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    La “phantasia” selon Platon et Aristote + Indispensable mais dangereuse ? L’imagination selon Descartes et Malebranche + Discrète mais primordiale, l’imagination selon Emmanuel Kant

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    La “phantasia” selon Platon et Aristote + Indispensable mais dangereuse ? L’imagination selon Descartes et Malebranche + Discrète mais primordiale, l’imagination selon Emmanuel Kant Empty La “phantasia” selon Platon et Aristote + Indispensable mais dangereuse ? L’imagination selon Descartes et Malebranche + Discrète mais primordiale, l’imagination selon Emmanuel Kant

    Message par Johnathan R. Razorback Lun 15 Jan - 19:56

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/avec-philosophie/la-phantasia-selon-platon-et-aristote-1309354

    Les représentations mentales (images) peuvent être fausses. La théorie aristotélicienne insiste sur la vérité de la sensation, notamment des sensibles propres (si je vois de la couleur, c'est absolument vrai). La phantasia est chez lui une faculté qui développe le donné de la sensation en acte ; l'imagination s'enracine dans le corps en train de percevoir. En revanche la grandeur est un sensible que je peux non seulement voir mais toucher: c'est un sensible commun. Et là ça devient plus compliqué et il peut y avoir de l'erreur. L'imagination intériorise davantage l'objet perçu dans l'âme ; c'est une deuxième phase d'intériorisation après la perception. Le rôle créateur de l'imagination n'est pas très présent chez Platon et Aristote. L'image de la chaleur perçue est plus abstraite et immatérielle que la sensation de chaleur. La réflexion sur la chaleur est un degré d'abstraction encore plus élevé (intellection). L'image ou phantasma est intermédiaire entre le percept et le concept.

    Chez Plotin, il est possible d'imaginer Dieu par un acte de synthèse de qualités diverses (différents objets doués de beauté par exemple). Mais pas vraiment pour Platon. L'imagination opère un relais entre ce qui m'apparaît, ce qui brille, -le donné sensoriel ou mental- et ce que je comprends de ce qui m'apparaît.

    Chez Platon et Aristote, l'imagination se distingue mal de la mémoire, car elle a essentiellement une fonction d'internalisation de la donnée sensorielle (le Théétète compare l'âme a une cire molle où s'imprime des impressions externes). L'image possède une certaine autonomie à l'intérieure de l'âme ; elle n'est plus en contact immédiat avec la réalité objective, ce qui fait sa plasticité, son originalité, son intérêt mais aussi son caractère possiblement trompeur. Elle n'est jamais neutre ; elle est une sélection. Entre l'objet perçu et l'image formée il y a une déperdition, et les esprits ne retiennent pas tous aussi fidèlement, notamment parce que l'état de l'âme affecte le processus d'internalisation (ex: croire aux mitrailles le 6 février 1934). Pour Platon, le lieu de l'erreur est moins l'image que l'imaginaire, c'est-à-dire le discours (intérieur ou oral) que nous produisons en mobilisant des images, qui peuvent suggérer des choses différentes et fausses à ceux qui écoutent le discours (reproche adressé au sophiste dans le dialogue éponyme). La maïeutique socratique dans le discours critiqué doit séparer la portion imaginaire et celle réellement fondée. Platon critique donc moins l'imaginaire que le langage qui recourt aux images. L'erreur vient de ce que nous faisons avec les images qui se sont formés en nous. Platon serait lacanien: images et discours sont co-impliqués. L'image est ambivalente chez Platon ; elle peut être une médiation pour accéder à l'intelligible par le raisonnement (par exemple, tracer une figure géométrique) mais elle peut être crue à tort réelle (comme dans les rêves). Elle peut nous enfoncer dans le sensible ou permettre au mathématicien-philosophe de s'en délivrer.

    Le rêve fait partie de la phantasia chez Platon et Aristote. Le rêve est lié à la fois à l'état moral et à l'état corporel chez Aristote. Les rêves agitées reflètent le désordre des désirs dans la conduite de la vie. Chez Aristote, l'imagination n'est pas toujours en acte, à l'inverse de la sensation. Certains animaux peuvent imaginer, c'est une condition du désir. Les images sont la plupart du temps fausses (Traité de l'âme). Aristote est plus sensualiste: il y a des images avant qu'il y ait du logos. En revanche il n'y a pas de concept sans un support imaginatif. Il y a une imagination sensitive et une imagination spécifiquement humaine, dite rationnelle et délibérative. C'est une dimension de la faculté de jugement, qui vise à déterminer des buts pratiques. La dimension imaginaire de la délibération se manifeste par exemple dans la considération des alternatives: "savoir si l'on fera cette chose ou telle autre, c'est déjà l'œuvre du raisonnement." (Traité de l'âme).

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/avec-philosophie/indispensable-mais-dangereuse-l-imagination-selon-descartes-et-malebranche-4530624

    Pour Descartes, l'imagination est un mode du penser, distinct de la sensation et l'entendement. C'est la faculté de l'esprit de se représenter des images en général, y compris celles que fournissent les sens. L'imagination volontaire consiste à vouloir se représenter quelque chose. L'imagination des rêveries est au contraire passive ; elle se produit lorsque les esprits-animaux (terme de l'ancienne médecine que Descartes utilise pour qualifier les plus fines parties du sang qui irrigue le cerveau) se déplace de manière aléatoire (ce qui engendre les rêves, mais aussi en partie dans l'expérience éveillée, car des images se superposent aux choses auxquelles nous pensons). La concentration sur des images agréables peut soulager l'esprit et jouer un rôle thérapeutique. Cependant, "la maitrise ne peut jamais être absolu" (Denis Kambouchner).

    Pour Descartes, l'imagination est fondamentale en mathématiques car on y travaille des images (symboles algébriques ou figures géométriques, chacun étant convertible en l'autre). La reproduction sensible d'images aide le géomètre à préciser sa réflexion et le soulage de l'effort soutenu effectué par l'entendement. Par l'imagination, la pratique de la science mathématique nous habitue à former des idées claires et distinctes des propriétés et des mouvements des corps. En revanche, si l'imagination, conduite par une volonté sûre, a une utilité pratique, elle n'est pas créatrice d'idée ou génératrice d'un début de théorisation. La puissance de l'imagination reste limitée: je ne peux pas imaginer un chiliogone (polygone à mille côtés) ; je ne peux que l'intelliger, la comprendre abstraitement.

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/avec-philosophie/discrete-mais-primordiale-l-imagination-selon-emmanuel-kant-6144030

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/avec-philosophie/imagination-theorique-et-imagination-politique-8816252



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