu en janvier 2006 au terme d’élections législatives réclamées par la communauté internationale. Il exerce depuis sa dictature.
Ces élections, auxquelles étaient invités à participer les Palestiniens de Cisjordanie, de Jérusalem Est et de Gaza, étaient les premières depuis celles de 1996 qui avaient porté Yasser Arafat à la tête de la toute nouvelle Autorité palestinienne. Les Américains avaient insisté, contre l’avis du Fatah, parti du président Mahmoud Abbas au pouvoir, pour que ce scrutin ait lieu. L’objectif était alors d’amener le Hamas vers le jeu politique. Féroce ennemi du projet sioniste, ses milices avaient entre 1994 et 2005 fait régner la terreur en Israël en multipliant les attentats suicides.
La victoire du parti islamiste, qui remporta la majorité absolue au Parlement, fut une surprise. Lassés de la corruption pratiquée par les héritiers d’Arafat et par l’infructueuse poursuite des négociations de paix, les Palestiniens, loin d’en imaginer les conséquences pour Gaza, avaient choisi une nouvelle voie.
Le 21 février 2006, Ismaël Haniyeh, l’un des cadres du Hamas, fut nommé Premier ministre par le président Mahmoud Abbas et annonça, un mois plus tard, la formation de son gouvernement. Ce fut le début d’une descente aux enfers.
Comme le Hamas était sur la liste des organisations terroristes, la communauté internationale (l’Union européenne, les États-Unis, la Banque mondiale, la France entre autres) suspendit les donations au nouveau gouvernement. Elles se montaient alors à près de un milliard de dollars par an. Investissant des ministères aux caisses vides, le Hamas fut, dès son premier mois de gouvernance, incapable de payer les salaires. Le Fatah conserva de plus le contrôle de la police. En Cisjordanie, où l’armée israélienne était largement présente, on pouvait mater toute révolte. À Gaza, éloignée du reste des territoires palestiniens, d’où l’armée israélienne s’était retirée en 2005 et où le Hamas était fort, c’était différent. Gaza comptait cent vingt mille fonctionnaires dont la plupart formaient l’appareil sécuritaire du Fatah. Ici, la guerre civile menaçait.
Elle fit irruption un an plus tard. En juin 2007, des combats fratricides ensanglantèrent le territoire, au terme desquels le Hamas, vainqueur, prit le pouvoir. Entre combats et exécutions sommaires, les estimations portent entre quatre cents et mille le nombre de victimes. Les cadres du Fatah gagnèrent la Cisjordanie où ils continuent d’exercer au sein d’une autre Autorité palestinienne soutenue par la communauté internationale. À Gaza, les exportations furent interdites. Au cours des trois ans qui suivirent, les Gaziotes exportèrent moins que ce qu’ils étaient habituellement autorisés à exporter en quatre jours, et moins que ce qu’Israël avait promis d’autoriser chaque jour.
Cela s’ajouta aux mesures prises en juin 2006. Après l’enlèvement du caporal Gilad Shalit par le Hamas et l’offensive israélienne générée en réponse, les Israéliens avaient interdit l’accès aux quatre cents camions de marchandise qui entraient quotidiennement.
À la demande israélienne, l’Égypte avait également fermé sa frontière. Elle fut, en 1978, le premier pays arabe à reconnaître Israël et à signer un traité de paix. À Gaza, l’embargo était désormais total. Telle fut la deuxième expérience démocratique des Palestiniens."
"La bande de Gaza n’est pas seulement un repère d’extrémistes.
[...] Ici, les moins de vingt-cinq ans représentent plus des deux tiers de la population. La plupart d’entre eux n’étaient pas en âge de voter lorsque les élections qui menèrent le Hamas au pouvoir furent convoquées. Parmi eux vit Lina, une jeune femme de vingt ans. Lina rêve de démocratie et de voyages. Elle veut danser, chanter, aimer. Refusant farouchement de porter le hijab, elle est fantasque, intelligente et drôle : ma Lady Gaza.
Il ne s’agit pas ici de minimiser la menace que les nombreux groupes armés du territoire font peser sur les Israéliens : elle est indéniable. Il existe cependant des moyens légaux pour la combattre. La prise en otage de tout un peuple n’en fait pas partie. La dictature qu’exerce toujours le Hamas dans la bande de Gaza, le maintien en captivité du caporal Gilad Shalit ainsi que la poursuite des tirs de roquettes prouvent que ce siège n’a pas permis d’atteindre les objectifs que s’étaient fixés ceux qui l’imposèrent. Il ne contribue qu’à maintenir dans la souffrance des hommes, des femmes, des enfants, dont la majorité n’est en rien concernée par la lutte armée. Un peuple qui rit, se marie, reçoit des diplômes, célèbre des naissances. Car la vie continue, improbable triomphe de la lumière, et que c’est d’elle, surtout, qu’il sera question ici.
J’attends le jour où, avec mes amis, je franchirai le poste frontière israélien parce qu’ils seront libres de circuler. Ce ne sera certes pas demain, mais il n’est pas interdit de rêver que nous assisterons, comme il en fut à Berlin, à la chute de ce mur. Et que nous danserons sur ses décombres."
-Katia Clarens, Une saison à Gaza. Voyage en territoire assiégé, Éditions Jean-Claude Lattès, 2011.