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    André Tosel, Formes de mouvement et dialectique dans la nature selon Engels

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    André Tosel, Formes de mouvement et dialectique dans la nature selon Engels Empty André Tosel, Formes de mouvement et dialectique dans la nature selon Engels

    Message par Johnathan R. Razorback Dim 4 Fév - 17:30

    https://books.openedition.org/psorbonne/15354

    "La conciliation d’une ontologie matérialiste-téléologique et d’une gnoséologie réaliste-constructiviste a été en quelque sorte la croix du matérialisme dialectique russe et français lorsqu’il a tenté sérieusement de donner à ces formules une autre consistance que celle d’un programme ou d’un recueil de slogans vides. Jamais la fécondité des lois dialectiques n’a pu apparaître et dépasser le plan d’une répétition inutile des résultats des sciences ou celui plus glissant de la justification de l’excellence « dialectique » des tournants de la politique menée par le parti guide, dépositaire de la philosophie, inscrivant la justesse de son action « socialiste » dans un projet cosmologiquement fondé, et l’unissant aux mouvements des nébuleuses comme aux agitations des cellules vivantes. La dialectique de la nature devient alors une idéologie de légitimation du volontarisme du prince dialecticien et unique acteur de la politique, minée de l’intérieur par le même mélange d’empirisme plat et d’hyperphilosophie que dénonçait voici longtemps la vigilance théorique d’un Antonio Labriola."

    "La cause est-elle entendue ? Nous ne le pensons pas. Tout d’abord, Engels n’a jamais déclaré qu’il entendait publier ses recherches sous ce titre qui est le fait des premiers éditeurs soviétiques en pleine période du « dia-mat » (1935). Engels préfère parler plutôt d’« idées dialectiques (...) sur les sciences de la nature » (Lettre à Marx du 30 mai 1873, voir L., p. 77), ou encore de « la nature comme banc d’essai pour la dialectique » (et il précise dans le même texte de l’A. D. p. 51 : « les sciences naturelles montrent que dans la nature les choses se passent dialectiquement, non métaphysiquement »)."

    "Ces formules embarrassées, écartelées entre la revendication de méthode et l’affirmation ontologique, ne peuvent pas toutefois faire oublier que Engels recherche effectivement dans un curieux parallélisme à la saveur spinozienne une synthèse permettant de prédiquer la dialectique à la fois de la nature, de l’histoire, et de la pensée, et d’aboutir à « deux séries de lois identiques au fond, mais seulement différentes dans leur expression en ce sens que le cerveau humain peut les appliquer consciemment tandis que dans la nature, et jusqu’à présent, en majeure partie également dans l’histoire humaine elles ne fraient leur chemin que d’une façon inconsciente sous la forme de la nécessité extérieure » (S. R. p. 244-245). Mais leur embarras interdit précisément de les enfermer dans une représentation réellement stabilisée et univoque. Qu’est-ce que cherche Engels en vérité ? Non pas un tableau achevé des sciences et un catalogue de lois dialectiques applicables à tous les processus réels connus et à connaître ; auquel cas l’entreprise s’échouerait dans la construction d’un métalangage redoublant inutilement les divers langages scientifiques. Engels, en fait, en cherchant le ou la dialectique dans la nature et l’histoire comme dans les sciences de la nature et de l’histoire, s’engage dans une sorte de pratique expérimentale de pensée."

    "Cette pratique de la philosophie ne postule pas une différence de nature entre science et philosophie, mais plutôt une différence de rapport à ce qui est su. La fonction « philosophie » est de présenter à une science ses lacunes, ses trous, de contribuer à faire naître en elle le repérage critique des formes présentes de son inachèvement, de produire les conditions théoriques de l’autocritique de la science considérée sous la perspective d’une élimination tendancielle, indéfiniment éloignée, mais toujours en acte, de l’opposition entre science et philosophie."

