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    À Marseille, l’Après M, du rêve du « fast social food » à la dure réalité

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    À Marseille, l’Après M, du rêve du « fast social food » à la dure réalité Empty À Marseille, l’Après M, du rêve du « fast social food » à la dure réalité

    Message par Johnathan R. Razorback Ven 29 Déc - 12:28

    "À première vue, il s’agit d’un McDonald’s comme un autre. Même architecture caractéristique de la célèbre enseigne, même bornes à l’intérieur pour commander, mêmes clients, familles ou plus jeunes venus dévorer des hamburgers et siroter un soda dans ce qui constitue la «place du village» de la cité. Près d’un rond-point du 14e arrondissement, au cœur des quartiers nord, le fast-food est un des rares lieux de vie au milieu des barres d’immeubles.

    Il faut toutefois s’attarder sur les détails pour s’apercevoir qu’il ne s’agit pas d’un McDonald’s comme les autres. Déjà, les hamburgers ont des drôles de formes, comme des soucoupes volantes comestibles. Surtout, l’enseigne a été légèrement modifiée. Il y a un an presque jour pour jour, le McDonald’s de Saint-Barthélémy à Marseille a laissé place à un autre fast-food, «l’Après M».

    De Mcdo à l’Après M
    La belle histoire a fait la une de tous les journaux, jusqu'à intéresser le New York Times. Il faut dire qu’elle avait de quoi faire rêver. L’histoire d’une poignée de salariés qui se battent contre une des enseignes les plus puissantes au monde pour sauver leurs emplois après le placement en redressement judiciaire de leur restaurant en décembre 2019. L’histoire de ces mêmes salariés qui décident d’occuper illégalement le fast-food, et qui le transforment en plateforme d’entraide pendant la crise sanitaire, en distribuant des colis alimentaires à des familles précaires.

    Et quand McDonald’s menace de les expulser... Qu’à cela ne tienne : la mairie de Marseille dirigée par l’ancien socialiste Benoît Payan rachète les murs. La municipalité loue ensuite le lieu aux salariés et bénévoles qui œuvrent désormais dans une société coopérative d’intérêt collectif. Le 10 décembre 2022, l’impensable il y a quelques années se produit : le Mcdonald’s se retrouve transformé en un restaurant d’insertion sociale et solidaire repris par des salariés, des bénévoles, des gens du quartier et des contributeurs extérieurs. Le fast-food sert des burgers conçus en collaboration avec le chef étoilé marseillais Gérald Passedat, en embauchant des personnes éloignées de l’emploi.

    À lire aussiLa ville de Marseille va racheter l'ex-McDo devenu une plateforme d'aide alimentaire

    Un chiffre d’affaires bien en-deçà des objectifs
    L’objectif final ? Financer, via les recettes du restaurant, la distribution de colis alimentaires pour les personnes précaires, et devenir ainsi le premier «fast social food». L’Après M se situe en effet au cœur d’un des arrondissements les plus pauvres de Marseille, ville elle-même touchée de plein fouet par la précarité. Au moment de son ouverture, il y a un an, l’Après M ambitionne de réaliser, dès la première année, un chiffre d'affaires de 1,85 million d'euros pour un excédent de 100.000 euros entièrement réinvesti dans la redistribution de denrées alimentaires.

    Quand, un an plus tard, on relit ces chiffres à Lila, attablée dans le restaurant entre deux clients qui dégustent un burger, la bénévole soupire. «Non, on n’a pas atteint ce chiffre d’affaires puisqu’aujourd’hui on ne redistribue pas les excédents dans les colis alimentaires. Je ne suis pas là pour vous mentir. Je n’ai rien à vous cacher.» D’après les statistiques communiqués par l’Après M au Figaro, le chiffre d’affaires enregistré entre janvier et octobre par le restaurant dépasse les 520.000 euros, et la structure espère clôturer l’année en avoisinant les 850.000 euros, soit moins de la moitié de ce qui avait été projeté au démarrage.

    Problèmes de trésorerie
    «Les difficultés, je ne dis pas que ce n’est pas vrai, concède Lila. Aujourd’hui, oui, on a un problème de trésorerie, mais il faut se souvenir d’où on est parti pour comprendre. On a démarré le restaurant avec 90.000 euros. Ce n’est pas beaucoup, mais on était dans l’urgence. Il y avait un loyer à payer à la mairie, et on n’avait pas d’autres choix que d’ouvrir pour générer du chiffre d’affaires, au risque de puiser dans nos réserves d’argent. Or, pour se développer, on a besoin de cash.»

