"Tous les libraires vous le diront, le rayon ésotérisme a connu un essor sans précédent." (p.13)
" "Un grand cru", voilà pour l'ésotérisme en 2021, comme l'annonce Livres Hebdo. [...] "L'année a été très bonne pour toutes les maisons, qui enregistrent des croissances à deux voire trois chiffres. Eyrolles affiche même un insolent 300% d'augmentation de ses ventes". [...]
Chez les éditeurs généralistes, Hachette a créé une nouvelle maison d'édition, Le lotus et l'éléphant. Nombre de titres parus entre octobre 2019 et février 2023: 250, soit plus de six par mois." (p.15)
"Outre ce qui relève de l'occultisme pur et des parasciences (chiromancie, sorcellerie, voyance, numérologie, cartomancie et astrologie), on voit que s'accordent des thérapies dites alternatives ou non conventionnelles [...] Médecine ayurvédique, thérapie florale de Bach, feng shui, géobiologie, lithothérapie, naturopathie... Elles ont pour point commun de se vouloir complémentaire de la médecine traditionnelle, sinon en opposition à clle-ci. Eglise (catholique) et médecine (et la science bien souvent) se voient rejetées au nom d'un même principe, l'union de l'âme et du corps. [...]
La quête spirituelle passe désormais par la recherche du bien-être, véritable signe des temps. [...] On ne sauve plus son âme, on sauvegarde son corps ; finie la pénitence, vive l'optimisation ! Où nous retrouvons notre ami le développement personnel. Le mouvement remonte à loin: dès les années 1960 le sociologue allemand Thomas Luckmann fait état d'une "nouvelle "forme sociale de religion" " guidée par le principe de la "réalisation personnelle"." [...]
La réincarnation, qui séduit de plus en plus de personne, n'invalide pas la thèse, car elle est vécue comme une opportunité d'amélioration continue de soi. [...] L'individu et son intériorité déterminent le sens des expériences vécues et recherchées au détriment d'une transcendance ou d'un au-delà. Tout à l'inverse de la tradition chrétienne de contrition, de péché et de pénitence, le Soi est réhabilité, corps et âme. "Ton corps est un temple", ai-je entendu dire une fois sur un ton de sotte componction. Objet de tous les soins et de toute l'attention, sa connaissance permettrait d'acquérir cette fameuse authenticité dont on nous rabat les oreilles. Authenticité du Soi, donc intérieure, et authenticité des expériences, des autres, du monde, donc extérieure. Les deux s'accordant dans une évidence chaleureuse. Cette évidence étant par nature indémontrable, il faudra la ressentir au fond de son être, ou faire comme si." (pp.20-21)
"Comme le souligne Massimo Introvigne, l'un des meilleurs spécialistes du New Age [...] Il relève "une forme particulière -et particulièrement radicale- de relativisme". Ce relativisme "soutient non seulement que chacun de nous a sa vérité, mais que chacun de nous peut littéralement "créer sa réalité", dont il sera par conséquent autorisé à poser les critères de vérité et les lois". Créer son univers, créer son monde, créer sa réalité, autant de façons de formuler un trait de l'individu contemporain qui [...] se dégage des appartenances." (p.35)
"L'anthroposophie et [l]es écoles Steiner-Waldorf [se décrite par Jean-Baptiste Malet comme] une "discrète internationale de l'ésotérisme". En France, ces écoles jouissent de la considération ingénue de tous ceux qui font montre d'un mépris souverain vis-à-vis de l'école publique républicaine. L'anthroposophie ne relève pas du New Age, mais elle en est une des sources, de même que la théosophie. Outre une pédagogie "alternative" qui a déjà fait l'objet de multiples signalements pour dérive sectaire, elle inspire également l'agriculture biodynamique et contrôle la marque de produits cosmétiques Weleda. Le but de l'anthroposophie est de "régénérer spirituellement" ses membres. Homéopathie et injections diverses (notamment d'Iscado, une préparation à base de gui censée agir sur les tumeurs cancéreuses) s'ajoutent aux pratiques divinatoires." (pp.37-38)
"[La croyance à un futur extramondain chez] les plus de 18-34 ans passe de 20% en 1998 à 32% en 2018. [...] C'est chez les moins diplômés (souvent les catégories populaires) que la progression est la plus forte, puisqu'elle atteint 67%." (p.44)