    "Le matérialisme se veut philosophie adéquate des sciences, mais sous sa forme mécaniste il élabore une catégorie de matière définie par le seul mouvement local (mouvement mécanique stricto sensu tel qu’il se manifeste dans la chute des corps et les trajectoires des planètes) qu’il entend retrouver dans toutes les autres formes de mouvement. Il réduit ces autres formes à une composition du mouvement mécanique alors qu’en fait le passage d’une forme de mouvement à l’autre exige l’introduction de déterminations irréductibles à la composition mécanique. La science qui se fait en son histoire réelle excède la représentation de la force mécanique comme forme princeps, isolée en son en soi (force d’attraction par exemple). Le problème de la science qui se fait est celui de l’« Üebergang », celui du passage d’une forme de mouvement à une autre et de la convertibilité de ces formes. Ce passage, ou plutôt ces passages, sont les points nodaux des progrès réels de la connaissance et ils se sont toujours signalés à l’attention des scientifiques comme des vides et des lacunes du programme mécaniste. Leur élaboration a toujours consisté à produire des concepts nouveaux reposant sur le passage de la forme mécanique au-delà de ses déterminations et sur l’enrichissement incessant de la notion vide de matière."

    "L’exposition dialectique est paradoxale en ce que son tableau systématique fait apparaître les lacunes intérieures des conceptualités scientifiques régionales qui mettent en crise le projet d’une mécanique universelle. Elle pense les conditions théoriques d’une relance de la connaissance, elle exige une élaboration de catégories philosophiques, au-delà des catégories du mécanisme devenues inadéquates, pour les formes de mouvement qui présupposent certes le mouvement mécanique mais relèvent d’autres déterminations à produire par rectifications et innovations. De ce point de vue la catégorie de force matérielle doit être relevée et relayée par celle aristotélicienne de forme, ou d’énergie, de formes de mouvement précisément. « Le mouvement, au sens le plus général, conçu comme mode d’existence de la matière, comme attribut inhérent à elle, embrasse tous les changements et tous les processus qui se produisent dans l’univers, du simple changement de lieu jusqu’à la pensée. L’étude du mouvement devrait, cela va sans dire, partir des formes les plus basses, les plus simples de ce mouvement et apprendre à les saisir, avant de pouvoir arriver à quelque résultat dans l’explication des formes supérieures et complexes » (D. N « Les formes fondamentales de mouvement », 1881, p. 75). Il faut reprendre à Hegel le seul outil disponible, la dialectique, pour repenser ce programme de recherches sans projeter toutefois sur les formes de mouvement les étapes de formation de l’esprit, en transposant en quelque sorte dans un sens dynamiste et énergétiste ce qui chez Hegel demeure une figure de l’ascension de l’esprit à son en soi - pour soi. « C’est la dialectique qui est aujourd’hui la forme de pensée la plus importante pour la science de la nature puisqu’elle est seule à offrir l’élément d’analogie, et par suite la méthode d’explication pour les processus évolutifs qu’on rencontre dans la nature, pour les liaisons d’ensemble, pour les passages d’un domaine de recherche à l’autre. » (D. N. « Ancienne préface à l’Anti-Duhring sur la dialectique », 1878, p. 50. À comparer avec le texte de A. D. p. 52-53). Engels a donc des ambitions considérables en ce que comme Leibniz, Hegel, il tente de comprendre le monde — nature et histoire — en termes d’une rationalité dynamiste, en intégrant des tendances scientifiques opposées, l’empirisme mécaniste et le rationalisme spéculatif antimécaniste, en corrigeant les défauts d’une lignée par les critères positifs de la lignée opposée."

    "Engels part du mouvement mécanique et de sa formulation initiale en termes de force d’attraction. Pour lui la mécanique classique maintient des déterminations qui renvoient à des impulsions extérieures. L’insistance sur la force d’attraction qui élimine la saisie de la force de répulsion atteste l’incompréhension de la relation réciproque des deux forces. Comme l’a vu Hegel contre Newton, une force est inséparable de sa manifestation. La Naturphilosophie a saisi en son concept inaugural la limitation de la mécanique classique, et Leibniz a eu raison de produire le concept de « force vive ». Le mouvement de la force d’attraction s’identifie à la résistance qu’elle produit. Et ce qu’elle produit est son changement de forme donné avec son effet. Plus généralement se produit une conservation de la matière en mouvement qui maintient ce faisant son invariabilité quantitative dans son passage à l’autre forme. Le mouvement mécanique est simultanément quantitatif et qualitatif ; le moment du passage au qualitatif sous l’invariabilité quantitative est immanent à ce que l’on peut saisir comme auto-mouvement. Le mouvement mécanique lui-même se conserve, et ce qui importe surtout n’est pas son invariance quantitative, mais la série de ses variations. La force de répulsion est en fait énergie. Ceci exclut dès le départ que l’on puisse penser les rapports élémentaires entre attraction et répulsion comme « équilibre définitif » des deux forces, ni comme « concentration et répartition définitive d’une des deux forces, ni non plus comme une interpénétration réciproque, ni comme une séparation absolue » (D. N. « Les formes fondamentales de mouvement » p. 78).