    «On a réalisé avec ces sommes des investissements notamment dans les bornes et le matériel qu’il manquait pour fabriquer les nouveaux burgers, poursuit la bénévole. Et ça nous a permis de payer les premiers salaires. On ne pouvait pas aussi demander à nos salariés dans des dispositifs d’insertion la même productivité qu’à n’importe quel salarié. Au début, avec cette masse salariale pas formée, on a eu beaucoup de pertes.»

    Derrière elle, dans le restaurant, deux influenceurs bien connus à Marseille discutent avec des bénévoles de l’Après M, en vue d’une éventuelle future collaboration. « Ils nous ont envoyé un message sur Instagram», se réjouit Lila. Et pour cause : «On n’a pas le budget communication ou marketing pour se faire connaître. Certains du quartier ne savent pas encore que le restaurant a rouvert et qu’on peut manger à l’intérieur !»

    Pour Lila, le restaurant subit également, comme d’autres établissements du secteur, la crise économique, qui plus est dans ce quartier pauvre de Marseille. L’Après M enregistre en moyenne chaque jour 175 transactions, pour un plateau moyen de 13 euros. Dans le même temps, le nombre de bénéficiaires de colis alimentaires ne diminue pas. Bien au contraire. «Chaque semaine, on distribue pas moins de 700 colis, détaille la bénévole. Des gens attendent le lundi à partir de cinq ou six heures du matin, et il y a devant le restaurant une longue file d’attente pour avoir un colis... Et acheter ces colis auprès de la Banque alimentaire, ça a un prix !»

    Choix politique
    Mais outre la conjoncture économique, l’Après M fait désormais face à des déconvenues politiques. La semaine dernière, des clients un peu particuliers ont poussé la porte du restaurant : des militants de la gauche marseillaise, anciens candidats aux régionales, appelés à la rescousse pour résoudre une nouvelle problématique. Lors de son lancement, l’Après M avait en effet budgété une aide du conseil régional dirigé par le président Renaissance Renaud Muselier. «On a eu des échanges avec des personnes au conseil régional, et on a fait une demande de 192.000 euros, rapporte Lila. Et à chaque fois, l’examen de notre demande était reporté à la commission suivante.»

    En octobre dernier, contacté par nos confrères de 20 Minutes , la région affirmait «ne pas être compétente pour venir sauver un projet auquel elle n’a jamais été associée», et ce deux ans après que «la mairie de Marseille a annoncé sauver l'Après M, avec un projet d'envergure qui permettait de donner une perspective, sans aucune concertation avec la région, et sans jamais nous consulter.» «Depuis le premier jour à l’Après M, on leur dit que leur modèle économique ne fonctionnera pas, tempête auprès du Figaro Renaud Muselier. Donc nous, on n’a pas vocation à subventionner des modèles économiques qui ne fonctionnent pas. On le saurait, si ça marche, non ? »

    «À quelle entreprise de l’économie sociale et solidaire demande-t-on d’être rentable dès la première année et sans aucune subvention ? s’agace Lila. Nous, ce dont on a besoin, c’est de temps, et d’un fonds de roulement pour remédier à nos investissements. Entendre ça, c’est très frustrant, car notre trésorerie n’est pas suffisante pour se développer, alors que notre croissance est continue.» Entre janvier et octobre, le chiffre d’affaires de l’Après M est en hausse de près de 18 %. «J’invite solennellement Renaud Muselier à venir voir ce que l’on fait !» , lance Lila.

    Pour pallier la situation, l’Après M a donc décidé de lancer une cagnotte en ligne, pour un montant de 300.000 euros, et tente de garder le cap. «On paie nos fournisseurs, on paie nos salariés, on n’est pas en cessation de paiements !», insiste Lila. La bénévole sourit : «Et on a plein de projets. On a toujours dit que l’Après M, c’était une hétérotopie : un endroit où les rêves se réalisent. Donc on n’arrête pas de rêver. »
    -Mathilde Ceilles, "À Marseille, l’Après M, du rêve du « fast social food » à la dure réalité", Le Figaro Marseille, Publié le 25/12/2023 à 08:00, mis à jour le 26/12/2023 à 09:27 : https://www.lefigaro.fr/marseille/a-marseille-l-apres-m-du-reve-du-fast-social-food-a-la-dure-realite-20231225



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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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