"La croyance peut se définir comme étant liée à des représentations ou à des connaissances auxquels on donne un assentiment ou un degré variable de certitude. Mais le nombre élevé des types de croyances peut faire douter de la possibilité même de se référer à cette seule notion. On sait d'emblée que croire qu'il fera beau demain n'est pas du même registre que croire que la chair et le sang du Christ sont présents au cours de l'eucharistie. Qui plus est, le terme de croyance désigne à la fois ce que ressent le sujet qui croit et l'objet de son assentiment. Dans quelle mesure parlera-t-on alors d'un sentiment, d'un besoin ou d'une volonté ? Si je crois qu'il fera beau demain, je n'en suis pas certain ; si je crois que le Christ est ressuscité, il faut que je le croie vraiment sinon je ne suis pas un bon chrétien. Dans certains cas, je n'aurais rien à arguer hormis la sincérité de ma croyance ; dans d'autres, je pourrais énumérer les raisons qui motivent ma conviction.
Les croyances ont une prétention à la vérité. [...]
Selon le philosophe Charles Sanders Peirce, sa fonction étant de "produire des habitudes d'action", la croyance possède une importance force d'inertie. [...] Inertie donc, adaptation du besoin, tout le pragmatique de nos existences, du plus profane au plus sacré, est ordonné par nos croyances. [...]
Les croyances ne sont pas [...] causés ou imposées de façon simple et directe par la société. Il faut qu'elles fassent sens pour l'individu qui se les approprie. Il y a là certes la possibilité d'une tranquillité conformiste. Elle est la plupart du temps préférable au doute et, entre l'absolument certain et l'indubitablement faux, se trouve tout l'espace potentiel des croyances, autant de points d'appui dans l'existence.
Cette nature relationnelle des croyances vis-à-vis du monde s'exerce également entre l'individu et l'objet de sa croyance. Celle-ci, en tant que faculté, n'est donc pas un état mais une attitude. Elle conduit à agir. Quand bien même action il n'y aurait pas, le comportement est influencé par les croyances. [...] Autre mode d'exercice de la raison, notre capacité à prendre du recul par rapport à nos croyances, quitte à affirmer croire ce que nous ne croyons pas ou encore à croire par autosuggestion. Quant aux prophéties autoréalisatrices, elles mènent de la volonté de croire une chose à la réalité de celle-ci puis à la possibilité de la croire vraie. Ces cas particuliers mis à part, nos croyances sont involontaires, même si nous pouvons les conserver tout en sachant qu'elles sont bancales et incertaines. [...]
Il est préférable, pour un certain nombre de sociologues, de parler du "croire" afin de rendre compte de l'intentionnalité et de la dimension d'expérience de la croyance. [...] Croire, c'est certes avoir des croyances, mais c'est aussi adopter un comportement, vivre une expérience." (pp.52-55)
"Une particularité est revenue de manière constante dans les échanges que j'ai pu avoir avec de nombreux clients du rayon ésotérisme [...] Quand je m'enquerrais, avec moult précautions, de leur recherche, de son objet, de son but, de ce qu'ils ou elles en retiraient, la même réponse revenait: "oh, c'est juste comme ça, pour s'amuser", ou bien "Juste pour voir", "Pour le fun". En un mot comme en cent: ils n'y croient pas. Ou pas vraiment, ou par intermittence. Michel de Certeau parlait de la "faiblesse de croire". Ici, on se trouve face à une mollesse du croire." (p.57)
"Le zozotérisme actuel prend son sens dans un mouvement bien plus global que nous avons retracé: désinstitutionnalisation et désaffiliation liées à la perte d'influence des religions traditionnelles, ouverture d'un marché des biens de salut, autonomie revendiquée des individus, psychologisation des contenus spirituels et résurgence des thèmes du New Age. La contradiction apparente qui s'installe entre un long désanchantement du monde et un retour du religieux au cours des années 1980 a surpris bien des observateurs (l'islam radical étant sa forme la plus spectaculaire). A cela s'ajoutent, d'un côté, le triomphe de la raison technicienne et l'arraisonnement du monde qui s'est ensuivi par l'exploitation capitaliste ; de l'autre, la prise de conscience de dangers vitaux pour le vivant." (p.59)
