https://www.jstor.org/stable/44349734
https://fr.wikisource.org/wiki/Auteur:Jean_de_La_Harpe
"Il noirs a semblé qu'il ne suffisait pas de parler « rationalisme », d'invoquer le concept de raison pour désigner ce qui dans la connaissance et l'action est susceptible d'une vérification ou d'une justification. Il convient d'abord de serrer d'aussi près que possible l'idée que nous nous faisons de la Raison, de faire valoir les titres qu'elle présente à notre créance.
D'une part l'idée courante qu'on se fait du rationalisme, suivant laquelle la raison se ramènerait à une liste plus ou moins complète de catégories, nous semble très contestable ; il se pourrait fort bien que la doctrine des catégories, telle que la défendait un Renouvier, ne fût qu'une étape historique du rationalisme ; en effet l'anti-intellectualisme d'un Bergson, pour citer le plus intelligent et le plus profond, a rappelé aux philosophes l'unité profonde de la vie de l'esprit, il ne conviendrait point que la leçon en fût perdue; mais si un certain rationalisme artificiel et conceptuel a été condamné par la renaissance spiritualiste bergsonienne, on ne saurait en dire autant du rationalisme en général : nous osons même affirmer qu'il permettra seul de tirer vraiment parti des découvertes de l'anti-intellectualisme.
D'autre part nous ne pouvons nous empêcher d'être frappés par un fait historique : tous les grands maîtres de la philosophie, les Platon, les Aristote, les Descartes, les Leibnitz, les Spinoza, les Malebranche, les Kant, les Cournot, les Secrétan, etc., ont été des esprits pour lesquels la croyance spontanée dans la Raison a été le premier et le dernier mot de la sagesse ; la raison est pour eux de l'ordre de l'évidence, car ils savent inéluctablement qu'ils cherchent un ordre véritable, un système de normes, c'est-à-dire précisément ce qui constitue l'essence du rationnel.
Aujourd'hui, on fausse le rationalisme par réaction contre un certain mysticisme vague de la connaissance, en l'ornant des oripeaux néo-thomistes; ce mouvement est du type de la « réaction pour la réaction » ; les auteurs incapables de faire véritablement œuvre de philosophes, demandent à une tradition vénérable « un quelque chose » qui ressemblerait de loin au Rationalisme ; les Allemands ont un mot pour ce genre de produit : ils le nomment « Ersatz » !
Il convient donc de revenir à l'idée de Raison et de nous efforcer à la dégager nettement de la gangue dont elle demeure encore enveloppée : nous n'avons pas la prétention d'y réussir, nous ne voudrions qu'en préparer modestement le succès, en suivant les voies ouvertes par nos maîtres, MM. Brunschvicg, Meyerson et Lalande surtout." (pp.266-267)
"La Raison -si elle existe et quoi qu'il arrive - ne peut se concevoir que comme l'espèce d'un genre plus vaste ; elle est une fonction de la pensée, si elle est quelque chose ; elle ressortit donc à l'étude des phénomènes psychologiques, car ses opérations et ses produits auront une existence mentale. Nous ne songeons point à contester ce fait : nous nous demanderons seulement dans quel sens et comment la Raison relève de la psychologie." (p.267)
-Jean de la Harpe, "Les Principes fondamentaux du Rationalisme", Revue Philosophique de la France et de l'Étranger, T. 107 (JANVIER A JUIN 1929), pp. 266-296.
https://fr.wikisource.org/wiki/Auteur:Jean_de_La_Harpe
"Il noirs a semblé qu'il ne suffisait pas de parler « rationalisme », d'invoquer le concept de raison pour désigner ce qui dans la connaissance et l'action est susceptible d'une vérification ou d'une justification. Il convient d'abord de serrer d'aussi près que possible l'idée que nous nous faisons de la Raison, de faire valoir les titres qu'elle présente à notre créance.
D'une part l'idée courante qu'on se fait du rationalisme, suivant laquelle la raison se ramènerait à une liste plus ou moins complète de catégories, nous semble très contestable ; il se pourrait fort bien que la doctrine des catégories, telle que la défendait un Renouvier, ne fût qu'une étape historique du rationalisme ; en effet l'anti-intellectualisme d'un Bergson, pour citer le plus intelligent et le plus profond, a rappelé aux philosophes l'unité profonde de la vie de l'esprit, il ne conviendrait point que la leçon en fût perdue; mais si un certain rationalisme artificiel et conceptuel a été condamné par la renaissance spiritualiste bergsonienne, on ne saurait en dire autant du rationalisme en général : nous osons même affirmer qu'il permettra seul de tirer vraiment parti des découvertes de l'anti-intellectualisme.
D'autre part nous ne pouvons nous empêcher d'être frappés par un fait historique : tous les grands maîtres de la philosophie, les Platon, les Aristote, les Descartes, les Leibnitz, les Spinoza, les Malebranche, les Kant, les Cournot, les Secrétan, etc., ont été des esprits pour lesquels la croyance spontanée dans la Raison a été le premier et le dernier mot de la sagesse ; la raison est pour eux de l'ordre de l'évidence, car ils savent inéluctablement qu'ils cherchent un ordre véritable, un système de normes, c'est-à-dire précisément ce qui constitue l'essence du rationnel.
Aujourd'hui, on fausse le rationalisme par réaction contre un certain mysticisme vague de la connaissance, en l'ornant des oripeaux néo-thomistes; ce mouvement est du type de la « réaction pour la réaction » ; les auteurs incapables de faire véritablement œuvre de philosophes, demandent à une tradition vénérable « un quelque chose » qui ressemblerait de loin au Rationalisme ; les Allemands ont un mot pour ce genre de produit : ils le nomment « Ersatz » !
Il convient donc de revenir à l'idée de Raison et de nous efforcer à la dégager nettement de la gangue dont elle demeure encore enveloppée : nous n'avons pas la prétention d'y réussir, nous ne voudrions qu'en préparer modestement le succès, en suivant les voies ouvertes par nos maîtres, MM. Brunschvicg, Meyerson et Lalande surtout." (pp.266-267)
"La Raison -si elle existe et quoi qu'il arrive - ne peut se concevoir que comme l'espèce d'un genre plus vaste ; elle est une fonction de la pensée, si elle est quelque chose ; elle ressortit donc à l'étude des phénomènes psychologiques, car ses opérations et ses produits auront une existence mentale. Nous ne songeons point à contester ce fait : nous nous demanderons seulement dans quel sens et comment la Raison relève de la psychologie." (p.267)
-Jean de la Harpe, "Les Principes fondamentaux du Rationalisme", Revue Philosophique de la France et de l'Étranger, T. 107 (JANVIER A JUIN 1929), pp. 266-296.