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    Alfred Stern, Hegel et les idées de 1789

    Johnathan R. Razorback
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    Alfred Stern, Hegel et les idées de 1789 Empty Alfred Stern, Hegel et les idées de 1789

    Message par Johnathan R. Razorback Mer 22 Nov 2023 - 21:16



    "L'Université de Berlin était alors le centre intellectuel des tendances de « stabilité et de légitimité », de l'absolutisme autoritaire dont s'inspiraient Metternich et le roi Frédéric Guillaume III, et dont Hegel lui-même fut le célèbre porte-parole philosophique. Avec d'autant plus de surprise constate-t-on que dans ces cours, publiés plus tard, Hegel parle de la Révolution Française avec beaucoup de chaleur, parfois même avec un certain enthousiasme qui contraste d'ailleurs d'une manière curieuse avec la redoutable aridité de son style." (p.354)

    "Xavier Léon dit que toute la théorie de l'État de Fichte n'est « qu'un ingénieux et pénétrant commentaire du Contrat social » (X. Léon, Fichte et son Temps, Colin, Paris, 1922, t. I, p. 187)." (p.355)

    "Quand Fichte dit : « Tout homme est libre de par sa nature et personne n'a le droit de lui imposer une Foi, sauf lui-même » (Beitrag zur Berichtigung der Urleile des Publikums über die französische Revolution, 1844, p. 276) ; c'est aussi une idée de Rousseau : la liberté n'est que l'obéissance vis-à-vis de la loi qu'on s'est imposée soi-même. Idée de Rousseau qui se manifeste aussi chez Hegel et devint la base de la morale autonome de Kant, celui-ci ayant trouvé dans l'œuvre de Rousseau la thèse fondamentale de sa doctrine de la raison pratique, sous une forme précritique. Enfin, le principe précité de Rousseau se retrouve, à notre avis, même dans la doctrine de Nietzsche, qui s'exprime ainsi : « Nous autres immoralistes, nous aussi, reconnaissons un devoir - mais un devoir que nous nous sommes imposé à nous-mêmes, que nous avons puisé en nous-mêmes. »." (p.355)

    "Ce n'est pas dans l'entendement que Hegel voit le véritable instrument de la philosophie, car l'entendement demeure abstrait et maintient les oppositions et contradictions entre les notions. En revanche Hegel estime que la raison est la faculté des notions concrètes qui surmonte contradictions et antithèses entre les notions, en les rendant identiques. C'est pourquoi l'entendement demeure hostile vis-à-vis de la religion qui -selon Hegel- a « un contenu spéculatif et raisonnable ». Ce que Hegel reproche à la philosophie des lumières c'est le fait de ne reconnaître que l'autorité de l'entendement abstrait." (p.356)

    "Est libre toute volonté -dit Hegel- qui ne veut que soi-même. Ce libre arbitre est le principe même de l'esprit et c'est grâce à lui que l'homme devient homme. Dans la Révolution Française -poursuit-il- ce libre arbitre a été reconnu comme la substance, le véritable fondement de tout droit [...]

    Ce libre arbitre qui, aux yeux de Hegel, se réalise dans l'État, n'est cependant pas identique à la volonté particulière ou individuelle. Le libre arbitre "en soi et pour soi" est a la liberté de l'esprit universel dans son essence ». Pour savoir ce qui est juste et moral il faut faire abstraction des penchants et désirs particuliers et avoir recours à la volonté universelle." (p.357)

    "Les Allemands, dit-il, n'ont pas besoin de faire une révolution car étant un peuple protestant ils sont réconciliés avec la réalité." (p.359)

    "Philosophe de l'État prussien et du pangermanisme." (p.360)

    "On peut douter de la parfaite sincérité de certaines idées développées par Hegel au cours de sa vie politiquement si mouvementé." (p.360)

    "Hegel était jeune professeur à l'Université d'Iéna lorsque les troupes victorieuses de la France prirent la ville. Dans la nuit avant la bataille, Hegel vit par la fenêtre de sa chambre les feux des bataillons français, campant à la place du marché et c'est pendant cette nuit historique qu'il termina le manuscrit de sa Phénoménologie de l'Esprit. Le lendemain les armées prussiennes furent battues et l'appartement dé Hegel complètement dévasté, de sorte que le ministre d'État, Goethe, devait lui accorder un subside de 10 écus. Toutes ces souffrances dues au triomphe des armées françaises ne diminuèrent pas l'enthousiasme que Hegel éprouvait pour Bonaparte. A la veille de la bataille, il avait vu l'empereur à cheval, et il en fit le récit dans une lettre adressée à l'un de ses amis : « J'ai vu l'empereur à cheval - j'ai vu l'âme de l'Univers à cheval ! Quel sentiment sublime de voir un tel individu, concentré sur un point, à cheval et dominant d'ici toute la terre... De pareils succès militaires, emportés de lundi à vendredi, ne sont réalisables que par cet homme extraordinaire, que l'on ne peut pas ne pas admirer." (p.361)

    "Dans le chapitre consacré à la Révolution dans sa Philosophie de l'Histoire universelle Hegel rejette le libéralisme, car il le considère comme le « principe des atomes ». A cet « agrégat d'atomes volitifs » qu'est à ses yeux l'État libéral, il oppose la « nation-individualité » (ibid., p. 924, 927, 933) en précurseur de l'État totalitaire tel qu'il a été conçu et préconisé plus tard par le phénoménologue Scheler (M. Scheler, Der Genius des Krieges und der deutsche Krieg, Leipzig, 1915)." (p.361)

    "Hegel, qui n'avait rien appris de la critique kantienne du rationalisme ontologique, croyait que la connaissance de la nature empirique n'était qu'un problème de la dialectique logique. Ainsi il « démontra » en 1801, par la seule raison, qu'entre Jupiter et Mars il ne pouvait y avoir une autre planète. Ce qui n'a pas empêché l'Italien Piazzi de découvrir entre ces deux étoiles la planète Cérès. Et depuis on a découvert -entre Jupiter et Mars- malgré les « preuves » hégéliennes de leur impossibilité, pas moins de sept cents planétoïdes, l'anneau des Astéroïdes [...]

    Dix-sept ans après la mort de Hegel, la Prusse protestante déclencha une révolution formidable - celle de 1848 - en dépit du fait que son philosophe d'État en avait démontré l'impossibilité." (p.362-363)
    -Alfred Stern, "Hegel et les idées de 1789", Revue Philosophique de la France et de l'Étranger, T. 128, No. 9/12 (SEPT.-OCT ET NOV.-DÉC. 1939), pp. 353-363.



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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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