"Il semble que le besoin de croire perdure, au-delà de la rationalité, au-delà de la démagification et de l'utitilitarisme général de nos sociétés. Mais si auparavant ce croire était donné d'office, si l'on peut dire, dans le cadre familial et social, l'autonomie de l'individu, réfractaire à toute parole d'autorité, lui enjoint désormais de trouver seul son chemin spirituel." (pp.59-60)
"Comme l'a montré Paul Veyne chez les Grecs, l'adhésion totale est rare et il subsiste un écart, un jeu entre ce qui se dit et ce qui se fait. Ainsi que nous l'avons vu, il existe également différents types de croyances, différentes façons de croire, de la plus évidente à la plus contournée. [...] Sebastian Dieguez a émis une hypothèse fort plaisante. A côté de la notion de croyances, il introduit la notion de "croivances", soit des croyances qui n'en sont pas vraiment, des similicroyances. Elles possèdent entre autres attributs le fait d'être conscientes, volontaires, choisies. Et à la différence des croyances que l'on pourrait dire de premier type, les plus simples (je crois que le soleil se lèvera demain comme à son habitude, je crois que mon lieu de travail sera au même endroit qu'à l'accoutumée, etc.), elles n'entendent pas refléter l'état du monde. La croivance n'est pas dirigée vers le réel, mais "tend plutôt à être orientée sur elle-même, sur le fait que nous l'avons et pouvons le faire savoir aux autres". Les croyances sont adaptatives puisque pragmatiques et faites pour vivre le mieux possible dans les environnementaux familiaux, sociaux, professionnels ; elles entretiennent un lien avec la vérité brute du réel. Les croivances, en revanche, sont fluides ou rigides selon les besoins et relèvent donc non de la nécessité mais de l'arbitraire.
En outre, la plupart du temps, elles sont simplement déclaratives, sans rapport avec l'activité quotidienne [...] Contrairement aux croyances de premier type, irréfléchies, les croivances seraient donc conscientes et volontaires: " [...] La croivance n'est pas quelque chose qui nous vient spontanément à l'esprit sans que nous l'ayons déjà entendue quelque part ou sans avoir pris la peine, en quelque sorte, de l'inventer. Ce n'est pas le cas des croyances ordinaires, dont il n'y aurait aucun sens à dire que nous les "inventons"." Et, "sur un plan psychologique, les croivances engagent une phénoménologie affective centrée sur des sentiments sociaux comme la fierté, l'authenticité, la honte, la moralité ou l'antagonisme, tandis que les croyances évoquent des affects épistémiques comme la surprise, le regret, la confiance".
[...] [Les croivances] ne se soutiennent que d'elles-mêmes [...] elles appliquent le vieux schéma de la pensée positive tel qu'il a été asséné par exemple par Norman Vincent Peale: "Il faut visualiser la vérité désirée plutôt que la réalité". En substance, c'est à force de vouloir que les choses arrivent qu'elles arriveront, la puissance de la volonté changera la réalité. Cette déconnexion du réel peut conduire à la détresse ceux qui imputeraient à la faiblesse de leur volonté l'insistance avec laquelle celui-ci demeure imperturbable en dépit de leurs voeux pieux." (pp.60-62)
"Face à une modernité essentiellement occidentale, accusée de tout niveler, traditions, valeurs, appartenances, et de faire perdre les repères existants, émerge le besoin de retrouver ancrages et certitudes. Alors que la part d'utopie, reprise un temps à son compte par la politique, s'affaiblissait avec le reflux de l'idée communiste et l'installation de la vision gestionnaire du néolibéralisme, la tolérance vis-à-vis d'autres formes de religiosité s'est fait jour." (p.66)
" [Le chamanisme] se rencontre "à l'état de système central chez les peuples qui partagent les traits suivants: forte tradition de chasse, faible démographie, organisation égalitaire et absente de pouvoir central". Il est "fondé sur une conception animiste du monde qui attribue à des entités naturelles une forme de subjectivité, ce qui permet d'établir des relations avec elles -notamment avec les esprits des espèces gibier pour pouvoir chasser". Quoi de plus diamétralement opposé à nos sociétés ?
