https://fr.wikipedia.org/wiki/Abel_Rey
"Nous entendrons par invention cette fonction systématisée de la vie mentale grâce à laquelle s'élaborent et surgissent dans la conscience des états où s'enchaînent et se mêlent le plus souvent images et représentations, idées et conceptions, jugements et raisonnements, mais qui toujours apparaissent essentiellement comme nouveaux, comme créés et produits par notre propre activités." (p.345)
"L'invention se bornerait à assembler selon un ordre nouveau des éléments préexistant tout faits dans la vie mentale. Il y a là [chez Dugas, Paulhan, Ribot] une conception bien simpliste, semble-t-il, de cette vie d'abord, de l'invention ensuite. Encore qu'on ait beaucoup exagéré récemment [chez James, Bergson, Dewey] la continuité de la vie mentale, sa répugnance à se laisser morceler en états isolés, etc., il est incontestable que celle-ci ne se présente pas comme un amas d'éléments distincts à l'aide desquels l'invention composerait ses marqueteries. Toute création inventive, même la plus humble, est systématisatrice ; c'est donc une synthèse, il y a fusion des éléments, modification profonde de ceux-ci. Étant donnés les modes de fonctionnement de la vie psychologique, il y a plus exactement substitution de quelque chose de nouveau aux éléments anciens dont notre souvenir le rapproche; ce quelque chose de nouveau dérive, à la vérité, de ces derniers, mais à travers des altérations parfois profondes. L'invention parait donc bien créatrice, et dans sa matière - jusqu'à un certain point, cela va sans dire - aussi bien que dans sa forme. D'ailleurs les rapports ne se distinguent-ils jamais des termes entre lesquels ils sont établis, autrement que par des artifices dont la commodité ne doit pas nous faire oublier l'arbitraire ?" (p.346)
"Ne pourrait-on voir une preuve expérimentale de ce pouvoir vraiment créateur de l'invention dans quelques faits extrêmes sur lesquels Ribot, l'un des premiers, a attiré l'attention à ce propos ? Chez quelques hypnotisés la suggestion peut faire apparaître les marques physiologiques effectives des sensations qu'on leur suggère (brûlures, rougeurs de l'épiderme, exsudation sanguine, plaies et stigmates). Ces cas de « vésication » ne sont-ils pas de véritables créations, des .innovations matérielles? Certes, la différence est grande entre l'invention au sens ordinaire du mot et ces productions » physiologiques. Mais la matérialité de ces dernières n'en fait que mieux ressortir un pouvoir vraiment créateur. Car, comme le dit Ribot, « il y a ici création, au sens strict du mot, quoiqu'elle soit renfermée dans les limites de l'organisme. Ce qui apparaît est nouveau... » Les faits dont il s'agit sont « sans précédents dans l'organisme ». Si le pouvoir psychologique créateur est capable de faire surgir un fait physiologique nouveau pourquoi serait-il incapable de susciter l'apparition d'un événement psychologique « sans précédents » lui aussi, dans la vie mentale ? Sans précédents, entendons-nous; il ne s'agit pas de création ex nihilo. De même que dans l'organisme la création est conditionnée par les dispositions organiques qui rendent son apparition possible, de même dans la vie mentale la création est conditionnée par l'organisation préexistante de cette vie mentale, donc par la trame antérieure dont elle est formée. Mais il n'y en a pas moins création en ce sens que l'événement nouveau qui s'ajoute à cette trame n'est ni la répétition pure et simple d'un événement antérieur, ni même une combinaison nouvelle d'événements antérieurs, mais quelque chose de spécifique aussi bien au point de vue de la matière que de la forme. Ce « fait nouveau » peut évoquer, doit évoquer des événements antérieurs : il s'est créé pour ainsi dire en continuité avec eux; il est conditionné par eux, puisque la vie mentale est toujours dans une certaine mesure un continu. Mais, pour rappeler des états antérieurs, il n'en est pas moins le plus souvent « original » jusque dans ses moindres parties, comme l'individu par rapport à l'espèce. C'est un organisme nouveau qui est né, et vit de sa vie propre." (pp.346-347)
-Abel Rey, "L'Invention", Revue Philosophique de la France et de l'Étranger, T. 88 (JUILLET A DÉCEMBRE 1919), pp. 345-385.