    La mécanique enfin repensée à son niveau élémentaire enseigne que « tout mouvement d’attraction dans l’univers doit être complété par un mouvement de répulsion équivalent et inversement ». Autant dire que toute forme de mouvement implique sa convertibilité en une série d’autres. La catégorie de matière a pour fonction d’assurer la représentation abstraite de cette convertibilité qui donne un contenu à l’action réciproque et à la question du passage général de la quantité à la qualité. À propos des travaux de Helmholtz, Engels procède à cette généralisation décisive. « Nous n’avons plus maintenant les deux forces fondamentales simples de l’attraction et de la répulsion, mais toute une série de formes subordonnées dans lesquelles s’accomplit le processus du mouvement universel qui se déroule et s’enroule dans les limites de l’attraction et de la répulsion. Mais ce n’est aucunement notre raison seule qui rassemble ces formes multiples du phénomène sous l’expression unique de mouvement. Au contraire, elles démontrent elles-mêmes en acte qu’elles sont les formes d’un seul et même mouvement, puisque dans certaines conditions elles se convertissent l’une dans l’autre. Le mouvement mécanique des masses se transforme en chaleur, en électricité, en magnétisme ; la chaleur et l’électricité se transforment en dissociation chimique ; de son côté, le processus de combinaison chimique développe à son tour de la chaleur et de l’électricité, et grâce à cette dernière du magnétisme ; enfin la chaleur et l’électricité produisent à leur tour le mouvement mécanique des masses. Et cette conversion se fait de telle sorte qu’à une quantité déterminée d’une forme de mouvement correspond une quantité exactement déterminée d’une autre forme de mouvement ». (D. N. idem. p. 83).

    Ainsi Engels se bat-il sur deux fronts. Contre les formes sophistiquées de relativisation phénoménale de la connaissance, soutenue par les savants néokantiens, il montre que le résultat de leurs études proprement scientifiques est de rendre indéfiniment intelligible un niveau d’objectivité de la réalité matérielle et il soutient une conception de la force causa sui qui risque de renvoyer à l’éther hégélien (tel que le pense le paragraphe 265 de l’Encyclopédie). Mais, contre l’idéalisme objectif de Hegel qui lui fournit sa grammaire, il résout la matière dans la « Wechselwirkung » des formes de mouvement.