Et pourtant, le chamanisme, ou plutôt l'idée que l'on s'en est fait (c'est-à-dire comme la forme originelle de rapport au sacré, dans une relation belle et harmonieuse avec ce que l'on appelle la nature), est devenu à la mode ; on voit des chamans partout." (p.67)
"Des entrepreneurs en chamanisme se sont chargés de propager la bonne parole et de la commercialiser, les plus connus étant Michael Harner (avec sa Foundation for the Shamanic Studies) et Carlos Castaneda. Ici comme ailleurs dans le New Age, les stages payants ont remplacé les projets communautaires. [...]
On retrouve également un rapport à l'irrationnel [...] comme accès à la vérité des choses. Le chaman, l'Autre, fascine, tout comme le poète, l'artiste, le voyant fascinaient les romantiques qui les figuraient comme voyageant entre deux mondes. Cette façon d'esthétiser le monde, qui est aussi celle de la pensée transcendantaliste américaine (avec notamment Henry David Thoreau et Ralph Waldo Emerson), ranime subrepticement le mythe du bon sauvage." (pp.68-69)
"Les participants à la course au ridicule améliorent toujours leurs records. [...] La société de coaching Wakan, établie en Suisse, a lancé un nouveau programme de formation il y a peu "Profession chaman d'entreprise". Selon la brochure de présentation, "le chaman est celui qui lit les informations intangibles ou invisibles et les ramène pour servir sa communauté. Par extension, le chaman d'entreprise lit et ramène les données et dynamiques subtiles ou cachées pour les transmettre à ses clients: coachés, équipes, ou organisation, les aidant à anticiper, décider". Que l'on en fait de belles choses "par extension" ! [...] On voit comment le zozotérisme imprègne désormais notre société, y compris le monde professionnel, censé être celui de la rationalité et de l'efficacité.
C'est qu'il est une chose que l'on ne peut tolérer, une chose face à laquelle toutes les énergies sont déployées, toutes les armes recherchées, toutes les ressources mobilisées. Cette chose, c'est l'imprévu. L'imprévu, l'inattendu, l'aléa, l'accidentel, le fortuit, autant de termes pour désigner la grande menace [...] La quantophrénie, la manie de tout calculer, chiffrer, programmer, relève selon moi de la même pulsion de contrôle que celle qui consiste à réduire le hasard à une mauvaise lecture des "signes". C'est notre nouveau mythe de Sisyphe: tout faire pour contrôler un monde qui se dérégularise de plus en plus. Et ce monde-là ne laisse pas nos subjectivités intactes." (pp.70-71)
"Age des adeptes: ils sont jeunes. Faudrait-il en déduire que ce trait juvénile serait prompt à s'effacer la maturité venant ? Il y aurait là un effet générationnel combinant souci écologique, désarroi face au marché de l'emploi et tentative de réenchantement d'une société de consommation vaine. Cet aspect des choses n'est pas à négliger. On sait que l'adolescence, qui ne cesse de se prolonger, est une période où l'affirmation de soi passe par des désirs d'opposition et le recours à des références partagées entre pairs. Il est de bon ton de vilipender le système pour mieux s'y insérer ensuite, ce qui s'apparente à une crise d'adolescence socialement tolérée.