https://annas-archive.org/md5/9a83125ba5177c3152b97f567da8ee1d
https://annas-archive.org/md5/c867191a2626174b64853e086ecee9f5
https://annas-archive.org/md5/152c42d7e8ff4315517f4215fbbd72f9
https://annas-archive.org/md5/6dbb3872bfc60e94bf870cadef29166c
https://www.persee.fr/doc/rhs_0151-4105_2005_num_58_2_2256
https://education.persee.fr/doc/revin_1775-6014_1909_num_57_1_8843
"Nous entendrons par invention cette fonction systématisée de la vie mentale grâce à laquelle s'élaborent et surgissent dans la conscience des états où s'enchaînent et se mêlent le plus souvent images et représentations, idées et conceptions, jugements et raisonnements, mais qui toujours apparaissent essentiellement comme nouveaux, comme créés et produits par notre propre activités." (p.345)
"L'invention se bornerait à assembler selon un ordre nouveau des éléments préexistant tout faits dans la vie mentale. Il y a là [chez Dugas, Paulhan, Ribot] une conception bien simpliste, semble-t-il, de cette vie d'abord, de l'invention ensuite. Encore qu'on ait beaucoup exagéré récemment [chez James, Bergson, Dewey] la continuité de la vie mentale, sa répugnance à se laisser morceler en états isolés, etc., il est incontestable que celle-ci ne se présente pas comme un amas d'éléments distincts à l'aide desquels l'invention composerait ses marqueteries. Toute création inventive, même la plus humble, est systématisatrice ; c'est donc une synthèse, il y a fusion des éléments, modification profonde de ceux-ci. Étant donnés les modes de fonctionnement de la vie psychologique, il y a plus exactement substitution de quelque chose de nouveau aux éléments anciens dont notre souvenir le rapproche; ce quelque chose de nouveau dérive, à la vérité, de ces derniers, mais à travers des altérations parfois profondes. L'invention parait donc bien créatrice, et dans sa matière - jusqu'à un certain point, cela va sans dire - aussi bien que dans sa forme. D'ailleurs les rapports ne se distinguent-ils jamais des termes entre lesquels ils sont établis, autrement que par des artifices dont la commodité ne doit pas nous faire oublier l'arbitraire ?" (p.346)
"Ne pourrait-on voir une preuve expérimentale de ce pouvoir vraiment créateur de l'invention dans quelques faits extrêmes sur lesquels Ribot, l'un des premiers, a attiré l'attention à ce propos ? Chez quelques hypnotisés la suggestion peut faire apparaître les marques physiologiques effectives des sensations qu'on leur suggère (brûlures, rougeurs de l'épiderme, exsudation sanguine, plaies et stigmates). Ces cas de « vésication » ne sont-ils pas de véritables créations, des .innovations matérielles? Certes, la différence est grande entre l'invention au sens ordinaire du mot et ces productions » physiologiques. Mais la matérialité de ces dernières n'en fait que mieux ressortir un pouvoir vraiment créateur. Car, comme le dit Ribot, « il y a ici création, au sens strict du mot, quoiqu'elle soit renfermée dans les limites de l'organisme. Ce qui apparaît est nouveau... » Les faits dont il s'agit sont « sans précédents dans l'organisme ». Si le pouvoir psychologique créateur est capable de faire surgir un fait physiologique nouveau pourquoi serait-il incapable de susciter l'apparition d'un événement psychologique « sans précédents » lui aussi, dans la vie mentale ? Sans précédents, entendons-nous; il ne s'agit pas de création ex nihilo. De même que dans l'organisme la création est conditionnée par les dispositions organiques qui rendent son apparition possible, de même dans la vie mentale la création est conditionnée par l'organisation préexistante de cette vie mentale, donc par la trame antérieure dont elle est formée. Mais il n'y en a pas moins création en ce sens que l'événement nouveau qui s'ajoute à cette trame n'est ni la répétition pure et simple d'un événement antérieur, ni même une combinaison nouvelle d'événements antérieurs, mais quelque chose de spécifique aussi bien au point de vue de la matière que de la forme. Ce « fait nouveau » peut évoquer, doit évoquer des événements antérieurs : il s'est créé pour ainsi dire en continuité avec eux; il est conditionné par eux, puisque la vie mentale est toujours dans une certaine mesure un continu. Mais, pour rappeler des états antérieurs, il n'en est pas moins le plus souvent « original » jusque dans ses moindres parties, comme l'individu par rapport à l'espèce. C'est un organisme nouveau qui est né, et vit de sa vie propre." (pp.346-347)
-Abel Rey, "L'Invention", Revue Philosophique de la France et de l'Étranger, T. 88 (JUILLET A DÉCEMBRE 1919), pp. 345-385.
https://annas-archive.org/md5/9a83125ba5177c3152b97f567da8ee1d
https://annas-archive.org/md5/c867191a2626174b64853e086ecee9f5
https://annas-archive.org/md5/152c42d7e8ff4315517f4215fbbd72f9
https://annas-archive.org/md5/6dbb3872bfc60e94bf870cadef29166c
https://www.persee.fr/doc/rhs_0151-4105_2005_num_58_2_2256
https://education.persee.fr/doc/revin_1775-6014_1909_num_57_1_8843