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-Alain Erlande-Branbenburg, Régine Pernoud, Jean Gimpel et Roland Bechmann, introduction et commentaires des Carnets de Villard de Honnecourt, Stock, 1986, 127 pages.
« Villard est le précurseur de ces architectes et ingénieurs qui aboutiront à Léonard de Vinci et dont la chaîne démontre l’inanité d’une coupure entre Moyen-âge et Renaissance et les risques d’opposer trop brutalement pour ces siècles d’éveil de la pensée technique le savoir artisanal et la science savante. Villard unit en lui, comme ses dessins le montrent, les recettes, l’expérience des hommes de métier, formés sur les chantiers, qui se transmettent leur savoir-faire essentiellement par l’oral et la science acquise dans les livres, manuscrits antiques ou humbles carnets comme le sien, où –ce qui fait quand même une différence avec un Léonard, sans doute, lui, plus théoricien que praticien-, le texte est très réduit au profit des images qui assurent le transfert du savoir dans un milieu où dominent les illitrées. » (p.
« Le treizième siècle est le temps où triomphe le nombre, où le quantitatif s’impose. Ratio en latin c’est raison mais aussi compte, calcul. Des trois grands domaines où le Moyen-âge affirme sa créativité, le moulin et ses applications, le textile et ses instruments, le bâtiment et ses machines, c’est dans ce dernier que se situent les dessins de Villard de Honnecourt. Le grand chantier des cathédrales n’est pas encore une usine, mais c’est déjà une fabrique. Les machines de l’antiquité n’étaient que des jouets, et l’on trouve chez Villard encore des curiosités technologiques, ce que Roland Bechmann appelle des gadgets et des automates. » (p.
« Roland Bechmann pressent, dans des dessins énigmatiques, des procédés mnémotechniques difficiles à déchiffrer, des figures symboliques et même ésotériques réservées à la compréhension d’initiés, dans ce milieu où s’élabore la strate la plus ancienne de la franç-maçonnerie, une franc-maçonnerie qui était alors un groupement d’hommes de chantier. » (p.9)
-Jacques Le Goff, préface à Roland Bechmann, Villard de Honnecourt. La pensée technique au XIIIe siècle et sa communication, Picard, 1991, 384 pages.
« Le carnet de Villard est un unique et vivant témoignage de cette période de progrès, d’intense curiosité intellectuelle, et d’évolution rapide que fut le XIIIe siècle. […]
Dans le 3e quart du XIIIe siècle […] la foi règle sur la philosophie mais la raison humaine –notamment chez saint Thomas- et l’expérience –qui, chez Pierre de Maricourt, surnommé « magister experimentarum » ira jusqu’à l’expérimentation- réservent jalousement leurs droits.
Le XIIIe siècle est, d’autre part, l’époque d’un effort de vulgarisation des techniques. » (p.19)
« Le manuscrit de Villard se présente déjà comme le témoin précoce d’une évolution qui s’amorce tout juste à son époque : l’usage de la langue vulgaire dans les actes publics, dans la littérature, dans les écrits scientifiques. Or, c’est précisément en Champagne et en Picardie que l’on en trouve les premières manifestations. »
« L’une des plus anciennes chartes rédigées en français est celle de Douai et date de 1204. Dans les années 1240, les documents officiels en Champagne étaient écrits en français, et c’est après 1250 que se dévellopèrent les livres scientifiques écrits en langue vulgaire. » (p.20)
« Villard fait allusion à plusieurs reprises au fait qu’il a été « mandé » en Hongrie où il a passé « maints jours ». Ce sont précisément des Cisterciens appelés par le roi Bela III (1173-1196), époux de la princesse française Marguerite Capet, qui construisirent en Hongrie quatre abbayes dont les travaux se poursuivent presque jusqu’au milieu du XIIIe siècle. Un certain nombre d’églises de Hongrie portent la marque du gothique français. » (p.21)
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(pp.23-24)
-Roland Bechmann, Villard de Honnecourt. La pensée technique au XIIIe siècle et sa communication, Picard, 1991, 384 pages.