Cependant, le zozotérisme est aussi socialement différencié. On ne cherche pas la même chose selon sa position ou ses ambitions sociales. Véronique Altglas a pu ainsi étudier le cas de deux membres du Centre de la Kabbale, qui prêche une réinterprétation de la mystique juive à des fins de développement personnel. La première personne, Daren, 38 ans, a fait des études de comptabilité et a rejoint un hedge fund après avoir travaillé dans une banque. La seconde, Catherine, une femme de 53 ans, vient d'un milieu ouvrier et vit dans l'arrière-boutique de son magasin de retouche à la prospérité déclinante. Leur attitude vis-à-vis de l'enseignement dispensé est différente: "assurance et pragmatisme pour l'un, et pour l'autre, l'incertitude et une allégeance fervente". Car si Daren semble recevoir les "dons de Lumière" en abondance (il a rencontré sa femme au centre, a connu une évolution de carrière), ils se font attendre pour Catherine qui doute d'elle-même. De fait, Daren naturalise ce qui lui arrive de bénéfique et met sur le compte des "dons de Lumière" la valorisation de son capital économique, social et culturel, dans un centre qui pratique une endogamie sociale, alors que la seconde attribue son manque de rétribution à l'insuffisance de son engagement. [...]
Daren voit ainsi confirmés ses choix, ses valeurs et son habitus de classe, tandis que Catherine entérine sa position en réduisant ses projets et ses ambitions [...] La stratification sociale se trouve confirmée.
Les recherches ont montré que les spiritualités alternatives étaient principalement prisées par une catégorie sociale possédant un certain niveau scolaire, un premier diplôme universitaire. Les recompositions sociales liées à l'essor du néolibéralisme ont fragilisé ce classes moyennes qui, d'une part, voient leur capital scolaire démonétisé du fait de la massification de l'enseignement supérieur, et d'autre part ne peuvent plus accéder à des postes autant rémunérés et aussi stables qu'auparavant. Cette fragilisation s'est accompagnée de l'individualisation des carrières, présentée comme le triomphe de l'autonomie. On sait ce que cela entraîne en matière d'aliénation de soi. Parce que l'individu contemporain ne reconnaît d'autre autorité que la sienne propre, il est contraint d'en subir également les conséquences. D'où sa quête permanente de ressources, qu'elles soient psychologiques, thérapeuthiques ou spirituelles." (pp.72-73)
"Ce spirituel-là est surtout émotionnel et psychologisant, corporel et ludique, bienveillant (bien-pensant) et connecté. Connecté à ses émotions, connecté aux arbres, à la nature, à l'univers, à son enfant intérieur et surtout à soi-même.
Ce qui se joue là n'est donc ni une toquade d'adolescent ni l'accession à une liberté débarrassée des dogmes, mais bien la prise en charge du sacré par le marché." (p.76)
"La longue tendance à se libérer des pesanteurs institutionnelles, si elle a pu laisser croire à un gain d'autonomie substantiel, laisse démunis bon nombre de nos contemporains désaffiliés. En France, les rapports de la Miviludes, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, se suivent et s'assombrissent. Celle-ci a été saisie 4020 fois en 2021, soit une progression de 33.6% par rapport à 2020, avec une augmentation de plus de 44% entre 2018 et 2021 et de plus de 86% entre 2015 et 2021." (p.79)
"C'est une forme de contre-discours [ésotérique] qui se construit désormais. Il est placé sous le signe de la méfiance: vis-à-vis du politique, des média et de tous les discours institués. On a vu récemment outre-Atlantique (avec, spectaculairement, l'assaut contre le Capitole) quels effets pouvaient produire ce contre-discours dont l'assise est essentiellement populaire. Il s'enorgueillit d'une dimension contestataire qui ne fait que prôner un retour vers un passé mythifié, dans une communauté purifiée. Il y a eu, avec la pandémie de Covid-19, une forme d'agrégation désignant d'un coup la somme de ses ennemis, ceux du "discours officiel", de l' "establishment", en gros des élites. C'est parce que le rapport aux savoirs reconnus s'est modifié ces dernières années que ce type de discours, jusque-là confiné aux marges de l'espace public, est maintenant plus légitime." (pp.80-81)
-Thierry Jobard, Je crois donc je suis. Le grand bazar des croyances contemporaines, Paris, Éditions Rue de l'échiquier, 87 pages.