    La transformation du mouvement mécanique en chaleur en tant que forme nucléaire du passage à la science de la conservation de l’énergie permet de saisir le procès de la connaissance comme constitution de jugement de nécessité et d’utiliser encore une fois de manière originale la logique du concept qui contient une théorie décisive du jugement. La théorie complète de la chaleur — qui exige aussi la conversion de la chaleur en mouvement (alors « on a satisfait à la dialectique du processus ; le processus se sera épuisé en un cycle » (D. N. idem. p. 116) — montre comment une science se construit, dépasse ses stades logiques inférieurs. Engels recourt ici à la théorie hégélienne des jugements que l’on trouve dans la Logique (Logique du concept, section 1, la subjectivité, chapitre second « le jugement »). La théorie de la chaleur est passée par les étapes des jugements, d’existence, de réflexion, de nécessité, et serait en passe de parvenir à la phase du jugement du concept. « La logique dialectique, à l’opposé de l’ancienne logique purement formelle, ne se contente pas d’énumérer les formes du jugement de la pensée, c’est-à-dire les diverses formes du jugement et du raisonnement, ni de les accoler les unes aux autres sans aucun lien, elle les subordonne les unes aux autres au lieu de les coordonner, elle développe les formes supérieures à partir des formes inférieures » (D. N. 1882. p. 225-227). Le jugement d’existence est « forme la plus simple du jugement dans laquelle on énonce affirmativement ou négativement une qualité générale d’une chose singulière ». Lui succède le jugement de réflexion où à propos du sujet « on étudie le processus particulier singularisé, et on l’étudie « sous l’aspect de ses relations avec d’autres processus de même nature découverts dans l’intervalle, c’est-à-dire l’aspect de ses conditions générales immédiates ». Dans l’exemple de la chaleur, l’expérience pratique du frottement s’est formalisée dans l’idée que le frottement comme tel est une source de chaleur, soit un jugement d’existence positif. Il a fallu des millénaires, pour qu’avec les recherches de Mayer, Joule, Colding, ce jugement d’existence laisse place à un jugement universel de réflexion énonçant que tout mouvement mécanique est capable de se transformer en chaleur par l’intermédiaire du frottement. Mais le jugement de nécessité indique encore un niveau supérieur où « on énonce la détermination du sujet (jugement catégorique), c’est-à-dire où on énonce les conditions nécessaires de la détermination objective ». Cependant, c’est avec le jugement du concept que la connaissance scientifique atteint sa maturité. C’est un jugement d’universalité qui énonce à propos du sujet « dans quelle mesure il correspond à sa nature universelle, ou comme le dit Hegel à son concept ». Dans le cas de la chaleur on parvient à une loi universelle dans son contenu et sa forme. Elle se formule ainsi comme loi apodictique : « toute forme de mouvement peut et doit nécessairement, dans des conditions déterminées pour chaque cas, se convertir directement ou indirectement en toute autre forme de mouvement ».

    En ce point il apparaît que « les lois de la pensée et les lois de la nature concordent nécessairement » (D. N. idem. p. 227). La grammaire hégélienne est détournée de son intention idéaliste qui est de procéder à la constitution de l’idée se présupposant comme point de départ. Il y a bien identité dans la distinction entre formes de mouvement et formes de pensée (jugements). Mais cette identité est matérialiste et historique en ce que la causalité réciproque des formes de mouvement est liée à l’activité de l’homme qui expérimente cette causalité originairement dans la pratique de la découverte du feu par frottement et qui s’approprie la loi théorique de convertibilité en accroissant son pouvoir productif et en faisant des forces convertissables les unes dans les autres, donc des forces productives du travail social. L’idée hégélienne est ici intrinsèquement réduite à l’intervention dans la pratique humaine. La causalité théorique est unie à l’activité laborieuse de l’homme. Un travaillisme empirico-spéculatif en quelque sorte définit la dialectique dans les sciences de la nature. C’est l’activité de travail humaine, elle aussi naturelle, qui établit de manière matérialiste la représentation de la causalité."

    "Cette théorie des formes de jugement permet de déterminer de manière immanente-dialectique le degré théorique atteint par une science, l’inégal développement de la connaissance dans son rapport à l’inégal développement de la force productive du travail humain. Les lacunes dans le programme de recherche sont mesurées par rapport à l’idéal d’intégration dans le concept ou à tout le moins par l’éloignement d’avec le jugement de nécessité qui est instance de délimitation constructrice de ses objets. La dialectique quasi hégélienne du concept permet ainsi de produire une vision ouverte du progrès scientifique saisi dans son rapport au procès de contrôle humain d’une nature solidement appropriée."

    "C’est le génie de Darwin d’avoir brisé le sens commun déterministe et mécaniste de la science de la nature en repensant dans un sens hégélien le rapport entre modifications contingentes — ou variations individuelles — et nécessité, en faisant exploser la notion d’espèce dans sa rigidité métaphysique. « Dans son œuvre qui fait époque, Darwin part de la base de faits reposant sur la contingence. Ce sont précisément les différences infinies que le hasard crée entre les individus à l’intérieur de chaque espèce, et donc les causes mêmes les plus immédiates ne peuvent être trouvées que dans le cas des plus rares, qui l’obligèrent à remettre en question le fondement passé de toute loi passée en biologie : la notion d’espèce dans sa rigidité et son immuabilité métaphysique d’autrefois » (D.N. « Contingenge et nécessité », 1882, p. 222). La sélection naturelle est le processus qui montre comment des contingences accumulées et retenues font nécessité : une nécessité de la contingence et une contingence de la nécessité."

    "Toute causalité naturelle s’enracine dans la causalité pratique du travail, de la forme de mouvement force de travail. Plus généralement, la première constatation de l’existence de la causalité — tel mouvement suivi régulièrement de tel autre — est simultanément expérience de la production par nous-mêmes de tel mouvement déterminé « en créant les conditions déterminées dans lesquelles il s’opère dans la nature ». « C’est grâce à cela, grâce à l’activité de l’homme que s’établit la représentation de la causalité, l’idée qu’un mouvement est la cause d’un autre. »C’est le travail comme activité causale-téléologique finie qui permet de transformer la constatation du « post hoc » en « propter hoc » et de surmonter le phénoménisme de Hume. Oui,« l’activité de l’homme est la pierre de touche de la causalité » (D. N. 1874. p. 232)."

    "La connaissance est bien travail général, praxis spécifique, mais elle ne dissout pas dans l’univers de ses concepts les processus matériels qu’elle s’approprie sous son mode propre. La nature même — appropriable de par la convertibilité humainement actualisée de ses formes de mouvement — ne peut se réduire à un simple objet de travail, de matériau à élaborer sans reste ni résistance. La praxis, l’activité de la force de travail, ne peut s’intérioriser toute la nature, en faire son autre déterminé comme le voulait Hegel, lequel n’avait aucune tendresse pour la nature, cet être hors de soi du concept. Engels n’est pas Hegel à qui il doit tant. C’est bien Engels qui plus haut nous rappelait que les victoires remportées sur la nature se paient trop cher si elles font de l’espèce humaine un conquérant, un maître absolu détruisant les conditions écologiques de sa reproduction naturelle physique aussi bien que biologique (D. N. p. 180-181). C’est le même Engels qui sans se réfugier dans la consolation d’une religion de la finitude pécheresse évoque la possibilité de la fin mortelle de l’humanité même passée au communisme. Le communisme, défini comme régulation raisonnable de l’échange organique avec la nature et comme association des producteurs directs et des producteurs de connaissances, doit regarder en face la perspective de la mort thermique de notre univers. L’inévitable géocentrisme doit penser aussi l’histoire du déclin de notre univers. La dialectique est un « memento mori » : « tout ce qui naît mérite de périr », répète souvent Engels."

    "L’élaboration engelsienne [réactive] le filon du matérialisme de la finitude passive mais non religieuse de Lucrèce."

    "Le travail rendu à sa pure puissance de convertibilité selon qu’il fait usage des autres formes de mouvement est bien l’équivalent du savoir absolu avec lequel il ne peut se confondre, de l’aveu même d’Engels, mais dont il ne peut se séparer."

    "Il y a donc une tension, voire une contradiction entre ce matérialisme de la limite et de la finitude et la dialecticité téléologique qui inclut la résolution des contradictions dans la voie d’un dépassement constant."

    "Énonçons quelques-unes de ces tâches héroïquement pensées par Engels.

    -Assurer la pensabilité réciproque des divers niveaux d’objectivité scientifique à partir des contenus effectifs des sciences et celle de l’appropriation pratique de la nature par le travail social [...]

    Lier le sort de la philosophie à une pratique d’expérimentation théorique par-delà le double écueil de l’hyperphilosophie et de l’empirisme, en ouvrant dans une perspective nouvelle — celle de l’hégémonie des forces de travail directes et savantes — l’idée d’une autonomie relative des divers niveaux d’objectivité inégalement développés propres à la nature et l’histoire, par-delà les dualismes opposant mécanisme et vitalo-spiritualisme."

    "Nature et histoire connaissent d’autres rythmes que celui de la dialecticité étroite et de son nécessitarisme téléologique absolu, ne serait-ce que ceux caractérisés par les processus graduels, par les dialectiques autodestructrices, les contradictions sans développement, ou à développement bloqué et indéfiniment retardé. Le développement dialectique strict ne serait-il pas après tout une rareté, une singularité et non la règle générale, tant sont spécifiques les conditions de sa réalisation optimale ?"
    -André Tosel, "Formes de mouvement et dialectique dans la nature selon Engels", in Olivier Bloch, Philosophies de la nature, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2000, 528 pages, pp.383-400.




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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

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    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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